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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 304, Juin 1996

Cas no 1822 (Venezuela (République bolivarienne du)) - Date de la plainte: 08-FÉVR.-95 - Clos

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499. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des travailleurs du livre en date du 8 février 1995.

  1. 499. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des travailleurs du livre en date du 8 février 1995.
  2. 500. En l'absence de communication gouvernementale relative à ces allégations, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à quatre reprises. En outre, à sa session de mars 1996, le comité a attiré l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session (novembre 1971), il pourrait présenter un rapport sur le fond de cette affaire à sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées n'avaient pas été reçues à temps. (Voir 302e rapport approuvé par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996), paragr. 9.) A ce jour, aucune information n'a été reçue du gouvernement.
  3. 501. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 502. Dans sa communication du 8 février 1995, le Syndicat national des travailleurs du livre (SNTP) allègue avoir présenté, le 9 novembre 1993, à l'inspection du travail un projet de convention collective pour examen conciliatoire avec l'entreprise "Editores El Nuevo País C.A." (Société d'édition du journal El Nuevo País). Des négociations ont eu lieu, avec des résultats divers pendant six mois sans parvenir à un accord, l'employeur refusant de satisfaire à certaines revendications de base formulées par les travailleurs. Face à cette situation, le 10 mai 1994 le SNTP a demandé à l'inspection du travail l'ouverture d'un conflit du travail conformément aux dispositions de l'article 475 et du Code du travail sur les revendications contenues dans le projet de convention collective. L'inspection du travail en réponse à cette demande a décidé, plutôt que de suivre la procédure légale, d'"entamer une série de discussions préliminaires conciliatoires entre les parties" et de suspendre le préavis de 120 heures prévues par le Code du travail vénézuélien avant de pouvoir déclencher la grève. A partir de ce moment-là de manière obligatoire un nouveau processus de conciliation long et difficile a commencé au cours duquel les représentants patronaux, quand ils assistaient aux réunions, ont invoqué les mêmes arguments que précédemment. Tous les préavis de grève présentés par le SNTP se sont heurtés à une fin de non-recevoir au motif que "le pays ne pouvait s'offrir de grèves". Entre-temps, au dire de l'organisation plaignante, l'employeur a eu tout le temps de remanier sa comptabilité pour simuler une crise financière et fermer son entreprise afin d'empêcher les salariés d'exercer leurs droits syndicaux. En effet, le 25 novembre 1994, le SNTP a reçu une communication du représentant légal de l'employeur annonçant l'arrêt des activités de l'entreprise à compter du 15 décembre 1994 et le licenciement ou la mise à pied économique des travailleurs. L'organisation plaignante ajoute que c'est seulement après avoir reçu une communication d'une teneur analogue que le ministre du Travail, le 13 décembre, deux jours avant la fermeture de l'entreprise et sept mois après la présentation des revendications, a donné l'ordre à l'inspecteur du travail (fonctionnaire au courant du cas dès son début) de "reconnaître" le caractère conflictuel du cahier des revendications et de suivre la procédure prévue en cas de conflit collectif, à un moment où la grève avait perdu son sens.
  2. 503. L'organisation plaignante allègue également que, comme on pouvait le craindre, l'employeur n'a nullement tenu compte de cette procédure et a fermé les portes de l'entreprise à la date dite forçant les travailleurs à recevoir dans les jours qui suivirent les indemnités qui, d'après lui, leur revenaient. Un mois après la fermeture frauduleuse, les activités de l'entreprise ont repris, et le journal El Nuevo País a été imprimé avec le concours d'un personnel différent (il a été mis fin au contrat de travail de 24 journalistes et photographes) non syndiqué et sans convention collective. Enfin, l'organisation plaignante souligne que la législation impose une procédure de conciliation longue et insupportable qui fait obstacle à l'exercice du droit de grève.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 504. En premier lieu, le comité regrette profondément que le gouvernement n'ait pas communiqué les observations ou informations demandées au sujet des allégations restées en instance, malgré le temps qui s'est écoulé depuis la présentation de la plainte et le fait qu'il a été invité à plusieurs reprises à formuler ses commentaires et observations, y compris dans le cadre d'un appel pressant.
  2. 505. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 du 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e réunion (novembre 1971)), le comité se voit dans l'obligation de présenter un rapport sur le fond de ce cas sans disposer des informations attendues du gouvernement.
  3. 506. Le comité rappelle au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales, en droit comme en fait, et il est convaincu que, si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées et précises sur le fond des faits allégués. (Voir premier rapport, paragr. 31, approuvé par le Conseil d'administration en mars 1952.)
