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Rapport intérimaire - Rapport No. 314, Mars 1999

Cas no 1948 (Colombie) - Date de la plainte: 09-DÉC. -97 - Clos

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Allégations: grève déclarée illégale, actes de discrimination antisyndicale et imposition d'un arbitrage obligatoire

  • Allégations: grève déclarée illégale, actes de discrimination antisyndicale et imposition d'un arbitrage obligatoire
    1. 42 La plainte qui fait l'objet du cas no 1948 a été présentée par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) dans une communication du 9 décembre 1997. La CUT a adressé un complément d'information dans une communication du 8 janvier 1998.
    2. 43 La plainte qui fait l'objet du cas no 1955 a été présentée par le Syndicat des travailleurs de l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (SINTRATELEFONOS) dans une communication du 2 mars 1998.
    3. 44 Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 7 octobre 1998 et 15 janvier 1999.
    4. 45 La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 46. Dans leurs communications datées des 9 décembre 1997 et 2 mars 1998, respectivement, la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) et le Syndicat des travailleurs de l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (SINTRATELEFONOS) indiquent que l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (ETB), à la suite d'une privatisation entamée en 1995, s'est entièrement transformée en société par actions en novembre 1997 et que, depuis le début de 1998, elle est en vente. Les plaignants indiquent qu'ils se sont toujours opposés, par tous les moyens de droit, à la privatisation et à la vente de ETB, étant donné que les travailleurs de cette entreprise souhaitent le maintien de leur statut de "travailleurs officiels" ainsi que de la fonction sociale de l'Etat dans les secteurs des télécommunications.
  2. 47. Les plaignants indiquent que, alors que SINTRATELEFONOS avait présenté le 24 octobre 1997 un cahier de revendications en vue de négocier une convention collective, il a été procédé le 4 novembre au licenciement de 20 travailleurs syndiqués et de trois dirigeants syndicaux jouissant de l'immunité syndicale dont deux avaient participé aux négociations. Ces faits se sont produits après que le ministère du Travail eut déclaré illégales, en vertu des décisions nos 002286 et 002287 du 9 octobre 1997, des cessations d'activités des 27 mai, 30 mai, 5 et 6 juin 1997, bien que l'entreprise n'ait pas présenté à l'inspecteur du travail la liste des travailleurs qu'elle envisageait de licencier, s'il était démontré qu'ils avaient participé aux cessations d'activités susmentionnées ou qu'ils les avaient dirigées ou encouragées, comme le prévoient la résolution no 1064 de 1959 et le décret réglementaire no 2164 de 1959 émanant du ministère du Travail.
  3. 48. Les plaignants ajoutent que, en procédant à ces licenciements, l'administration du district et l'administration de l'entreprise se sont efforcées d'empêcher la constitution de la commission chargée de négocier le cahier des revendications. Le fait que, contrairement à l'usage, une fonctionnaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ait été invitée le jour où la commission devait se réunir démontre que l'intention du gouvernement était que cette fonctionnaire constate l'absence des membres de la commission de négociation de l'organisation syndicale. Ainsi, ont participé à la réunion de négociation des personnes de l'extérieur qui ne connaissaient ni l'entreprise ni les difficultés réelles des travailleurs, dans le seul but de retarder les négociations et d'empêcher la conclusion d'accords concrets, comme il ressort du procès-verbal de la réunion qui rend compte de la fin de la procédure de règlement direct des négociations; de plus, il a été demandé au ministère du Travail de saisir le tribunal d'arbitrage. L'arbitre, que l'administration de l'entreprise a désigné pour siéger au tribunal d'arbitrage et que le ministère a convoqué, ne s'est pas présenté pour choisir, avec l'arbitre désigné par le syndicat, le troisième membre du tribunal d'arbitrage, ce qui a également ralenti le processus de négociation collective. Par ailleurs, le gouvernement a tenté de faire reconnaître à la commission de négociation des travailleurs une prétendue dénonciation de la convention collective par l'administration, afin de ne pas négocier le cahier de revendications que les travailleurs avaient présenté le 24 octobre 1997. Dans le même temps, l'administration a allongé le délai dont disposaient les travailleurs qui ne s'étaient pas inscrits au Plan anticipé de pensions qui vise les ouvriers et les techniciens pour qu'ils puissent le faire, cela pour alimenter l'inquiétude.
