481. Dans une communication du 31 janvier 1996, la Fédération graphique internationale (FGI) a présenté une plainte contre le gouvernement de la Lettonie pour violation de la convention no 87. La FGI a fourni des informations complémentaires dans des communications du 9 mars 1996 et du 3 juillet 1997. Dans une communication du 9 février 1996, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) s'est associée à la plainte.
- 481. Dans une communication du 31 janvier 1996, la Fédération graphique internationale (FGI) a présenté une plainte contre le gouvernement de la Lettonie pour violation de la convention no 87. La FGI a fourni des informations complémentaires dans des communications du 9 mars 1996 et du 3 juillet 1997. Dans une communication du 9 février 1996, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) s'est associée à la plainte.
- 482. En réponse aux allégations présentées, le gouvernement a transmis ses observations et des informations dans une communication du 12 août 1997.
- 483. La Lettonie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 484. Dans sa communication du 31 janvier 1996, le plaignant allègue que le gouvernement, par l'intermédiaire des autorités municipales de Riga, a enfreint les dispositions de la convention no 87 en menaçant d'expulser de son siège l'organisation lettone affiliée à la FGI, le Syndicat letton de l'industrie du livre (LGAS), et en refusant de lui restituer les biens qui lui avaient été confisqués durant la période d'occupation. Le plaignant soutient que, ce faisant, le gouvernement cherche à priver le LGAS de son héritage légitime et à l'empêcher d'exercer ses activités.
- 485. Dans sa plainte, la FGI note que le LGAS a été créé en 1919, qu'il a été dissous par la force durant l'occupation soviétique et qu'il a été rétabli en 1991, conformément à ses statuts de 1926, puis enregistré la même année auprès du ministère de la Justice. Avant la seconde guerre mondiale, il était affilié au Secrétariat international des relieurs et professions connexes, précurseur de la FGI. En juin 1992, le LGAS, successeur légal de l'organisation membre existant avant la guerre, s'est réaffilié à la FGI, ayant été mis dans l'impossibilité de le faire dans l'intervalle pour des raisons de force majeure. Le plaignant déclare que de nombreux retraités membres du LGAS ont conservé leur livret de membre de la période d'avant-guerre. On trouvera certains de ces livrets en annexe.
- 486. Le plaignant déclare que le bâtiment faisant l'objet de la présente plainte (43/45 rue Lacplesa, Riga) a été construit en 1931 pour abriter le siège du LGAS et qu'il a été financé par les cotisations de ses membres. Il appartenait à l'époque à la Caisse d'assurance santé du LGAS. Au cours de l'occupation soviétique, le LGAS a été dissous, et ce bâtiment a été réquisitionné par l'Etat, qui en a confié la gestion aux autorités municipales de Riga. Les travailleurs de l'industrie graphique ont été contraints de s'affilier au Syndicat des travailleurs culturels, contrôlé par l'Etat. En 1991, ces travailleurs ont décidé de reconstituer leur syndicat et ont quitté le Syndicat des travailleurs culturels.
- 487. Le plaignant soutient que le LGAS devrait pouvoir récupérer ses biens et les utiliser en vue de leur objet initial. Il note que, le 2 juin 1995, le tribunal de district de Riga a jugé que la Caisse d'assurance santé du LGAS était le propriétaire légitime des biens en question. Cependant, les autorités municipales ont fait appel de cette décision devant la division civile du tribunal supérieur, qui devait juger l'affaire les 2 et 3 septembre 1997.
- 488. Dans sa communication du 3 juillet 1997, le plaignant déclare que les autorités de Riga se sont de nouveau efforcées d'expulser le LGAS de son siège.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 489. Dans sa réponse, le gouvernement nie qu'il y ait eu en l'espèce violation de la convention no 87, laquelle ne porte pas sur le droit d'acquérir et de détenir des biens, mais sur le droit des travailleurs et des employeurs de créer des organisations et de s'y affilier sans ingérence des autorités publiques. Il déclare que le droit de propriété est réglementé par la législation nationale, qui permet aux institutions syndicats, entreprises, organismes publics, etc. de posséder et de gérer des biens.
- 490. Le gouvernement reconnaît que le droit de propriété a souvent été violé durant les cinquante ans d'occupation soviétique. Il déclare qu'une législation relative à la dénationalisation et au rétablissement de ce droit a été adoptée lors du retour à l'indépendance. La loi sur la "dénationalisation des biens immobiliers en République de Lettonie", adoptée le 30 octobre 1991, fixe les critères permettant de savoir qui est habilité à réclamer les biens nationalisés ou réquisitionnés et détermine la procédure à suivre. En vertu de cette loi, les syndicats ne sont pas habilités à réclamer ces biens. En tout état de cause, indique le gouvernement, les syndicats ayant été dissous durant l'occupation, les organisations actuelles ne peuvent être considérées comme les successeurs des organisations précédentes, puisqu'elles ont dû repartir de zéro et ne comptent plus dans leurs rangs leurs anciens membres.
- 491. Le gouvernement déclare que le bien litigieux appartient à l'Etat et que sa gestion a été confiée par l'ordonnance no 151 du 25 mars 1996 à une entreprise d'Etat, l'Agence immobilière publique, dont le LGAS est locataire.
