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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 295, Novembre 1994

Cas no 1751 (République dominicaine) - Date de la plainte: 22-NOV. -93 - Clos

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  1. 360. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Fédération des travailleurs du sucre, de l'agriculture et des branches connexes (FENAZUCAR) du 22 novembre 1993. Ultérieurement, par une communication du 14 février 1994, FENAZUCAR a présenté des informations complémentaires. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications des 4 et 31 mai 1994.
  2. 361. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la fédération plaignante

A. Allégations de la fédération plaignante
  1. 362. Dans sa communication du 22 novembre 1993, FENAZUCAR indique qu'en avril 1993 les travailleurs de la raffinerie Christophe Colomb ont créé le Syndicat unifié des travailleurs agricoles et industriels, qu'ils ont élu un comité directeur et qu'immédiatement après l'entreprise a licencié le secrétaire général et les dirigeants du syndicat. Dès la constitution du syndicat, la direction de la raffinerie s'est opposée à son existence. Cependant, le Département du travail a autorisé sa reconnaissance légale le 10 mai 1993. La fédération plaignante allègue par ailleurs que l'entreprise a déclenché une campagne de pressions contre les travailleurs pour qu'ils se désaffilient du syndicat en les menaçant de les licencier ou de les renvoyer de leur logement.
  2. 363. Dans sa communication du 14 février 1994, la fédération plaignante ajoute que la raffinerie s'est dotée d'une équipe de sécurité pour empêcher les réunions syndicales, et qu'en décembre 1993 le secrétaire général et le secrétaire général aux plaintes ont été empêchés de circuler dans les "bateyes" (villages attenant à la raffinerie); par la suite, ces dirigeants ont été arrêtés pendant quatre heures au poste de police.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 364. Dans ses communications des 4 et 31 mai 1994, le gouvernement déclare qu'il existe depuis 1961 à la raffinerie Christophe Colomb un syndicat appelé Syndicat des travailleurs de l'industrie du sucre (ouvriers et employés), et qu'en avril 1993 un groupe de travailleurs de cette raffinerie a informé le ministère du Travail de la constitution d'un autre syndicat, appelé Syndicat unifié des travailleurs agricoles et industriels de la raffinerie Christophe Colomb. Selon le gouvernement, les membres du premier syndicat se sont tout d'abord opposés à l'enregistrement du second, alléguant que son secrétaire général assumait des fonctions de direction dans l'entreprise, mais les autorités n'en ont pas moins autorisé l'enregistrement. Son annulation a alors été demandée aux autorités judiciaires, qui ont ordonné la révocation de la résolution du ministère du Travail autorisant l'enregistrement, en vertu du fait que ce syndicat n'aurait pas été constitué conformément aux dispositions de la loi. (En particulier, la disposition du Code du travail interdisant aux travailleurs qui assument des fonctions de direction, de sécurité ou de surveillance d'être membres d'un syndicat n'aurait pas été respectée.)
  2. 365. Enfin, pour ce qui est du licenciement des dirigeants du nouveau syndicat, le gouvernement fait savoir que le ministère du Travail a tenté sans succès une médiation, et que les parties n'ont pas assisté aux réunions convoquées par le médiateur.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 366. Le comité observe que les allégations ont trait au licenciement du secrétaire général et de tous les dirigeants du Syndicat unifié des travailleurs agricoles et industriels de la raffinerie Christophe Colomb après la constitution de ce syndicat, à une campagne de pressions menée par l'entreprise vis-à-vis des travailleurs pour les amener à se désaffilier du syndicat, à des entraves à la libre circulation des dirigeants syndicaux dans les installations de l'entreprise, à l'impossibilité de tenir des réunions syndicales et à l'arrestation provisoire par la police du secrétaire général et du secrétaire général aux plaintes.
