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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 287, Juin 1993

Cas no 1683 (Fédération de Russie) - Date de la plainte: 06-NOV. -92 - Clos

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  1. 370. La Fédération des syndicats indépendants de la Russie (FSIR) a présenté une plainte alléguant une violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Fédération de Russie en date du 6 novembre 1992. Cette fédération a joint des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une communication du 18 décembre 1992. Le Comité central des syndicats de travailleurs de l'industrie forestière de la Fédération de Russie (CCSTIFR) a adressé au BIT une communication ayant trait aux mêmes questions en date du 30 novembre 1992, et la Fédération des syndicats des industries forestières de la Communauté des Etats indépendants a apporté son soutien à cette plainte dans une communication du 10 janvier 1993.
  2. 371. Le gouvernement, pour sa part, a transmis certains commentaires et observations sur ces allégations dans une communication du 21 janvier 1993.
  3. 372. La Fédération de Russie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 373. Dans sa communication du 6 novembre 1992, la Fédération des syndicats indépendants de la Russie (FSIR) explique que l'administration de la région de Toula a violé gravement la convention no 87 en adoptant l'arrêté no 479 du 26 octobre 1992 interdisant, sous la menace de sanctions pénales, la perception de cotisations syndicales par leur retenue à la source sur le salaire des travailleurs (système du "check-off"). Or, ajoute-t-elle, ce système résultait de la décision des organes syndicaux et ne fonctionnait que sur la demande expresse de chaque membre du syndicat adressée à sa propre organisation syndicale de base. Le système avait été choisi librement par les membres des syndicats, conformément à l'article 3, alinéa 1, de la convention no 87. D'après la FSIR, l'arrêté administratif en question constitue une violation de l'article 3, alinéa 2, de la convention no 87, et porte gravement atteinte au droit des travailleurs de choisir de leur plein gré la forme de versement de leurs cotisations.
  2. 374. La FSIR déclare avoir demandé à l'administration de la région de Toula, ainsi qu'au Président de la Fédération de Russie, au gouvernement de la Fédération et au Procureur général de cet Etat, de révoquer ledit arrêté. Cependant, à l'époque du dépôt de la plainte, aucune réponse n'avait été reçue.
  3. 375. La FSIR joint en annexe à sa plainte le texte de l'arrêté du 26 octobre 1992 adopté par le chef de l'administration de la région de Toula, ainsi que la lettre qu'elle a envoyée au Président de la Fédération de Russie.
  4. 376. Le texte de l'arrêté critiqué a la teneur suivante:
    • "Le Conseil régional des syndicats a introduit la pratique, dénuée de fondement légal, de la retenue à la source des cotisations syndicales par les entreprises, les kolkhozes, les institutions et autres organisations, qui sont versées directement aux syndicats de branche. Cette pratique se fonde sur l'arrêté no 14-14 du 14 décembre 1984 de l'ancien Présidium du Conseil central des syndicats de l'URSS.
    • En vertu de la législation de la Fédération de Russie (art. 124 du Code du travail), les retenues sur salaire ne peuvent être effectuées que dans les cas prévus par la loi. Or le prélèvement des cotisations syndicales lors du paiement des salaires n'est pas prévu par la législation et constitue une violation des droits des citoyens.
    • Afin d'empêcher de nouvelles violations de la législation du travail par les unions syndicales existantes et par celles en cours de création et de rétablir la légalité pour protéger l'exercice des droits des travailleurs, j'arrête ce qui suit:
  5. 1. Les chefs des administrations des villes et des districts de la région, les dirigeants et les chefs comptables des entreprises, des organisations, des kolkhozes et des institutions devront, sous leur responsabilité personnelle, interdire formellement à l'avenir la pratique illégale de la retenue à la source des cotisations syndicales.
    • Ils devront veiller à ce que le paiement des cotisations syndicales soit librement consenti et effectué au moyen de versements personnels.
  6. 2. Les fonctionnaires énumérés au paragraphe 1 devront faire rapport au plus tard le 5 novembre à l'organe de contrôle sur les mesures prises pour donner effet au présent arrêté.
    • L'administration du contrôle, du personnel et de la collaboration avec les territoires et l'administration de la région seront chargées d'instituer un contrôle systématique de l'application du présent arrêté."
  7. 377. Dans sa lettre au Président de la Fédération de Russie, la FSIR explique que cet arrêté viole le décret du Président de la Fédération de Russie no 162 du 26 octobre 1991 sur la garantie des droits des syndicats dans le cadre du passage à l'économie de marché, qui insiste en particulier sur le strict respect des droits des syndicats et la protection absolue de leurs activités, conformément à la législation en vigueur et aux normes de droit international universellement reconnues.
