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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 306, Mars 1997

Cas no 1904 (Roumanie) - Date de la plainte: 08-OCT. -96 - Clos

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576. Le 8 octobre 1996, le Bloc national syndical (BNS) et la Fédération des travailleurs des métros (USLM) ont déposé une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la Roumanie.

  1. 576. Le 8 octobre 1996, le Bloc national syndical (BNS) et la Fédération des travailleurs des métros (USLM) ont déposé une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la Roumanie.
  2. 577. Dans une communication en date du 23 janvier 1997, le gouvernement a fait parvenir ses observations.
  3. 578. La Roumanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 579. Le Bloc national syndical (BNS) indique qu'il porte plainte au nom de son affiliée, la Fédération des travailleurs des métros (USLM), contre des actes imputables directement au gouvernement de Roumanie ainsi qu'à la Régie autonome METROREX RA (METROREX), une société d'Etat.
  2. 580. La plainte se réfère à des restrictions non justifiées aux droits de négociation collective et de grève.
  3. 581. Les organisations plaignantes rappellent que la loi no 15/1991 sur le règlement des conflits collectifs du travail (Monitorul oficial, partie I, 11 février 1991, no 33, pp. 1-4) dispose, en son article 2 ú 2, que les conflits collectifs peuvent survenir entre la direction de l'unité et les salariés d'une unité subordonnée ou d'un département de celle-ci, ainsi qu'entre la direction de l'unité et les salariés qui exercent un même métier ou une même profession au sein de cette unité. En outre, au regard de la loi no 13/1991 concernant les conventions collectives de travail (Monitorul oficial, partie I, 9 février 1991, no 32, pp. 1-2), une convention collective est une convention conclue entre salariés et employeurs, incluant les régies autonomes, les sociétés commerciales ou toutes autres organisations ou individus employant des travailleurs. Pour les organisations plaignantes, l'intervention des plus hautes instances gouvernementales, au cours du conflit collectif de mars 1996 à METROREX, est contraire aux lois en vigueur et est injustifiée, d'autant plus qu'elle a donné lieu à des pressions exercées et menaces proférées contre les représentants syndicaux et les travailleurs.
  4. 582. Les documents fournis à l'appui de la plainte indiquent que le conflit de travail à METROREX aurait commencé le 4 décembre 1995 et se serait terminé au cours du mois de mars 1996. Les griefs de la USLM se rapportaient notamment à l'amélioration des conditions de travail, aux maladies professionnelles, à des augmentations salariales et à l'octroi de droits identiques à ceux des cheminots. Le 4 décembre 1995, conformément à l'article 7 de la loi no 15/1991 sur le règlement des conflits collectifs, la USLM informait la direction de METROREX du déclenchement de la procédure de conciliation directe. Le 17 décembre 1996, comme aucun accord n'avait été conclu, la USLM avisa le ministère du Travail et de la Protection sociale de son voeu de poursuivre la conciliation sous son égide. A la suite de l'épuisement des procédures de règlement des différends prévues dans la loi, une grève d'avertissement de deux heures fut tenue le 8 février 1996. Le jour suivant, la direction de METROREX saisissait les tribunaux d'une requête en vue de déclarer la grève illégale arguant qu'elle visait la modification d'une convention collective contrairement à l'article 25 de la loi no 15/1991. Le 11 février 1996, les parties procédèrent à une séance de médiation dirigée par le Président roumain. Il fut alors décidé que la direction de METROREX serait remplacée, que des solutions au conflit collectif devraient être trouvées avant le 29 février, que la grève devrait être suspendue jusqu'à cette date et que METROREX retirerait sa procédure judiciaire. Compte tenu qu'aucun règlement n'était intervenu au 1er mars, la USLM annonça le déclenchement de la grève pour le 4 mars suivant en précisant que, conformément à la loi, un tiers du service de métro serait maintenu.
  5. 583. Les tensions s'accrurent entre, d'une part, les travailleurs de METROREX et, d'autre part, la direction et les instances gouvernementales. Les organisations plaignantes allèguent que des menaces de licenciement auraient alors été adressées aux représentants syndicaux. Dès le 6 mars, la USLM annonçait que la grève serait suspendue pour les raisons suivantes: conditions climatiques défavorables; ingérence des plus hautes instances gouvernementales; désir de régler le conflit par la négociation.