  4. 49. Les plaignants demandent donc la réintégration des 23 personnes licenciées, le paiement des salaires dus et la dérogation des décisions du ministère du Travail frappant d'illégalité les cessations d'activités.
  5. 50. Par ailleurs, les plaignants allèguent qu'a été appliquée la procédure de la justice sans visage dans le cadre des mises en accusation et des enquêtes effectuées par des organes de contrôle internes et externes, en particulier par le Bureau de lutte contre la corruption et par l'entreprise de Santafé de Bogotá. Ainsi, quatre enquêtes préliminaires ont visé près de 800 travailleurs à propos de fautes qui pourraient être considérées comme extrêmement graves s'il était démontré que ces personnes n'ont pas signé le registre de contrôle des entrées de l'ETB pendant la période où ont eu lieu les discussions en vue de la vente ou de la privatisation de cette entreprise.
  6. 51. De plus, l'administration du district et la direction de l'entreprise auraient été indirectement à l'origine de plaintes pénales contre les dirigeants syndicaux Víctor Manuel Bautista Ramírez et Sandra Patricia Cordero Tovar, respectivement secrétaire au bien-être social et secrétaire à l'information, à la presse et à la propagande. Ces deux personnes sont accusées d'actes de violence à l'encontre d'un fonctionnaire (affaire no 287 portée devant les services du procureur, dossier no 588). Il convient d'ajouter que M. Víctor Manuel Bautista Ramírez fait l'objet d'une suspension sans solde de 90 jours. Cette sanction a été appliquée de manière unilatérale en vertu d'une décision de la direction de l'entreprise, sans que l'intéressé n'ait bénéficié des garanties d'une procédure régulière, ni de la présomption d'innocence.
  7. 52. En outre, selon les plaignants, ETB poursuit sa politique visant à semer le trouble, l'inquiétude et la confusion. Ainsi, récemment, elle a licencié sans motif fondé MM. Elías Quintana et Carlos Socha, lesquels sont pourtant protégés par l'immunité syndicale puisqu'un conflit collectif est en cours.
  8. 53. Par ailleurs, dans ses communications datées des 9 décembre 1997 et 8 janvier 1998, la CUT allègue que le ministère du Travail, en vertu d'une décision du 26 septembre 1997, a ordonné la cessation d'une grève de 300 travailleurs de l'entreprise Comesa Indistria Metalmecánica (COMESA S.A.) et a convoqué un tribunal d'arbitrage. Le Syndicat des travailleurs de COMESA (SINTRACOMESA) a fait appel de cette décision. Il ne s'agissait pas d'une décision définitive et elle ne pouvait pas être appliquée. Or elle l'a été. Selon le plaignant, la grève a duré 69 jours mais ni l'entreprise ni le ministère du Travail n'ont tenté une conciliation. La CUT souligne qu'il appartient aux travailleurs de décider librement s'ils souhaitent continuer de faire grève ou recourir au tribunal du travail. Le plaignant a donc demandé l'annulation de la décision en vertu de laquelle le ministère du Travail a imposé un arbitrage.
  9. 54. Enfin, la CUT fait état du licenciement de 28 travailleurs affiliés au syndicat SINTRAELECOL; 14 étaient occupés dans l'entreprise d'énergie de Cundinamarca, 13 dans l'entreprise EPSA de Cali et 1 dans l'entreprise d'énergie de Bogotá.
