255. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL), l'Intersyndicale Union djiboutienne du travail/Union générale des travailleurs de Djibouti (UDT/UGTD) et l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) ont présenté des plaintes en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de Djibouti en date des 19 septembre 1995, 9 décembre 1995 et 12 mars 1996. L'UDT/UGTD a communiqué des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une communication du 28 janvier 1996. Le gouvernement de Djibouti a fourni certains commentaires et observations à propos de cette affaire dans une communication du 5 février 1996.
- 255. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL), l'Intersyndicale Union djiboutienne du travail/Union générale des travailleurs de Djibouti (UDT/UGTD) et l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) ont présenté des plaintes en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de Djibouti en date des 19 septembre 1995, 9 décembre 1995 et 12 mars 1996. L'UDT/UGTD a communiqué des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une communication du 28 janvier 1996. Le gouvernement de Djibouti a fourni certains commentaires et observations à propos de cette affaire dans une communication du 5 février 1996.
- 256. Djibouti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 257. Dans sa communication du 19 septembre 1995, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) indique que l'Intersyndicale Union djiboutienne du travail/Union générale des travailleurs de Djibouti (UDT/UGTD) a lancé une grève le 6 septembre 1995 afin de protester contre le refus systématique du gouvernement d'entamer un dialogue avec les syndicats à travers les mécanismes de consultation établis, et cela au sujet d'un certain nombre de décisions sociales et économiques essentielles ainsi que de plusieurs projets de lois. Le conflit concernait plus particulièrement un projet de législation financière qui, selon le mouvement syndical, aurait un impact catastrophique sur le niveau de vie des travailleurs.
- 258. Selon la CISL, au cours des deux premiers jours, la grève a été suivie par environ 80 pour cent des travailleurs. Mais le gouvernement a lancé une série de mesures répressives en vue d'écraser le mouvement syndical. D'après le groupe intersyndical de coordination, ces mesures comprenaient des arrestations arbitraires, des menaces, des licenciements ou suspensions de dirigeants syndicaux, et cela particulièrement dans les secteurs de l'électricité, des postes et télécommunications, de l'eau et du transport ferroviaire.
- 259. La CISL indique que, le 14 septembre 1995, des dirigeants syndicaux ont été arrêtés et licenciés sous l'accusation d'abandon de poste au cours de la grève. En outre, une centaine de membres des syndicats ont été soit suspendus, soit licenciés. Ahmed Djama Egueh, président de l'UDT et porte-parole du groupe intersyndical de coordination, outre le fait d'avoir été congédié de son emploi à l'aéroport de Djibouti, s'est également vu obligé d'abandonner son logement de fonction sous 48 heures. Les forces de sécurité du quartier général ont fermé les locaux de l'UGDT. L'approvisionnement en eau et en électricité des maisons des syndicalistes a été coupé. Les entreprises publiques et para-étatiques ont été occupées par la police. Plus de 25 enseignants, dont le président du Syndicat des enseignants des écoles primaires, ont été arrêtés et envoyés dans des centres de détention. Plusieurs parents d'élèves, dont des femmes, ont également été emprisonnés pour avoir exprimé leur solidarité avec les grévistes.
- 260. Par la suite, l'Intersyndicale UDT/UGTD explique, dans une première communication du 9 décembre 1995, que la grève a eu pour origine l'adoption d'un projet de loi de finances réduisant sensiblement les revenus des travailleurs. L'Intersyndicale a appelé à des manifestations pacifiques les 21 et 24 août 1995 et à une grève générale à partir du 6 septembre 1995. Le gouvernement a réagi par les mesures répressives décrites ci-dessous.
- 261. Des arrestations et des condamnations:
- -- Le 22 août 1995, Mohamed Doubad Wais, deuxième secrétaire général adjoint de l'UGTD, a été arrêté et condamné à trois mois de prison ferme et 60 000 francs djiboutiens d'amende à la suite d'une plainte déposée par le ministre du Travail et de la Formation professionnelle.
- -- Le 24 août, 68 travailleurs ont été arrêtés et maltraités puis emmenés dans un camp gardé par la police situé à la périphérie de la ville.