  6. 584. Les employés de METROREX, ayant pris connaissance des déclarations de la USLM, se réunirent spontanément le même jour en vue de manifester leur insatisfaction, bloquant les plates-formes et tunnels du métro, rendant ainsi impossible toute tentative de le faire fonctionner. Constatant que le travail n'avait pas repris, la direction de METROREX déposa une nouvelle plainte devant les tribunaux. Le 8 mars, le tribunal du secteur 1 et la Cour suprême déclaraient la grève illégale. Le 11 mars, la USLM portait ces décisions en appel devant la Cour municipale de Bucarest. Cette même journée, le gouvernement rendait publique une déclaration selon laquelle les employés de METROREX qui décidaient de retourner au travail devraient signer une confirmation à cet égard. Il appert que 609 des 6 500 travailleurs visés auraient signé ledit document. Les négociations et pourparlers se seraient poursuivis au cours des jours suivants, pour aboutir le 14 mars à la reprise du service et à l'abandon par le gouvernement des mesures de licenciement contre les travailleurs n'ayant pas signé la confirmation de retour au travail. Enfin, le 29 mars, la Cour municipale de Bucarest donnait raison à la USLM et ordonnait un nouveau procès. Au 31 mars 1996, l'ensemble des griefs ayant donné lieu au différend était réglé à la satisfaction de la USLM.
  7. 585. Les organisations plaignantes se réfèrent à l'article 25 de la loi no 15/1991 qui interdit la grève pour obtenir la modification des clauses d'une convention collective. Elles expliquent que la grève ne visait pas la modification d'une convention collective mais plutôt la protection des intérêts professionnels des travailleurs, conformément à l'article 2 $ 1 de la loi no 15/1991.
  8. 586. Les organisations plaignantes rappellent en outre que l'article 30 de la loi no 15/1991 permet à la Cour suprême de suspendre la grève pour une durée maximale de 90 jours dans les cas où la grève porte préjudice à l'économie nationale ou à des intérêts de nature humanitaire. Elles soutiennent que le retrait du droit de grève constitue une restriction importante à l'un des moyens les plus essentiels dont disposent les syndicats pour défendre les intérêts de leurs membres. Elles considèrent dès lors que les grèves ne devraient être suspendues que dans les cas extrêmes et toujours pour une durée définie. La grève déclenchée par la USLM n'est pas survenue dans ces circonstances et par conséquent n'aurait pas dû être déclarée illégale par les tribunaux roumains.
  9. 587. En ce qui concerne plus précisément l'action judiciaire prise par METROREX, les organisations plaignantes soutiennent que leur droit à une défense pleine et entière n'a pas été respecté et que bon nombre des dispositions du code de procédure civile ont été violées en ce que, notamment, l'assignation adressée à la USLM et la procédure en vertu de laquelle elle lui a été transmise étaient entachées de vices la rendant nulle ab initio.
  10. 588. Enfin, les organisations plaignantes allèguent que le fait pour le gouvernement de refuser l'accès à M. Radoi, président de la USLM et représentant dûment élu des travailleurs de METROREX, à la réunion conviée en vue de mettre un terme au conflit collectif en mars 1996 contrevient à l'article 3 de la convention no 87 qui garantit le droit des travailleurs de choisir librement leurs représentants.
  11. 589. Les organisations plaignantes terminent en soulignant que la nouvelle loi sur le contrat collectif de travail, que le Parlement roumain examine, contient de nombreuses limitations à l'activité syndicale, telles que le pouvoir octroyé aux seuls employeurs d'enclencher les procédures de négociation collective ou la préférence donnée aux ententes individuelles par rapport aux conventions collectives.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 590. Dans sa réponse, le gouvernement de la Roumanie rappelle qu'au mois de novembre des élections parlementaires et présidentielles ont eu lieu à la suite desquelles un nouveau gouvernement a été constitué. Il considère dès lors que, dans ces circonstances, les allégations relatives aux affirmations publiques de l'ancien gouvernement ne lui sont pas imputables.
  2. 591. Le gouvernement rapporte que, selon les récentes déclarations exprimées tant par les autorités que par les organisations syndicales, y compris l'organisation plaignante, les relations entre l'exécutif et les partenaires sociaux sont fondées sur la transparence et la volonté commune de collaboration en vue de la conclusion d'un pacte social. Afin de connaître le point de vue des organisations syndicales, le gouvernement les a priées de formuler des propositions en vue de perfectionner les mécanismes de négociation collective et de présenter des propositions concernant notamment la loi sur les conventions collectives de travail et la loi sur les conflits collectifs au travail.
  3. 592. Le gouvernement affirme que les propositions qui seront alors soumises seront discutées avec les partenaires sociaux et examinées par des personnalités indépendantes. Enfin, il conclut que, dans cette perspective, le ministère du Travail et de la Protection sociale a annoncé qu'il faisait de la révision des lois du travail une priorité législative afin qu'elles soient conformes aux conventions de l'OIT. Il rappelle qu'à la suite d'une demande d'assistance technique du BIT un expert s'est rendu à Bucarest à la fin de janvier 1997 en vue d'évaluer les besoins pour réaliser le plus efficacement possible la révision des projets de lois les plus urgents dans le domaine du travail et de la protection sociale. Les organisations d'employeurs et de travailleurs ont participé également à cet exercice. Le gouvernement indique son intention de demander l'aide du BIT lors du processus d'analyse des lois du travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 593. Le présent cas porte sur des allégations se référant à des restrictions imposées au droit de grève et au droit de négociation collective.
