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Rapport définitif - Rapport No. 304, Juin 1996

Cas no 1832 (Argentine) - Date de la plainte: 25-AVR. -95 - Clos

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23. Dans le cas présent, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) a d'abord sollicité l'intervention du Directeur général du BIT dans une communication du 5 août 1994 dans laquelle elle dénonçait la violation de ses droits syndicaux. Par la suite, se référant au contenu de la communication de l'ATE, la Confédération mondiale du travail a présenté une plainte formelle dans une communication datée du 25 avril 1995. La CMT a par ailleurs fourni des informations complémentaires dans une communication datée du 12 juin 1995.

  1. 23. Dans le cas présent, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) a d'abord sollicité l'intervention du Directeur général du BIT dans une communication du 5 août 1994 dans laquelle elle dénonçait la violation de ses droits syndicaux. Par la suite, se référant au contenu de la communication de l'ATE, la Confédération mondiale du travail a présenté une plainte formelle dans une communication datée du 25 avril 1995. La CMT a par ailleurs fourni des informations complémentaires dans une communication datée du 12 juin 1995.
  2. 24. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications des 6 février et 6 mars 1996.
  3. 25. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 26. Dans ses communications des 25 avril et 12 juin 1995, la Confédération mondiale du travail (CMT) allègue que le décret no 2361, adopté en juillet 1994 par le gouvernement de la province de Corrientes, contraint les membres de l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) à se "réaffilier" pour pouvoir continuer de bénéficier du système de retenue à la source de leurs cotisations syndicales. L'organisation plaignante explique que l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) est une organisation de premier degré, jouissant du statut syndical, à laquelle sont notamment affiliés les fonctionnaires de l'administration de la province de Corrientes; elle ajoute qu'en vertu de la législation applicable aux syndicats l'ATE a qualité pour bénéficier du système de retenue à la source des cotisations que lui versent ses affiliés et qu'ayant respecté les dispositions de la loi elle a régulièrement perçu leurs cotisations.
  2. 27. L'organisation plaignante objecte qu'en vertu du décret précité le gouvernement de la province de Corrientes exige que les fonctionnaires de l'administration provinciale centrale et des organismes décentralisés expriment leur volonté d'être affiliés à une organisation syndicale et donnent leur autorisation pour que la retenue de leurs cotisations syndicales soit opérée.
  3. 28. L'organisation plaignante déclare que l'ATE a saisi la Cour suprême de justice de la Nation d'une plainte pour pratique déloyale dans laquelle elle a demandé l'annulation du décret no 2361/94 comme étant inconstitutionnel. Dans le cadre de cette procédure, elle a également demandé, à titre de mesure conservatoire, de ne pas innover et de déclarer que le décret contesté n'est pas applicable aussi longtemps que la question de fond n'aura pas été tranchée. L'organisation plaignante ajoute que la Cour suprême a ordonné que l'on continue d'effectuer les retenues à la source au titre de la cotisation syndicale, mais comme le gouvernement de la province se refuse à respecter cette décision un incident a été invoqué dans l'application de la mesure conservatoire.
  4. 29. Par ailleurs, l'organisation plaignante déclare que le pouvoir exécutif de la province de Jujuy a adopté le décret no 2930/95 qui viole la législation applicable aux syndicats en imposant à l'ATE l'obligation de satisfaire à de nouvelles conditions plus exigeantes encore pour la perception des cotisations de ses affiliés. C'est ainsi que le gouvernement de la province exige l'autorisation préalable, expresse et écrite du travailleur dans une déclaration par laquelle il exprime sa volonté de s'affilier à une des organisations syndicales légalement en fonction, ainsi que l'autorisation de l'affilié, pour que les cotisations syndicales puissent être prélevées sur son salaire; en outre, l'administration provinciale ne sera tenue de procéder à la retenue des cotisations syndicales que pour une seule organisation jouissant du statut syndical désignée par le travailleur. Enfin, elle précise que, vu l'illégalité du décret, elle saisira l'autorité compétente dans le domaine du travail de sa réclamation et que le gouvernement de la province devra interjeter appel devant les instances judiciaires pour obtenir l'application du décret.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 30. Dans sa communication du 6 février 1996, le gouvernement précise qu'en Argentine, où le système fédéral est en vigueur, les Etats de la fédération (provinces) ont le droit d'édicter des actes de gouvernement sur toute question intéressant leurs administrations, sans ingérence aucune de la part du gouvernement national, et que c'est fort de ce droit que le gouvernement de la province de Corrientes a adopté le décret no 2361/94, dont la validité est contestée.