- -- Le 6 septembre, les syndicalistes suivants ont été arrêtés: Ahmed Djama Egueh, président de l'UDT et coprésident de l'Intersyndicale; Kamil Diraneh Hared, secrétaire général de l'UGTD et coprésident de l'Intersyndicale; Mahamoud Miguil Okieh, trésorier général adjoint de l'UGTD; Aden Mohamed Abdou, secrétaire général de l'UDT, porte-parole de l'Intersyndicale; Bouha Mohamed Daoud, vice-président de l'UDT; Abdo Ibrahim Guireh, secrétaire à l'information de l'UDT; Youssouf Ibrahim Mohamed, secrétaire à l'information de l'UGTD; Moussa Ainan, premier secrétaire général adjoint de l'UGTD; Abdoulkalek Waberi Houffaneh, secrétaire aux affaires juridiques de l'UDT; Fouad Moussa Dawaleh, secrétaire aux affaires administratives de l'UDT, ainsi que quatre contrôleurs de la navigation aérienne, à savoir Mohamed Ali Hirab, Aboubaker Moussa Robleh, Abou Egueh Sigad, Abdourazak Mohamed Hassan, membres du syndicat de l'aéroport.
- -- Le 12 septembre, 28 travailleurs des secteurs de la santé publique, du chemin de fer, des transports et des télécommunications, et des différents services du ministère du Travail ont été incarcérés.
- -- Le 17 septembre, 25 enseignants, dont les principaux dirigeants du mouvement de revendication, ont été arrêtés, de même que des parents d'élèves qui avaient manifesté leur solidarité.
- 262. Des licenciements:
- -- Les principaux dirigeants des deux centrales syndicales ont été licenciés. Il s'agit de Kamil Diraneh Hared, Ahmed Djama Egueh, Aden Mohamed Abdou et Mohamed Doubad Wais, déjà mentionnés comme arrêtés, ainsi que de Habib Ahmed Doualeh, secrétaire aux affaires juridiques de l'UGTD, et Ahmed Birir Omar, secrétaire administratif du syndicat de l'OPT. Trois agents du Chemin de fer djibouto-éthiopien ont également été congédiés: Houssein Dirieh Gouled, Ahmed Elmi Fod et Moussa Waiss Ibrahim, membres du Syndicat des cheminots. Les plaignants joignent des copies des lettres de licenciement concernant plusieurs de ces syndicalistes.
- -- Quatre cents enseignants sont radiés par une note de service du ministère de l'Education.
- 263. Des suspensions:
- -- Huit dirigeants du Syndicat de la santé ont été suspendus de leurs fonctions. Tous les services publics ont été assiégés massivement par les forces de l'ordre qui ont contraint les travailleurs, alors en piquet de grève, à reprendre le travail. Les syndicalistes ont été interdits des lieux de travail. Ils ont été pourchassés, arrêtés et incarcérés arbitrairement après avoir subi des brutalités et sévices corporels. La police a traqué les dirigeants syndicaux jusque dans leurs domiciles, dans lesquels elle a quotidiennement procédé à des descentes nocturnes pour faire pression sur les familles.
- 264. Dans une communication ultérieure du 28 janvier 1996, l'Intersyndicale a précisé que la situation des dirigeants syndicaux licenciés, y compris les deux présidents des centrales, demeurait inchangée. Le gouvernement a refusé la concertation. Il a, selon les plaignants, modifié sans concertation préalable plusieurs articles du Code du travail, le 29 novembre 1995, et adopté une loi portant augmentation de l'impôt sur les traitements et salaires.
- 265. Les syndicats des enseignants du primaire (SEP) et du second degré (SYNESED) ont le 9 janvier 1996 décidé de déclencher une grève générale pour protester contre le retard dans le paiement de leurs arriérés de salaires. Deux cent trente enseignants ont été arrêtés et incarcérés dans un camp gardé par la police. Deux cent dix-sept d'entre eux ont été libérés par la suite dans le village de Goubatto à 20 kilomètres de la capitale. Les treize autres, dont les présidents des deux syndicats, ont été déférés au tribunal d'Etat le 14 janvier 1996, mais relâchés grâce à l'intervention de leurs avocats et à la présence des travailleurs de l'ensemble du pays devant le Palais de justice. Par ailleurs, 180 instituteurs suppléants ont également été licenciés le 28 janvier 1996 pour avoir participé à la grève. Les écoles sont fermées depuis le 9 janvier 1996.
- 266. L'Intersyndicale communique les noms des dirigeants syndicaux licenciés abusivement ainsi que les postes occupés au sein de leurs syndicats de base ou dans l'une des deux centrales. Il s'agit, outre ceux mentionnés dans la précédente communication, de MM. Mohamed Nasser Abas, Hachin Adaweh Ladieh et Abdoulkader Mohamed.
