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Rapport définitif - Rapport No. 294, Juin 1994

Cas no 1671 (Maroc) - Date de la plainte: 03-SEPT.-92 - Clos

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  1. 87. Le comité a examiné ce cas lors de sa réunion de mai 1993 (voir 287e rapport du comité, paragr. 469 à 489, approuvé par le Conseil d'administration à sa 256e session (mai 1993)), au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires. La Confédération démocratique du travail (CDT) a fait parvenir des informations complémentaires dans une communication du 7 décembre 1993. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations en date du 16 février 1994.
  2. 88. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 89. A sa session de mai 1993, le comité a examiné cette plainte portant sur la violation du droit des syndicats de s'exprimer et de tenir des réunions, sur des irruptions dans les locaux syndicaux et sur l'arrestation de syndicalistes. D'après les allégations restées en instance lors de cette session, les autorités de plusieurs villes auraient pénétré dans les sièges et locaux de la CDT et enlevé des affiches qui exprimaient le point de vue de la CDT sur le projet de nouvelle Constitution qui allait être soumis à un référendum pour lequel la CDT avait appelé à un boycottage. Les autorités auraient également interdit une réunion syndicale de la CDT dans la ville de Khariba, et les forces de l'ordre seraient intervenues pour empêcher la tenue de cette réunion. Des tracts relatifs au boycottage distribués par la CDT auraient également été saisis.
  2. 90. La CDT avait également fait état de l'arrestation de syndicalistes pendant qu'ils étaient en train de distribuer des tracts appelant au boycottage du référendum sur le projet de Constitution, et notamment de M. Mobarak Abdel Aziz (arrêté à Mecknès).
  3. 91. Lors de cette session, le comité avait formulé les recommandations suivantes (voir 287e rapport du comité, paragr. 489):
    • a) Afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause dans le cas présent, le comité demande à l'organisation plaignante de fournir une copie de la déclaration de son Conseil national relative au boycottage du référendum sur le projet de nouvelle Constitution, à laquelle elle a fait référence dans ses allégations.
    • b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la situation de M. Mobarak Abdel Aziz, arrêté à Mecknès.

B. Informations complémentaires de l'organisation plaignante

B. Informations complémentaires de l'organisation plaignante
  1. 92. Dans sa communication du 7 décembre 1993, la Confédération démocratique du travail (CDT) fournit une copie de la déclaration de son Conseil national relative au boycottage du référendum sur le projet de nouvelle Constitution.
  2. 93. Elle explique que, bien que l'article 9 de l'ancienne et de la nouvelle Constitution garantisse la liberté d'expression et d'opinion, dans la pratique cette liberté fait l'objet de violations flagrantes et systématiques. La déclaration de la CDT se réfère à la détention arbitraire de son secrétaire général à la suite d'une interview accordée au journal "El País" en mars 1991 (examiné par le comité dans le cadre du cas no 1640) et elle précise la position de la centrale sur le projet de Constitution ainsi que sur divers sujets de politique extérieure. Elle comporte également une critique de la politique sociale menée par le gouvernement. En particulier, la CDT mentionne à titre d'exemple de violations des droits de l'homme la poursuite judiciaire de trois quotidiens marocains qui avaient publié des informations sur le déroulement du procès du secrétaire général de la CDT. Pour ce qui est plus particulièrement du cas présent, la CDT signale que, durant la campagne électorale sur le référendum en question, toutes les organisations politiques et syndicales qui se sont prononcées en faveur du boycottage se sont vu interdire l'accès à la télévision et à la radio pour expliquer leurs positions. D'après la CDT, le gouvernement n'a jamais permis aux responsables syndicaux, soit directement ou en différé, de s'exprimer à la télévision. Cela se serait confirmé à l'occasion des élections législatives indirectes du 17 décembre 1993 pendant lesquelles le gouvernement a pratiqué une politique discriminatoire vis-à-vis des syndicats, et ce par son refus de leur permettre de s'exprimer à travers la télévision, comme cela a été le cas pour les partis politiques. Malgré une demande en ce sens adressée par la CDT au gouvernement, celui-ci n'a pas réagi. L'organisation plaignante ajoute que le ministre de l'Intérieur est également chargé du ministère de l'Information.
  3. 94. Quant à l'arrestation de M. Mobarak Abdel Aziz, la CDT indique qu'il a été relâché par les gendarmes de Mecknès.