  2. 31. Le gouvernement indique, à propos du décret no 2361/94, que le gouvernement de la province de Corrientes a découvert, après vérification du système de rémunération des fonctionnaires provinciaux, que dans bon nombre de cas les fonctionnaires étaient inscrits comme affiliés à une organisation syndicale, alors qu'en réalité ils avaient sollicité leur retrait conformément à la législation en vigueur, et c'est ainsi qu'après avoir lancé un nouveau programme de liquidation des avoirs il a adopté le décret en question qui exige une photocopie de la déclaration "mise à jour" par laquelle les travailleurs expriment leur volonté de s'affilier à un organisme syndical pour que les autorités provinciales puissent continuer à opérer les prélèvements en question. Le gouvernement indique que les autorités ont exigé des travailleurs qu'ils expriment leur "ferme" volonté de continuer à s'acquitter de leurs cotisations syndicales par le biais de retenues sur les salaires qui leur sont versés, à seule fin d'éviter que l'on continue de retenir indûment de tels montants aux travailleurs qui, pour une raison ou pour une autre, avaient demandé la résiliation de leur affiliation syndicale.
  3. 32. Le gouvernement déclare également que ces dispositions n'enfreignent en rien le droit des travailleurs de constituer des organisations syndicales ni de s'affilier ou de se retirer de ces mêmes organisations, ni ne constituent, de la part des autorités publiques, une ingérence quelconque dans les activités des syndicats. Au contraire, il ne s'agit que d'une mesure adoptée dans le cadre de la réorganisation administrative de la liquidation des salaires dont le seul objectif est d'appliquer les dispositions de la législation nationale. Le gouvernement ajoute qu'en dépit de ce que prétendent les organisations plaignantes, selon lesquelles le décret "exige de tous membres de l'ATE qu'ils se réaffilient", ce dernier ne fait obligation à personne de s'affilier, de se réaffilier ou de renoncer à son affiliation à l'ATE, ni même à aucune autre organisation syndicale, mais qu'il s'agit au contraire d'une réglementation de portée générale applicable à toutes les organisations assujetties à la loi no 23551 (loi sur les associations syndicales) qui a pour objet d'assurer la stricte application de la loi citée, et en particulier, dans le cas présent, des dispositions qui visent les obligations de l'employeur en tant qu'agent chargé de retenir les cotisations salariales, dans le cadre d'une restructuration et d'une modernisation du système de liquidation des avoirs.
  4. 33. Dans sa communication du 6 mars 1996, le gouvernement déclare que le décret de la province de Jujuy no 2920/95 s'inscrit dans le cadre d'un processus de restructuration de l'administration provinciale du système de retenue sur salaire, au titre duquel sont prélevés sur le salaire des travailleurs -- lors de la liquidation des avoirs -- les montants dus, par exemple, au titre de la cotisation syndicale, des crédits commerciaux, des ordres d'achats, de l'acquisition de biens et de services, de prêts bancaires, etc. Le gouvernement déclare que, dans le cas particulier des organisations syndicales, l'administration publique de la province de Jujuy ne peut agir comme agent de rétention qu'à la condition que chaque syndicat produise un certificat du ministère du Travail et de la Sécurité sociale confirmant son statut syndical, sa portée et son champ d'action avec une liste de ses affiliés, et que, de la même manière, la retenue de la cotisation syndicale sur le salaire du travailleur est subordonnée à l'autorisation expresse et écrite de l'intéressé. Enfin, le gouvernement précise que les conditions précitées n'ont pour seul objectif que de satisfaire l'obligation que fait la législation nationale (loi no 23551 sur les associations syndicales) aux employeurs de procéder eux-mêmes à la retenue des cotisations syndicales, obligation qui ne figure par ailleurs dans aucune convention internationale du travail et que les autorités de la province de Jujuy ne manquent pas non plus de respecter.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 34. Le comité observe que les allégations formulées dans le cas présent portent sur la modification par voie de décret des modalités d'application du système de retenue à la source des cotisations syndicales du personnel de l'administration publique des provinces de Corrientes et de Jujuy. Il note par ailleurs que l'organisation plaignante prétend que, dans le cas de la province de Jujuy, le décret contesté dispose également que l'administration publique provinciale n'est tenue de procéder à la retenue à la source des cotisations syndicales que d'une seule organisation syndicale, désignée par le travailleur (même si celui-ci est en outre affilié à une autre organisation syndicale), mais qui doit jouir du statut syndical.
