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Rapport intérimaire - Rapport No. 306, Mars 1997

Cas no 1908 (Ethiopie) - Date de la plainte: 14-NOV. -96 - Clos

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439. Dans une communication en date du 14 novembre 1996, la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET) a présenté une plainte contre le gouvernement de l'Ethiopie pour violations des droits syndicaux. La Confédération des syndicats de l'Ethiopie (CETU) a présenté des allégations relatives à ce cas dans une communication également en date du 14 novembre 1996. Elle a soumis des informations complémentaires dans une communication du 27 janvier 1997.

  1. 439. Dans une communication en date du 14 novembre 1996, la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET) a présenté une plainte contre le gouvernement de l'Ethiopie pour violations des droits syndicaux. La Confédération des syndicats de l'Ethiopie (CETU) a présenté des allégations relatives à ce cas dans une communication également en date du 14 novembre 1996. Elle a soumis des informations complémentaires dans une communication du 27 janvier 1997.
  2. 440. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date des 17 janvier et 6 février 1997.
  3. 441. L'Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 442. Dans sa communication en date du 14 novembre 1996, la FIET allègue que, le 4 novembre 1996, six membres du Front populaire démocratique révolutionnaire de l'Ethiopie (EPRDF) au pouvoir, appuyés par des forces de sécurité et de police, ont occupé les bureaux de la Fédération des syndicats du commerce, des activités techniques et de l'imprimerie (FCTP), affiliée à la FIET. Cette dernière affirme que cet assaut constitue le point culminant d'une campagne gouvernementale menée contre la FCTP. Elle s'inscrit dans la suite d'un harcèlement continu de la part des fonctionnaires gouvernementaux et de l'intervention de certains départements gouvernementaux dans les activités de cette fédération qui a défendu la liberté, l'indépendance et le syndicalisme démocratique en Ethiopie.
  2. 443. La FIET soutient que, depuis 1994, le EPRDF et différents départements gouvernementaux sont parvenus, en manipulant des syndicats de base et en exerçant des pressions sur des personnes et des congrès antistatutaires, à transformer sept des neufs fédérations affiliées à la CETU en organisations progouvernementales. Toujours d'après la FIET, le EPRDF et ces départements s'efforcent maintenant de réduire au silence les deux seules fédérations indépendantes restantes et le président de la CETU. La FIET a en outre des craintes pour la sécurité physique des dirigeants de la FCTP et de l'autre fédération affiliée à la FIET, la Fédération industrielle des syndicats des banques et des assurances (IFBITU) ainsi que du président de la CETU, M. Dawey Ibrahim.
  3. 444. Dans sa communication du 14 novembre 1996, la CETU avance également que, le 4 novembre de la même année, six membres du EPRDF, pleinement appuyés par les forces de sécurité et de police, ont occupé de force les bureaux de la FCTP par la force. La CETU souligne que la FCTP, qui lui est affiliée, lutte pour l'existence de syndicats libres, indépendants et démocratiques en Ethiopie. De ce fait, elle a été la cible de propagandes qui ont culminé avec l'attaque illégale de ses locaux avec l'appui sans réserve du gouvernement.
  4. 445. La CETU indique plus précisément que les six membres du EPRDF ont d'abord pénétré dans le bureau du trésorier, M. Mulatu Gurmu, qui était alors seul. Ils ont insisté pour que celui-ci leur donne les clés des bureaux de la FCTP et devant sa résistance l'ont battu avec brutalité. Ils se sont ensuite saisis des clés des locaux, d'argent et de documents personnels sur M. Gurmu. Les bureaux de la FCTP sont maintenant sous le contrôle de personnes recrutées par le gouvernement et relèvent donc de celui-ci.
  5. 446. La CETU ajoute qu'une plainte a été déposée auprès de la police et du procureur de la République. Elle n'attend toutefois aucune action immédiate de leur part puisque l'occupation des locaux de la FCTP a été entièrement appuyée par le gouvernement et que, de plus, les principes du droit ne sont pas respectés. La CETU fait donc appel à l'OIT afin que celle-ci fasse pression auprès du gouvernement pour qu'il respecte les droits syndicaux garantis par les conventions nos 87 et 98 qui ont été ratifiées par l'Ethiopie.
  6. 447. Dans sa plus récente communication du 27 janvier 1997, la CETU allègue que les procédures judiciaires l'opposant au ministère du Travail au sujet de son enregistrement sont en instance devant la chambre sociale de la Haute Cour fédérale. Sur cette question, la CETU déclare que les commissions exécutives et de contrôle des "huit fédérations" ont adopté une déclaration le 4 janvier 1997, dans laquelle il est décidé de réorganiser la CETU et d'établir un comité de coordination pour gérer son patrimoine.
