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- 117. La Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de Guinée dans une communication du 9 mars 1993. En l'absence de réponse du gouvernement, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à trois reprises et, à sa session de mars 1994, il a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la procédure prévue au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration, il présenterait à sa prochaine session un rapport sur le fond de l'affaire, même s'il n'avait pas reçu à cette date les observations et informations attendues du gouvernement. Depuis lors, le gouvernement n'a pas transmis d'observations sur le fond de l'affaire.
- 118. La Guinée a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 119. D'après la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) dans sa communication du 9 mars 1993, le gouvernement de Guinée, par l'intermédiaire du ministre de la Réforme administrative, de la Fonction publique et du Travail, aurait violé de manière flagrante les droits syndicaux dans le pays, en s'opposant de façon acharnée à la tenue d'un congrès extraordinaire de la CNTG.
- 120. La CNTG explique qu'au cours d'un conseil syndical confédéral extraordinaire tenu à la Bourse de travail de Conakry du 8 au 12 novembre 1992, elle avait décidé de tenir un congrès extraordinaire à partir du 13 janvier 1993 en vue de renouveler son bureau exécutif et de corriger des lacunes fondamentales constatées dans son fonctionnement pour l'adapter à la démocratie nouvellement instaurée dans le pays. La CNTG indique que le congrès a été convoqué conformément aux dispositions de ses statuts en vertu desquelles "la plus haute instance de la CNTG est le congrès confédéral convoqué tous les quatre ans. Exceptionnellement, un congrès extraordinaire peut être convoqué. Dans les deux cas, le congrès est convoqué sur décision du bureau confédéral, ratifié par le conseil syndical confédéral ou sur demande des deux tiers des membres du bureau confédéral ou du conseil syndical confédéral" (article 15) et "sont membres du congrès, électeurs et éligibles, les membres du bureau confédéral sortant et les membres des bureaux des 16 fédérations syndicales professionnelles affiliées" (article 16).
- 121. L'organisation plaignante allègue plus particulièrement que le gouvernement s'est ouvertement opposé à la tenue de ce congrès extraordinaire à la date susmentionnée, dans le but inavoué d'assujettir la centrale syndicale guinéenne la plus représentative au pouvoir militaire actuel et d'imposer par cette ingérence M. Mohamed Samba Kebe, secrétaire de la CNTG en date de la présentation de la plainte, acquis à sa cause et qui ne mérite plus la confiance de la classe ouvrière guinéenne.
- 122. La CNTG estime qu'il s'agit de la part du gouvernement d'une ingérence arbitraire et partisane, contraire à la volonté d'indépendance et de liberté de sa centrale syndicale nationale, et que cette ingérence constitue une violation de l'article 3, paragraphe 2, de la convention no 87 aux termes duquel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur getsion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, ou à en entraver l'exercice légal. Elle est d'avis qu'il s'agit également d'une violation de l'article 4 de la convention no 98 et de l'article 5 de la convention no 154 de l'OIT.
- 123. La CNTG joint à sa plainte une copie des Résolutions et Recommandations du Conseil syndical national extraordinaire, tenu du 5 au 11 novembre 1992 à Conakry, dans lesquelles sont exposées les raisons ayant motivé la décision de la centrale de renouveler son bureau exécutif, ainsi que des copies de deux lettres du ministre de la Réforme administrative, de la Fonction publique et du Travail et d'une lettre du secrétaire général du même département ministériel, adressées au secrétaire général de la CNTG. Elle transmet également une copie de la déclaration commune faite par les 16 fédérations syndicales nationales qui lui sont affiliées, datée du 5 février 1993 et marquant la rupture avec l'actuel bureau exécutif jusqu'à la tenue prochaine du congrès et, enfin, une copie du décret no 01/098/PRG/SGG du 21 mars 1991, par lequel le docteur Mohamed Samba Kebe est nommé chef de Cabinet du ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité
- 124. Le comité observe que la présente plainte concerne l'ingérence du gouvernement dans le droit de l'organisation plaignante d'organiser librement ses réunions syndicales et, en particulier, un congrès extraordinaire. Le comité regrette profondément que le gouvernement, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, et bien qu'il ait été invité à plusieurs reprises à formuler ses commentaires et observations sur cette affaire, y compris par un appel pressant, n'en ait formulé aucun sur le fond de l'affaire à propos des allégations de la confédération plaignante.
- 125. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 du 127e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de cette affaire en l'absence des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.
- 126. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée à l'OIT pour l'examen des allégations faisant état d'atteintes à la liberté syndicale est d'assurer le respect de celle-ci, en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître de leur côté qu'il importe, pour leur propre réputation, qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
- 127. Sur le fond de l'affaire, le comité rappelle qu'il a toujours été d'avis qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une organisation. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 666.)
