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Rapport intérimaire - Rapport No. 306, Mars 1997

Cas no 1867 (Argentine) - Date de la plainte: 30-DÉC. -95 - Clos

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56. Dans sa communication de décembre 1995, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Argentine. L'ATE a fait parvenir des informations complémentaires par une communication datée du 3 avril 1996.

  1. 56. Dans sa communication de décembre 1995, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Argentine. L'ATE a fait parvenir des informations complémentaires par une communication datée du 3 avril 1996.
  2. 57. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication du 14 février 1997.
  3. 58. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

A. Allégations du syndicat plaignant
  1. 59. Dans ses communications de décembre 1995 et du 3 avril 1996, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) allègue que M. Miguel Hugo Rojo (secrétaire général du Conseil exécutif provincial de l'ATE) a fait l'objet des représailles suivantes pour l'action syndicale qu'il a menée au cours d'un conflit collectif au sein de la Direction générale des recettes publiques de la province de Salta en 1992: 1) changement de son lieu de travail (il était inspecteur du Département de la vérification des comptes externes, et il a été transféré au Département de la vérification des comptes internes); 2) suspension de ses fonctions sans traitement pendant 90 jours (car il avait refusé son transfert) à l'issue d'une procédure administrative. Ces deux mesures gênent la liberté de mouvement de l'intéressé et l'empêchent d'exercer ses droits en matière de liberté syndicale. En outre, M. Miguel Hugo Rojo ne perçoit pas son salaire depuis lors car il n'a toujours pas rejoint son poste.
  2. 60. En réaction à ces mesures, M. Miguel Hugo Rojo a interjeté plusieurs recours judiciaires successifs qui l'ont mené jusqu'à la Cour suprême; en définitive, il a donc été obligé d'épuiser les recours administratifs pour résoudre ses difficultés puisqu'il s'agissait d'un emploi public provincial et, dans ce cas précis, il a dû saisir de son cas la juridiction administrative. Pourtant, le jugement en première instance avait prescrit la réintégration de l'intéressé dans son poste de travail.
  3. 61. L'organisation plaignante estime que l'on a mal interprété et mal appliqué les dispositions constitutionnelles et légales qui régissent la protection contre la discrimination syndicale (notamment l'article 47 de la loi no 23551 sur les associations syndicales, qui n'est pas considéré comme étant applicable aux emplois publics de l'Etat fédéré de Salta par les instances judiciaires et qui prévoit une procédure judiciaire sommaire en cas d'entrave à l'exercice des droits syndicaux).

