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Rapport intérimaire - Rapport No. 286, Mars 1993

Cas no 1650 (Pérou) - Date de la plainte: 07-JUIN -91 - Clos

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438. Les plaintes figurent dans des communications de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), de la Coalition nationale des syndicats des entreprises publiques du Pérou (CONSIDEP), de la Fédération nationale des travailleurs du pétrole et assimilés du Pérou (FENPETROL), du Syndicat national des travailleurs de la Banque nationale (SINATBAN), de la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP), du Syndicat unique de travailleurs (SEDAPAL), de la Fédération nationale des travailleurs du secteur de l'eau potable et des égouts du Pérou (FENTAP), de la Fédération nationale des travailleurs de l'entreprise nationale des ports (FENTENAPU), du Syndicat des équipages de Petrolera Transoceánica, du Syndicat unique Talara, du Syndicat Pampilla (Lima), du Syndicat des oléoducs (Piura), du Syndicat unique OP Conchán, du Syndicat des travailleurs de l'ENTEL, de la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou, du Syndicat des salariés de Petro Perú SA, de la Fédération des pêcheurs du Pérou et de l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA), datées du 7 juin 1991, des 30 avril, 15 mai, 6 juillet et 19 août 1992, et du 1er février 1993. Ces organisations ont présenté ultérieurement, dans une communication du 6 juillet 1992, des informations complémentaires et de nouvelles allégations; la Fédération des pêcheurs du Pérou, dans une communication du 25 juin 1992, et la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou, dans des communications des 14 mai, 30 juin, 14 juillet et 4 septembre 1992, ont fait de même. Dans des communications des 16 juillet et 24 septembre 1992, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et la Confédération mondiale du travail se sont jointes aux plaintes.

  1. 438. Les plaintes figurent dans des communications de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), de la Coalition nationale des syndicats des entreprises publiques du Pérou (CONSIDEP), de la Fédération nationale des travailleurs du pétrole et assimilés du Pérou (FENPETROL), du Syndicat national des travailleurs de la Banque nationale (SINATBAN), de la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP), du Syndicat unique de travailleurs (SEDAPAL), de la Fédération nationale des travailleurs du secteur de l'eau potable et des égouts du Pérou (FENTAP), de la Fédération nationale des travailleurs de l'entreprise nationale des ports (FENTENAPU), du Syndicat des équipages de Petrolera Transoceánica, du Syndicat unique Talara, du Syndicat Pampilla (Lima), du Syndicat des oléoducs (Piura), du Syndicat unique OP Conchán, du Syndicat des travailleurs de l'ENTEL, de la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou, du Syndicat des salariés de Petro Perú SA, de la Fédération des pêcheurs du Pérou et de l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA), datées du 7 juin 1991, des 30 avril, 15 mai, 6 juillet et 19 août 1992, et du 1er février 1993. Ces organisations ont présenté ultérieurement, dans une communication du 6 juillet 1992, des informations complémentaires et de nouvelles allégations; la Fédération des pêcheurs du Pérou, dans une communication du 25 juin 1992, et la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou, dans des communications des 14 mai, 30 juin, 14 juillet et 4 septembre 1992, ont fait de même. Dans des communications des 16 juillet et 24 septembre 1992, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et la Confédération mondiale du travail se sont jointes aux plaintes.
  2. 439. Le gouvernement a envoyé des observations partielles dans des communications datées du 13 novembre et 23 décembre 1992.
  3. 440. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 441. Dans sa communication du 7 juin 1991, la CGTP allègue qu'une série de règlements pris durant le second semestre de 1990 et durant 1991 enfreignent les droits d'organisation, de négociation collective et de grève. En ce qui concerne le droit d'organisation, les plaignants soutiennent que le décret présidentiel no 076-90-TR du 19 décembre 1990 modifie le décret présidentiel no 009 du 3 mai 1961 et contient des dispositions qui contreviennent aux conventions internationales du travail. Les plaignants contestent plus précisément les dispositions suivantes:
    • - l'obligation de réunir au moins 20 membres pour pouvoir constituer un syndicat de premier niveau (article 5);
    • - la fixation du nombre des membres des commissions qui représentent les travailleurs dans la négociation au niveau de l'entreprise et au niveau de la branche (alinéas a) et b) de l'article 11);
    • - l'enregistrement obligatoire des organisations syndicales auprès de l'autorité administrative du travail;
    • - la vérification du nombre des membres de chaque syndicat par l'autorité administrative du travail pour déterminer leur représentativité (alinéa c) de l'article 11);
    • - l'absence de protection juridique contre les pratiques antisyndicales de l'employeur ou de l'Etat pour les travailleurs qui exercent le droit de liberté syndicale.
