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- 67. Par des communications respectivement datées des 8 avril et 12 mai 1992, la Confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT) et l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) ont présenté des plaintes en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Togo. La CNTT a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 22 avril 1992.
- 68. A sa réunion de février 1993 (voir 286e rapport, paragr. 10), le comité a observé que, en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte concernant ce cas, il n'avait toujours pas reçu les observations et informations du gouvernement. Le comité a attiré l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l'affaire en instance, même si les observations du gouvernement n'étaient pas reçues à temps. Depuis cet appel pressant, le comité n'a reçu aucune réponse du gouvernement sur cette affaire.
- 69. Le Togo a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
- 70. Dans sa communication du 8 avril 1992, la Confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT) allègue des actes d'ingérence de la part des autorités togolaises dans ses affaires internes et sa gestion.
- 71. L'organisation plaignante allègue plus particulièrement qu'elle a fait l'objet, sans aucune forme de procès, d'un partage imposé de ses locaux, la Bourse du travail, avec le Collectif des syndicats indépendants (CSI) qui regroupe trois autres centrales syndicales. Elle est d'avis que cette décision des autorités constitue une entrave grave à la liberté syndicale et une violation de l'article 3 de la convention no 87 ainsi que du Code du travail togolais, et que les problèmes syndicaux dans le pays doivent être réglés par les syndicats eux-mêmes, sans ingérence de la part du gouvernement. La CNTT joint à sa plainte des copies de lettres qu'elle a adressées au ministre de l'Emploi, du Travail et de la Fonction publique pour protester contre ce partage obligatoire et pour proposer au gouvernement d'examiner la possibilité d'octroyer aux centrales du CSI des locaux autres que ceux relevant de la propriété de la CNTT. Elle joint également une copie de la réponse du ministre, qui maintient sa position.
- 72. Dans sa communication du 22 avril 1992, l'organisation plaignante allègue des actes d'ingérence dans sa gestion financière. Une Commission spéciale de l'évaluation des biens de la CNTT, instituée le 25 juillet 1991 par un acte de la Conférence nationale souveraine et placée sous l'autorité du gouvernement de transition, et qui est chargée de l'inventaire et de la gestion des patrimoines de la CNTT, a demandé à celle-ci, dans le but de sauvegarder ses actifs, de lui restituer certains fonds (valeurs de caisse, loyers, redevances de location, fonds retirés des unités de production de la CNTT et paiements des employeurs au titre du check-off). L'organisation plaignante indique aussi que cette commission a demandé aux banques d'annuler les signatures des membres de son Bureau exécutif sur le compte de certaines de ses unités de production (Centrale CNTT, Hôtel de la Bourse, Coopsynto). Enfin, elle indique que, suite à la demande de la commission, l'Union togolaise de banque à Lomé a gelé tous les mouvements financiers de la CNTT dans ses livres, mais que, compte tenu de la nécessité d'assurer les dépenses courantes auxquelles doivent faire face les salariés employés dans les divers organismes gérés par la CNTT, les comptes de l'Hôtel de la Bourse et de la Coopérative syndicale ont été dégelés.
- 73. Dans sa communication du 12 mai 1992, l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) allègue que le gouvernement togolais a violé les conventions nos 87 et 98 en prenant la décision de geler les comptes bancaires de la CNTT, en saisissant arbitrairement un stock de ciment appartenant à la CNTT et en intimant à la CNTT l'ordre de partager ses locaux syndicaux avec des organisations syndicales togolaises nées à partir d'une dissidence créée au sein de la CNTT et entretenue par les autorités.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité
- 74. Le comité regrette que le gouvernement, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, et bien qu'il y ait été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, n'ait pas formulé ses commentaires et observations à propos des allégations des organisations plaignantes.
- 75. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 du 127e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de cette affaire en l'absence des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.
- 76. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée à l'OIT pour l'examen des allégations faisant état d'atteintes à la liberté syndicale est d'assurer le respect de celle-ci, en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître de leur côté qu'il importe, pour leur propre réputation, qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
- 77. Pour ce qui est du partage des locaux syndicaux de la CNTT (Bourse du travail), le comité note que, selon l'organisation plaignante, le partage de ce bâtiment, dont il se proclame propriétaire, est imposé par le gouvernement. Il ressort toutefois des informations dont le comité dispose (documents joints en annexe par l'organisation plaignante) que, d'après le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Fonction publique, la Bourse du travail n'est pas une propriété de la CNTT et que celle-ci n'en a eu que la jouissance au nom de tous les travailleurs togolais. Le ministre estime également, toujours d'après ces mêmes documents, que tant que la CNTT était la centrale syndicale unique affiliée au parti unique, elle pouvait prétendre à la jouissance exclusive mais qu'en raison de l'instauration du pluralisme syndical et de la démocratisation du pays tous les travailleurs, quels que soient les syndicats auxquels ils sont affiliés, ont le droit d'être des usufruitiers des biens inaliénables que l'Etat met à leur disposition.