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 62. Dans sa communication du 14 février 1997, le gouvernement déclare que l'acte de suspension de M. Hugo Rojo (décret no 1127/92) n'a pas été remis en cause dans le recours présenté par l'intéressé car il s'agit d'un acte administratif qui jouit de la présomption de légitimité. Selon la jurisprudence nationale, cette présomption entraîne l'interdiction pour les juges de décréter d'office l'invalidité des actes administratifs et la nécessité de prouver leur illégitimité. L'Etat n'a pas besoin dans ce cas de l'autorisation judiciaire pour la suspension de fonctions dans la mesure où le décret no 1127/92 n'est pas mis en cause. En outre, il ne ressort à aucun moment des allégations que M. Hugo Rojo a été écarté de son poste à cause de son affiliation ou de sa participation à des activités syndicales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 63. Pour ce qui est de l'allégation concernant la mauvaise interprétation ou l'application incorrecte des dispositions juridiques par l'autorité judiciaire, selon laquelle l'article 47 de la loi no 23551 des associations syndicales (qui prévoit un recours judiciaire sommaire lorsqu'il y a entrave à l'exercice de la liberté syndicale) ne serait pas applicable aux fonctionnaires de la province de Salta et, conformément à la législation provinciale de Salta, il conviendrait d'épuiser les voies administratives afin de porter un recours judiciaire contentieux devant les juridictions administratives, le comité estime qu'il ne lui appartient pas de déterminer quelles sont les règles internes qui, dans les Etats fédérés, régissent la protection contre la discrimination antisyndicale, non plus que de décider si ce sont les règles d'application générale ou celles de la province dont il s'agit qui doivent être applicables.
  2. 64. Cependant, le comité rappelle que, indépendamment des lois de procédures ou des lois substantielles qui s'appliquent dans les provinces d'un Etat fédéral aux fonctionnaires ou aux employés publics, il lui incombe d'évaluer si les mesures concrètes de discrimination antisyndicale alléguées sont ou non conformes aux conventions de l'OIT ratifiées et aux principes de la liberté syndicale.
  3. 65. A cet égard, le comité observe que, selon le syndicat plaignant, le changement de lieu de travail et les autres mesures qui ont été appliquées à l'encontre du dirigeant syndical, M. Miguel Hugo Rojo, étaient motivés par ses activités syndicales dans un conflit collectif qui a commencé au début du mois de février 1992, lequel, d'après les documents envoyés par le plaignant, a été le théâtre de grèves, ainsi que de la dénonciation d'anomalies financières, de cas de corruption, et d'une résolution administrative qui modifiait le régime de perception du "fonds d'encouragement" pour les travailleurs. Le comité note que le gouvernement, pour sa part, nie que les mesures prises contre M. Miguel Hugo Rojo ont eu des motifs syndicaux. Le comité observe cependant que dans les résolutions administratives sur lesquelles se fondent le changement de lieu de travail et les sanctions infligées à M. Miguel Hugo Rojo, et qui lui ont été communiquées par le syndicat plaignant, il est dit que:
    • - pour des raisons de service et afin de renforcer la participation de personnels actifs et compétents, le Département de la vérification des comptes externes a temporairement transféré l'employé Rojo - inspecteur des impôts - à un autre département;
    • - l'intéressé a refusé d'exécuter l'ordre qui a pourtant été réitéré et a fait savoir par écrit que la personne qui avait décidé de ce transfert "ne s'appuyait sur aucune considération éthique pour diriger l'organisme et était parfaitement incompétente", acte par lequel il a "outragé moralement son supérieur hiérarchique, s'en est pris à son honneur et à sa réputation" ("délit d'outrage");
    • - l'intéressé s'est rendu coupable de "manquement à ses devoirs professionnels et d'attitudes méprisantes et outrageantes lorsqu'il s'adresse à ses supérieurs", ce qui le rend "passible de sanctions disciplinaires", d'où le fait qu'il a été suspendu de ses fonctions, sans traitement;
    • - "le manquement aux devoirs professionnels à titre personnel et d'une manière répétée constitue un des cas de comportement répréhensible et passible de sanctions; or l'intéressé pointait, c'est-à-dire qu'il enregistrait son entrée et sa sortie sans toutefois remplir les fonctions qui lui incombaient; sa conduite était donc dolosive et constituait une infraction à l'article no 11, alinéa a), du statut, et elle équivalait sans aucun doute à un abandon de poste, qui donne lieu à la mise à pied du fonctionnaire (article 36, alinéa c), de ce même statut)";
    • - "autre charge portée contre lui: la non-exécution des tâches assignées en vertu de l'article no 11, alinéa k), du statut, c'est-à-dire le respect indispensable d'une conduite décente; dans un cas, il s'est rendu coupable de violence physique, dans d'autres de menaces verbales".
  4. 66. Le comité constate que les versions de l'organisation plaignante et de l'autorité administrative sur le changement de travail et les sanctions imposées au dirigeant syndical, M. Miguel Hugo Rojo, sont contradictoires.
  5. 67. Dans les nombreux cas relatifs à des allégations d'actes de discrimination antisyndicale, qu'il a eu à examiner, le comité a toujours souligné que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 690.) Cette protection doit couvrir non seulement l'embauche et le licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire qui interviendrait en cours d'emploi et, en particulier, les transferts. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 695.) En outre, la possibilité d'être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l'objet de discrimination antisyndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 755.)
  6. 68. Dans le cas présent, le comité n'estime pas avoir en sa possession les éléments d'information suffisants pour déterminer si le transfert de M. Miguel Hugo Rojo a eu pour origine des motifs antisyndicaux. Dans ces conditions, afin de lui permettre de parvenir à des conclusions en toute connaissance de cause, le comité demande à l'organisation plaignante et au gouvernement de fournir des informations complémentaires, notamment sur la base des décisions et actes administratifs et des jugements qui ont été prononcés dans cette affaire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 69. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Afin de lui permettre de parvenir à des conclusions en toute connaissance de cause sur le fait de savoir si le transfert de M. Miguel Hugo Rojo a eu pour origine des motifs antisyndicaux et sur sa non-réintégration, le comité demande à l'organisation plaignante et au gouvernement de fournir des informations complémentaires, notamment sur la base des décisions et actes administratifs et des jugements qui ont été prononcés dans cette affaire.
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