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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration - Rapport No. 313, Mars 1999

Cas no 1916 (Colombie) - Date de la plainte: 18-NOV. -96 - Clos

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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration

Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
  1. 19. Lors du dernier examen du cas, le comité avait prié instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour réintégrer dans leurs postes de travail les dirigeants syndicaux, les syndicalistes et les travailleurs qui avaient été licenciés pour avoir participé à une grève dans l'entreprise "Empresas Varias Municipales de Medellín" (en fait, dans le secteur du ramassage des ordures ménagères) et, si cela était impossible, pour qu'une entière compensation leur soit allouée. Il avait aussi demandé au gouvernement de prendre des mesures pour qu'à l'avenir ce soit un organe indépendant et non l'autorité administrative qui se prononce sur la légalité des grèves, et pour modifier les dispositions du Code du travail interdisant la grève dans un vaste éventail de services qui ne peuvent être considérés comme essentiels au sens strict du terme. (Voir 309e rapport, paragr. 105.)
  2. 20. Dans ses communications des 10 novembre 1998 et 15 janvier 1999, le gouvernement envoie copie de l'arrêt de la Cour suprême prononcé le 9 mars 1998 dans lequel il est indiqué que, en juin 1993, la plupart des travailleurs ont été réintégrés dans leur emploi et que les quatre travailleurs plaignants ont poursuivi leur arrêt de travail après qu'il eut été déclaré illégal. Ils n'ont donc pas droit aux indemnités de licenciement sans juste motif. Le gouvernement ajoute que le gouvernement de la Colombie, comme tout pays respectant l'Etat de droit, ne peut avoir d'autre attitude vis-à-vis des décisions judiciaires que de les accepter, de les respecter et de s'y conformer, eu égard à la séparation des pouvoirs. En conséquence, les travailleurs qui s'adressent maintenant à cet organisme international ont eu accès à toutes les actions et à tous les recours qui garantissaient l'exercice des droits de la défense, et ils en ont fait usage. Les décisions judiciaires qui en ont résulté, même si elles leur sont défavor
    • ables, ont l'autorité de la chose jugée et doivent être respectées par tous.
  3. 21. Par ailleurs, le gouvernement fait valoir que la plainte se fonde sur la notion d'arrêt de travail, qui est différente de la notion légale et constitutionnelle de grève. C'est ce que montre expressément le libellé de la plainte où il est déclaré que: "lors de l'assemblée générale du 7 février 1993, (les intéressés) sont convenus de se déclarer en session permanente", c'est-à-dire qu'ils n'ont jamais décidé de tenir un vote de grève. Il convient de souligner que les travailleurs n'ont jamais voté la grève: ils ont fait usage d'une figure sui generis, dénommée par le syndicat "assemblée permanente", mais, en pratique, il s'agissait d'un arrêt de travail illégal qui affectait le ramassage des ordures ménagères dans la deuxième ville du pays. L'article 56 de la Constitution politique de la Colombie garantit le droit de grève, sauf dans les services publics essentiels. Le législateur a développé ce précepte constitutionnel en précisant les activités qui constituent un service public essentiel, afin de garantir le plein exercice du droit de grève dans les services qui n'ont pas ce caractère. S'il existe actuellement des lois qui qualifient expressément certains services publics comme essentiels (par exemple la loi no 142 de 1994 sur les services publics de proximité, parmi lesquels figure la voirie), à l'époque où a été prise la décision no 00414 du 18 février 1993, ce sont les dispositions invoquées dans cette décision qui étaient en vigueur, puisque le précepte énoncé dans la Constitution politique de 1991 n'avait pas encore été développé, de sorte que sa légalité est incontestable. C'est ce que le Conseil d'Etat a déclaré dans son arrêt du 26 octobre 1994.
  4. 22. Le gouvernement déclare que, partant de l'existence d'un contrôle juridictionnel de la procédure administrative de déclaration d'illégalité (voir l'alinéa e)), dans le cadre duquel un arrêt est rendu par l'instance suprême de la juridiction contentieuse administrative, le Conseil d'Etat, arrêt qui doit être respecté par les intéressés et par le gouvernement lui-même, il convient de préciser ce qui suit: la procédure qui précède la décision de déclaration d'illégalité n'est pas arbitraire. Elle est conçue comme suit: a) L'unique autorité compétente pour constater un arrêt de travail ou une grève est l'inspecteur du travail, qui dresse un acte où sont consignés les faits constatés sur le lieu de travail, en requérant la présence des représentants de l'employeur et des travailleurs afin qu'ils interviennent au cours de cette formalité administrative. Si toutefois l'une des parties ne souhaite pas faire usage de ses droits, cela ne peut constituer un motif pour bloquer la procédure administrative. b) L'évaluation des faits incombe à la Sous-direction technique des affaires collectives, laquelle prépare un projet de décision qui est soumis au ministre pour signature. c) La décision appartient exclusivement au ministre, après avis du bureau du Conseiller juridique. d) L'acte administratif peut faire l'objet d'un recours. e) L'acte administratif pris par le ministre qui déclare illégal la grève ou l'arrêt de travail peut être attaqué devant l'autorité juridictionnelle. Ce contrôle protège les intéressés contre un éventuel abus de pouvoir du ministre et contre l'éventuelle illégalité de sa décision, et il a dans l'ordre juridique colombien le même effet qu'aurait la recommandation du Comité de la liberté syndicale tendant à ce que l'adoption de la décision soit confiée aux juges et non au pouvoir administratif. La formule retenue dans le système juridique national tient compte de la nécessité de rendre en la matière des décisions rapides qui puissent jouer un rôle de dissuasion ou de persuasion afin d'obtenir que le