  10. B. Réponse du gouvernement
  11. 55. Dans sa communication datée du 7 octobre 1998, le gouvernement déclare à propos du conflit collectif dans l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (ETB) que l'article 25 du décret no 2351 de 1965 et l'article 1er du décret réglementaire no 1373 de 1966, qui portent sur les licenciements en période de conflit, établissent ce qui suit: "Les travailleurs ayant présenté un cahier de revendications à leur employeur ne pourront être congédiés sans motif valable, dûment prouvé, après la date de la soumission dudit cahier et pendant la période que la loi prévoit pour le déroulement de la procédure de règlement direct." Il ressort de cette disposition qu'il n'appartient pas au ministère du Travail et de la Sécurité sociale mais aux employeurs de décider, en temps utile, d'embaucher ou de licencier. Pour les licenciements qui seraient considérés comme contraires à la disposition susmentionnée, les travailleurs concernés peuvent porter l'affaire devant le tribunal du travail.
  12. 56. Le gouvernement ajoute que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale peut, conformément à la loi, déclarer illégale la cessation d'activités. En effet, l'article 451 du Code du travail indique que le ministère du Travail peut, par voie administrative, déclarer illégale une suspension d'activités ou un arrêt collectif du travail. Les décisions nos 002286 et 002287 de 1997, en vertu desquelles le ministère a déclaré illégales les cessations d'activités dans l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (ETB), ne sont pas contraires à la loi puisque celle-ci ne prévoit pas une procédure particulière dans ce cas. Pour qu'il soit donné suite, par voie administrative, à une demande de déclaration d'illégalité, il suffit de constater que la cessation d'activités a eu lieu; la présence des parties au conflit n'est pas nécessaire au moment d'établir la déclaration d'illégalité de la cessation d'activités. Le ministère n'a donc pas violé l'article 29 de la Constitution.
  13. 57. A ce sujet, un arrêt de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d'Etat du 19 juin 1997 a établi ce qui suit:
  14. Enfin, il convient de noter que la législation n'oblige pas à signaler à l'organisation syndicale intéressée la demande visant à déclarer illégale la cessation d'activités et que, par conséquent, le principe constitutionnel du respect de la légalité n'a pas été violé. A ce propos, la Chambre du contentieux administratif, dans un arrêt du 5 mars 1996, qui a été versé au dossier no 3975 (...), a souligné que le Code du travail ne prévoit pas que, préalablement à la déclaration d'illégalité d'une cessation d'activités, une procédure devrait viser les organisations syndicales auxquelles appartiennent les travailleurs concernés. Il suffit que l'administration constate l'un des cas prévus à l'article 450 pour que la déclaration puisse être formulée. De plus, le législateur a indiqué expressément qu'il ne pouvait être recouru contre cette décision par voie administrative, mais seulement par voie judiciaire, c'est-à-dire devant le Conseil d'Etat, comme le prévoit l'article 451 du Code du travail...
  15. 58. A propos du caractère prétendu tardif de la déclaration susmentionnée, c'est-à-dire le fait que l'illégalité des cessations d'activités a été déclarée plusieurs mois après que celles-ci eurent lieu, les articles 450 et 451 du Code du travail ne fixent pas de délai au ministère du Travail pour qu'il déclare illégal ou non un arrêt collectif du travail. Le ministère a donc agi conformément à la loi en prenant les décisions nos 002286 et 002287 du 9 octobre 1997.
  16. 59. La circulaire no 019 de 1991 indique aux inspecteurs du travail et de la sécurité sociale la manière dont ils doivent établir les procès-verbaux constatant les cessations d'activités. C'était également le cas des circulaires précédentes qui portaient sur cette question et que les fonctionnaires appliquent. Faute de quoi, le ministère ne serait pas en mesure de déclarer illégales les cessations d'activités. Toutefois, on sait que, parfois, les organisations syndicales ne participent pas à la procédure de constatation, soit parce qu'elles s'en désintéressent, soit parce que leurs représentants sont absents au moment de cette procédure. Néanmoins, instruction est donnée pour faire toujours intervenir les organisations des travailleurs dans ces procédures.
