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Rapport définitif - Rapport No. 284, Novembre 1992

Cas no 1636 (Venezuela (République bolivarienne du)) - Date de la plainte: 31-MARS -92 - Clos

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  1. 93. La plainte figure dans une communication de la Fédération des syndicats de pilotes et aviateurs professionnels du Venezuela (FESPAVEN) en date du 31 mars 1992. Le gouvernement a répondu par une communication datée du 24 août 1992.
  2. 94. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 95. La Fédération des syndicats de pilotes et aviateurs professionnels du Venezuela (FESPAVEN) allègue dans sa communication du 31 mars 1992 que, bien qu'il existe un contrat collectif entre la compagnie Aerovías Venezolanas SA (AVENSA) et l'Association syndicale des pilotes d'AVENSA (ASPA), une situation anormale, qui annule ou affaiblit le droit d'organisation et de négociation collective, s'est instaurée: les actionnaires de la compagnie AVENSA ont constitué une autre entreprise, dénommée SERVIVENSA, qui dessert les mêmes destinations qu'AVENSA en servant d'appoint aux vols de cette dernière et en ayant recours aux pilotes engagés par elle.
  2. 96. La FESPAVEN explique que la nouvelle entreprise (SERVIVENSA) engage les pilotes à titre personnel, les amenant à créer et à déclarer une société anonyme qui est responsable civilement, transformant ainsi chacun des pilotes en une entreprise et leur faisant assumer - à l'égard de ceux auxquels ils font appel pour l'exécution du service - les obligations qui incombent aux employeurs en vertu de la loi organique du travail et des autres lois sociales et fiscales.
  3. 97. La FESPAVEN ajoute que la situation créée par les contrats individuels signés avec les pilotes par SERVIVENSA présente les caractéristiques suivantes: disparition des droits professionnels et sociaux prévus dans les contrats de travail réglementés par la loi organique du travail (journées libres, jours fériés, repos, congés, etc.); engagement illimité du pilote à l'égard des tiers sur le plan de la responsabilité civile; paiement à la charge du pilote du transport, des repas, des frais d'hôtel, des uniformes et des cotisations de sécurité sociale; absence de limite légale au nombre d'heures de vol, étant donné qu'il s'agit d'un travail à forfait (bien que cette anomalie soit officiellement "couverte"); absence de sécurité aérienne au regard de la loi sur l'aviation civile; enfin, non-respect des normes de l'OACI et de l'OIT. En revanche, les pilotes qui sont soumis à ce régime reçoivent 40,91 dollars des Etats-Unis de l'heure, alors que ceux auxquels s'applique la convention collective conclue entre AVENSA et l'ASPA ne reçoivent que 14,54 dollars des Etats-Unis de l'heure.
  4. 98. Enfin, la FESPAVEN signale que le XXe Congrès de l'Organisation internationale des pilotes (mars 1992) a adopté une résolution hostile à ce type de contrat, qui menace sérieusement l'existence de la convention collective entre AVENSA et l'Association syndicale des pilotes d'AVENSA, ainsi que l'existence du syndicat.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 99. Dans sa communication du 24 août 1992, le gouvernement nie qu'il y ait eu violation de la convention no 87 et de la législation nationale et fait valoir que, selon l'article 84 de la Constitution de la République qui garantit la liberté de travail, les pilotes de l'AVENSA ont unilatéralement décidé de travailler avec la compagnie SERVIVENSA. Cette nouvelle forme de relation de travail correspond tout à fait (sans que l'on en déduise pour cela que la négociation collective et le syndicat n'ont plus lieu d'être) à celle envisagée à l'article 55 de la loi organique du travail, qui se lit comme suit:
    • L'entrepreneur, c'est-à-dire la personne physique ou morale qui se charge par un contrat d'exécuter par ses propres moyens des travaux ou des services, n'est pas considéré comme un intermédiaire, la responsabilité du bénéficiaire du travail ou du service n'étant donc pas engagée sur le plan du droit du travail.
    • Cette disposition ne s'applique pas à l'entrepreneur dont l'activité est inséparable ou dépendante de celle du bénéficiaire du travail ou du service.
    • Cela signifie que pour qu'il y ait responsabilité solidaire en matière de droit du travail entre les parties contractantes, c'est-à-dire entre SERVIVENSA et l'entreprise constituée et enregistrée par le pilote pour négocier les relations commerciales et de travail avec SERVIVENSA, il faut que l'objet des deux entreprises soit assimilable du point de vue de la législation du travail. Si l'objet en question est indissociable ou connexe, d'après l'article 55(2) de la loi organique du travail, l'entreprise bénéficiaire du service répondra solidairement avec l'entreprise constituée par le pilote en cas d'inexécution par celui-ci des obligations qui découlent des relations de travail avec les personnes appelées à fournir des services avec l'entreprise légalement constituée et enregistrée par le pilote pour exécuter un travail pour le compte de SERVIVENSA. Par conséquent, l'organisation plaignante ne peut faire valoir devant le Comité de la liberté syndicale qu'il y ait eu violation de la liberté syndicale pour inexécution des obligations en matière de travail; dans la mesure où la situation de l'"entrepreneur" est envisagée dans la loi organique du travail, elle relève de l'ordre public et il est obligatoire de s'y conformer.