  2. 594. Avant d'aborder les questions de fond, le comité souhaite rappeler, à propos de la déclaration du gouvernement selon laquelle les actes de l'ancien gouvernement ne lui sont pas imputables, qu'"en présence d'allégations en violation des droits syndicaux par un gouvernement, (...) un gouvernement qui lui succède ne peut pas, du seul fait de ce changement, échapper à la responsabilité que des événements survenus sous un gouvernement précédent peuvent avoir engagée." Le nouveau gouvernement est en tout cas responsable de toutes suites que de tels événements peuvent avoir. "En cas de changement de régime dans un pays, le nouveau gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences que les faits sur lesquels porte une plainte auraient pu continuer à avoir depuis son arrivée au pouvoir, bien que ces faits se soient produits sous le régime de son prédécesseur." (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 18.)
  3. 595. Le comité note en outre, à la lumière de la documentation fournie par les organisations plaignantes, que les griefs qui ont donné lieu au différend et à la grève de mars 1996 à la Régie autonome METROREX, société d'Etat assurant le service de métro dans la ville de Bucarest, ont été réglés à leur entière satisfaction.
  4. 596. Pour ce qui est des menaces de licenciement proférées par les autorités gouvernementales à la suite de l'annonce de la grève, le comité constate que les organisations plaignantes ne rapportent aucun licenciement ou mesures discriminatoires effectivement imposés. Le comité souhaite néanmoins rappeler qu'au regard des principes de la liberté syndicale le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. Le licenciement de travailleurs pour fait de grève constitue une grave discrimination en matière d'emploi pour exercice d'activité syndicale licite contraire à la convention no 98. Quand les syndicalistes ou les dirigeants syndicaux sont licenciés pour avoir exercé leur droit de grève, le comité ne peut s'empêcher de conclure qu'ils sont sanctionnés pour leur activité syndicale et font l'objet d'une discrimination antisyndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 591 et 592.) A cet égard, le comité prie le gouvernement de s'assurer qu'aucune influence ou pression de la part des autorités ne vienne affecter en pratique l'exercice du droit de grève.
  5. 597. De manière générale, le comité comprend que les événements qui sous-tendent la plainte ont pour origine, en grande partie, l'application de la loi no 15/1991, et notamment de ses articles concernant l'illégalité des grèves. Le comité rappelle que la loi no 15/1991 a déjà fait l'objet d'un examen, en mars 1995, dans le cadre d'une plainte déposée par le BNS et la Fédération syndicale libre et indépendante des chauffeurs de locomotives de la Roumanie. (Voir cas no 1788, 297 e rapport, paragr. 316-366.) A cette occasion, le comité avait conclu, tout comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, que plusieurs des dispositions de la loi no 15/1991 contrevenaient aux conventions de l'OIT, et avait prié le gouvernement de la modifier afin de la rendre plus conforme aux principes de la liberté syndicale.
  6. 598. A cet égard, le comité retient que le gouvernement fait de la révision des lois du travail une priorité. Il prend bonne note de sa déclaration selon laquelle il désire que les partenaires sociaux soient partie intégrante de cet exercice. Il constate en outre que le Parlement roumain a déjà adopté, en date du 17 octobre 1996, la nouvelle loi sur le contrat collectif de travail. Dans ce contexte, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement dans la révision législative entreprise et signale que les services du BIT sont à sa disposition pour faciliter l'adoption d'une législation sur les conflits collectifs du travail qui soit pleinement conforme aux normes et principes de l'OIT en matière de liberté syndicale ainsi qu'à ses recommandations.
  7. 599. Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 600. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Pour ce qui est des menaces de licenciement proférées par les autorités gouvernementales à la suite de l'annonce de la grève, le comité souhaite rappeler qu'au regard des principes de la liberté syndicale le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et prie le gouvernement de s'assurer qu'aucune influence ou pression de la part des autorités ne vienne affecter en pratique l'exercice du droit de grève.
    • b) En ce qui concerne la révision législative de tous les textes concernant l'organisation des relations professionnelles, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement à cet égard et signale que les services du BIT sont à sa disposition pour faciliter l'adoption d'une législation sur les conflits collectifs du travail qui soit pleinement conforme aux normes et principes de l'OIT en matière de liberté syndicale ainsi qu'à ses recommandations.
    • c) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
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