  8. 378. Dans une communication du 30 novembre 1992, le Comité central des syndicats de travailleurs de l'industrie forestière de la Fédération de Russie fait état d'interdictions analogues adoptées par l'administration de la région de Vologda et même de Moscou. Or, selon le comité central en question, le système de collecte des cotisations syndicales avait été mis en place dès 1982 et prévoyait la retenue à la source des cotisations syndicales en faveur des syndicats de base avec le consentement des travailleurs. Le comité central explique qu'en dix ans pas un seul militant syndical ne s'en était plaint. Il joint à sa communication l'arrêté no 535 du 10 novembre 1992 adopté par le chef de l'administration de la région de Vologda qui se réfère au protocole no 9-3 du 26 juin 1982 du Présidium du Conseil central des syndicats de l'URSS comme fondement de la pratique du check-off, ainsi qu'un article faisant état de nombreuses demandes de syndicats et de comités d'entreprise de mettre un terme à la pratique de l'interdiction de la retenue à la source des cotisations syndicales concernant les arrêtés adoptés dans plusieurs régions. Le texte de l'article fait aussi mention de la décision de la Commission tripartite de Russie sur le règlement des questions sociales et de travail, qui a estimé que l'arrêté de Toula constitue une ingérence dans les affaires syndicales et qu'il viole la Constitution de la Fédération de Russie ainsi que les lois et les décrets présidentiels et la convention no 87 de l'OIT. La commission tripartite aurait proposé que le gouvernement russe annule l'arrêté de Toula.
  9. 379. Par ailleurs, le Conseil de la Fédération des syndicats indépendants de Russie ajoute, dans sa communication du 18 décembre 1992, que l'expérience blâmable de l'administration de la région de Toula a été répétée au su du gouvernement de la Fédération de Russie dans la région de Tchéliabinsk, dans celle d'Orel et dans celle d'Amour. Les documents confirmant cette situation sont joints à la plainte.
  10. 380. L'arrêté du 23 novembre 1992 no 01-71-197 du chef de l'administration de la région de Tchéliabinsk se réfère essentiellement à l'article 124 du Code du travail aux termes duquel les retenues sur salaire par les services comptables ne sont légales que dans les situations prévues par la législation en vigueur, ce qui n'est pas le cas pour les cotisations syndicales. Il fait, en conséquence, interdiction formelle aux services comptables des entreprises, organisations et institutions de prélever illégalement des cotisations syndicales sur les salaires des travailleurs et permet seulement aux travailleurs d'effectuer librement des versements personnels. Quant à l'arrêté no 322 du 10 novembre 1992 du chef de l'administration de la région d'Orel, il se réfère au décret no 14-14 du 14 décembre 1984 de l'ancien Présidium du Conseil central des syndicats de l'URSS qui permettait aux services comptables des entreprises, kolkhozes et institutions et autres organisations de l'URSS de prélever les cotisations syndicales sur les salaires des travailleurs et de les transférer directement sur le compte des syndicats pour estimer que cette pratique est illégale et qu'elle n'a pas de fondement légal, puisque l'article 124 du Code du travail ne prévoit pas parmi les retenues sur salaire la possibilité de prélever des cotisations syndicales. L'arrêté exige donc des dirigeants et chefs comptables des entreprises, organisations, kolkhozes et institutions qu'ils interviennent personnellement pour interdire formellement à l'avenir la pratique illégale consistant à prélever des cotisations syndicales sur les salaires par l'intermédiaire des services comptables, et de s'assurer que les personnes sont consentantes pour payer leurs cotisations syndicales au moyen de versements personnels. En outre, l'arrêté prévoit que les fonctionnaires énumérés au paragraphe précédent doivent faire rapport au plus tard le 20 novembre 1992 auprès de la Direction du contrôle et des travaux analytiques sur les mesures prises dans le cadre de l'application dudit décret, et charge la Direction du contrôle et des travaux analytiques de l'administration de la région d'instituer un contrôle systématique de l'application du décret.
  11. 381. Enfin, le président de la Fédération des syndicats des industries forestières de la Communauté des Etats indépendants indique, dans sa communication du 10 janvier 1993, qu'un arrêté semblable a été adopté par l'administration de la région de Briansk.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 382. Dans sa réponse du 21 janvier 1993, le gouvernement précise que des éclaircissements sur quelques aspects du système de retenue à la source des cotisations syndicales des travailleurs des entreprises, organisations et institutions ont été communiqués par une lettre du ministère du Travail de Russie, datée du 7 décembre 1992, no 2321-VK, aux chefs des régions administratives et territoriales de la Fédération de Russie. Dans cette lettre, faisant référence au décret no 4 du ministère du Travail de la Fédération de Russie en date du 25 mars 1992 sur certaines questions concernant le versement des cotisations syndicales, il est précisé que la retenue des cotisations syndicales sur le salaire des travailleurs et le transfert par des entreprises, organisations et institutions de ces sommes sur le compte des organes syndicaux sont possibles, mais seulement sur la demande écrite et personnelle des travailleurs.