- 78. Le comité relève également, d'après la copie du procès-verbal fournie par l'organisation plaignante, qu'une réunion au sujet des modalités de répartition des locaux de la CNTT a eu lieu le 14 février 1992 et que, sous la présidence du ministre, des représentants du CSI et de la CNTT, ainsi que des représentants de la Commission spéciale d'évaluation, y ont participé. Il ressort de ce procès-verbal que le principe du partage équitable et proportionnel a été accepté de façon unanime par les participants. D'après la lettre du ministre, mentionnée plus haut, un accord entre l'Etat propriétaire du bâtiment et les quatre centrales syndicales usufruitières aurait été conclu en date du 15 février 1992.
- 79. Il apparaît donc que le problème posé par le présent cas est celui de la répartition des biens syndicaux entre différentes organisations syndicales à la suite d'un passage d'une situation de monopole syndical à une situation de pluralisme syndical.
- 80. Dans de tels cas, le comité a souligné l'importance qu'il attache au principe selon lequel la dévolution du patrimoine syndical (y compris les immeubles) ou, dans l'hypothèse où des locaux syndicaux sont mis à disposition par l'Etat, la redistribution de ces biens doit avoir comme objectif de garantir, sur un pied d'égalité, à l'ensemble des syndicats la possibilité d'exercer effectivement leurs activités en toute indépendance. (Voir, par exemple, 286e rapport du comité, cas no 1623 (Bulgarie), paragr. 511.) Etant donné que tel semble avoir été le but de la réunion tenue en date du 14 février 1992 entre le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Fonction publique et les différentes centrales syndicales; que le partage proportionnel et équitable des locaux de la Bourse du travail a été accepté par toutes les parties intéressées, y compris la CNTT; et que le résultat obtenu n'a pas pour effet d'interdire à la CNTT l'utilisation de la Bourse du travail, le comité considère qu'il n'y a donc pas eu violation des principes de la liberté syndicale. Il demande toutefois au gouvernement de veiller à ce que cet accord soit mis en oeuvre de façon telle que toutes les centrales syndicales puissent effectivement et librement exercer leurs activités syndicales.
- 81. Le comité note par ailleurs que des mesures concernant le patrimoine de la CNTT ont été prises ou demandées par la Commission spéciale de l'évaluation des biens de la CNTT. Il s'agit de la restitution de certains fonds de la CNTT à cette commission, d'annulation des signatures des membres du Bureau exécutif sur le compte de certaines des unités de production de la CNTT et du gel de tous les mouvements bancaires de la CNTT. Le comité note à cet égard que, compte tenu de la nécessité d'assurer les dépenses courantes auxquelles doivent faire face les salariés employés dans les divers organismes gérés par la CNTT, ces comptes ont depuis été dégelés.
- 82. Le comité admet que le processus de démocratisation dans le pays et la nouvelle situation syndicale ont exigé certaines mesures de la part du gouvernement aux fins de la redistribution des biens qui appartenaient auparavant à la CNTT parmi toutes les organisations syndicales nouvellement créées. Il estime toutefois qu'il serait souhaitable que le gouvernement et l'ensemble des organisations syndicales intéressées s'efforcent d'aboutir dans les meilleurs délais, comme cela a été le cas pour la Bourse du travail, à un accord définitif qui réglerait l'affectation du patrimoine de la CNTT afin que, d'une part, les mesures conservatoires prises par la Commission spéciale de l'évaluation des biens de la CNTT puissent être levées, et que, d'autre part, l'ensemble des organisations syndicales du pays puissent exercer leurs activités syndicales sur un pied d'égalité. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès intervenu à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 83. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Etant donné que l'accord du 15 février 1992 concernant un partage équitable et proportionnel de la Bourse du travail, conclu entre le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Fonction publique et les centrales syndicales intéressées, semble avoir comme objectif de garantir, sur un pied d'égalité, à l'ensemble des syndicats la possibilité d'exercer effectivement leurs activités, le comité considère qu'il n'y a pas eu violation des principes de la liberté syndicale. Il demande toutefois au gouvernement de veiller à ce que cet accord soit mis en oeuvre de façon telle que toutes les centrales syndicales puissent effectivement et librement exercer leurs activités syndicales.
- b) Le comité estime qu'il serait souhaitable que le gouvernement et l'ensemble des organisations syndicales intéressées s'efforcent d'aboutir dans les meilleurs délais à un accord définitif qui réglerait l'affectation du patrimoine de la CNTT afin que, d'une part, les mesures conservatoires prises par la Commission spéciale de l'évaluation des biens de la CNTT puissent être levées, et que, d'autre part, l'ensemble des organisations syndicales du pays puissent exercer leurs activités syndicales sur un pied d'égalité.