134. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) contre le gouvernement du Congo figure dans une communication datée du 23 février 1996. Le gouvernement n'ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à deux reprises. A sa réunion de juin 1996 (voir 304e rapport, paragr. 10), le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration, il pourra présenter un rapport sur le fond de ce cas à sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées n'étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n'a envoyé aucune observation.
- 134. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) contre le gouvernement du Congo figure dans une communication datée du 23 février 1996. Le gouvernement n'ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à deux reprises. A sa réunion de juin 1996 (voir 304e rapport, paragr. 10), le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration, il pourra présenter un rapport sur le fond de ce cas à sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées n'étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n'a envoyé aucune observation.
- 135. Le Congo a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 136. Dans sa communication du 23 février 1996, la CISL indique que le gouvernement porte atteinte aux droits syndicaux à l'encontre d'une organisation affiliée, la Confédération des syndicats libres et autonomes du Congo (COSYLAC) et de ses membres. Elle fait en particulier état des allégations suivantes:
- - refus d'associer les syndicats au processus de privatisation en cours dans le pays; ayant accepté le principe de la privatisation dans différentes entreprises du secteur public, les travailleurs avaient établi un comité de coordination syndicale pour les entreprises stratégiques à privatiser afin que les partenaires sociaux puissent débattre de l'incidence des décisions à prendre; en dépit des promesses antérieures du gouvernement, aucune négociation n'a été entamée avec le comité; toute participation syndicale et dialogue pour résoudre les questions afférentes à la privatisation ont été refusés;
- - limitations à l'exercice du droit de grève: selon l'organisation plaignante, la COSYLAC avait demandé, le 20 janvier 1996, à ses membres de déclencher une grève pour protester contre le refus du gouvernement d'associer les syndicats au processus de privatisation en cours; le gouvernement a immédiatement déclaré la grève illégale, accusant les dirigeants syndicaux d'avoir violé le "droit au travail" et de s'être, prétendument livrés à un sabotage qui provoqua des coupures de l'approvisionnement en eau et en électricité et des interruptions des liaisons téléphoniques les 19 et 20 janvier. Le Président Lissouba aurait considéré la grève comme une tentative de coup d'Etat;
- - licenciements pour fait de grève: 122 travailleurs qui ne se trouvaient pas à leurs postes de travail au cours de la grève du 22 janvier ont été sommairement licenciés, sans respecter la législation du travail;
- - arrestation, détention, mauvais traitements et incarcération de dirigeants syndicaux et de syndicalistes; selon l'organisation plaignante, le 22 janvier 1996, les autorités ordonnèrent l'arrestation de quatre syndicalistes d'organisations affiliées à la COSYLAC, MM. Lessita Otangui, secrétaire général de la FESYPOSTEL, Oba René Blanchard, président du SYLIPOSTEL, Odzongo Médard, de la FESYPOSTEL, Bouya Bernard, du SYNATEL. Ces personnes ont été violentées à la Direction générale de la sécurité du territoire (DGST) avant d'être incarcérées; peu de temps après, deux autres syndicalistes, MM. Tchikaya et Mampuya ont également été arrêtés;
- - condamnation de ces dirigeants de la COSYLAC: l'organisation plaignante indique que les quatre principaux dirigeants syndicaux mentionnés ci-dessus ont été condamnés le 14 février 1996 à quatre mois de prison et à 50 000 francs CFA d'amende; selon les avocats de la défense, aucune preuve de culpabilité n'a été présentée au tribunal. D'après l'organisation plaignante, cet incident est largement considéré comme une tentative du gouvernement de détruire le syndicat COSYLAC afin de faciliter l'application du programme d'ajustement structurel de la Banque mondiale sans aucune opposition et sans avoir à engager un dialogue avec les travailleurs qui seront touchés par la privatisation.
- 137. Selon l'organisation plaignante, le déni systématique de la demande légitime de dialogue avec un comité de négociation syndicale et la répression brutale de la protestation face à ce refus constituent des violations des principes les plus fondamentaux de la liberté syndicale.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité
- 138. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n'ait répondu à aucune allégation de l'organisation plaignante, alors qu'il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas.
- 139. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité se voit dans l'obligation de présenter un rapport sur le fond de l'affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.