  17. 60. Dans sa communication du 15 janvier 1998 à propos des licenciements qui auraient eu lieu dans l'entreprise de télécommunications de Bogotá (23 travailleurs, dont 3 appartenaient au comité directeur de SINTRATELEFONOS), dans l'entreprise d'énergie de Cundinamarca (14 personnes), dans l'entreprise EPSA de Cali (13 personnes) et dans l'entreprise d'énergie de Bogotá (une personne), ces 28 derniers travailleurs étant membres du syndicat SINTRAELECOL, le gouvernement déclare que, conformément à l'article 25 du décret no 2351 de 1965, dans le cas où des licenciements effectués pendant un conflit du travail seraient contraires aux dispositions de l'article susmentionné, les travailleurs concernés peuvent saisir le tribunal du travail. En vertu de l'article 2 du Code de procédure du travail, tel qu'il a été modifié par l'article premier de la loi no 362 de 1997, cette juridiction entend, d'une manière générale, des conflits de droit qui découlent directement ou indirectement du contrat de travail et, en particulier, des questions relatives à l'immunité syndicale des agents de la fonction publique, des travailleurs officiels et des autres catégories de travailleurs. Ainsi, les travailleurs jouissant de l'immunité syndicale qui ont été licenciés sans que la justice ne se soit d'abord prononcée sur les motifs du licenciement peuvent engager une action visant à leur réintégration et obtenir par conséquent le paiement des salaires qui leur seraient dus. Par ailleurs, l'article 451 du Code du travail indique qu'il incombe au ministère du Travail et de la Sécurité sociale de déclarer, par voie administrative, si la suspension ou l'arrêt collectif du travail a un caractère illégal, dans les cas prévus expressément par la loi.
  18. 61. Dans le cas en question, le ministère du Travail a satisfait à toutes les conditions prévues par la loi en prenant les décisions nos 002286 et 002287 du 9 octobre 1997, en vertu desquelles il a déclaré illégales certaines cessations d'activités dans l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá. La législation applicable indique expressément que les décisions administratives de ce type ne peuvent faire l'objet d'aucun recours par voie gouvernementale. Aussi, dans la décision no 000003 du 6 février 1998, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a-t-il déclaré irrecevable le recours en réintégration formé par le président du Syndicat des travailleurs de l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá.
  19. 62. Le gouvernement précise qu'une décision du ministère déclarant illégale une grève peut être contestée devant la Chambre du contentieux administratif du Conseil d'Etat. Par ce moyen de défense, les syndicats ou les travailleurs intéressés peuvent contester la décision administrative et, le cas échéant, la faire annuler si elle n'est pas conforme à la loi. Dans le cas d'espèce, ni le syndicat ni les travailleurs à titre individuel n'ont eu recours à ce moyen de défense. Par conséquent, force est de considérer qu'ils ont renoncé à la possibilité de contester cette décision et d'obtenir qu'elle ne produise pas ses effets.
  20. 63. En ce qui concerne la demande de réintégration et de paiement des salaires des 23 travailleurs licenciés par l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá, le gouvernement indique dans sa communication du 15 janvier 1998 que, en vertu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, le contenu des accords des conseils municipaux, ainsi que celui du projet de privatisation mis en cause par les plaignants, est du ressort exclusif de ces organismes. Par ailleurs, il incombe aux autorités judiciaires de déterminer si les effets, en matière de travail, de ces accords sont conformes à la loi.
  21. 64. Il ressort des articles 405 du Code du travail et 25 du décret-loi no 2351 de 1995 que, si un employeur procède de manière abusive à un licenciement, les travailleurs concernés doivent recourir à la voie judiciaire pour faire valoir leurs droits, notamment leur demande de réintégration et de paiement des salaires et prestations dus, étant donné qu'il revient au tribunal du travail de trancher les conflits qui découlent directement ou indirectement du contrat de travail et, en particulier, les conflits portant sur l'immunité syndicale des travailleurs officiels, des agents de la fonction publique et des autres catégories de travailleurs. En d'autres termes, il s'agit de conflit individuel que seuls peuvent trancher les juges. Les intéressés auraient dû les saisir. Ils ne l'ont pas fait et on peut donc considérer qu'ils ont renoncé au recours constitutionnel qui leur permet de faire valoir leurs droits. Par conséquent, le ministère du Travail n'est pas habilité à ordonner la réintégration des intéressés ni à statuer sur leurs droits comme le réclament les plaignants.