- 267. Dans une communication du 12 mars 1996, l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) dénonce la détention dans les locaux de la police, puis le licenciement, des dirigeants de l'UGTD et de l'UDT nommément désignés précédemment par les plaignants, et ajoute que le gouvernement aurait créé de toutes pièces une organisation syndicale acquise à sa cause: le Congrès djiboutien du travail (CODJITRA).
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 268. Dans sa communication du 5 février 1996, le gouvernement proclame tout d'abord son soutien aux syndicats qui sont, selon lui, indispensables, et affirme qu'il n'y a pas de démocratie sociale sans eux. Il explique cependant qu'il est confronté à une impasse idéologique pour instaurer un régime démocratique.
- 269. Selon le gouvernement, pour qu'un Etat puisse créer une nation, il lui faut parvenir à une longue période de paix civile. Or, il ne faut pas perdre de vue, lorsque l'on parle de la démocratie, que le suffrage universel ne s'est établi, dans la plupart des pays européens, qu'au début du XXe siècle, au terme d'un long processus d'éducation politique des peuples. Depuis 1991, Djibouti est engagé dans un processus démocratique. La proximité de l'époque coloniale et du système politique basé sur le parti unique a très mal préparé à assumer soudainement le peuple djiboutien à prendre en main son destin. Le gouvernement poursuit en indiquant que la société est actuellement fortement politisée, la population s'étant éveillée à la politique. Le gouvernement admet qu'il n'est plus possible d'ignorer la population parce que le système ne peut plus fonctionner sans sa participation. Il reconnaît que l'éveil du syndicalisme est apparu en tant que réaction à l'échec politique auquel le parti unique avait abouti. Cependant, il regrette que le syndicalisme soit devenu l'affaire d'un groupe de personnes qui ne dissimulent pas leur dessein. Selon le gouvernement, ces personnes ne cherchent pas seulement à défendre des libertés syndicales par des manifestations mais par une méthode visant à discréditer le pouvoir public. Le personnel dirigeant des syndicats essaie de politiser le problème, confondant syndicalisme et opposition politique. La confrontation de ces logiques se traduit par des troubles sociaux extrêmement graves qui amènent l'intervention des forces de police pour le rétablissement de l'ordre.
- 270. Le gouvernement ajoute que, malgré le fait que la Constitution prévoie que le Président de la République a la possibilité légale de suspendre la garantie constitutionnelle des libertés en cas de crise, la notion de crise étant entendue au sens le plus large, le Président El Hadj Hassan Gouled Aptidon a privilégié les modes de règlement pacifique des conflits, à savoir la conciliation, la médiation et l'arbitrage. Le gouvernement assure avoir recherché le dialogue et accuse les syndicats djiboutiens d'être des associations fermées devenues la propriété de dirigeants administratifs. Pour le gouvernement, il ne s'agit pas de syndicalisme mais d'un mouvement lié au mouvement syndical, et il prétend que, face au silence et à l'inertie de la population qui n'apporte pas son soutien au mouvement syndical, les plaignants en ont appelé au BIT. De l'avis du gouvernement, la grève est une manifestation de l'existence d'un conflit.
- 271. Enfin, pour répondre aux allégations, le gouvernement précise que les faits relatés par la centrale syndicale qui ont fait l'objet de la plainte n'ont rien de commun avec la réalité des événements provoqués par le refus intransigeant de la part des syndicats d'engager des négociations.
- 272. Le gouvernement indique qu'il serait reconnaissant au BIT de bien vouloir mettre à la disposition de Djibouti un consultant qui serait chargé auprès du ministère du Travail de la formation des syndicalistes et de l'élaboration d'un Code du travail, ainsi que de la révision de bon nombre de législations sociales.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 273. Le comité note avec préoccupation que les graves allégations en instance dans le présent cas concernent des arrestations, licenciements et suspensions de syndicalistes, à la suite de grèves de protestation contre la politique économique et sociale du gouvernement dans un nombre très important de secteurs d'activité, ainsi que la fermeture des locaux de l'UGTD et la création d'une organisation syndicale acquise à la cause du gouvernement.
- 274. Le comité observe que le gouvernement se borne à formuler des considérations extrêmement générales sur l'évolution politique de Djibouti et sur l'utilité de la démocratie, tout en accusant les syndicalistes de menées plus politiques que syndicales. Le comité note avec un profond regret que le gouvernement ne fournit aucun commentaire précis sur les allégations portées contre lui par les plaignants.