- 492. En ce qui concerne l'action judiciaire en cours, le gouvernement déclare que le LGAS n'a pas encore épuisé les recours dont il dispose en vertu de la législation nationale, puisque la justice reste saisie de la demande relative au rétablissement de ses droits de propriété et qu'aucune décision n'a encore été rendue.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 493. Le comité note que, selon les allégations du plaignant, le gouvernement, par l'intermédiaire des autorités municipales, a menacé d'expulser le Syndicat letton de l'industrie du livre (LGAS) de ses locaux. Le plaignant affirme en outre que le syndicat est le propriétaire légitime de ces locaux et que, malgré une décision à cet effet du tribunal de district, le gouvernement a retardé la restitution effective de ce bien au syndicat en contestant la décision du tribunal.
- 494. En ce qui concerne, tout d'abord, la déclaration du gouvernement selon laquelle le syndicat n'a pas encore épuisé les recours dont il dispose en vertu de la législation nationale, puisque la justice reste saisie de la demande relative au rétablissement de ses droits de propriété, le comité souhaite rappeler que, si le recours à la procédure judiciaire interne constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, il a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, annexe I, paragr. 33.)
- 495. En ce qui concerne les aspects historiques du présent cas, le comité note que, selon le plaignant, le LGAS a été créé initialement en 1919 et qu'il a fait construire en 1931 le bâtiment abritant son siège grâce aux cotisations de ses membres. Ce bâtiment a été ensuite réquisitionné par l'Etat durant la période soviétique, tandis que le LGAS était dissous de force et que les travailleurs de l'industrie graphique étaient contraints de s'affilier à un syndicat contrôlé par l'Etat. En 1991, ces travailleurs ont décidé de reconstituer le LGAS sur la base de ses statuts de 1926.
- 496. Le comité note que le gouvernement reconnaît que les droits de propriété ont souvent été violés durant les cinquante ans de régime soviétique et qu'une législation relative à la dénationalisation et au rétablissement des droits de propriété a été adoptée lors du retour à l'indépendance. Toutefois, tout en prenant note que, selon le gouvernement, cette législation n'est pas applicable aux syndicats, le comité insiste sur l'importance qu'il attache à ce que les organisations syndicales puissent bénéficier du même traitement que toutes les autres organisations et demande au gouvernement de garantir qu'elles ne fassent pas l'objet de discrimination à cet égard. De plus, le gouvernement nie qu'il y ait eu violation en l'espèce, du fait que la convention no 87 ne mentionne pas le droit d'acquérir et de détenir des biens. Ces questions sont régies par la législation nationale.
- 497. En ce qui concerne la question de la propriété du bien litigieux, le comité note l'affirmation du gouvernement selon laquelle un syndicat actuel ne peut être considéré comme le successeur d'un syndicat antérieur qui a été dissous durant la période d'occupation. Cependant, le plaignant souligne que le LGAS a été reconstitué selon ses anciens statuts et fournit copie des livrets d'affiliation de membres survivants. En ce qui concerne la dissolution du LGAS au cours du régime précédent et la séquestration de ses biens par l'Etat, le comité rappelle le principe général selon lequel, en cas de dissolution d'une organisation, ses biens doivent être placés provisoirement en dépôt et répartis en définitive entre les membres de l'organisation dissoute ou transférés à l'organisation qui lui succède. Il faut entendre par cette expression l'organisation ou les organisations qui poursuivent les buts pour lesquels les syndicats dissous se sont constitués et les poursuivent dans le même esprit. (Voir Recueil, paragr. 684.)
- 498. Cependant, le comité note que, dans les circonstances particulières de l'espèce, la séquestration a duré plus de cinquante ans. Bien qu'il apparaisse que le LGAS poursuit les mêmes objectifs que l'organisation dissoute dans le passé, le comité est conscient de ce que cette affaire présente des difficultés particulières, spécialement en raison du long intervalle de temps qui s'est écoulé et des obligations juridiques successives que cela a pu entraîner. Le comité note cependant que, conformément au principe énoncé plus haut, le tribunal de district a jugé légitimes les prétentions du LGAS. Il exprime l'espoir que, dans ces conditions, les parties intéressées s'entendront rapidement sur un accord mutuellement acceptable qui permettrait au LGAS de récupérer les biens qu'il possédait auparavant ou leur équivalent. Cependant, notant que les autorités municipales ont fait appel de la décision auprès du tribunal supérieur, le comité demande au gouvernement de fournir une copie de la décision de justice dès qu'elle sera rendue.
- 499. En ce qui concerne les allégations relatives à des menaces d'éviction des locaux, le comité note avec regret que le gouvernement n'y a pas répondu, d'autant plus que le gouvernement lui-même déclare que les locaux sont actuellement loués par le syndicat. Le comité considère que des menaces de ce type entravent le bon fonctionnement des syndicats et il demande au gouvernement d'assurer que le LGAS puisse être maintenu dans son bail jusqu'à ce que la question du droit de propriété soit résolue.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 500. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Notant que le tribunal de district a jugé légitimes les prétentions du Syndicat letton de l'industrie du livre (LGAS), le comité exprime l'espoir que, dans ces conditions, les parties intéressées concluront rapidement un accord mutuellement acceptable qui permettrait au LGAS de récupérer les biens qu'il possédait auparavant ou leur équivalent.
- b) Notant également que les autorités municipales ont fait appel du jugement du tribunal de district auprès du tribunal supérieur, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue de cet appel. Le comité demande en outre au gouvernement de fournir une copie de la décision de justice dès qu'elle sera rendue.
- c) Considérant que des menaces d'éviction de locaux syndicaux entravent le bon fonctionnement des syndicats, le comité demande au gouvernement d'assurer que le LGAS puisse être maintenu dans son bail jusqu'à ce que la question du droit de propriété soit résolue.