  2. 367. En ce qui concerne le licenciement du secrétaire général et de tous les dirigeants du nouveau syndicat après sa constitution, le comité note que le gouvernement reconnaît les faits et déclare avoir tenté une médiation, laquelle a échoué puisque les parties n'ont pas assisté aux réunions qui avaient été convoquées. Le comité déplore vivement ces licenciements antisyndicaux et souligne qu'ils affectent tous les dirigeants syndicaux, de sorte qu'il s'agit de violations très graves de la liberté syndicale. Il attire l'attention du gouvernement sur le fait que "nul ne doit être licencié ou faire l'objet d'autres mesures préjudiciables en matière d'emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l'exercice d'activités syndicales légitimes". (Voir 272e rapport, cas no 1506 (El Salvador), paragr. 132.) Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dirigeants syndicaux licenciés soient réintégrés immédiatement dans leurs postes de travail.
  3. 368. A propos de l'allégation relative à la campagne de pressions et de menaces de licenciement menée par l'entreprise contre les travailleurs pour qu'ils renoncent à leur affiliation syndicale, le comité observe que le gouvernement n'a fait aucun commentaire à cet égard. Cependant, étant donné que le gouvernement reconnaît que la totalité des membres du comité directeur du syndicat ont été licenciés pour des raisons antisyndicales, le comité ne peut que conclure qu'il existe une persécution antisyndicale au sein de l'entreprise contre les membres du syndicat. Dans ces conditions, il demande au gouvernement de garantir à ces derniers le libre exercice de leurs droits syndicaux et d'appliquer, le cas échéant, les sanctions prévues par la législation.
  4. 369. Pour ce qui est de l'allégation relative au fait que les dirigeants syndicaux ont été empêchés de circuler librement dans les installations de la raffinerie, le comité observe que le gouvernement n'a fait aucune remarque à cet égard. Le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les gouvernements doivent "garantir aux représentants syndicaux l'accès aux lieux de travail, en respectant pleinement les droits de propriété et les droits de la direction, afin que les syndicats puissent communiquer avec les travailleurs dans le but de les informer des avantages que la syndicalisation peut présenter pour eux". (Voir 284e rapport, cas no 1523 (Etats-Unis), paragr. 195.) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux représentants syndicaux le libre accès aux lieux de travail et la libre circulation dans ces lieux.
  5. 370. Quant à l'allégation relative à l'impossibilité de tenir des réunions syndicales dans la raffinerie à cause d'une équipe de sécurité chargée de les empêcher, le comité observe que le gouvernement n'a pas communiqué ses observations à ce sujet. Dans ces conditions, le comité renvoie aux conclusions qu'il a formulées par le passé à propos des activités syndicales dans les plantations et selon lesquelles "tout en reconnaissant pleinement que les plantations sont des propriétés privées, ... (le comité a rappelé que) les employeurs devraient écarter tous les obstacles, s'il y a lieu, à l'établissement par les travailleurs dans les plantations de syndicats libres, indépendants et démocratiquement contrôlés, et devraient mettre à la disposition de ces syndicats des facilités pour leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris ... (leur accorder) la liberté d'y tenir des réunions." (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 220.) Le comité demande donc au gouvernement de diligenter une enquête sur ces allégations et de garantir que le syndicat en question puisse tenir librement dès à présent, dans la raffinerie, les réunions qu'il estime nécessaires.
  6. 371. A propos de l'arrestation pendant quatre heures au poste de police du secrétaire général et du secrétaire général aux plaintes, le comité déplore vivement que le gouvernement n'ait pas non plus communiqué ses observations à ce sujet et, étant donné le contexte antisyndical de ce cas, il déplore les arrestations qui ont eu lieu et appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel "l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes (même si c'est pour une courte période) constitue une violation des principes de la liberté syndicale". (Voir Recueil de décisions, op. cit., paragr. 88.) Le comité insiste sur le fait que ces actes déplorables ne devraient pas se répéter.
