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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 295, Novembre 1994

Cas no 1771 (Pakistan) - Date de la plainte: 26-AVR. -94 - Clos

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  1. 482. Dans une communication datée du 26 avril 1994, la Fédération du travail du Pakistan (NLF) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Pakistan. La NLF a fourni des informations complémentaires concernant les allégations du présent cas dans une communication reçue le 6 juin 1994. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 24 juillet 1994.
  2. 483. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 484. Dans sa plainte du 26 avril 1994, la NLF allègue que le gouvernement a enfreint les conventions nos 87 et 98 à l'égard des travailleurs des Aciéries nationales, des Chemins de fer nationaux et de la Compagnie nationale de transports aériens internationaux.
    • Aciéries nationales
  2. 485. Au nom du Syndicat des aciéries nationales, affilié à la NLF, l'organisation plaignante allègue que deux conventions collectives, signées le 5 novembre 1988 et le 17 octobre 1990 respectivement, ainsi qu'une convention supplémentaire signée le 26 octobre 1989 ont été annulées unilatéralement par la nouvelle direction en 1992. En outre, la NLF affirme qu'en même temps plus de 7 000 travailleurs ont été promus "cadres" afin de les empêcher de s'affilier à tout syndicat de la société et d'affaiblir le mouvement syndical. De ce fait, bien que le syndicat ait demandé un scrutin afin de déterminer l'agent négociateur, la liste des votants n'a pas encore été établie et aucune convention collective nouvelle n'a donc été conclue. La NLF soutient qu'en pratique les activités syndicales ont été interdites et que la négociation collective a fait l'objet d'obstruction. Trente-trois responsables syndicaux de huit syndicats des aciéries, qui avaient réclamé le rétablissement des droits syndicaux, ont été licenciés (une liste des responsables licenciés est jointe en annexe à la plainte).
  3. 486. L'organisation plaignante ajoute dans sa communication ultérieure qu'en raison des promotions fictives, la société compte maintenant 12 000 cadres et 12 000 travailleurs, autrement dit un nombre égal de cadres et de travailleurs.
    • Chemins de fer nationaux
  4. 487. En ce qui concerne les travailleurs des chemins de fer nationaux, l'organisation plaignante a fourni un exemplaire de la circulaire no E-I/91-ACT/2 émise par le ministère des Chemins de fer en date du 18 octobre 1993 qui invoque l'article 1(3) a) de l'ordonnance sur les relations professionnelles pour exclure du champ d'application de cette ordonnance les cheminots travaillant aux lignes de chemin de fer du ministère de la Défense. Cette circulaire conseille aux cheminots en question de ne pas participer à des activités syndicales et les avertit que la participation à des activités syndicales les rendrait passibles de toutes les mesures juridiques et disciplinaires prévues par les lois et règlements. Selon l'organisation plaignante, la circulaire vise presque 90 pour cent des travailleurs du secteur. L'organisation plaignante ajoute que ces travailleurs avaient toujours joui des droits syndicaux, même pendant la période de domination britannique.
    • Compagnie nationale de transports aériens internationaux (PIA)
  5. 488. Enfin, l'organisation plaignante signale qu'une directive administrative a été émise le 6 avril 1994 par le directeur général de la PIA qui limite les négociations aux questions relatives à la rémunération, aux primes et gratifications, toutes les autres décisions concernant les conditions d'emploi étant prises par le conseil d'administration. L'organisation plaignante indique que la direction a fait marche arrière sur ce point, mais elle craint que de nouvelles tentatives ne soient faites à cet égard.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 489. Dans sa communication datée du 24 juillet 1994, le gouvernement rappelle que les Aciéries nationales sont une entreprise industrielle visée par l'ordonnance sur les relations professionnelles, laquelle énonce la procédure de règlement des conflits du travail. Le gouvernement affirme que la NLF n'est pas un organe représentatif en ce qui concerne les Aciéries nationales et qu'elle n'a donc pas qualité pour agir. Il indique en outre que la NLF a porté l'affaire devant le tribunal de Sindh qui a rejeté la requête au motif que la NLF n'a pas qualité pour agir.
  2. 490. En ce qui concerne l'interdiction des activités syndicales faite aux salariés des chemins de fer nationaux, le gouvernement souligne que le syndicat a introduit un recours devant la Haute Cour de Lahore et que l'affaire est en cours d'instance.