  2. 35. En ce qui concerne les décrets contestés, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle: 1) contrairement à ce que prétend l'organisation plaignante, nul n'oblige les travailleurs à s'affilier, à se réaffilier ou à renoncer à leur affiliation à l'ATE ni à aucune autre organisation syndicale; 2) les décrets ont été adoptés dans le cadre d'une réorganisation administrative de la liquidation des salaires; 3) les contrôles effectués ont permis de découvrir qu'en de nombreuses occasions des fonctionnaires étaient inscrits comme étant affiliés à une autre organisation syndicale, alors qu'en réalité ils avaient demandé à s'en retirer; 4) en vertu de ce qui précède, les autorités ont demandé aux fonctionnaires des administrations publiques d'exprimer leur "ferme" volonté de continuer à verser leurs cotisations syndicales par retenue sur leur salaire.
  3. 36. A ce sujet, et bien que le comité déplore que les organisations syndicales n'aient pas été consultées avant que les décrets en question soient adoptés, il constate néanmoins que le gouvernement a invoqué des raisons objectives pour motiver son exigence que les travailleurs confirment par écrit leur affiliation syndicale comme condition préalable à la retenue des cotisations syndicales sur leur salaire, ce qui ne porte pas atteinte aux principes de la liberté syndicale.
  4. 37. En ce qui concerne par ailleurs l'allégation selon laquelle, en vertu du décret no 2930/95, adopté par le gouvernement de la province de Jujuy, l'administration publique provinciale n'est tenue de procéder à la retenue des cotisations syndicales que d'une seule organisation (jouissant du statut syndical) désignée par le travailleur, le comité constate que le décret contesté n'interdit pas aux travailleurs de s'affilier à deux organisations syndicales ou davantage, ni de verser plus qu'une cotisation à une organisation syndicale -- que le travailleur paie sa cotisation directement ou sous toute autre forme prévue par les organisations --, mais dispose seulement que la retenue à la source des cotisations sur les salaires ne peut être effectuée qu'en faveur d'une organisation syndicale.
  5. 38. Le comité constate toutefois que, pour pouvoir bénéficier de la retenue de la cotisation syndicale sur le salaire, le décret no 2930/95 de la province de Jujuy exige des organisations (se conformant ainsi à la législation applicable aux syndicats) qu'elles jouissent du statut syndical. Dans ces conditions, le comité tient à rappeler au gouvernement que, depuis plusieurs années, lors de l'examen de la conformité de la législation avec la convention no 87, la Commission d'experts pour l'application des conventions et des recommandations demande, à propos de la loi no 23551 sur les associations syndicales (voir, par exemple, le rapport III, partie 4A, de la commission -- 1996), au gouvernement de modifier ou d'abroger l'article 38 de ladite loi, car aux termes de cet article seules les associations jouissant du statut syndical (à savoir les plus représentatives), et non pas simplement celles qui sont enregistrées (moins représentatives), ont qualité pour bénéficier de la retenue sur salaire de leurs cotisations. A cet égard, le comité observe que tant le décret no 2930/95 que la loi no 23551 soulèvent le même problème en matière de retenue des cotisations syndicales. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de modifier la loi no 23551 sur les associations syndicales et le décret no 2930/95 de la province de Jujuy afin que les travailleurs puissent demander que des retenues à la source soient effectuées sur leur salaire au titre des cotisations syndicales dues aux organisations syndicales de leur choix, même si ces organisations ne sont pas les plus représentatives.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 39. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de modifier la loi no 23551 sur les associations syndicales et le décret no 2930/95 de la province de Jujuy afin d'assurer que les travailleurs puissent demander que des retenues à la source soient effectuées sur leur salaire au titre des cotisations syndicales dues aux organisations syndicales de leur choix, même si ces organisations ne sont pas les plus représentatives.
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