  2. 442. En ce qui concerne le droit de négociation collective, les plaignants indiquent que c'est l'un des droits auxquels il a été le plus porté atteinte au cours des derniers mois, surtout dans le secteur privé. Pour ce qui est des entreprises d'Etat, les plaignants indiquent que les décrets présidentiels nos 057-90-TR du 17 août 1990 et 107-90-PCM du 24 août 1990 ont eu pour effet de bloquer les dispositions des conventions collectives en vigueur relatives aux rémunérations et aux conditions de travail (stricto sensu) qui comportent des versements accessoires en fixant des augmentations très inférieures à celles qui avaient été décidées, ainsi que d'interdire la fixation dans les nouvelles négociations collectives de niveaux de rémunération supérieurs aux maxima fixés par le gouvernement. Ultérieurement, il a été décidé, aux termes du décret présidentiel no 121-90-PCM du 28 septembre 1990, que les plafonds devaient être déterminés par la Société nationale de développement (CONADE) et la Société nationale financière (CONAFI), deux organismes gouvernementaux. L'organisation plaignante déclare que ces mesures ont été prises unilatéralement sans consultation préalable des organisations syndicales. Enfin, le décret présidentiel no 023-91-TR du 22 avril 1991 a prononcé la nullité de toutes les conventions collectives qui n'étaient pas conformes aux dispositions des décrets précités.
  3. 443. Par ailleurs, les dispositions des décrets ci-après portent gravement préjudice aux entreprises du secteur privé:
    • - le décret présidentiel no 061-90-TR du 3 septembre 1990 dispose que, dans les nouvelles conventions collectives, les travailleurs et les employeurs peuvent négocier l'octroi d'indemnités provisoires qui n'entreront pas dans le calcul des primes d'ancienneté durant la période de validité. Ce décret porte atteinte à la liberté des parties du fait que la grande majorité des conventions collectives doivent fixer le déroulement des augmentations de rémunérations car, si les parties ne parviennent pas à un accord, c'est le ministère du Travail qui prend la décision à leur place;
    • - le décret présidentiel no 067-90-TR du 8 novembre 1990 dispose que, faute d'accord entre les parties, l'autorité administrative du travail décidera une augmentation générale, prévoira une clause de sauvegarde à l'expiration du sixième mois et déterminera les conditions de travail liées à la productivité;
    • - les décrets présidentiels nos 071-90-TR du 12 décembre 1990 et 001-91-TR du 4 janvier 1991, entrés en vigueur aux dates indiquées, permettent de statuer dans les négociations collectives qui n'ont pas encore abouti à un accord entre les parties;
    • - le décret présidentiel no 018-91-TR du 11 mars 1991 habilite la direction générale du travail à statuer globalement dans les négociations qui n'ont pas abouti à un accord entre les parties, en prenant toutefois en considération certaines variables: branche d'activité, nombre de travailleurs, etc.
  4. 444. En ce qui concerne le droit de grève, les plaignants allèguent que deux textes portent atteinte à ce droit. Tout d'abord le décret présidentiel no 070-90-TR du 16 novembre 1990 relatif à la grève dans les services essentiels, dont certaines dispositions portent atteinte à la liberté syndicale et au droit de grève: il s'agit de l'article 1, qui définit les services essentiels, de l'article 2, qui donne une liste trop large des services essentiels, et des dispositions qui limitent la grève dans ces services en imposant un service minimum. Ensuite le décret présidentiel no 016-91-TR du 11 mars 1991, qui contient un règlement d'application de la loi sur la stabilité du travail dont certaines dispositions enfreignent manifestement le droit de grève. En vertu de l'alinéa b) de l'article 7, les arrêts de travail intempestifs, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise, constituent une inexécution injustifiée des obligations, qui peut être sanctionnée par le licenciement; quant à l'article 15, il dispose que le procureur compétent ou ses substituts, ou encore l'autorité policière, doivent constater l'occupation des locaux et identifier les travailleurs en cause en vue de leur licenciement.