  22. 65. Quant à la demande d'annulation des décisions nos 002286 et 002287 du 9 octobre 1997 du ministère du Travail, formulée par les plaignants, le gouvernement déclare que, en vertu de l'article 451 du Code du travail, il revient au ministère du Travail de se prononcer, par voie administrative, sur le caractère illégal d'une suspension ou d'un arrêt collectif du travail, dans les cas prévus expressément par la loi. La déclaration est d'application immédiate et elle ne peut être contestée que devant le Conseil d'Etat. Conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a pris les décisions nos 002286 et 002287 de 1997 après avoir constaté les arrêts du travail en question. Il a donc suivi la procédure prévue par la loi. Le syndicat a intenté contre ces décisions un recours qui n'est pas conforme à la législation interne, ce qui a donné lieu à la décision no 000003 du 6 janvier 1998. Il convient de signaler que le syndicat aurait pu intenter une action en nullité de ces actes administratifs devant le pouvoir judiciaire, à savoir le Conseil d'Etat. Il ne l'a pas fait et s'est ainsi privé d'une voie de recours judiciaire que des tiers ne peuvent pas intenter.
  23. 66. A propos des allégations selon lesquelles des travailleurs auraient cessé d'être employés par l'entreprise à la suite de leur inscription au plan de retraite volontaire et/ou anticipée, le gouvernement précise que la loi colombienne n'interdit pas ces mesures car elles ne limitent pas la liberté contractuelle, et que tous les travailleurs sont libres de s'affilier à ces systèmes de pension. S'ils y ont été inscrits contre leur gré, ils peuvent intenter une action en justice.
  24. 67. A propos des plaintes pénales contre M. Víctor Manuel Bautista Ramírez et Mme Patricia Cordera Tovar, le gouvernement indique qu'il a reçu à ce sujet une communication écrite en date du 6 janvier 1999 -- cette communication est jointe à la présente réponse -- du Bureau de lutte contre la corruption de l'entreprise de télécommunications de Bogotá (ETB), dont le texte suit:
  25. "... Ni le Bureau de lutte contre la corruption, ni aucun autre service juridique de ETB n'a déposé de plaintes pénales contre M. Víctor Manuel Bautista Ramírez ou Mme Patricia Cordera Tovar. Le Bureau a pris connaissance d'une plainte déposée par Mme Sandra Bibiana Quintero Martínez, architecte de ETB, numéro d'immatriculation 31742, contre M. Bautista Ramírez qui, selon elle, l'aurait agressée, cette agression ayant entraîné pour elle trois jours d'incapacité de travail. L'affaire a été entendue par le substitut du procureur no 288 en audience foraine. L'ETB n'est intervenue en aucune manière dans le déroulement de cette affaire."
  26. Le gouvernement souligne que la plainte en question porte sur un délit de droit commun commis à titre individuel et qu'elle n'a aucun lien avec le droit du travail.