- 275. Compte tenu de ce que le comité a déjà dû, l'an dernier, examiner sans réponse de la part du gouvernement une plainte grave en violation de la liberté syndicale (voir cas no 1803, 299e rapport, paragr. 329 à 341, approuvé par le Conseil d'administration à sa session de juin 1995), le comité rappelle une fois de plus au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure de plainte en violation de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait; aussi, le comité est convaincu que, si cette procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables portées contre eux, ceux-ci devront reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent en vue d'un examen objectif des réponses détaillées et précises aux allégations formulées à leur encontre. Le comité tient à souligner que, dans tous les cas dont il a été saisi depuis sa création, il a toujours été d'avis que les réponses des gouvernements contre lesquels des plaintes étaient présentées ne devraient pas se limiter à des observations de caractère général. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, procédure en vigueur, paragr. 60.)
- 276. En ce qui concerne les allégations de fond, le comité observe que les deux centrales de travailleurs de Djibouti, regroupées en une intersyndicale UDT/UGTD, ont déclenché une grève en septembre 1995 pour protester contre un projet de loi de finances qui, selon les plaignants, avait un impact catastrophique sur le niveau de vie des travailleurs ainsi que contre le refus du gouvernement de dialoguer avec les syndicats auparavant. Cette grève de deux jours aurait été suivie dans de nombreux secteurs d'activité. Elle aurait eu pour conséquence de nombreuses arrestations et condamnations de militants et de dirigeants syndicaux, ainsi que des licenciements massifs et des suspensions (400 enseignants, notamment). Les plaignants fournissent des exemples de lettres de licenciement pour abandon de poste de quelques militants et dirigeants syndicaux. Les plaignants communiquent aussi d'autres lettres de licenciement pour faute lourde au sein du Chemin de fer djibouto-éthiopien, faisant état de ce que les intéressés auraient été reconnus coupables d'agressions perpétrées sur la personne d'un agent dans l'exercice de ses fonctions. Les plaignants communiquent enfin une lettre portant suspension de salaire et de fonctions pour incitation à la violence, agissements et troubles au sein d'un hôpital.
- 277. Ultérieurement, une grève a été déclenchée le 9 janvier 1996 par les enseignants pour protester contre le retard dans le paiement des arriérés de salaires. Cette grève aurait été suivie de l'arrestation de 230 enseignants -- dont 217 ont été libérés par la suite -- et du licenciement de 180 instituteurs suppléants. Treize des enseignants arrêtés auraient été déférés au tribunal puis élargis grâce à l'intervention de leurs avocats. Enfin, l'OUSA dénonce la création d'une organisation syndicale acquise à la cause du gouvernement, le Congrès djiboutien du travail.
- 278. Le comité note que le gouvernement réitère son attachement aux syndicats et à la démocratie mais dénonce les troubles sociaux graves qui ont secoué le pays et qui l'ont conduit à faire intervenir les forces de police pour rétablir l'ordre. Le gouvernement ne fournit toutefois aucune information sur la nature de ces troubles. Il fait observer que le Président de la République n'a pas suspendu la Constitution et il assure qu'il a privilégié la conciliation, la médiation et l'arbitrage en tant que mode de règlement pacifique des conflits, sans fournir d'indications sur la nature de la concertation dont il se prévaut.
- 279. Le comité observe que la raison majeure des mouvements déclenchés par les syndicats semble être la préparation et l'adoption de projets de lois de nature économique et sociale sans concertation préalable avec les organisations syndicales. A cet égard, le comité doit rappeler l'intérêt et l'importance d'une consultation préalable des organisations d'employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en oeuvre de toute loi dans le domaine du droit du travail ou, plus généralement, d'une législation touchant leurs intérêts. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 929 et 930.) Dans ce contexte, le comité note que le gouvernement serait reconnaissant au BIT de mettre à sa disposition un consultant qui serait chargé, entre autres, de l'élaboration d'un nouveau Code du travail et de la révision de nombreuses lois sociales. Le comité estime en effet que l'assistance technique du Bureau international du Travail pourrait contribuer efficacement à la rédaction d'un projet de réforme du Code du travail qui garantirait pleinement les droits consacrés par les conventions en matière de liberté syndicale et de négociation collective.