  2. 100. Le gouvernement considère que l'organisation plaignante n'aurait pas dû faire appel au Comité de la liberté syndicale à propos de ce nouveau type de relation juridique entre SERVIVENSA et l'entreprise constituée par le pilote, sans avoir d'abord exercé les recours ordinaires auprès des tribunaux, afin que ces derniers décident si la situation envisagée à l'article 55 de la loi organique du travail ou, à défaut, celle de l'intermédiaire - également visée par la loi comme nous l'avons vu - est applicable au cas considéré. S'il en est ainsi, ces travailleurs continuent de bénéficier de la négociation collective en vigueur, du fait de l'activité inhérente ou connexe des parties contractantes.
  3. 101. Le gouvernement déclare par ailleurs que la loi organique du travail dispose que "nul ne peut être obligé ni contraint, directement ou indirectement, à faire partie ou non d'un syndicat". L'article 8 de la convention no 87 dispose également que les organisations syndicales, dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention, sont tenues, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité. Ainsi, de l'avis du gouvernement, si les pilotes syndiqués constituent des entreprises pour exercer une fonction déterminée, ils ont recours à une possibilité qui est envisagée dans la législation vénézuélienne et à laquelle le ministère du Travail ne peut s'opposer, parce que cela fait partie du jeu de l'offre et de la demande et relève de situations prévues, par exemple dans le Code de commerce et les textes relatifs à la liberté du travail et à la liberté d'organisation. L'entreprise SERVIVENSA applique, conjointement avec les pilotes, les dispositions qui sont envisagées dans le Code de commerce et dans la loi organique du travail.
  4. 102. Sur la base de ce qui précède, le gouvernement conclut en déclarant que les pilotes qui constituent leur propre entreprise pour fournir des services à titre d'entrepreneurs pour le compte de SERVIVENSA n'ont à aucun moment violé la convention no 87, non plus que la Constitution de la République et la loi organique du travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 103. Dans le cas présent, l'organisation plaignante déplore les répercussions, en matière de syndicalisation et de négociation collective, du changement de régime juridique applicable aux travailleurs (en l'occurrence, aux pilotes) d'une entreprise (AVENSA) affiliés à un syndicat, assujettis à la législation ordinaire en matière de contrats de travail et au bénéfice d'un contrat de travail, lorsqu'ils acceptent d'être des entrepreneurs pour le compte d'une filiale (SERVIVENSA) de l'entreprise où ils travaillent, en devenant parties à un contrat commercial de prestation de services. Ce contrat commercial implique une rémunération supérieure à celle qu'ils percevaient antérieurement mais en même temps - selon l'organisation plaignante - des conditions de travail inférieures à celles prévues dans la législation ordinaire et dans la convention collective (heures de vol, congés, etc.). Le gouvernement a fait valoir pour sa part que la liberté de travail est garantie par la Constitution, que les contrats commerciaux de prestation de services sont envisagés dans la législation en vigueur, que les "travailleurs dépendants" des pilotes entrepreneurs sont protégés par la législation du travail et par la convention collective, et que l'entreprise SERVIVENSA applique, conjointement avec les pilotes, des dispositions qui sont envisagées dans le Code de commerce et dans la loi organique du travail. Le comité observe néanmoins que le gouvernement n'a pas nié l'existence d'une gamme très large de conditions de travail applicables aux pilotes entrepreneurs, inférieures à celles que prévoient la législation du travail et la convention collective.
  2. 104. Le comité est conscient que cette nouvelle forme de contrats proposée par la société SERVIVENSA aux pilotes pourrait aboutir à la diminution du taux de syndicalisation dans le secteur d'activité, si un nombre important de pilotes d'AVENSA affiliés à l'organisation ASPA devenaient parties à titre d'entrepreneurs aux contrats spéciaux de prestation de services avec SERVIVENSA. Il s'agit là d'une situation que le comité ne pourrait que déplorer.
  3. 105. Néanmoins, le comité doit constater que l'organisation plaignante n'a pas fait mention dans sa plainte de pressions exercées contre les pilotes pour qu'ils signent des contrats commerciaux avec la société SERVIVENSA. Il semble donc que le choix des pilotes qui ont accepté de signer ces contrats commerciaux ait été opéré librement. Par ailleurs, le comité relève que ces contrats ne sont pas proposés par la société AVENSA, partie à la convention collective signée avec l'Association des pilotes, mais par une autre entreprise (SERVIVENSA) même si celle-ci est une filiale de la précédente. La convention collective reste donc pleinement en vigueur pour les pilotes qui ont choisi de rester salariés de la société AVENSA.
  4. 106. Dans ces conditions, tant que la convention collective en vigueur entre AVENSA et l'Association des pilotes ne voit pas son application remise en cause, le comité ne peut conclure à une violation des principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 107. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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