- 140. Le comité rappelle au gouvernement que l'ensemble de la procédure instituée par l'Organisation internationale du Travail pour l'examen d'allégations en violation de la liberté syndicale est d'assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité note que, dans un autre cas d'allégations contre le Congo (no 1850), qu'il a examiné à sa précédente session, le gouvernement n'avait pas répondu non plus. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a pour leur propre réputation à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
- 141. Le comité note que les allégations de ce cas se réfèrent à un déni du droit à la consultation des syndicats, à des restrictions au droit de grève, à des arrestations, incarcérations et condamnations de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, ainsi qu'à des licenciements sommaires de syndicalistes pour fait de grève.
- 142. S'agissant de l'allégation selon laquelle le gouvernement refuse tout dialogue avec les syndicats pour résoudre les questions afférentes à la privatisation, le comité note que, en dépit des promesses du gouvernement, aucune négociation n'a été entamée avec le comité de coordination établi par les travailleurs. La COSYLAC a alors appelé à une grève de ses membres pour protester contre l'attitude du gouvernement. De l'avis du comité, une restructuration du secteur public, particulièrement des privatisations entreprises dans le cadre de l'application d'une politique d'ajustement structurel, entraîne indéniablement des conséquences importantes dans le domaine social et syndical. Il serait donc nécessaire que les partenaires sociaux, en particulier les organisations syndicales, soient consultés, à tout le moins, sur la portée sociale et les modalités des mesures décidées par les autorités. Compte tenu de l'incidence que peuvent avoir sur les conditions de travail des travailleurs les mesures de privatisation de certaines entreprises du secteur public et, d'une manière plus générale, la politique d'ajustement structurel et de privatisation du gouvernement, le comité souhaite souligner l'importance qu'il attache à la promotion effective des consultations et de la collaboration entre les pouvoirs publics et les organisations de travailleurs dans ce domaine, conformément aux principes énoncés dans la recommandation no 113, afin de permettre l'examen concerté des questions d'intérêt commun et de trouver dans la mesure du possible des solutions mutuellement acceptables.
- 143. Pour ce qui est des limitations à l'exercice du droit de grève, le comité note que, selon l'organisation plaignante, la grève de protestation contre le refus de dialogue et de négociation sur les questions de privatisation, à laquelle la COSYLAC a appelé ses membres le 20 janvier 1996, a été immédiatement déclarée illégale par le gouvernement et considérée comme une tentative de coup d'Etat, et qu'elle a donné lieu à une intervention des autorités, à des arrestations et à des licenciements. Le comité rappelle à cet égard que les organisations chargées de défendre les intérêts socio-économiques et professionnels des travailleurs devraient en principe pouvoir utiliser la grève pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale, qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres, et plus généralement pour les travailleurs, notamment en matière d'emploi, de protection sociale et de niveau de vie. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 480.) En outre, le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que les décisions d'illégalité des grèves ne devraient pas être prononcées par le gouvernement, notamment dans les cas où ce dernier est partie au conflit. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 523.)
- 144. S'agissant des licenciements, le comité note que 122 travailleurs qui ne se trouvaient pas à leurs postes de travail au cours de la grève du 22 janvier 1996 ont été sommairement licenciés. Le comité rappelle à cet égard que le respect des principes de la liberté syndicale exige qu'on ne puisse pas licencier des travailleurs en raison de leur participation à une grève ou à toute autre action de revendication. Le comité demande au gouvernement de s'efforcer d'obtenir la réintégration immédiate des travailleurs dans leurs postes de travail et de le tenir informé de la situation de ces travailleurs.