- 280. Au sujet des graves mesures répressives ayant frappé les travailleurs de plusieurs secteurs publics de l'économie pour avoir participé à des mouvements de grève de protestation contre la politique économique et sociale du gouvernement, le comité souligne que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs peuvent défendre par le droit de grève se rapportent non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale qui intéressent directement les travailleurs. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 479.) Bien que les grèves de nature purement politique n'entrent pas dans le champ d'application des principes de la liberté syndicale, les syndicats devraient avoir la possibilité de recourir aux grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement sans encourir des mesures de représailles. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 482.) Le comité demande donc instamment au gouvernement de tenir compte à l'avenir de ces principes et de considérer des grèves de ce type comme légales. En tout état de cause, la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 522.)
- 281. S'agissant plus particulièrement des arrestations et des condamnations pénales de syndicalistes qui ont fait suite au déclenchement de ces grèves qui concernent:
- -- Mohamed Doubad Wais, deuxième secrétaire général adjoint de l'UGTD, arrêté et condamné à trois mois de prison ferme;
- -- Ahmed Djama Egueh, président de l'UDT et coprésident de l'Intersyndicale;
- -- Kamil Diraneh Hared, secrétaire général de l'UGTD et coprésident de l'Intersyndicale;
- -- Mahamoud Miguil Okieh, trésorier général adjoint de l'UGTD;
- -- Aden Mohamed Abdou, secrétaire général de l'UDT et porte-parole de l'Intersyndicale;
- -- Bouha Mohamed Daoud, vice-président de l'UDT;
- -- Abdo Ibrahim Guireh, secrétaire à l'information de l'UDT;
- -- Youssouf Ibrahim Mohamed, secrétaire à l'information de l'UGTD;
- -- Moussa Ainan, premier secrétaire général adjoint de l'UGTD;
- -- Abdoulkalek Waberi Houffaneh, secrétaire aux affaires juridiques de l'UDT;
- -- Fouad Moussa Dawaleh, secrétaire aux affaires administratives de l'UDT;
- ainsi que Mohamed Ali Hirab, Aboubaker Moussa Robleh, Abou Egueh Sigad et Abdourazak Mohamed Hassan, membres du Syndicat de l'aéroport et contrôleurs de la navigation aérienne, et d'un grand nombre d'autres travailleurs, le comité note que le gouvernement n'a pas nié ces allégations. Le comité rappelle que des sanctions pénales ne devraient pouvoir être infligées pour fait de grève que dans les cas d'infractions à des interdictions de la grève conformes aux principes de la liberté syndicale. Toute sanction infligée en raison d'activités liées à des grèves illégitimes devrait être proportionnée au délit ou à la faute commise, et les autorités devraient exclure le recours à des mesures d'emprisonnement contre ceux qui organisent une grève pacifique où y participent. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 591 et 599.) Le comité demande avec insistance au gouvernement de libérer les dirigeants et les militants syndicaux arrêtés pour fait de grève et de le tenir informé de la situation des dirigeants syndicaux et des syndicalistes arrêtés qui, semble-t-il, font encore l'objet de poursuites judiciaires. Il lui demande en outre de communiquer le texte de toute décision judiciaire rendue en la matière.
- 282. Pour ce qui concerne les licenciements et les suspensions consécutifs au mouvement de grève qui ont touché Kamil Diraneh Hared, Ahmed Djama Egueh, Aden Mohamed Abdou, Mohamed Doubad Wais déjà mentionnés comme arrêtés et Habib Ahmed Doualeh, secrétaire aux affaires juridiques de l'UGTD, Ahmed Birir Omar, secrétaire administratif du syndicat de l'OPT, Mohamed Nasser Abas, Hachin Adaweh Ladieh, Abdoulkader Mohamed, ainsi que Houssein Dirieh Gouled, Ahmed Elmi Fod et Moussa Waiss Ibrahim, membres du Syndicat des cheminots, et huit dirigeants du Syndicat de la santé (suspendus) et 400 enseignants et 180 instituteurs suppléants (radiés), le comité note que le gouvernement n'a pas réfuté non plus ces allégations. Dans ces conditions, le comité rappelle que le licenciement de travailleurs pour fait de grève constitue une grave discrimination antisyndicale en matière d'emploi pour exercice d'activités syndicales licites. Bien qu'il ressorte de la documentation jointe à la plainte que certains licenciements de grévistes ont été prononcés pour faute grave, à savoir pour avoir été reconnus coupables (par la direction de l'entreprise et non pas par une décision de justice) d'agression perpétrée sur la personne d'un agent dans l'exercice de ses fonctions, le comité rappelle que le seul fait de participer à un piquet de grève et d'inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s'accompagne de violences ou d'entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, actes qui, dans beaucoup de pays, sont punis de la loi pénale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 586.) S'agissant de l'allégation selon laquelle les forces de l'ordre ont contraint les travailleurs alors en piquet de grève à reprendre le travail, le comité rappelle que les piquets de grève organisés dans le respect de la loi ne doivent pas voir leur action entravée par les autorités publiques.