  7. 448. La CETU souligne, au sujet de la décision de rétablir l'organisation, qu'aux termes de l'article 123 de la Proclamation du travail no 42/93 un syndicat dont l'enregistrement est annulé par le ministère du Travail cesse d'exister s'il n'a pas interjeté appel devant le tribunal compétent dans les délais prévus par la loi ou lorsque la décision du ministère est confirmée en appel. Puisque la CETU a présenté un recours devant le tribunal conformément à la procédure prévue par la loi et que le cas est toujours en instance devant la justice qui n'a pas encore rendu une décision finale, la Confédération est toujours une personne juridique en vie. En conséquence, toute action qui a pour sujet de rétablir la CETU est illégale et préjuge de la fonction du tribunal, ce qui revient fondamentalement à saper l'indépendance du judiciaire.
  8. 449. Au sujet de la décision d'établir un comité de coordination pour gérer son patrimoine, la CETU indique que six des "huit fédérations" avaient auparavant demandé au ministère d'instituer un comité intérimaire. Endossant cette demande, le ministère l'a soumise au tribunal connaissant de l'appel de la CETU. Le tribunal a tranché le 4 août 1995 en estimant qu'il n'y avait pas besoin d'instituer un comité intérimaire pour la simple raison que la Confédération avait une existence légale et pouvait administrer son patrimoine. La CETU estime que, puisque cette décision n'a pas été infirmée, elle reste valable. Ainsi, la très récente déclaration des commissions exécutives et de contrôle des "huit fédérations" ne constitue pas moins qu'un désaveu de la décision de la Haute Cour.
  9. 450. En outre, les commissions en question n'ont pas de mandat légal ou constitutionnel pour mettre un terme au statut légal de la CETU ou pour réorganiser, remplacer ou assumer ses fonctions. Leur unique mandat est de représenter les travailleurs de leurs secteurs d'activités respectifs et mener leurs tâches tel que le prévoient les statuts des fédérations. Les conseils et congrès de ces fédérations n'ont aucun pouvoir de par la loi, ou de par leurs statuts, de décider de l'existence de la CETU ou de l'administration de son patrimoine.
  10. 451. La CETU déclare en conséquence que la déclaration des commissions exécutives et de contrôle viole non seulement les résolutions du Congrès général des travailleurs éthiopiens concernant l'administration du patrimoine dont l'ancien Centre national (ETU) était propriétaire et possesseur - mais contrevient aussi à la législation nationale du travail et aux normes internationales du travail. La tentative de prendre le contrôle du patrimoine de la CETU, par simple autorisation administrative, constitue rien de moins qu'un acte illégal de la plus haute gravité. La CETU estime que le ministère du Travail devrait assurer le respect de la règle de droit. En outre, le ministère ne devrait pas autoriser la création ou la reconnaissance du comité intérimaire afin que le tribunal rende une décision finale dans le différend sur l'annulation de l'enregistrement de la CETU.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 452. Dans sa communication en date des 17 janvier et 6 février 1997, le gouvernement revenant sur les craintes exprimées par la FIET quant à la sécurité physique des dirigeants des deux fédérations, à savoir la FCTP et la IFBITU, ainsi que du président de la CETU, M. Dawey Ibrahim, affirme catégoriquement qu'il n'a jamais essayé et qu'il est nullement dans ses intentions d'attaquer un dirigeant syndical ou de s'ingérer dans les affaires intérieures des syndicats. Au contraire, il a toujours défendu les droits syndicaux et le strict respect de la liberté syndicale.
  2. 453. Le gouvernement affirme que la plainte relative à l'occupation forcée des bureaux de la FCTP par six membres du EPRDF, appuyés par des forces de sécurité et de police, est sans fondement.
  3. 454. Le gouvernement indique que, dans une lettre en date du 22 octobre 1996, le bureau exécutif de la FCTP a demandé au ministère du Travail et des Affaires sociales de fournir des cartes d'identité aux dirigeants récemment élus de la fédération. D'après le gouvernement, le bureau exécutif de la FCTP a indiqué dans cette lettre que, conformément à sa constitution, l'assemblée générale tenue le 19 octobre 1996 avait élu de nouveaux dirigeants syndicaux pour remplacer ceux qui avaient quitté la fédération pour des raisons personnelles.
  4. 455. Conformément à cette requête, le ministère qui est un organe gouvernemental chargé de l'enregistrement et de l'homologation des organisations syndicales et de leurs dirigeants a délivré des cartes d'identité après avoir examiné les documents pertinents. Le gouvernement souligne toutefois que la délivrance de cartes d'identité à des dirigeants syndicaux nouvellement élus n'est pas un fait exceptionnel. Les dirigeants des huit autres fédérations disposent également de cartes d'identité qui leur ont été fournies de la même manière par le ministère.