  5. 445. Dans ses communications du 30 avril et du 14 mai 1992, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou et la Fédération des pêcheurs du Pérou ont déclaré que le gouvernement, sans avoir consulté les parties intéressées, avait adopté le 2 avril le décret présidentiel no 040-92-TR; ce dernier dispose que, à dater du 13 décembre 1991, date d'entrée en vigueur du décret législatif no 757, les conventions et accords ne peuvent prévoir de réajustement automatique en fonction des variations de l'indice des prix.
  6. 446. Les plaignants ajoutent que le décret en question impose l'obligation de remplacer les clauses de réajustement automatique des rémunérations par d'autres mécanismes tenant compte de l'augmentation de la productivité et de la production de chaque établissement, qui viendront obligatoirement à expiration dans un délai de six mois à dater de l'entrée en vigueur du décret législatif no 757 susmentionné. Le décret présidentiel no 040-92-TR a pour effet non seulement d'obliger les travailleurs à décider avec les employeurs le remplacement du système de calcul des rémunérations prévu par voie de convention collective, mais aussi de priver d'effets les conventions collectives à dater du 13 décembre 1991, date d'entrée en vigueur du décret législatif no 757, lequel contrevient à certaines conventions internationales du travail.
  7. 447. De son côté, la Fédération des pêcheurs mentionne dans sa communication du 25 juin 1992 le décret-loi no 25541, qui invalide notamment toutes les conventions collectives comportant des clauses de réajustement automatique des rémunérations en fonction de la variation des prix, des clauses de réajustement des rémunérations en fonction des taux de change et des clauses de réajustement des rémunérations similaires aux systèmes antérieurs.
  8. 448. Dans leur communication du 15 mai 1992, diverses organisations syndicales allèguent qu'un projet de loi contient des dispositions qui contreviennent aux principes de la liberté syndicale. Les plaignants contestent plus précisément les dispositions suivantes:
    • - l'obligation de réunir un nombre minimum trop élevé de travailleurs et d'organisations pour constituer des syndicats, des fédérations et des confédérations;
    • - la fixation et la réglementation du contenu des statuts;
    • - l'obligation d'avoir déjà exercé des fonctions syndicales pour être dirigeant;
    • - la restriction du champ d'application de la négociation collective, qui est limité au niveau de l'entreprise ou de la branche d'activité;
    • - la suppression du droit de négociation collective pour certains travailleurs;
    • - la présentation des revendications par branche d'activité;
    • - la remise en question de l'obligation de négocier incombant aux employeurs et la possibilité d'arbitrage obligatoire à la demande de l'une des parties;
    • - la définition du droit de grève;
    • - les modalités d'exercice de la grève;
    • - la détermination du personnel indispensable en vue de la reprise immédiate du travail.
  9. 449. Ultérieurement, dans leur communication du 6 juillet 1992, les plaignants ont indiqué que le projet mentionné dans leur communication antérieure avait été adopté et était devenu le décret-loi no 25593 du 3 juillet 1992 sur les relations professionnelles. Les plaignants affirment que certaines dispositions de ce décret-loi contreviennent aux conventions nos 87 et 98. Ils contestent particulièrement les dispositions suivantes:
    • - l'imposition autoritaire de modèles d'organisation syndicale (art. 5);
    • - l'enregistrement public, le contrôle externe et le pouvoir discrétionnaire de l'Etat de dissoudre les organisations syndicales (art. 10 et 17);
    • - les contraintes institutionnelles imposées aux organisations syndicales (art. 11);
    • - les restrictions à la liberté d'affiliation syndicale et à la désignation des représentants des travailleurs (art. 12, alinéas a) et d), et art. 24, alinéa c)):
