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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 299, Juin 1995

Cas no 1646 (Maroc) - Date de la plainte: 12-MAI -92 - Clos

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136. Le comité a examiné les cas nos 1640 et 1646 à sa session de mars 1994 (voir 292e rapport du comité, paragr. 579 à 613 et paragr. 614 à 632, respectivement, approuvé par le Conseil d'administration à sa 259e session (mars 1994)), au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.

  1. 136. Le comité a examiné les cas nos 1640 et 1646 à sa session de mars 1994 (voir 292e rapport du comité, paragr. 579 à 613 et paragr. 614 à 632, respectivement, approuvé par le Conseil d'administration à sa 259e session (mars 1994)), au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.
  2. 137. Par la suite, dans une communication datée du 9 mars 1995, le gouvernement a fait parvenir de nouvelles observations sur ces deux plaintes.
  3. 138. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur des cas

A. Examen antérieur des cas
  1. 139. Après la session de mars 1994, restaient en instance les allégations portant sur l'arrestation et la condamnation de M. Noubir El Amaoui, secrétaire général de la Confédération démocratique du travail (CDT), la mort violente d'un travailleur à la suite de l'intervention de la police lors d'une manifestation à l'entreprise Bahia-Baladi à Rabat et des mesures prises par la direction de la Régie autonome de transport urbain de Casablanca (RATC) et les autorités locales lors de la grève déclenchée par le personnel de la RATC, le 17 février 1992, dans le but d'obtenir de meilleures conditions d'emploi. Ces mesures comprenaient, notamment, l'embauche par la direction de la RATC de plus de 300 nouveaux salariés, la mutation arbitraire et le licenciement de grévistes, ainsi que l'emprisonnement et le jugement de MM. Nejmi Abdellatif, Kassih Abdelaziz et Touga Ahmed, militants syndicaux grévistes.
  2. 140. Lors de sa session de mars 1994, le comité avait notamment demandé les informations suivantes au gouvernement (voir 292e rapport du comité, paragr. 613 et 632, respectivement):
    • - Le comité avait noté que M. Noubir El Amaoui, secrétaire général de la CDT, avait bénéficié, à l'occasion de la fête nationale du 9 juillet 1993, d'une mesure de grâce en vertu de laquelle il avait été libéré avant l'expiration de sa peine d'emprisonnement. Toutefois, déplorant la sévérité de la condamnation dont l'intéressé avait fait l'objet, le comité avait attiré l'attention du gouvernement sur la résolution adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970 concernant les droits syndicaux et leur relation avec les libertés civiles et demandé instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect de ce principe et de fournir des indications sur la nature diffamatoire des propos tenus par le secrétaire général de la CDT.
    • - Constatant avec regret que le gouvernement n'avait toujours pas répondu aux allégations concernant la non-réintégration de fonctionnaires, et l'intervention violente de la police ayant provoqué une mort lors d'une manifestation des travailleurs de l'entreprise Bahia-Baladi de Rabat, le comité avait instamment demandé au gouvernement de fournir sans tarder les observations sollicitées.
    • - Insistant sur le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des mesures de détention et de condamnation prises à l'encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d'activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants, le comité avait demandé instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect de ce principe, et de le tenir informé du résultat de l'appel interjeté par MM. Nejmi Abdellatif, Kassih Abdelaziz et Touga Ahmed contre leur condamnation par le tribunal de première instance.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 141. Dans sa réponse du 9 mars 1995, le gouvernement indique, à propos du procès du secrétaire général de la Confédération démocratique du travail (CDT), que le Royaume du Maroc garantit le respect de la liberté d'expression. Il souligne que l'article 9 de la Constitution prévoit que la liberté d'opinion et d'expression, sous toutes ses formes, est garantie par la Constitution. Selon lui, on ne peut mettre un terme à l'exercice de cette liberté qu'en vertu d'une loi. Or il n'existe dans la législation marocaine aucune loi qui réduirait l'exercice de cette liberté, aussi bien en tant que liberté d'expression et d'opinion qu'en tant que liberté syndicale. Pour le gouvernement, la réalité de la vie quotidienne au Maroc est témoin du degré de liberté d'expression dont tous les citoyens jouissent au niveau pratique, que ce soit à travers les écrits de presse de différentes appartenances et allégeances, ou à travers les critiques et les opinions diverses qui abondent dans le discours et les interventions au cours des réunions publiques, des rencontres syndicales, politiques et professionnelles. Tout ceci se déroule sans que les personnes concernées ne soient exposées à des tracasseries, quelles qu'elles soient, soutient le gouvernement. C'est pourquoi, il n'est pas possible que l'exercice de la liberté d'expression soit une raison justifiant la condamnation, à moins que l'exercice de cette liberté ne soit accompagné d'actes répréhensibles, tels que les propos diffamatoires et les injures proférés envers autrui.
