Allégations: licenciements, suspensions et radiations de syndicalistes à la suite d'une grève, confiscation d'archives syndicales et entraves aux manifestations du 1er mai
- Allégations: licenciements, suspensions et radiations de syndicalistes à la suite d'une grève, confiscation d'archives syndicales et entraves aux manifestations du 1er mai
- 462 Le comité a déjà examiné les cas nos 1851 et 1922 à plusieurs reprises et, le plus récemment, à sa session de mars 1998 où il a soumis un rapport intérimaire au Conseil d'administration en tenant compte des informations recueillies par une mission de contacts directs qui s'est rendue à Djibouti en janvier 1998. (Voir 309e rapport du comité, paragr. 224 à 251, approuvé par le Conseil d'administration à sa 271e session, mars 1998.)
- 463 Depuis le dernier examen de ces cas, la coordination intersyndicale UDT/UGTD a envoyé des informations complémentaires et de nouvelles allégations en date du 31 mai 1998.
- 464 Le gouvernement a fait parvenir certaines observations dans une communication du 11 juillet 1998.
- 465 Djibouti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur des cas
A. Examen antérieur des cas
- 466. A sa session de mars 1998, eu égard aux conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait notamment approuvé les recommandations suivantes:
- a) Le comité note avec intérêt l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et les facilités qui ont été accordées à la mission de contacts directs qui a pu obtenir toutes les informations qu'elle désirait et rencontrer toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir, et il exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera à agir dans le même esprit.
- b) Le comité note également avec intérêt que plus personne n'est actuellement en prison ou ne fait l'objet de poursuites judiciaires pour des faits intéressant l'exercice de la liberté syndicale ou le droit de grève. Observant néanmoins que de très nombreuses personnes ont été mises en garde à vue dans le centre de détention de Nagad pendant 72 heures à la suite de mouvements de grève et de manifestations pacifiques en 1995, 1996 et 1997 et qu'elles ont été libérées par la suite, souvent grâce à l'intervention du ministre de l'Education nationale, le comité rappelle l'importance du droit de grève qui est un corollaire indissociable du droit d'association syndicale protégé par la convention no 87. Il souligne en conséquence que l'arrestation et la détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes et pacifiques, même si c'est pour une courte période, constituent une violation des principes de la liberté syndicale. Il demande au gouvernement à l'avenir de respecter ce principe.
- c) Le comité note également avec satisfaction que les clés du local de l'UGTD fermé par les forces de l'ordre depuis le 7 mai 1996 ont été restituées au porte-parole de la coordination intersyndicale UDT/UGTD le 15 janvier 1998 au cours de la réunion tenue dans le bureau du ministre du Travail avec les représentants des organisations syndicales en présence de la mission. Néanmoins, le comité observe avec préoccupation que depuis le 16 juillet 1997 les archives syndicales de l'UDT ont été confisquées par les autorités au domicile privé du président de cette organisation. Le comité attire l'attention du gouvernement sur l'inviolabilité des biens syndicaux et invite le gouvernement à restituer au plus vite les archives syndicales de l'UDT et à le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Le comité note avec intérêt qu'un grand nombre de travailleurs licenciés pour avoir participé à des grèves et à des manifestations ont été réintégrés dans leurs fonctions et que les personnes qui avaient été engagées pour remplacer les enseignants grévistes n'ont pas été maintenues en emploi à la satisfaction des organisations syndicales. Cependant, le comité note avec une profonde préoccupation que la haute direction de la coordination intersyndicale licenciée depuis deux ans et demi pour avoir lancé un mot d'ordre de grève de protestation contre la politique économique et sociale du gouvernement et plusieurs syndicalistes nommément désignés par les plaignants n'ont toujours pas été réintégrés dans leur emploi, que deux enseignants du primaire ont été révoqués en 1996 et que cinq enseignants fonctionnaires titulaires de l'enseignement secondaire ont été radiés de la fonction publique en février 1997 à la suite de grève. Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement remplira le calendrier de rencontres fixé lors de la réunion tenue au cours de la mission de contacts directs au ministère du Travail avec les organisations syndicales et invite très fermement le gouvernement à assurer que tous les dirigeants syndicaux et les syndicalistes licenciés ou radiés qui en font la demande soient réintégrés dans leur emploi et dans leurs fonctions, et le prie de le tenir informé des développements qui interviendront à cet égard. A ce sujet, compte tenu des conditions dans lesquelles s'est produite la réintégration de grévistes dans leur poste de travail, le comité insiste sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les déclarations de loyauté ou autre engagement de même nature ne devraient pas être imposés pour obtenir la réintégration dans l'emploi, et il insiste auprès du gouvernement pour que soient abrogées de telles déclarations.