  4. 507. Le comité observe que, dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue que la procédure légale de conciliation entre les parties lors de la négociation collective est longue et insupportable et fait obstacle à l'exercice du droit de grève tout comme la fermeture de l'entreprise Editores El Nuevo País C.A." - déclaré après prolongation de la période légale de conciliation décidée par l'autorité administrative - qui, un mois plus tard, a fait paraître à nouveau le journal "El Nuevo País" avec le concours d'un personnel différend non syndiqué et sans convention collective.
  5. 508. En ce qui concerne l'allégation de l'organisation plaignante selon laquelle la procédure légale de conciliation est trop longue, le comité observe que l'article 473 de la loi organique du travail dispose "qu'en aucun cas" il ne sera fait obstacle au droit du syndicat (pendant l'étape des négociations collectives) de présenter un cahier de revendications lorsqu'il le juge bon" et que l'article 487 de ladite loi prévoit, à propos de la conciliation, que "les travailleurs intéressés ne doivent pas suspendre collectivement leurs travaux avant expiration d'un délai de 120 heures à compter de la présentation du cahier de revendications". Le comité considère que ces dispositions ne sont pas contraires aux principes de la liberté syndicale.
  6. 509. Le comité souhaite néanmoins souligner que, au dire de l'organisation plaignante, bien que celle-ci ait présenté un cahier de revendications le 10 mai 1994, l'inspection du travail a retardé l'ouverture du délai de 120 heures qui doit s'écouler avant la déclaration de la grève, elle a engagé des discussions conciliatoires et elle n'a pas tenu compte des diverses demandes présentées par le syndicat en vue de pouvoir déclarer la grève, de sorte que le caractère conflictuel du cahier de revendications n'a été "reconnu" que le 13 décembre 1994. Sur ce point, le comité souhaite signaler que les conditions requises pour la grève dans un service non essentiel doivent être raisonnables et qu'une procédure de conciliation extrêmement longue constitue une entrave aux possibilités d'action des organisations syndicales et peut même avoir pour effet en pratique de rendre impossible une grève licite. Le comité rappelle que les procédures de conciliation tendant à faciliter la négociation collective ou le règlement des conflits devraient être rapides et impartiales et laisser ouverte la possibilité de recourir à la grève après un délai raisonnable, ce qui, dans la présente affaire, n'a pas été le cas entre mai et novembre 1994, bien que l'entreprise "Editores El Nuevo País C.A." n'assure pas de service essentiel. Le comité prie le gouvernement de garantir qu'à l'avenir, la durée de la procédure de conciliation préalable à une déclaration de grève soit strictement conforme aux dispositions de la législation et, notamment, au délai prévu à l'article 487 de la loi organique du travail, c'est-à-dire 120 heures, qui ne devrait pas être étendu unilatéralement.
  7. 510. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'entreprise "Editores El Nuevo País C.A." aurait été fermée en simulant une crise financière, le comité observe que, selon l'organisation plaignante, un mois après la fermeture de l'entreprise le journal "El Nuevo País" a de nouveau été imprimé, avec le concours d'un personnel différent non syndiqué (les travailleurs antérieurs ayant été licenciés) et sans convention collective. Dans ces conditions, et en l'absence de réponse du gouvernement, le comité estime qu'il est difficile de croire que la reprise d'activités avec un personnel différent d'une entreprise ayant fermé un mois auparavant constitue une coïncidence sans rapport avec les activités syndicales. En conséquence, le comité considère que la fermeture de l'entreprise "Editores El Nuevo País C.A." peut avoir eu des fins antisyndicales, et il invite le gouvernement à ouvrir une enquête et, si une telle intention est démontrée, d'initier des procédures pour que soit réparé le préjudice causé au Syndicat national des travailleurs de la presse ainsi qu'à ses anciens membres employés par l'entreprise en question, y compris leur réintégration dans leur emploi s'ils le souhaitent. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 511. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que, à l'avenir, la durée de la procédure de conciliation préalable à une déclaration de grève soit strictement conforme aux dispositions de la législation et, notamment, au délai prévu à l'article 487 de la loi organique du travail, c'est-à-dire de 120 heures, et qu'il ne soit pas étendu unilatéralement.
    • b) Le comité considère que la fermeture de l'entreprise "Editores El Nuevo País C.A." a pu être effectuée à des fins antisyndicales, et il prie le gouvernement d'ouvrir une enquête et, si une telle intention est prouvée, d'initier des procédures pour réparer le préjudice causé au Syndicat national des travailleurs de la presse ainsi qu'à ses anciens membres employés par l'entreprise en question, y compris leur réintégration dans leur emploi s'ils le souhaitent. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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