  3. 491. Enfin, en ce qui concerne la Compagnie nationale de transports aériens internationaux (PIA), le gouvernement affirme que la directive administrative qui limitait les questions pouvant faire l'objet de négociations collectives avait pour seul objet d'assurer la mise en oeuvre d'une politique uniforme et a été mal interprétée par les représentants des associations et des syndicats. Le gouvernement rappelle que, afin de dissiper ce malentendu, la directive a été retirée avant de prendre effet.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 492. Le comité observe que la présente plainte concerne des allégations relatives à des mesures prises au niveau de l'entreprise et au niveau national, et portant atteinte aux droits des travailleurs, en violation des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.
  2. 493. En ce qui concerne les Aciéries nationales, le comité note que les allégations concernent des obstacles mis à la négociation collective, qui ont abouti en 1992 à l'annulation des conventions en vigueur et ont effectivement empêché la négociation de toute nouvelle convention. En outre, l'organisation plaignante a fourni une liste de 33 dirigeants syndicaux qui ont été récemment licenciés. Elle allègue qu'il y a eu un nombre exorbitant de promotions artificielles.
  3. 494. Le comité note l'indication du gouvernement selon laquelle l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles énonce la procédure de règlement des conflits et d'examen des réclamations, et que le recours introduit par la NLF a été rejeté parce qu'elle n'avait pas qualité pour agir. Le comité rappelle que l'article 4 de la convention no 98 dispose que des mesures appropriées aux conditions nationales doivent être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs et les travailleurs en vue de régler les conditions d'emploi par des conventions collectives. Le comité estime que l'annulation unilatérale d'accords collectifs librement conclus est contraire aux principes de base de la négociation collective et risque de nuire au développement harmonieux des relations professionnelles. Etant donné que le gouvernement n'a pas réfuté cette allégation, le processus de négociation collective a, en tout état de cause, été entravé. Le comité souhaite également attirer l'attention sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel "employeurs et syndicats doivent négocier de bonne foi afin de parvenir à un accord, et que des négociations véritables et constructives sont un élément nécessaire pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties". (Voir par exemple 284e rapport, cas no 1619 (Royaume-Uni), paragr. 360.)
  4. 495. Le comité note que, selon l'organisation plaignante, un grand nombre de dirigeants syndicaux ont été licenciés. Le gouvernement, toutefois, n'a pas fourni d'informations à cet égard. Le comité rappelle donc les principes selon lesquels tous les travailleurs devraient être à même de former en toute liberté des organisations de leur choix et d'y adhérer librement, et nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT, troisième édition, 1985, paragr. 222 et 538.) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures pour instituer une enquête impartiale en vue d'établir les véritables raisons de ces licenciements et, s'il s'avère que les personnes concernées ont été licenciées en raison de leurs activités syndicales, de veiller à ce qu'elles soient réintégrées dans leurs postes. Il prie le gouvernement de le tenir informé des conclusions de l'enquête.
  5. 496. En ce qui concerne les promotions en série ayant pour effet de priver les travailleurs de toute possibilité d'affiliation syndicale, le comité a examiné une question analogue dans un cas antérieur concernant le Pakistan (cas no 1534). Le comité avait considéré alors que cette politique de promotions avait eu pour conséquence de mettre en place une proportion inhabituelle de cadres par rapport aux travailleurs qui visait de toute évidence à saper les effectifs des syndicats. Le comité avait conclu que ces mesures étaient contraires aux principes de la liberté syndicale. (Voir 278e rapport, paragr. 470.) Dans ses conclusions finales, le comité avait rappelé qu'il appartient au gouvernement d'assurer en droit comme en fait l'application des principes de la liberté syndicale, et en particulier des conventions qu'il a ratifiées. (Voir 281e rapport, paragr. 171.) A cet égard, tant le comité que la commission d'experts dans son contrôle de l'application de la convention no 87 avaient demandé instamment au gouvernement de prendre des mesures afin d'améliorer l'application des dispositions de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles relatives à la protection des activités syndicales, de manière à empêcher une déstabilisation des syndicats de travailleurs par le biais de promotions fictives. (Ibid., paragr. 172.)
  6. 497. Le comité note en outre qu'une mission de contacts directs s'est rendue au Pakistan en janvier 1994. La mission a noté qu'une équipe de travail avait été constituée afin, notamment, de supprimer les imperfections, les ambiguïtés et les défauts de la législation du travail. A cet égard, la mission a souligné que la définition actuelle du mot "travailleur" dans l'ordonnance sur les relations professionnelles n'était pas satisfaisante et qu'elle se prêtait facilement à des abus en restreignant les possibilités de syndicalisation. La mission de contacts directs a recommandé de modifier cette définition et a demandé instamment que les principes de l'OIT soient pris en considération lors de la révision du texte. Etant donné le nombre considérable de promotions dans les Aciéries nationales mentionné dans la plainte, le comité demande instamment à nouveau au gouvernement d'apporter les modifications nécessaires pour protéger de façon adéquate les travailleurs contre l'utilisation abusive des promotions dans le but de saper le mouvement syndical, et demande au gouvernement de le tenir informé de la situation des syndicats dans les Aciéries nationales. Il attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect du cas.