  27. 68. En ce qui concerne le syndicat des travailleurs de COMESA S.A. et une prétendue violation du droit de grève, le gouvernement déclare dans sa communication du 7 octobre 1998 que l'organisation syndicale susmentionnée a présenté un cahier de revendications à COMESA S.A. auquel il n'a pas été donné suite au stade du règlement direct. Le syndicat a donc appelé à la grève, laquelle a commencé le 25 juillet 1997. Le ministère, conformément aux pouvoirs que lui confère l'article 448 du Code du travail, tel qu'il a été modifié par l'article 63, alinéa 4, de la loi no 50 de 1990, en vertu de la décision no 002183 du 21 septembre 1997, a ordonné la constitution d'un tribunal d'arbitrage obligatoire afin de trouver une solution à ce conflit collectif du travail. Cette décision a fait l'objet d'un recours et elle a été confirmée par la décision no 002332 du 16 octobre 1997. Cette décision, qui a été déclarée applicable en vertu de l'arrêt no 115 du 26 septembre 1991 de la Cour suprême de justice, autorise le ministère du Travail, lorsqu'une grève excède une durée de 60 jours civils, à ordonner que le conflit soit soumis à la décision d'un tribunal d'arbitrage. Lorsque le ministère a recours à ce moyen, les travailleurs sont tenus de reprendre leurs fonctions dans un délai maximum de trois jours ouvrables, à partir de la date de publication de la décision dans un journal de grande diffusion, et non, comme l'avait compris l'organisation syndicale, à partir de la date à laquelle elle devient applicable. Dans ces cas, la décision est d'application immédiate, sans préjudice des recours dont elle pourrait faire l'objet. En effet, si l'on acceptait les arguments du syndicat, la grève se prolongerait au détriment de la situation économique des travailleurs et de l'entreprise, et la disposition juridique en question ne serait plus d'application immédiate. Dans le présent cas, le gouvernement a recouru à cette disposition parce que les tribunaux d'arbitrage obligatoire constituent un mécanisme valable et efficace pour résoudre les conflits collectifs du travail.
  28. 69. Dans sa communication du 15 janvier 1998, le gouvernement réitère ses déclarations antérieures selon lesquelles le syndicat des travailleurs de COMESA S.A. a présenté un cahier de revendications à l'entreprise auquel il n'a pas été donné suite au stade du règlement direct et le syndicat a donc déclaré et lancé la grève à partir du 25 juillet 1997. A ce sujet, le ministère du Travail, en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 448 du Code du travail, tel qu'il a été modifié par l'article 63, alinéa 4, de la loi no 50 de 1990, a ordonné au terme du délai de 60 jours prévu par la loi, en vertu de la décision no 002183 du 26 septembre 1997, la constitution d'un tribunal d'arbitrage obligatoire afin de résoudre le conflit collectif du travail. Cette décision a fait l'objet d'un recours qui a été rejeté en vertu de la décision no 002332 du 16 octobre 1997, qui l'a confirmée. Les décisions relatives aux décisions susmentionnées se fondent sur le fait que, lorsque le ministère exerce la faculté que lui confère la disposition en question, les travailleurs sont tenus de reprendre le travail dans un délai maximum de trois jours ouvrables à partir de la date de publication de la décision dans un journal de grande diffusion (article 46 du Code du contentieux administratif) et non à partir de la date à laquelle la décision devient applicable, comme l'ont affirmé les plaignants. Dans le cas contraire, la grève se prolongerait, au détriment de l'économie nationale et de l'intérêt public économique, et la disposition juridique perdrait son caractère d'immédiateté. En outre, ce critère est étayé par l'article 55 de la Constitution qui ordonne l'application de "moyens en vue d'une solution pacifique des conflits collectifs du travail", de façon à éviter que la grève ne se prolonge indéfiniment. Le gouvernement ajoute que l'organisation syndicale avait, en vertu de la loi, la possibilité de contester devant la juridiction du contentieux administratif la légalité de cette mesure administrative. Elle ne l'a pas fait. Il ressort du cas en question que les mesures prises sont conformes à la législation interne et aux conventions internationales et que les plaignants pouvaient recourir aux moyens prévus par la loi pour faire valoir leurs droits.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 70. Le comité observe que les allégations présentées par les organisations plaignantes se réfèrent au licenciement de 20 membres et de trois dirigeants du syndicat SINTRATELEFONOS, et à des déclarations d'illégalité de cessations d'activité. En vertu de ces déclarations qui émanent du ministère du Travail, les licenciements susmentionnés ont été effectués alors que les prétendues cessations d'activité avaient eu lieu des mois auparavant. Les allégations des organisations plaignantes portent également sur des accusations et enquêtes d'organismes publics ou de l'entreprise ETB à propos de près de 800 travailleurs, sur des plaintes pénales contre les dirigeants syndicaux Víctor Manuel Bautista Ramírez et Sandra Patricia Cordero Tovar, sur le licenciement d'Elías Quintana et de Carlos Socha pendant un conflit collectif auquel était partie SINTRATELEFONOS, sur la décision des autorités de soumettre un conflit collectif dans l'entreprise COMESA S.A. à l'arbitrage obligatoire, alors que les travailleurs étaient en grève, et sur le licenciement de 27 membres de SINTRAELECOL qui étaient occupés dans trois entreprises différentes.