C. Nouvelle réponse du gouvernement

C. Nouvelle réponse du gouvernement
  1. 95. Dans sa réponse du 16 février 1994, le gouvernement indique que l'enquête effectuée par les services compétents a montré que l'allégation au sujet de l'arrestation de M. Mobarak Abdel Aziz, alors qu'il distribuait le communiqué du Conseil national de la CDT à Aïn Allaouh dans le district de Afrane, est dénuée de tout fondement.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 96. Le comité prend tout d'abord note des informations fournies par l'organisation plaignante selon lesquelles le syndicaliste M. Mobarak Abdel Aziz, qui, d'après la plainte, avait été arrêté dans la ville de Mecknès pendant qu'il distribuait des tracts contenant la déclaration du Conseil national de la CDT appelant au boycottage du référendum sur le projet de nouvelle Constitution, a été remis en liberté. Tout en notant que le gouvernement déclare que les allégations au sujet de l'arrestation de cette personne sont dénuées de tout fondement, le comité doit rappeler que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes (même si c'est pour une courte durée) dans l'exercice d'activités syndicales légitimes constitue une violation des principes de la liberté syndicale. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 88.)
  2. 97. En ce qui concerne la déclaration du Conseil national de la CDT relative au boycottage du référendum sur le projet de nouvelle Constitution, le comité observe que ce texte condamne l'arrestation et les condamnations dont ont fait l'objet M. Noubir El Amaoui, secrétaire général de la CDT, et M. Driss Laghnimi, secrétaire régional de l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) (affaires examinées par le comité dans le cadre du cas no 1640; voir 286e rapport du comité, paragr. 612 à 646, et 292e rapport, paragr. 579 à 613), et contient des critiques à l'égard de la politique économique et sociale du gouvernement, ainsi que des positions sur le projet de Constitution et sur divers sujets de politique étrangère.
  3. 98. A cet égard, le comité doit souligner, comme il l'a fait dans des cas antérieurs, que ce n'est que dans la mesure où elles prendront soin de ne pas conférer à leurs revendications un caractère nettement politique que les organisations pourront légitimement prétendre à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à leurs activités. D'autre part, la frontière entre ce qui est politique et ce qui est proprement syndical est difficile à tracer avec netteté; les deux notions s'interpénètrent et il est inévitable, et parfois normal, que les publications syndicales comportent des prises de position sur des questions ayant des aspects politiques comme sur des questions strictement économiques et sociales. Le comité a également confirmé le principe énoncé par la Conférence internationale du Travail dans la Résolution sur l'indépendance du mouvement syndical de 1952, aux termes duquel les gouvernements ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs et ne devraient pas, non plus, essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat, en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 359 et 353; voir également 292e rapport, cas no 1640 (Maroc), paragr. 607.) Il semble donc au comité que, sans aller jusqu'à interdire de façon générale toute activité politique aux organisations professionnelles, les Etats devraient pouvoir laisser aux autorités judiciaires le soin de réprimer les abus auxquels pourraient se livrer les organisations qui auraient perdu de vue leur objectif fondamental, qui doit être le progrès économique et social de leurs membres. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 354.)
  4. 99. Dans le cas présent, il apparaît que les autorités administratives ont pris des mesures pour empêcher l'affichage des points de vue de la CDT et la tenue de réunions syndicales. Le comité estime que ces mesures constituent des restrictions inacceptables aux activités des syndicats. Le comité attire l'attention du gouvernement sur la Résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, qui définit comme des droits essentiels à l'exercice normal des droits syndicaux, entre autres, la liberté d'opinion et d'expression, et le droit de réunion.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 100. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en notant que le syndicaliste M. Abdel Aziz, qui avait été arrêté pour avoir distribué des tracts, a été remis en liberté, le comité rappelle que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes (même si c'est pour une courte durée) dans l'exercice d'activités syndicales légitimes constitue une violation des principes de la liberté syndicale.
    • b) Tout en soulignant que ce n'est que dans la mesure où elles prendront soin de ne pas conférer à leurs revendications un caractère nettement politique que les organisations pourront légitimement prétendre à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à leurs activités, le comité doit signaler à l'attention du gouvernement les principes énoncés dans la Résolution sur l'indépendance du mouvement syndical, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1952. Il demande au gouvernement de veiller à ce que ces principes soient respectés dans la pratique et à ce que soit laissé aux autorités judiciaires le soin de réprimer les abus auxquels pourraient se livrer les organisations en la matière.
    • c) Attirant également l'attention du gouvernement sur la Résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles qui définit comme des droits essentiels à l'exercice normal des droits syndicaux, entre autres, la liberté d'opinion et d'expression, et le droit de réunion, le comité demande instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect de ce principe.
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