- 283. Le comité exhorte en conséquence le gouvernement à prendre des mesures pour lever au plus vite les sanctions massives qui ont frappé les grévistes. Il lui demande en particulier de réintégrer dans leur poste de travail les dirigeants syndicaux et les syndicalistes qui ont été licenciés ou suspendus pour activités syndicales licites liées à la défense des intérêts des travailleurs.
- 284. Enfin, s'agissant de la fermeture des locaux de l'UGTD par les forces de sécurité, le comité observe que le gouvernement n'a pas non plus répondu à cette allégation. Le comité rappelle que toute descente au siège d'un syndicat sans mandat judiciaire constitue une grave violation de la liberté syndicale. Le comité estime qu'un contrôle judiciaire indépendant devrait être exercé concernant la fermeture des locaux syndicaux, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font peser sur les activités syndicales. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 177 et 183.) Le comité demande au gouvernement de communiquer ses commentaires sur cet aspect du cas.
- 285. Le comité demande aussi au gouvernement de fournir les commentaires et observations qu'il estime appropriés concernant l'allégation de l'OUSA selon laquelle il a créé une organisation syndicale acquise à sa cause et dénommée le Congrès djiboutien du travail.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 286. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle que les grèves de nature purement politique n'entrent pas dans le champ d'application de la liberté syndicale. Toutefois, il souligne que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs peuvent défendre par le droit de grève doivent pouvoir se rapporter non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou à des revendications d'ordre professionnel, mais encore à la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale qui intéressent directement les travailleurs. Le comité insiste en outre sur le fait que les syndicats doivent avoir la possibilité de recourir aux grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement, sans encourir des mesures de représailles. Il demande au gouvernement de s'efforcer à l'avenir de tenir compte de ces principes et d'éviter de considérer des grèves de ce type comme illégales.
- b) Pour ce qui est des arrestations et des condamnations d'un très grand nombre de dirigeants et de militants syndicaux, le comité demande avec insistance au gouvernement de libérer les syndicalistes arrêtés pour fait de grève et de le tenir informé du sort des dirigeants syndicaux arrêtés qui, semble-t-il, font encore l'objet de poursuites judiciaires. Il demande en outre au gouvernement de communiquer le texte de toute décision de justice rendue en la matière.
- c) En ce qui concerne les licenciements et suspensions de grévistes, le comité exhorte le gouvernement à prendre des mesures pour lever au plus vite les sanctions massives qui ont frappé les grévistes et en particulier pour réintégrer dans leur poste de travail les dirigeants et les membres des syndicats qui ont été licenciés ou suspendus pour activités syndicales licites liées à la défense des intérêts des travailleurs.
- d) S'agissant de la fermeture du local de l'UGTD par les forces de l'ordre, le comité, soulignant l'importance d'un contrôle judiciaire indépendant étant donné les risques importants de paralysie que de telles mesures font peser sur les activités des syndicats, demande au gouvernement de communiquer ses commentaires sur cet aspect du cas.
- e) Le comité demande en outre au gouvernement de fournir tout commentaire et observation qu'il estimera appropriés au sujet de l'allégation selon laquelle il a créé une organisation syndicale acquise à sa cause et dénommée le Congrès djiboutien du travail.
- f) Regrettant vivement l'absence de concertation préalable avec les organisations syndicales lors de l'adoption de projets de lois de nature économique et sociale qui a débouché sur des mouvements de grève, le comité rappelle l'importance de la consultation des organisations représentatives de travailleurs et d'employeurs lors de l'élaboration des projets de lois sociales. Toutefois, le comité note avec satisfaction que le gouvernement souhaite faire appel à l'assistance technique de l'OIT. Il espère qu'elle pourra contribuer efficacement à la rédaction d'un projet de réforme du Code du travail qui garantira pleinement les droits consacrés par les conventions en matière de liberté syndicale et de négociation collective.