- e) Le comité demande au gouvernement d'exercer la plus grande vigilance dans la promotion et la défense de la liberté syndicale et donc de prendre les mesures nécessaires pour que soient instruites les plaintes déposées par les organisations syndicales ou les syndicalistes ainsi que celles déposées par Maître Aref, et de communiquer le texte des décisions de justice rendues au sujet de la situation disciplinaire et pénale de Maître Aref, avocat défenseur des syndicalistes.
- f) Enfin, le comité exprime le ferme espoir que la révision de la législation du travail en cours se poursuivra en consultation avec l'ensemble des partenaires sociaux employeurs et travailleurs et qu'elle permettra l'adoption de dispositions conformes aux principes de la liberté syndicale en ce qui concerne en particulier l'exercice du droit de grève et l'élection des dirigeants syndicaux, et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
B. Nouvelles allégations des plaignants
B. Nouvelles allégations des plaignants
- 467. Dans sa communication du 31 mai 1998, la coordination intersyndicale UDT/UGTD indique que rien de ce qui a été promis à la mission de contacts directs n'a été accordé: 1) les dirigeants syndicaux demeurent licenciés; malgré les promesses faites à la mission, les licenciements n'ont pas été évoqués concrètement; 2) malgré l'accord intervenu entre l'intersyndicale et le gouvernement en présence du BIT, l'élaboration du Code du travail se fait unilatéralement par le ministère du Travail, sans associer les partenaires sociaux; 3) la répression antisyndicale continue et s'amplifie depuis la diffusion du rapport de la mission de contacts directs; 4) les dirigeants du syndicat de la santé qui avaient été emprisonnés, suite à un mouvement de grève, ont été libérés mais la tension demeure et les revendications professionnelles de ces travailleurs ne sont toujours pas prises en considération; 5) le ministre du Travail a refusé d'admettre les membres de l'intersyndicale, seule organisation représentative de travailleurs, dans la délégation à la Conférence internationale du Travail de juin 1998; 6) le 1er mai 1998 s'est déroulé sous la haute surveillance de la police; le ministre de l'Intérieur a interdit les meetings devant le siège de l'intersyndicale; 7) le gouvernement a adopté de nouvelles mesures de réduction des salaires qui accusent toujours sept mois de retard de l'année précédente; 8) l'appauvrissement de la population, le népotisme, la corruption et les détournements de fonds impunis font craindre une explosion sociale sans précédent.
- 468. En conclusion, les plaignants demandent la réintégration immédiate et sans condition des dirigeants syndicaux licenciés depuis septembre 1995 et septembre 1996 avec rappel de leurs salaires gelés depuis ces dates; le respect des conventions nos 87 et 98; le respect de la convention cosignée par l'intersyndicale et le gouvernement concernant l'élaboration du Code du travail; la fin de la répression antisyndicale et la levée des obstacles à la tenue des assemblées syndicales; ainsi que la reconnaissance de l'intersyndicale UDT/UGTD en tant que partenaire social, dans le respect du tripartisme.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement
- 469. Dans sa communication du 11 juillet 1998, le gouvernement fournit certaines informations en réponse à la dernière communication de la coordination intersyndicale.
- 470. Au sujet des licenciements, il rétorque que les négociations entreprises avec les syndicats n'ont pas abouti.
- 471. Au sujet de l'élaboration du nouveau Code du travail, il soutient que, contrairement aux allégations des plaignants, les syndicats ont été invités à participer à son élaboration mais qu'ils ont posé comme condition préalable la réintégration des licenciés. Ils ont rejeté la proposition du gouvernement de participer à la rédaction du Code tout en poursuivant les négociations sur les licenciements.