  2. 71. A propos du conflit collectif dans l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (ETB), le comité prend note des déclarations suivantes du gouvernement: 1) l'article 451 du Code du travail dispose qu'il incombe au ministère du Travail de déclarer par voie administrative le caractère illégal d'une suspension ou d'un arrêt collectif du travail; les décisions administratives en vue d'une déclaration d'illégalité ont été prises conformément à la législation; 2) ces décisions auraient pu faire l'objet d'un recours en nullité devant le Conseil d'Etat mais ni les plaignants ni les travailleurs concernés ne l'ont fait; 3) les articles 450 et 451 du Code du travail n'imposent pas de délai au ministère du Travail pour qu'il puisse déclarer le caractère illégal d'un arrêt ou d'une suspension collective du travail; et 4) les travailleurs jouissant de l'immunité syndicale qui sont licenciés sans que le motif de leur licenciement n'ait été préalablement examiné par les autorités judiciaires peuvent intenter une action en réintégration et obtenir éventuellement le paiement des salaires dus, mais ils n'ont pas introduit de recours devant l'autorité judiciaire.
  3. 72. A cet égard, le comité est conscient que les services téléphoniques sont des services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire des services dans lesquels le droit de grève peut être restreint, voire interdit. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 536 et 544.) Toutefois, le comité observe que la déclaration d'illégalité des cessations d'activité dans l'entreprise ETB a été effectuée par le ministère du Travail. Le comité rappelle que "la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 522.)
  4. 73. Dans ces conditions, étant donné que 1) la déclaration d'illégalité a été effectuée plusieurs mois après les cessations d'activité, que 2) ces cessations d'activité ont eu lieu alors que l'entreprise était en cours de privatisation, ce qui devait avoir nécessairement des conséquences très importantes sur la situation des travailleurs (y compris l'instauration d'un nouveau statut des travailleurs), qu'une nouvelle convention collective faisait l'objet de négociations dans une atmosphère très tendue, et que 3) selon le syndicat plaignant -- le gouvernement n'a pas nié ce point -- on aurait cherché pendant les négociations à retarder les discussions et à imposer aux travailleurs un arbitrage obligatoire, le comité prie le gouvernement, au-delà de ce qu'établit la loi, et compte tenu des circonstances passées, de prendre les mesures en vue de favoriser la réintégration dans leur poste de travail des 23 travailleurs licenciés, et il lui demande de prendre des mesures dans ce sens.
  5. 74. A propos des plaintes pénales déposées contre les dirigeants syndicaux Víctor Manuel Bautista Ramírez et Patricia Cordero Tovar, le comité prend note que, selon le gouvernement, l'entreprise ETB n'a pas déposé de plainte pénale contre ces personnes et que la plainte qui a été déposée l'a été par un particulier contre M. Ramírez, à propos d'un délit de droit commun qui n'a aucun lien avec le droit du travail. Le comité prie le gouvernement de l'informer de toute sentence qui serait prononcée à l'encontre de M. Bautista Ramírez et de Mme Cordero Tovar.