  5. 456. De plus, le gouvernement souligne que ni le EPRDF ni les forces de police et de sécurité n'ont occupé les locaux de la FCTP. Il souligne qu'il décourage tout harcèlement et autre pratique non démocratique. Enfin, il réaffirme son engagement en faveur du libre exercice des droits syndicaux conformément aux conventions relatives à la liberté syndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 457. Le comité note que le présent cas concerne l'occupation par la force des locaux de la Fédération des syndicats du commerce, des activités techniques et de l'imprimerie (FCTP), affiliée à la FIET, par six membres du Front populaire démocratique révolutionnaire de l'Ethiopie (EPRDF) au pouvoir, appuyés par les forces de sécurité et de police. Ces allégations font également référence à des voies de fait sur le trésorier de la FCTP ainsi qu'à la destitution forcée de dirigeants syndicaux élus de la même fédération. Les allégations se réfèrent enfin aux tentatives menées par huit fédérations progouvernementales en collusion avec les autorités de réorganiser la CETU et d'administrer son patrimoine.
  2. 458. En ce qui concerne les allégations d'interdiction dans les locaux de la FCTP ainsi que d'occupation de ces locaux par six membres du EPRDF, le comité fait remarquer que le gouvernement nie catégoriquement qu'un tel assaut ait eu lieu. Par conséquent, a fortiori, aucun syndicaliste n'a fait l'objet de voie de fait. Compte tenu des profondes contradictions entre les déclarations des plaignants et celles du gouvernement quant aux faits véritablement intervenus dans les locaux de la FCTP le 4 novembre 1996, le comité rappelle que les assauts menés contre des locaux syndicaux et les menaces exercées contre des syndicalistes créent un climat de crainte parmi les syndicalistes fort préjudiciable à l'exercice des activités syndicales et que les autorités, lorsqu'elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 179.) Le comité note que cet incident a été signalé à la police. Il demande donc au gouvernement de faire en sorte qu'une enquête indépendante portant sur les allégations d'assaut contre des locaux de la FCTP et de voie de fait sur le trésorier de cette fédération le 4 novembre 1996 soit menée afin d'identifier et de sanctionner les coupables. Il demande en outre au gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête.
  3. 459. Pour ce qui est du contrôle allégué des locaux de la FCTP par des personnes recrutées par le gouvernement, le comité note que celui-ci réfute également cette allégation. Il note que, selon la déclaration du gouvernement, le bureau exécutif de la FCTP a demandé au ministère du Travail et des Affaires sociales de délivrer des cartes d'identité à ses dirigeants nouvellement élus. De plus, d'après le gouvernement, la délivrance de ces cartes d'identité est une procédure régulière qui a déjà été utilisée pour les dirigeants des huit autres fédérations. Ici encore, compte tenu des contradictions frappantes entre les déclarations des plaignants et celles du gouvernement quant à la question de savoir si les nouveaux dirigeants de la FCTP ont été élus démocratiquement ou non, le comité rappelle le principe selon lequel la désignation par les autorités publiques de membres des comités exécutifs des syndicats constitue une intervention directe dans les affaires intérieures des syndicats et n'est pas conforme à la convention no 87. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 396.) Compte tenu des doutes qui entourent la régularité des procédures suivies pour la nomination des nouveaux dirigeants de la FCTP et du principe selon lequel les cas de contestation des résultats des élections syndicales doivent relever des autorités judiciaires, qui devraient garantir une procédure impartiale, objective et rapide (voir Recueil, op. cit., paragr. 405), le comité demande au gouvernement de faire procéder à une enquête judiciaire indépendante sur ces allégations et de le tenir informé.
  4. 460. Enfin, le comité note que le gouvernement n'a pas fourni ses observations sur les allégations formulées par la CETU dans sa communication du 27 janvier 1997 concernant les tentatives de huit fédérations progouvernementales de réorganiser la CETU et d'administrer son patrimoine. Le comité demande au gouvernement de répondre sans tarder à ces allégations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 461. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de garantir qu'une enquête indépendante sera menée sans tarder sur les questions ci-après: i) allégation d'assaut contre les locaux de la Fédération des syndicats du commerce, des activités techniques et de l'imprimerie (FCTP) et d'occupation ultérieure de ces locaux le 4 novembre 1996; et ii) allégation de voie de fait sur M. Mulatu Gurmu, trésorier de la FCTP, le même jour, afin d'identifier et de sanctionner les coupables. Il demande en outre au gouvernement de le tenir au courant du résultat de cette enquête.
    • b) Le comité prie le gouvernement de faire procéder à une enquête judiciaire indépendante portant sur l'allégation de procédures irrégulières pour la nomination des nouveaux dirigeants de la FCTP. Il demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.
    • c) Le comité prie le gouvernement de répondre sans tarder aux allégations concernant les tentatives de huit fédérations progouvernementales de réorganiser la CETU et d'administrer son patrimoine.
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