  2. 142. S'agissant de la garantie du droit aux procédures judiciaires, le gouvernement affirme que, parmi les principes de base que le Maroc s'efforce de faire respecter dans le cadre de l'Etat de droit et du respect des droits de l'homme, figure le principe selon lequel un accusé est présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit reconnu coupable, et que seule une instance judiciaire indépendante est habilitée à le juger. Des procédures judiciaires ont été établies à cet effet, dans le cadre du Code de procédure pénale. Elles visent à sauvegarder les droits des prévenus, tant au cours de la poursuite judiciaire que pendant l'exécution de la peine prononcée. Parmi les droits sur lesquels se basent ces procédures judiciaires, figurent le droit à l'assistance d'un avocat défenseur pendant le procès ainsi que le droit de faire appel devant une instance judiciaire plus élevée que la Cour qui a prononcé le jugement.
  3. 143. Pour ce qui est du droit à la constitution des syndicats sans autorisation préalable, le gouvernement indique à nouveau que le dahir (décret royal) de 1957 concernant les syndicats professionnels autorise la constitution en toute liberté des syndicats regroupant des personnes exerçant le même métier ou des métiers similaires ou connexes, par le simple fait de déposer aux bureaux de l'autorité administrative locale les statuts de ces syndicats ainsi que les listes complètes des personnes chargées de les diriger. En vertu de ce dahir, de nombreux syndicats ont été constitués dans tous les secteurs économiques, y compris dans le secteur public. Ces syndicats se rangent derrière huit centrales syndicales au moins, trois d'entre elles participant aux activités de l'Organisation internationale du Travail et de l'Organisation arabe du travail.
  4. 144. Enfin, le gouvernement assure, à propos de la réintégration des travailleurs licenciés, que 141 agents ont réintégré leur travail dans le secteur public, après avoir bénéficié de la grâce royale; leur situation administrative a donc été réglée, conformément à la loi en vigueur. Les autorités compétentes tiennent à examiner les autres cas qui n'ont pas été présentés auparavant par les syndicats concernés à la Commission spéciale pour le dialogue, créée à ce propos. Le gouvernement fait remarquer qu'un conseil consultatif a été institué afin de poursuivre le dialogue social qui contribuera à intensifier la pratique de la consultation entre les partenaires sociaux et à aider, par conséquent, à réduire les causes de conflits entre travailleurs et employeurs, en particulier les causes réelles conduisant aux licenciements.
  5. 145. Au sujet du conflit collectif à la RATC, le gouvernement indique, à propos de l'exercice du droit de grève, que ce droit est garanti par la Constitution et qu'il est exercé dans la pratique. Il ajoute que participer à une grève n'est pas en soi un acte interdit et réprimandé par la loi, c'est un acte considéré, au contraire, comme un droit constitutionnel légitime, qui doit s'exercer dans les limites du respect des autres droits constitutionnels, tels que le droit au travail.
  6. 146. Concernant la protection des représentants des travailleurs, le gouvernement affirme que la loi en vigueur donne aux organisations professionnelles des travailleurs le droit de défendre les intérêts économiques et sociaux de leurs membres, et aux représentants des travailleurs le droit d'entreprendre, à cet effet, toutes les activités légales que nécessite leur fonction représentative, y compris la défense des intérêts des travailleurs. Le gouvernement réitère, en ce qui concerne plus particulièrement la situation judiciaire de MM. Nejmi Abdellatif, Touga Ahmed et Kassih Abdelaziz, que les poursuites engagées contre eux n'étaient aucunement liées à l'exercice de la fonction de défense des intérêts des travailleurs. Selon le gouvernement, ces poursuites ont fait suite à une plainte portée à la police judiciaire par leur collègue de travail, M. Lofy Mostafa. Les personnes concernées ont elles-mêmes reconnu devant la police judiciaire avoir proféré à l'encontre du plaignant des propos injurieux, outrageants, menaçants et provocateurs, lorsqu'il a essayé de s'interposer entre elles et un chauffeur d'autobus qu'elles voulaient contraindre à faire la grève. Le gouvernement indique néanmoins que le tribunal a accordé aux prévenus des circonstances atténuantes, vu leur situation sociale et leur casier judiciaire sans antécédents, et qu'il les a condamnés à un mois de prison avec sursis malgré le fait que la loi prescrit un mois de prison ferme comme peine minimum dans ces cas-là.
  7. 147. Au sujet des sanctions disciplinaires, le gouvernement précise que l'article 12 du dahir du 29 octobre 1962, concernant la représentation des employés dans les entreprises de travaux publics, dispose que toute mesure qu'un chef d'entreprise envisage de prendre vis-à-vis d'un délégué en titre ou par intérim des travailleurs, dans le but de le muter d'un service à un autre ou d'un atelier à un autre, ou de le mettre à pied ou de le licencier, doit être notifiée à l'agent chargé de l'inspection du travail. La même procédure s'applique aux anciens délégués des travailleurs, pendant une période de six mois suivant la date d'expiration de leur mandat, s'ils font l'objet d'une mesure de mutation de leur service ou de leur atelier, ou d'une mesure de mise à pied ou de licenciement. Dans le cas où une erreur grave a été commise, l'employeur est autorisé à décider, dans l'immédiat, la mise à pied du fautif, à condition de la notifier sans délai à l'agent chargé de l'inspection du travail à qui il incombe de donner un avis motivé sur le sujet dans les huit jours suivant la réception de la notification. Il est donc interdit de prendre des mesures disciplinaires à l'encontre des représentants des travailleurs, sans appliquer les procédures judiciaires établies dans le but de leur assurer une protection suffisante contre tout acte arbitraire les visant en tant que représentants des travailleurs, affirme le gouvernement.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 148. Le comité prend note des informations et observations fournies par le gouvernement sur ces deux plaintes. Il note en particulier les assurances données par le gouvernement en ce qui concerne la liberté d'opinion et d'expression, le droit à une bonne administration de la justice, le droit des travailleurs de constituer des syndicats sans autorisation préalable ainsi que les garanties du droit de grève et du droit à la liberté du travail.