- 145. En ce qui concerne l'arrestation et l'incarcération de syndicalistes, le comité note que, selon les indications de l'organisation plaignante, les autorités ont ordonné, le 22 janvier 1996, l'arrestation de quatre syndicalistes d'organisations des postes et télécommunications affiliées de la COSYLAC, MM. Lessita Otangui, secrétaire général de la FESYPOSTEL, Oba René Blanchand, président du SYLIPOSTEL, Odzongo Médard, de la FESYPOSTEL, Bouya Bernard, du SYNATEL. Le comité note que, selon les allégations, M. Oba a été détenu au siège de son syndicat. Il note que ces personnes ont été violentées à la direction générale de la sécurité du territoire, avant d'être incarcérées. Le comité note en outre que, selon l'organisation plaignante, ces quatre dirigeants syndicaux ont été condamnés le 14 février 1996 à quatre mois de prison et à 50 000 francs CFA d'amende, et que, d'après les avocats de la défense, aucune preuve de culpabilité n'a été présentée au tribunal. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas formulé de commentaires et observations à cet égard. Le comité doit rappeler que l'arrestation et la détention de syndicalistes pour des raisons syndicales constituent une grave entrave à l'exercice des droits syndicaux et violent la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 75.) Le comité rappelle également que, dans les cas impliquant l'arrestation, la détention ou la condamnation d'un dirigeant syndical, l'intéressé devrait bénéficier d'une présomption d'innocence. Si un mandat syndical ne confère pas à son titulaire une immunité lui permettant de violer les dispositions en vigueur, celles-ci, à leur tour, ne doivent pas porter atteinte aux garanties fondamentales en matière syndicale ni sanctionner des activités qui, conformément aux principes généralement reconnus en la matière, devraient être considérées comme des activités syndicales licites. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 65 et 42.) Compte tenu du fait que les condamnations en question semblent avoir eu pour motif l'organisation de la grève de protestation contre l'absence de consultation des organisations syndicales dans le processus de privatisation, le comité est fondé à considérer que les intéressés ont été condamnés pour des activités syndicales légitimes. Il déplore donc profondément ces condamnations imposées en violation des principes de la liberté syndicale et demande la libération immédiate et inconditionnelle de ces syndicalistes et leur réintégration à leurs postes de travail. Il prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- 146. Le comité note en outre que deux autres syndicalistes, MM. Tchikaya et Mampuya, ont également été arrêtés. Le comité regrette qu'aucune observation du gouvernement n'ait été reçue à cet égard. Le comité demande au gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour mener une enquête indépendante et objective afin d'éclaircir les faits et les circonstances exactes des arrestations intervenues. Le comité demande au gouvernement de libérer immédiatement et sans conditions ces syndicalistes et de les réintégrer dans leur poste de travail. Il lui demande de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 147. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) En ce qui concerne le refus de négociation, de consultation et de dialogue avec la COSYLAC sur la privatisation d'entreprises du secteur public, le comité, rappelant que les organisations de travailleurs doivent pouvoir utiliser la grève pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale, souligne l'importance qu'il attache à la promotion effective des consultations et de la collaboration entre les pouvoirs publics et les organisations de travailleurs, conformément aux principes énoncés dans la recommandation no 113, afin de permettre l'examen concerté des questions d'intérêt commun et de trouver dans la mesure du possible des solutions mutuellement acceptables. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé sur l'évolution de la situation dans ce domaine.
- b) Pour ce qui est du licenciement sommaire de 122 travailleurs pour fait de grève, le comité, rappelant que le respect des principes de la liberté syndicale exige qu'on ne puisse pas licencier des travailleurs en raison de leur participation à une grève ou à toute autre action de revendication, demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête ainsi que de la situation de ces travailleurs, et de s'efforcer d'obtenir la réintégration immédiate de ces syndicalistes dans leurs postes de travail.
- c) S'agissant de l'arrestation de syndicalistes nommément désignés par l'organisation plaignante, le comité, rappelant que nul ne doit être privé de sa liberté ou soumis à des sanctions pénales en raison du simple fait d'organiser ou de participer à une grève pacifique, demande instamment au gouvernement de prendre des mesures afin d'ouvrir une enquête indépendante et impartiale pour établir les circonstances des arrestations de MM. Tchikaya et Mampuya. Il lui demande de libérer immédiatement et sans conditions ces syndicalistes et de les réintégrer dans leur poste de travail. Il lui demande de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Pour ce qui est des quatre principaux dirigeants syndicaux condamnés, compte tenu du fait que les condamnations en question semblent avoir eu pour motif l'organisation de la grève de protestation contre l'absence de consultation des organisations syndicales dans le processus de privatisation, le comité est fondé à considérer que les intéressés ont été condamnés pour des activités syndicales légitimes. Il déplore donc profondément ces condamnations imposées en violation des principes de la liberté syndicale et demande au gouvernement de libérer immédiatement et sans condition ces syndicalistes et de les réintégrer dans leurs postes de travail et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.