      • l'article 12, alinéa a), du décret-loi pris par le régime imposé de facto au Pérou depuis le 5 avril dernier dispose que, pour être membre d'un syndicat, il faut travailler dans l'entreprise, l'activité, la profession ou le métier en question, selon le type de syndicat;
    • - les conditions imposées pour le maintien des organisations syndicales (art. 14):
      • l'article 14 du décret-loi no 25593 dispose que "pour pouvoir se constituer et continuer d'exister, un syndicat doit regrouper un nombre minimum d'adhérents, fixé à 20 pour les syndicats d'entreprise et à 100 pour les autres syndicats";
    • - la limitation du nombre des membres des conseils directeurs des syndicats (art. 31 et 32);
    • - la fixation à l'avance de la durée des conventions collectives (art. 43, alinéa c));
    • - la subordination de la validité des conventions collectives de branche à l'obtention d'une majorité fixée à l'avance (art. 46);
    • - la suppression des droits d'information et d'opinion (art. 55);
    • - la déchéance des droits acquis par voie conventionnelle et la suppression du principe d'autonomie collective (quatrième disposition transitoire, art. 66; art. 43, alinéa d); art. 62 à 65);
    • - le recours à l'arbitrage excluant l'exercice du droit de grève (art. 61, 62, 63, 67 et 82);
    • - le pouvoir discrétionnaire dont disposent les autorités pour mettre fin aux grèves (art. 68);
    • - les conditions imposées pour la déclaration de grève (art. 73, alinéa b));
    • - la limitation des formes de grèves jugées licites (art. 81 et 85, alinéa b)):
      • aux termes de l'article 81 du décret-loi no 25593 "les formes de grèves irrégulières ci-après ne sont pas admises: arrêts de travail intempestifs, arrêts de travail dans des zones ou des sections essentielles de l'entreprise, travail baclé, grèves perlées ou grèves du zèle, baisses délibérées du rendement, toutes formes d'arrêts de travail dans lesquelles les travailleurs stationnent dans l'établissement et en obstruent l'accès". L'article 85, alinéa c), dispose en outre que la grève est déclarée illégale quand elle se produit sous l'une des formes énumérées à l'article 81;
    • - les restrictions au droit de grève imposées dans les services publics déclarés essentiels (art. 83 et 82).
  10. 450. Dans sa communication du 30 juin 1992, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou allègue que le pouvoir exécutif, étant donné la dissolution du Parlement national et la mise sous contrôle du pouvoir judiciaire, a promulgué le décret législatif no 25541 relatif à l'interruption par voie légale de l'application des conventions collectives à dater du 13 décembre 1991. Ce décret contient les dispositions suivantes:
    • Les accords ou clauses de réajustement automatique des rémunérations cessent d'être applicables à compter du 13 décembre 1991 et le système d'indexation salariale appliqué depuis 1946 dans le sous-secteur de l'électricité nationale par voie de convention collective est supprimé; il est mis fin aux négociations collectives en cours; les parties à la négociation (ou l'autorité administrative du travail si les parties ne parviennent pas à un accord) fixeront l'augmentation générale au début des négociations; il existe une possibilité de réglementation par le ministère du Travail.
  11. 451. Par ailleurs, les plaignants allèguent que le gouvernement a enfreint le droit à la stabilité du travail en promulguant le décret-loi no 25567 du 20 juin 1992, qui déclare l'état d'urgence dans les entreprises publiques d'électricité et prévoit la résiliation des contrats de travail dans un certain délai.
  12. 452. Dans sa communication du 14 juillet 1992, la Fédération des travailleurs de l'électricité allègue, comme la CGTP et les autres organisations plaignantes, que les dispositions du décret-loi no 25593 du 2 juillet 1992 violent les droits syndicaux.