  6. 75. A propos des allégations relatives au conflit collectif dans l'entreprise métallurgique et mécanique COMESA S.A., le comité prend note que, selon le gouvernement, la décision de convoquer un tribunal d'arbitrage, lequel a mis un terme à la grève, a été prise en application de l'article 448 du Code du travail qui autorise le ministère du Travail, lorsque la grève excède une durée de 60 jours civils, à ordonner que le différend soit soumis à la décision d'un tribunal d'arbitrage. Les travailleurs doivent alors reprendre leurs fonctions dans un délai de trois jours ouvrables, faute de quoi, selon le gouvernement, on irait à l'encontre de la situation économique des travailleurs et de l'entreprise ainsi que de l'économie nationale et de l'intérêt public économique. A ce sujet, le gouvernement rappelle que l'article 55 de la Constitution rend obligatoire l'application "des moyens permettant de résoudre pacifiquement les conflits collectifs du travail", afin d'éviter que la grève ne se prolonge indéfiniment; par ailleurs, le gouvernement déclare que le syndicat concerné n'a pas intenté d'action devant la juridiction du contentieux administratif contre la décision d'ordonner l'arbitrage. Le comité observe néanmoins que le gouvernement n'a pas contesté la déclaration des plaignants selon laquelle ni l'entreprise ni le ministère du Travail n'ont convoqué de réunion de concertation. A ce sujet, le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que "l'arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail est acceptable, soit s'il intervient à la demande des deux parties au conflit, soit dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de conflit dans la fonction publique à l'égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d'autorité au nom de l'Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption risquerait de mettre en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 515.) Le comité prie donc le gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier l'article 448 du Code du travail (comme l'a d'ailleurs demandé la commission d'experts) de façon à tenir compte du principe susmentionné.
  7. 76. A propos du licenciement de membres du syndicat SINTRAELECOL dans l'entreprise d'énergie de Cundinamarca (14 personnes), dans l'entreprise EPSA de Cali (13 personnes) et dans l'entreprise d'énergie de Bogotá (une personne), le comité observe que le gouvernement se réfère dans sa réponse aux déclarations qu'il a formulées au sujet des licenciements dans l'entreprise ETB, qui ont été examinés précédemment. Dans ces déclarations, le gouvernement faisait état de l'existence de recours devant l'autorité judiciaire, sans indiquer les motifs des licenciements. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement n'a pas indiqué spécifiquement les motifs du licenciement de MM. Elías Quintana et Carlos Socha pendant le conflit collectif qui a eu lieu dans l'entreprise ETB. Le comité prie donc le gouvernement d'indiquer les faits concrets qui ont conduit au licenciement de tous ces travailleurs. Enfin, observant également que le gouvernement n'a pas apporté de réponse à l'allégation selon laquelle des organismes publics ou l'entreprise ETB auraient engagé des mises en accusation ou des enquêtes à l'encontre de près de 800 travailleurs, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 77. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures en vue de favoriser la réintégration des 23 syndicalistes de SINTRATELEFONOS qui ont été licenciés par l'entreprise ETB, et il demande au gouvernement de prendre des mesures dans ce sens.
    • b) Le comité prie le gouvernement de l'informer de toute sentence qui serait prise à propos de la plainte pénale qui a été déposée contre le dirigeant syndical Víctor Manuel Bautista Ramírez et de toute sentence prononcée à l'encontre de Mme Patricia Cordero Tovar.
    • c) Observant que la déclaration d'illégalité de la grève à l'entreprise ETB a été prononcée par le ministre du Travail, le comité porte à l'attention du gouvernement que "la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance. Le comité prie aussi le gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier l'article 448 du Code du travail, afin qu'il ne soit recouru à l'arbitrage obligatoire qu'à la demande des deux parties, ou en cas de conflits dans les services essentiels au sens strict du terme, ou dans la fonction publique à l'égard des fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat.
    • d) Le comité prie le gouvernement d'indiquer les faits concrets qui ont conduit au licenciement de membres du syndicat SINTRAELECOL dans l'entreprise d'énergie de Cundinamarca (14 personnes), dans l'entreprise EPSA de Cali (13 personnes) et dans l'entreprise d'énergie de Bogotá (une personne), ainsi que le licenciement de MM. Elías Quintana et Carlos Socha, lesquels étaient occupés dans l'entreprise ETB.
    • e) Enfin, tout en observant que le gouvernement n'a pas apporté de réponse à propos de l'allégation selon laquelle près de 800 travailleurs feraient l'objet d'accusations ou d'enquêtes d'organismes publics ou de l'entreprise ETB, le comité prie le gouvernement de lui communiquer ses observations à ce sujet.
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