  2. 383. Ces indications du ministère du Travail de Russie n'ont pas le caractère d'une obligation mais celui d'une autorisation. C'est pourquoi la question des modalités de la retenue et du transfert des cotisations syndicales par l'administration des entreprises, organisations et institutions peut être résolue en tenant compte de l'avis de tous les membres du collectif des travailleurs par des négociations avec les syndicats intéressés et par des négociations lors de l'élaboration de la conclusion et de la modification des conventions collectives.
  3. 384. S'agissant du Code du travail de la Fédération de Russie, le gouvernement confirme que la question de la retenue sur les salaires des travailleurs des entreprises, organisations et institutions est réglée par l'article 124 du code, lequel ne contient pas de disposition relative à la retenue des cotisations syndicales sur les salaires des travailleurs.
  4. 385. De l'avis du gouvernement, la question du prélèvement des cotisations syndicales par les services financiers des entreprises et institutions ne relève pas de la convention no 87. En outre, le principe de l'indépendance et de l'autonomie des syndicats sous-tend que ni les employeurs ni les pouvoirs publics ne doivent intervenir dans la collecte des cotisations syndicales qui, conformément à la pratique mondiale, doivent être collectées par les organisations syndicales elles-mêmes. Le gouvernement conclut en estimant que les syndicats ne peuvent pas obliger l'administration des entreprises et institutions à s'occuper de questions relatives à l'organisation interne des activités syndicales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 386. Le comité note que la présente plainte porte sur l'interdiction faite sous peine de sanctions aux employeurs de prélever les cotisations syndicales des travailleurs (même si les travailleurs en ont fait expressément la demande) et de les transférer sur les comptes syndicaux.
  2. 387. Le comité observe que le gouvernement ne réfute pas les allégations. Il indique seulement que le décret du 25 mars 1992 autorise la retenue à la source des cotisations syndicales sur la demande expresse des travailleurs. Il fournit en outre dans sa réponse deux éléments, à savoir, d'une part, que les syndicats ne peuvent pas obliger l'administration des entreprises ou des institutions à s'occuper de la collecte des cotisations syndicales mais, d'autre part, que la question de la modalité de la retenue des cotisations et de leur transfert aux syndicats par l'administration des entreprises peut être résolue par des négociations avec les syndicats intéressés lors de l'élaboration et de la modification des conventions collectives.
  3. 388. Le comité estime pour sa part que la question du prélèvement des cotisations syndicales par les employeurs et de leur transfert aux syndicats devrait être résolue par la négociation collective entre les employeurs et l'ensemble des syndicats sans obstacles d'ordre législatif.
  4. 389. Dans ces conditions, le comité, observant avec intérêt que le gouvernement lui-même admet que la question peut être résolue par des négociations avec les syndicats intéressés lors de l'élaboration de conventions collectives, considère que les arrêtés adoptés par l'administration de la région de Toula, de Vologda, de Tchéliabinsk, d'Orel, d'Amour et de Briansk interdisant sous peine de sanctions aux services comptables des entreprises, organisations et institutions de prélever les cotisations syndicales des travailleurs, qui en ont fait expressément la demande, et de les transférer directement sur le compte des syndicats portent atteinte au droit des organisations de travailleurs d'organiser leur gestion et leur activité sans ingérence des autorités publiques garanti par l'article 3, alinéas 1 et 2, de la convention no 87. Le comité rappelle par ailleurs que la perception à la source des cotisations syndicales ne devrait pas porter atteinte au libre choix par les travailleurs du syndicat auquel ils entendent appartenir.
  5. 390. Le comité demande en conséquence au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les décisions prises au niveau fédéral et aux échelons régionaux ne soient pas contradictoires et pour que puissent ainsi être mis en oeuvre les accords auxquels parviendraient les employeurs et les syndicats en matière de perception des cotisations syndicales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 391. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Soulignant que le prélèvement des cotisations syndicales et leur transfert aux syndicats est une question qui devrait être traitée dans le cadre de la négociation collective entre les parties concernées, en respectant les principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement d'assurer l'application de ce principe dans les régions en cause.
    • b) Le comité rappelle que la perception à la source des cotisations syndicales ne devrait en aucun cas porter atteinte au libre choix par les travailleurs du syndicat auquel ils entendent appartenir.
    • c) Le comité demande en conséquence au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les décisions prises au niveau fédéral et aux échelons régionaux ne soient pas contradictoires et pour que puissent ainsi être mis en oeuvre les accords auxquels parviendraient les employeurs et les syndicats en matière de prélèvement des cotisations syndicales.
    • d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tout développement relatif à ces affaires.
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