  13. 453. Dans sa communication du 4 septembre 1992, cette même fédération allègue que, depuis l'entrée en fonction du nouveau gouvernement d'urgence et de reconstruction nationale, de nombreux dirigeants syndicaux ont été incités à quitter leur emploi sous la menace d'un licenciement sans indemnité compensatoire. Elle déclare que ceux qui refusent cette démission sont inscrits sur des listes de travailleurs excédentaires dont le contrat de travail est résilié par voie de procédure administrative exécutoire. L'organisation plaignante mentionne expressément le nom de nombreux dirigeants syndicaux qui ont été licenciés ou ont dû démissionner et qui sont membres des organisations suivantes: Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou, Syndicat des travailleurs de l'électricité de Trujillo, Syndicat des travailleurs d'ELECTROPERU et assimilés, Syndicat des travailleurs d'ELECTROPERU Chachapoyas et assimilés, Syndicat des travailleurs des registres publics, Syndicat des travailleurs du ministère du Travail et de la Promotion sociale, Syndicat des travailleurs du ministère de l'Economie, Syndicat des travailleurs de l'assistance publique, Syndicat des travailleurs des postes, Syndicat des travailleurs de l'agriculture, Syndicat des travailleurs du ministère de l'Energie et des Mines, Syndicat des travailleurs de la Direction générale des contributions et Confédération intersectorielle des travailleurs du secteur public. Dans une communication du 1er février 1993, l'UITA allègue à son tour qu'en vertu du décret no 25.715 sur la restructuration et la réorganisation administrative de l'entreprise Pesca Perú, dont l'article 5 prévoit la mise en oeuvre d'un programme d'incitation du personnel à quitter leur emploi volontairement, 1.636 travailleurs et 10 dirigeants syndicaux de ladite entreprise ont été licenciés. Elle allègue également que l'entreprise aurait par la suite conclu de nouveaux contrats de travail. Enfin, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou indique qu'il a été attenté à la vie de dirigeants syndicaux; elle rappelle en particulier l'assassinat le 3 août 1992 de M. Juan Andahua Vergara, secrétaire national de l'Organisation de la Confédération générale des travailleurs du Pérou, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs des boissons et eaux gazeuses et secrétaire de l'Organisation du Syndicat des travailleurs de Coca Cola.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 454. Dans sa communication du 13 novembre 1992, le gouvernement déclare au sujet des allégations présentées par la CGTP et en ce qui concerne le droit syndical que le décret présidentiel no 009 du 3 mai 1961 a été modifié en décembre 1990 par le décret présidentiel no 076-90-TR, lequel a pour effet de simplifier l'enregistrement des syndicats en vue de leur faire obtenir le plus rapidement possible la personnalité juridique, ce qui n'est pas contraire aux conventions internationales du travail nos 87 et 98. Il déclare qu'en modifiant le nombre minimum de travailleurs exigé pour former un syndicat et en réglementant le nombre des membres des commissions qui représentent les travailleurs dans la négociation collective au niveau de l'entreprise ou de la branche d'activité ce décret a mis à jour le texte de 1961 en l'adaptant aux réalités actuelles du travail. Il ajoute que le décret-loi no 25593 (loi sur les relations collectives du travail), promulgué récemment, réglemente intégralement les droits d'organisation, de négociation collective et de grève.
  2. 455. En ce qui concerne la violation alléguée du droit de négociation collective par les décrets présidentiels nos 057-90-TR, 107-90-PCM, 121-90-PCM, 178-90-PCM et 023-90-TR, le gouvernement indique que ces décrets s'inscrivent dans le cadre du programme de stabilisation économique qu'il a mis en place pour lutter contre l'inflation et la récession qui frappent gravement les différentes branches du secteur moderne. Il indique que les mesures ainsi adoptées ont un caractère exceptionnel et ont été prises en vertu du paragraphe 20) de l'article 211 de la Constitution péruvienne, qui autorise le Président de la République à prendre des mesures exceptionnelles en matière économique et financière quand l'intérêt national l'exige. Il déclare que l'intervention de l'Etat est subordonné à l'absence d'accords entre les parties et qu'en certaines occasions cette intervention est justifiée par la conjoncture économique qui impose l'adoption de mesures économiques, financières et sociales destinées à accroître le pouvoir d'achat des travailleurs. La récente loi relative aux relations professionnelles (décret-loi no 25593) et son règlement d'application pris aux termes du décret présidentiel no 011-92-TR renforcent l'autonomie collective des interlocuteurs sociaux, surtout des travailleurs, de façon que l'insuffisance de la protection assurée par l'Etat soit compensée, dans la mesure du possible, par la négociation collective.