    • groupe de travailleurs qui est éventuellement en train d'enfreindre l'ordre juridique modifie sa conduite; c'est pourquoi cette tâche incombe aux autorités administratives, sans pour autant que leurs décisions soient à l'abri des critiques qui peuvent leur être adressées du point de vue de l'ordre juridique lui-même, par les voies de recours juridictionnelles qui sont ouvertes aux travailleurs.
  5. 23. Le gouvernement indique que, une fois qu'un arrêt de travail a été déclaré illégal, l'employeur est en droit de licencier les travailleurs en cause, en tenant compte de leur degré de participation, et sa décision peut être contestée devant les tribunaux du travail, qui peuvent ordonner la réintégration des travailleurs licenciés illégalement ou sans juste motif.
  6. 24. En ce qui concerne la qualification des services publics essentiels, dans lesquels la Constitution colombienne interdit l'exercice du droit de grève (art. 56), le gouvernement ne partage pas la préoccupation du Comité de la liberté syndicale au sujet du "vaste éventail de services" dans lesquels la grève est limitée. En droit interne, seuls sont considérés comme essentiels les services publics qui ont expressément été qualifiés comme tels par le législateur et, en ce qui concerne ces services, la Cour constitutionnelle se réserve "un contrôle matériel sur la décision législative afin de déterminer si l'activité en question constitue ou non un service public essentiel" (arrêt C-472 du 27 octobre 1994). Aux termes de cet arrêt, "un service public a le caractère de service essentiel lorsque ses activités contribuent de façon directe à la protection de biens, à la satisfaction d'intérêts ou à la réalisation de valeurs liés au respect, à l'exercice et à la mise en oeuvre effective des libertés et droits fondamentaux". Le critère de la Cour constitutionnelle coïncide avec celui de la commission d'experts, énoncé dans l'étude d'ensemble de 1983 (paragr. 213 et 214), selon lequel seuls peuvent être considérés comme essentiels les services publics "dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne".
  7. 25. Les activités que le législateur a qualifiées de services publics essentiels sont celles qui correspondent aux circonstances particulières de la réalité colombienne et, ainsi qu'il a déjà été signalé, il ne s'agit pas d'une définition discrétionnaire. Dans les cas où, parce qu'il s'agit de services publics essentiels, l'exercice du droit de grève est interdit en vertu de la Constitution, il est prévu, à titre de garantie compensatoire que le différend sera réglé par voie d'arbitrage. Les dispositions du droit interne sont donc conformes aux interprétations de la commission d'experts concernant les droits d'organisation et de négociation énoncés dans les conventions nos 87 et 98 de l'OIT.
  8. 26. Le comité note que la Cour suprême de justice n'a pas accordé la réintégration ni une indemnisation pour licenciement sans juste motif à quatre demandeurs qui avaient participé et persisté à participer à l'arrêt de travail ayant donné lieu à la plainte qui fait l'objet du cas no 1916, arrêt de travail qui avait été déclaré illégal. Le comité observe que la décision de la Cour suprême de justice se fonde sur la législation en vigueur qui habilite le ministre du Travail à déclarer illégal une grève ou un arrêt de travail, et que la déclaration d'illégalité de l'arrêt de travail objet du présent cas se fonde sur l'interdiction de la grève dans les services publics et, notamment, dans les services d'hygiène et de voirie (art. 430 du Code du travail). A cet égard, le comité relève que, selon les documents dont il dispose, l'arrêt de travail a débuté le 7 février 1993 et a été déclaré illégal le 18 février. Le comité n'exclut donc pas que l'interruption du service de ramassage des ordures ménagères pendant onze jours ait pu mettre en péril la santé de la population, et que cela ait pu donner lieu à certaines sanctions. Bien que, comme le signale le gouvernement, l'arrêt de travail objet du présent cas ne se soit pas produit après un vote de grève, le comité rappelle que la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance (voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 522), et que la législation interdit la grève dans un très large éventail de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels. (Voir 309e rapport, paragr. 101.) Dans ces conditions, le comité signale les aspects législatifs du cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations qui, depuis de nombreuses années, critique les dispositions de la législation interdisant la grève dans certains services qui ne sont pas essentiels.
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