  2. 149. Le comité doit néanmoins regretter que le gouvernement n'ait pas répondu, de manière détaillée, à toutes les demandes qu'il avait formulées dans ses conclusions précédentes et qu'il se soit contenté de réitérer ses déclarations générales antérieures concernant l'exercice sans entrave de la liberté d'expression et d'opinion dont jouissent les citoyens au Maroc ainsi que sur les garanties des droits de l'homme dans les procédures judiciaires.
  3. 150. Plus précisément au sujet de la condamnation de M. Noubir El Amaoui, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni d'indications sur la nature diffamatoire des propos tenus par le secrétaire général de la CDT. Notant que l'intéressé a été libéré par mesure de grâce avant l'expiration de sa peine, le comité insiste néanmoins auprès du gouvernement sur le fait que le droit d'exprimer des opinions par voie de presse ou autrement est un des éléments essentiels des droits syndicaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 172.) Le comité rappelle à cet égard que la Conférence internationale du Travail a signalé dans sa résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles que la liberté d'opinion et d'expression, et en particulier le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit, constituent des libertés civiles qui sont essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 74.)
  4. 151. Le comité regrette également que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations relatives à la mort violente d'un travailleur qui est survenue lors d'une manifestation des travailleurs de l'entreprise Bahia-Baladi de Rabat. Il rappelle que, lorsque se sont déroulés des troubles ayant entraîné des pertes de vies humaines, l'institution, par les soins du gouvernement intéressé, d'une enquête judiciaire indépendante est une méthode essentielle pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de tels actes (op. cit., paragr. 78). Il demande donc instamment au gouvernement de diligenter une telle enquête et de le tenir informé des résultats.
  5. 152. S'agissant de l'exercice du droit de recourir à la grève, le comité note, au sujet des procédures concernant les trois syndicalistes nommément désignés par les plaignants, que le gouvernement indique que la condamnation des personnes en question n'est nullement liée à l'exercice de la fonction de défense des intérêts des travailleurs, mais qu'elle fait suite à une plainte déposée par un de leurs collègues de travail qui a voulu s'interposer entre eux et un chauffeur d'autobus qu'ils voulaient contraindre à faire grève. Le gouvernement indique à nouveau que les intéressés ont bénéficié de circonstances atténuantes et qu'ils n'ont été condamnés qu'à un mois de prison avec sursis. Le comité rappelle que le seul fait de participer à un piquet de grève et d'inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s'accompagne de violence ou d'entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, actes qui, dans beaucoup de pays, sont punis par la loi pénale (op. cit., paragr. 435). Afin de recueillir des informations supplémentaires sur le caractère pacifique ou non de l'action des piquets de grève, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l'appel interjeté par les syndicalistes qui ont été condamnés par le tribunal d'instance de Casablanca et de communiquer le texte de l'arrêt de la Cour avec ses attendus dès qu'il sera rendu.
  6. 153. Enfin, le comité note avec intérêt que le gouvernement a indiqué qu'à la suite d'une grâce royale 141 agents publics licenciés ont été réintégrés dans leur emploi. Le comité insiste cependant auprès du gouvernement sur la nécessité d'adopter des dispositions spécifiques visant à protéger les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Il demande également instamment au gouvernement de le tenir informé de toutes mesures de réintégration dans leur poste de travail des agents du secteur public qui ont été licenciés, selon les plaignants, en raison de leurs activités syndicales légitimes, qui seraient prises par la Commission spéciale pour le dialogue, dont le gouvernement fait état dans son rapport.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 154. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête judiciaire indépendante au sujet de la mort violente d'un travailleur de l'entreprise Bahia-Baladi de Rabat en 1992, lors d'une manifestation de travailleurs, afin d'éclaircir les faits, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de telles actions, et de le tenir informé du résultat de cette enquête.
    • b) Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé des résultats de l'appel interjeté par les syndicalistes qui ont été condamnés à un mois de prison avec sursis par le tribunal de première instance de Casablanca le 12 octobre 1992 et de communiquer le texte de l'arrêt de la Cour avec ses attendus.
    • c) Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé de toutes mesures de réintégration dans leur poste de travail des agents du secteur public qui ont, selon les plaignants, été licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes, qui seraient prises par la Commission spéciale pour le dialogue.
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