  7. 372. Enfin, pour ce qui est de la contestation, auprès des autorités judiciaires, de l'enregistrement du Syndicat unifié des travailleurs agricoles et industriels de la raffinerie Christophe Colomb par le syndicat qui existait déjà dans l'entreprise, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle les autorités judiciaires ont fait droit à cette demande (bien que le Syndicat unifié des travailleurs agricoles et industriels ait été reconnu par l'administration). Pour ce qui est des motifs de la révocation de l'enregistrement, le gouvernement signale que l'ancien syndicat de la raffinerie avait demandé l'annulation de l'enregistrement du nouveau syndicat en alléguant que son secrétaire général était cadre dirigeant de l'entreprise; quant à la sentence judiciaire, elle donne comme motif de révocation le fait que certains des membres du nouveau syndicat assumaient des "fonctions de direction, de sécurité ou de surveillance".
  8. 373. A cet égard, et au sujet de l'allégation selon laquelle le secrétaire général du nouveau syndicat assumait des fonctions de direction au sein de la raffinerie ou, en d'autres termes, n'était pas indépendant, le comité observe que cette assertion paraît réfutée par le fait que le secrétaire général en question a été licencié à cause de ses activités syndicales, ainsi d'ailleurs que la totalité des membres du comité directeur. Par ailleurs, le comité note que, dans le cas présent, l'autorité judiciaire a révoqué l'enregistrement du syndicat en se fondant sur l'article 328 du Code du travail qui permet de refuser le droit de se syndiquer aux travailleurs qui assument des "fonctions de direction, d'inspection, de sécurité ou de surveillance ...". Etant donné que le texte du jugement ne contient pas de description précise des fonctions des membres du syndicat en question, le comité souligne qu'une interprétation trop vaste de la notion de "poste de confiance" permettant de priver les travailleurs de leur droit de se syndiquer peut restreindre gravement l'exercice des droits syndicaux et même, dans les petites entreprises, empêcher la création de syndicats, ce qui va à l'encontre du principe de liberté syndicale. Le comité souligne également le principe selon lequel le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer - si les travailleurs le désirent - plus d'une organisation de travailleurs par entreprise. Compte tenu de ces principes, le comité considère que tous les travailleurs de la raffinerie Christophe Colomb devraient pouvoir constituer un syndicat de leur choix et s'y affilier et que, par conséquent, le Syndicat unifié des travailleurs agricoles et industriels de cette raffinerie devrait pouvoir fonctionner librement et mener à bien ses activités. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour garantir cette possibilité, y compris le cas échéant par l'ouverture d'une action judiciaire, et de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 374. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant que nul ne doit être licencié ou faire l'objet d'autres mesures préjudiciables en matière d'emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l'exercice d'activités syndicales légitimes, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dirigeants syndicaux du Syndicat unifié des travailleurs agricoles et industriels de la raffinerie Christophe Colomb qui ont été licenciés soient réintégrés immédiatement dans leurs postes de travail.
    • b) Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête pour déterminer la véracité des allégations relatives à la campagne de pressions menée par l'entreprise contre les travailleurs pour qu'ils renoncent à leur affiliation syndicale et, au cas où ces allégations seraient confirmées, de prendre les mesures nécessaires pour que les membres du syndicat puissent exercer librement leurs droits syndicaux et d'appliquer les sanctions prévues par la loi.
    • c) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux représentants syndicaux le libre accès aux lieux de travail et la libre circulation dans ces lieux.
    • d) Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête au sujet de l'allégation relative à l'impossibilité de tenir des réunions syndicales empêchées par une équipe de sécurité, et de garantir au syndicat plaignant la possibilité de tenir dès à présent librement les réunions syndicales qu'il estime nécessaires.
    • e) Considérant que tous les travailleurs de la raffinerie Christophe Colomb devraient pouvoir constituer le syndicat de leur choix et s'y affilier et que, par conséquent, le Syndicat unifié des travailleurs agricoles et industriels de cette raffinerie doit pouvoir fonctionner librement et mener à bien ses activités, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour garantir cette possibilité, y compris par l'ouverture d'une action judiciaire, et de le tenir informé à cet égard.
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