  3. 456. En ce qui concerne le droit de grève, le gouvernement indique que le décret présidentiel no 070-90-TR fixe des règles relatives à l'exercice de ce droit dans les services essentiels et d'autres règles qui permettent la reprise immédiate du travail une fois la grève terminée. Tout en reconnaissant le droit de grève, on soumet ainsi son exercice à des conditions telles que le fonctionnement des services essentiels, définis comme ceux dont l'interruption menace la vie, la liberté, la sécurité ou la santé des personnes et où un service minimum doit être assuré pour éviter ces risques. Le texte contesté ne porte atteinte à aucun droit consacré par les conventions internationales du travail nos 87 et 98; au contraire, le pouvoir exécutif a voulu ainsi éviter les conflits du travail qu'aurait pu susciter l'épuisement des possibilités offertes par la négociation directe. Enfin, le gouvernement indique que la loi sur les relations collectives du travail et son règlement d'application réglementent le droit de grève sur les points suivants: sa définition, les conditions de son exercice, les modalités prévues et la continuité des services publics essentiels qui doivent être assurés en cas de grève. Le système juridique du pays dispose donc maintenant d'une réglementation complète en la matière.
  4. 457. Dans sa communication du 23 décembre 1992, le gouvernement déclare enfin que le décret législatif no 757, loi visant l'augmentation de l'investissement privé, a été promulgué en vertu des pouvoirs délégués par le Congrès de la République, conformément à l'article 188 de la Constitution politique, afin de créer les conditions nécessaires à l'accroissement des investissements privés dans les différents secteurs de production et d'éliminer les entraves au développement des activités économiques et à la libre initiative privée. A cette fin, le décret prévoit que les conventions ou les accords collectifs de travail ne peuvent comporter de mécanismes de réajustement automatique des rémunérations, négociés ou liés aux fluctuations des prix ou des taux de change de monnaies étrangères. Par ailleurs, le décret-loi no 25.541 prévoit que l'application des mécanismes de réajustement salarial établis aux termes de dispositions juridiques, de conventions ou d'accords collectifs, de coutumes, de décisions ou de règlements judiciaires ou administratifs, cessera définitivement le 13 décembre 1991, date d'entrée en vigueur du décret législatif no 757. Le gouvernement précise que ces dispositions juridiques étaient nécessaires dans le cadre du programme de réformes structurelles de l'économie, entrepris par le gouvernement.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 458. Le comité observe que les présentes plaintes portent sur la non-conformité alléguée de divers textes législatifs entrés en vigueur à dater de 1990 - en particulier le décret-loi no 25593, dénommé loi sur les relations professionnelles - avec les conventions nos 87 et 98, sur le fait que de nombreux dirigeants syndicaux ont été contraints de quitter leur emploi ou licenciés et sur l'assassinat du dirigeant syndical Juan Andahua Vergara, le 3 août 1992.
  2. 459. En ce qui concerne l'aspect législatif du cas, le comité note les allégations suivantes:
    • a) le décret présidentiel no 76-90-TR du 19 décembre 1990 porte atteinte au droit d'organisation;
    • b) les décrets présidentiels nos 057-90-TR du 17 août 1990, 107-90-PCM du 24 août 1990, 121-90-PCM du 28 septembre 1990, 23-91-TR du 22 avril 1991, 61-90-TR du 3 septembre 1990, 67-90-TR du 8 novembre 1990, 071-90-TR du 11 décembre 1990, 001-91-TR du 4 janvier 1991 et 018-91-TR du 11 mars 1991 portent atteinte au droit de négociation collective dans les entreprises publiques comme dans les entreprises privées;
    • c) les décrets présidentiels nos 070-90-TR du 16 novembre 1990 et 016-91-TR du 11 mars 1991 portent atteinte au droit de grève;
    • d) la loi no 25593 du 3 juillet 1992 sur les relations professionnelles viole de nombreux principes de la liberté syndicale;
    • e) le décret-loi no 25557 du 20 juin 1992 viole le droit à la stabilité de l'emploi;
    • f) le décret législatif no 25541 met fin aux accords et clauses de réajustement automatique des rémunérations à dater du 13 décembre 1991, et c'est l'autorité administrative du travail qui fixera l'augmentation générale faute d'accord entre les parties; le décret présidentiel 040-92-TR et le décret législatif no 757 disposent que les conventions collectives ne peuvent prévoir de clause de réajustement automatique en fonction de la variation de l'indice des prix;
    • g) depuis l'entrée en fonction du nouveau gouvernement d'urgence et de reconstruction nationale, de nombreux dirigeants syndicaux ont été contraints de quitter leur emploi (dans le cadre de programmes de mise à la retraite du secteur public), ou ont été licenciés.