  7. 498. Le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle un recours en justice a été intenté contre la circulaire excluant du champ d'application de l'ordonnance sur les relations professionnelles qui garantit le droit fondamental d'association et de négociation collective à tous les cheminots qui travaillent sur les lignes de chemin de fer relevant du ministère de la Défense. Il note aussi que, selon l'organisation plaignante, ces lignes occupent plus de 90 pour cent des travailleurs du secteur et que ces travailleurs avaient toujours bénéficié des droits syndicaux, même sous la domination britannique.
  8. 499. Le comité rappelle tout d'abord que l'article 2 de la convention no 87 dispose que les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations. Certes, l'article 9 de la convention autorise des dérogations en ce qui concerne les forces armées et la police, mais le comité rappelle que les membres des forces armées qui peuvent être exclus doivent être définis de manière restrictive. (Voir 238e rapport, cas no 1279 (Portugal), paragr. 137.) En outre, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a fait observer que l'article 9 de la convention ne prévoyant que des exceptions au principe général les travailleurs devraient en cas de doute être considérés comme des civils. (Liberté syndicale et négociation collective, Etude d'ensemble de la commission d'experts, 1994, paragr. 55.) Etant donné que la circulaire du gouvernement semble toucher presque tous les cheminots du pays, et que ces travailleurs ont toujours bénéficié des droits syndicaux par le passé et qu'en conséquence ils ne semblent donc pas faire partie des forces armées aux fins de la convention, le comité attire l'attention du gouvernement sur la nécessité de garantir dans sa législation ainsi que dans la circulaire ministérielle le droit de tous les travailleurs qui ne sont pas membres des forces armées de jouir de la liberté syndicale et d'exercer des activités syndicales. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du jugement de la Haute Cour de Lahore dans ce cas.
  9. 500. Enfin, le comité note que l'organisation plaignante et le gouvernement ont indiqué que la directive administrative limitant le contenu de la négociation collective dans la Compagnie nationale de transports aériens internationaux a été rapportée. Le comité considère donc que ce point n'appelle pas un examen plus approfondi. Cependant, étant donné que l'organisation plaignante a exprimé sa crainte de voir d'autres tentatives de porter atteinte aux droits syndicaux, le comité rappelle que les questions qui sont principalement ou essentiellement liées aux conditions d'emploi ne doivent pas être considérées comme outrepassant le champ de la négociation collective menée dans une atmosphère de bonne foi et de confiance mutuelles.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 501. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant les principes selon lesquels tous les travailleurs devraient pouvoir constituer des organisations de leur choix et s'y affilier en toute liberté, et que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour instituer une enquête impartiale en vue d'établir les véritables raisons des licenciements des dirigeants syndicaux des Aciéries nationales et, s'il est établi que les personnes concernées ont été licenciées en raison de leurs activités syndicales, de veiller à ce qu'elles soient réintégrées dans leurs postes. Il prie le gouvernement de le tenir informé des conclusions de l'enquête.
    • b) Rappelant sa recommandation antérieure au gouvernement, à savoir que ce dernier devrait prendre des mesures en vue de renforcer l'application des dispositions de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles visant à protéger les travailleurs, afin d'empêcher qu'on puisse porter atteinte aux organisations de travailleurs au moyen de promotions fictives, et notant la recommandation de la mission de contacts directs tendant à modifier la définition du mot "travailleur" dans l'ordonnance susmentionnée, le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir effectivement le droit d'organisation de tous les travailleurs et de le tenir informé de la situation des syndicats dans les Aciéries nationales.
    • c) Rappelant que l'article 9 de la convention no 87 n'autorise des dérogations à l'application des dispositions de ladite convention que pour les membres des forces armées et de la police, le comité attire l'attention du gouvernement sur la nécessité de garantir dans sa législation et dans toute circulaire ministérielle le droit de tous les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, y compris des cheminots, de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier. Le comité veut croire que le jugement de la Haute Cour de Lahore résoudra le problème des employés des chemins de fer et il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du cas concernant la convention no 87.
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