- 472. Au sujet de la répression antisyndicale, il affirme qu'aucune répression n'a été exercée contre les syndicalistes et observe que les plaignants ne citent aucune preuve à l'appui de leurs accusations.
- 473. Au sujet de la participation de représentants de l'intersyndicale en tant que représentants des travailleurs de Djibouti à la Conférence internationale du Travail, il déclare que les travailleurs sont des partenaires indispensables et qu'il a toujours tenu compte de leurs revendications. Cependant, pour des raisons économiques, il n'a pas été en mesure de participer cette année à la Conférence internationale du Travail de juin 1998.
- 474. Au sujet des entraves aux manifestations syndicales du 1er mai, il affirme que le 1er mai s'est déroulé dans le calme et qu'aucun incident n'a été signalé.
- 475. Au sujet du retard de paiement des salaires et de la réduction des salaires, il précise que les salaires de janvier, février et mars 1998 ont été perçus par les salariés.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 476. Le comité observe que les aspects des cas encore en instance après l'examen de mars 1998 avaient trait aux points suivants: mesures à prendre en vue de la restitution des archives syndicales de l'UDT confisquées le 16 juillet 1997; mesures à prendre aux fins de réintégration dans leur emploi et dans leurs fonctions de tous les dirigeants syndicaux et des syndicalistes licenciés ou radiés qui en font la demande; tenue des rencontres fixées lors de la réunion qui a eu lieu au cours de la mission de contacts directs au ministère du Travail avec les organisations syndicales; mesures à prendre aux fins d'instruction des plaintes déposées par les organisations syndicales ou les syndicalistes ainsi que celles déposées par Maître Aref; information sur la révision de la législation du travail et, en particulier, sur la consultation avec l'ensemble des partenaires sociaux employeurs et travailleurs à cet égard.
- 477. Le comité note le caractère contradictoire des informations fournies par les plaignants et par le gouvernement. Le comité observe notamment avec grande préoccupation que, selon les plaignants, la situation syndicale s'est détériorée, que les hauts dirigeants syndicaux de l'intersyndicale et les travailleurs syndicalistes licenciés en 1995, 1996 et 1997 n'ont toujours pas été réintégrés dans leur emploi, que les partenaires sociaux ne sont pas associés à l'élaboration du Code du travail et que le ministre de l'Intérieur a même interdit les meetings du 1er mai devant le siège de l'intersyndicale.
- 478. Le comité note également avec une profonde préoccupation que le gouvernement n'a fourni que des indications très partielles sur ces allégations et qu'il n'a transmis aucune réponse positive concrète sur les mesures prises pour rétablir la liberté syndicale. Dans ces conditions, le comité ne peut que réitérer avec force ses recommandations antérieures et ajoute, en ce qui concerne les allégations d'interdiction de meetings du 1er mai devant le siège de la coordination intersyndicale, que le droit d'organiser des réunions publiques et des cortèges à l'occasion du 1er mai constitue un aspect important des droits syndicaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 134.)
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 479. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité, notant avec grande préoccupation que, malgré les promesses faites par le gouvernement à la mission de contacts directs, aucun progrès tangible n'a été accompli dans le domaine du rétablissement complet de la liberté syndicale, invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande avec force et instamment au gouvernement de restaurer pleinement la liberté syndicale, et en particulier de prendre d'urgence les mesures suivantes:
- -- restituer les archives syndicales de l'UDT confisquées le 16 juillet 1997;
- -- réintégrer dans leur emploi et dans leurs fonctions tous les dirigeants syndicaux et les syndicalistes licenciés ou radiés qui en font la demande, et surtout les hauts dirigeants de la coordination intersyndicale licenciés depuis plus de trois ans;
- -- instruire les plaintes déposées par Maître Aref et par tous les syndicalistes concernés;
- -- consulter les partenaires sociaux en vue de la révision de la législation du travail;
- -- garantir que les travailleurs pourront à l'avenir tenir des réunions publiques, à l'occasion du 1er mai, puisque de telles réunions constituent un aspect important des droits syndicaux.
- b) Le comité demande instamment au gouvernement de fournir d'urgence des informations détaillées sur les mesures concrètes qu'il aura prises pour mettre en oeuvre l'ensemble des recommandations formulées ci-dessus.