- 128. Dans le cas d'espèce, il apparaît d'une lettre du ministre de la Réforme administrative, de la Fonction publique et du Travail, datée du 18 janvier 1993 et adressée au secrétaire général de la CNTG, que le ministre a effectivement refusé la tenue d'un congrès extraordinaire par cette centrale, prévue pour le 13 janvier 1993. Il motive sa décision en invoquant "qu'il aurait fallu que le gouvernement soit informé au moins huit jours avant la date prévue, car le congrès concerne une grande majorité des travailleurs de la nation", "qu'il n'a pas été informé des dispositions prises pour un déroulement des travaux dans la sérénité requise", et "qu'il aurait été souhaitable que la CNTG indique au gouvernement, son partenaire social, les raisons qui motivent un congrès extraordinaire". Dans cette même lettre, le ministre propose à la CNTG "de décider du renouvellement de tous les organismes de la base au sommet afin de rester dans la légalité et à l'abri des critique des uns et des autres". Il ressort en outre d'une lettre du 19 janvier 1993, adressée par le secrétaire général du même département ministériel au secrétaire de la CNTG, que celle-ci est invitée à une séance de concertation le 20 janvier 1993. Le comité ne peut que conclure que l'intervention du gouvernement constitue une ingérence flagrante dans les affaires internes de la CNTG.
- 129. Comme indiqué plus haut, il n'appartient pas au comité d'examiner les raisons qui ont motivé la décision de la CNTG de tenir un congrès extraordinaire. Le comité rappelle cependant que, dans le cas de dissensions intérieures au sein d'une même organisation syndicale, le gouvernement est lié, en vertu de l'article 3 de la convention no 87, par l'obligation de s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations professionnelles d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, ou de toute intervention de nature à entraver l'exercice légal de ce droit. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 668.) Plus particulièrement, les organisations de travailleurs et d'employeurs devraient avoir le droit de tenir des congrès sans autorisation préalable et d'en rédiger les ordres du jour en pleine liberté. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 145.)
- 130. Toujours à cet égard, le comité rappelle que s'il appartient aux syndicats de respecter les dispositions législatives visant à assurer le maintien de l'ordre public, les autorités publiques n'en sont pas moins tenues de s'abstenir de toute intervention de nature à restreindre le droit des syndicats d'organiser librement la tenue et le déroulement des réunions. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 162.)
- 131. De l'avis du comité, au moins un des motifs invoqués par le gouvernement pour refuser la tenue du congrès extraordinaire de la CNTG (le fait que celle-ci n'a pas informé le gouvernement des raisons qui motivent ledit congrès), ainsi que la suggestion faite par le gouvernement à la centrale de renouveler l'ensemble de ses organes, vont au-delà des mesures que les autorités seraient normalement autorisées à prendre pour faire respecter la légalité et ont soumis la tenue du congrès en question à une autorisation préalable qui est contraire à l'article 3 de la convention no 87. Le comité demande par conséquent au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir à l'avenir que les interventions du gouvernement et des autorités dans les réunions syndicales se limitent à ce qui est strictement nécessaire pour assurer l'ordre public et de permettre à la CNTG de tenir son congrès.
- 132. Quant aux allégations d'après lesquelles le gouvernement avait interdit la tenue du congrès extraordinaire de la CNTG dans le but de lui imposer M. Mohamed Samba Kebe, qui, toujours selon l'organisation plaignante, est acquis à la cause du gouvernement, le comité n'est pas en mesure de conclure à leur bien-fondé étant donné que le décret no 01/098/PRG/SGG du 21 mars 1991, par lequel cette personne a été nommé chef de Cabinet du ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat en date du 21 mars 1991, ne saurait à lui seul constituer une preuve de ces allégations.
- 133. D'une manière générale, le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe énoncé par la Conférence internationale du Travail dans la Résolution sur l'indépendance du mouvement syndical, adoptée en 1952, aux termes duquel les gouvernements ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs et ne devraient pas, non plus, essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat, en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 353.). Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que ce principe soit respecté dans la pratique.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 134. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette profondément qu'en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte et malgré l'appel pressant qui lui avait été adressé le gouvernement n'ait pas fourni de commentaires et d'observations sur le fond de l'affaire.
- b) S'agissant du refus opposé par le gouvernement à la tenue d'un congrès extraordinaire de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) demandée statutairement, le comité ne peut que conclure que l'intervention du gouvernement constitue une ingérence flagrante dans les affaires internes de la CNTG.
- c) Rappelant que s'il appartient aux syndicats de respecter les dispositions législatives visant à assurer le maintien de l'ordre public, les autorités publiques n'en sont pas moins tenues de s'abstenir de toute intervention de nature à restreindre le droit des syndicats d'organiser librement la tenue et le déroulement des réunions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir à l'avenir que les interventions du gouvernement et des autorités dans les réunions syndicales se limitent à ce qui est strictement nécessaire pour assurer l'ordre public et de permettre à la CNTG de tenir son congrès en toute liberté.
- d) Attirant l'attention du gouvernement sur le principe énoncé par la Conférence internationale du Travail dans la Résolution sur l'indépendance du mouvement syndical, adoptée en 1952, aux termes duquel les gouvernements ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs et ne devraient pas, non plus, essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat, en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que ce principe soit respecté dans la pratique.