  3. 460. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles différents décrets et en particulier la loi no 25593 sur les relations professionnelles violent le droit d'organisation, de négociation collective et de grève, le comité prend note des observations du gouvernement selon lesquelles l'adoption de ces décrets s'est faite dans le cadre du programme de stabilité économique; il s'agit de mesures à caractère exceptionnel prises en vertu de l'autorisation accordée au pouvoir exécutif par l'article 211 de la Constitution, et la loi no 25593 sur les relations professionnelles renforce l'autonomie collective des interlocuteurs sociaux et réglemente le droit de grève. Le comité regrette que le gouvernement se soit borné à envoyer des informations très générales sur les questions que les plaignants ont exposées en détail dans leurs allégations et le prie d'envoyer le plus rapidement possible ses observations sur la totalité de ces allégations, en indiquant expressément, en outre, si la loi no 25593 a abrogé certains des décrets mentionnés par les plaignants.
  4. 461. En ce qui concerne les allégations concernant la décision du gouvernement de mettre fin aux accords ou clauses de réajustement automatique des rémunérations à dater du 13 décembre 1991, la fixation de l'augmentation générale par l'autorité administrative du travail, faute d'accord entre les parties (décret législatif no 25541), et l'interdiction future dans les conventions collectives des clauses de réajustement automatique en fonction de la variation de l'indice des prix (décret présidentiel 040-92-TR et décret législatif no 757), le comité observe qu'il a déjà examiné ces allégations dans d'autres cas. Dans ces conditions, il rappelle les conclusions formulées en mai 1992 (voir le 283e rapport, cas no 1614 (Pérou), paragr. 63), selon lesquelles il "juge contraires au principe de la négociation collective volontaire, consacré par la convention no 98, les dispositions législatives qui interdisent la négociation d'augmentations salariales venant en plus des indemnités du coût de la vie. Une telle restriction ne pourrait être admissible que si elle reste dans le cadre d'une politique de stabilisation économique, et encore ne devrait-elle être appliquée qu'à titre exceptionnel, limitée au strict nécessaire et ne pas dépasser une durée raisonnable". Le comité ajoute enfin que le recours à l'arbitrage obligatoire lorsque les parties ne parviennent pas à un accord par la négociation collective n'est admissible que pour les services essentiels au sens strict, c'est-à-dire ceux dont l'interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de tout ou partie de la population.
  5. 462. En ce qui concerne l'allégation relative aux pressions exercées sur les dirigeants syndicaux du secteur public pour les faire renoncer à leur emploi dans le cadre de programmes de mise à la retraite moyennant une compensation financière, le comité observe qu'il s'agit de mesures générales qui ne touchent pas seulement les dirigeants syndicaux, et qu'il a examiné à sa présente session des allégations similaires relatives à des programmes de rationalisation et de réduction du personnel au Pérou; il rappelle donc les conclusions formulées à cette occasion (voir le cas no 1609 (Pérou)), dans lesquelles il regrettait en particulier que le programme de rationalisation et de réduction du personnel (...) n'ait pas donné lieu à des discussions en vue d'accords éventuels avec les organisations syndicales, et qu'on ait préféré utiliser la voie du décret. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations complètes sur les allégations de licenciement discriminatoire de dirigeants syndicaux et de travailleurs dans l'entreprise Pesca Perú.
  6. 463. Le comité regrette profondément que le gouvernement n'ait pas envoyé ses observations sur l'assassinat du dirigeant syndical Juan Andahua Vergara, le 3 août 1992. Il le prie d'ordonner une enquête judiciaire pour faire la lumière sur cet assassinat et punir les coupables, et de le tenir informé à ce sujet.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 464. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de lui envoyer d'urgence ses observations sur la totalité des allégations relatives à de graves atteintes portées aux droits d'organisation, de négociation collective et de grève par différents décrets et par la loi no 25593 sur les relations professionnelles, et de lui indiquer expressément si la loi en question a abrogé certains des décrets mentionnés par les plaignants.
    • b) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu de façon complète à propos de l'assassinat du dirigeant syndical Juan Andahua Vergara et lui demande d'ordonner une enquête judiciaire pour faire la lumière sur les faits, punir les coupables, et de le tenir informé à ce sujet.
    • c) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations complètes sur les allégations de licenciement discriminatoire de dirigeants syndicaux et de travailleurs dans l'entreprise Pesca Perú.
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