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Rapport définitif - Rapport No. 320, Mars 2000

Cas no 1961 (Cuba) - Date de la plainte: 26-MARS -98 - Clos

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598. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1998 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 311e rapport du comité, paragr. 412 à 429, approuvé par le Conseil d'administration à sa 273e session (novembre 1998).) L'organisation plaignante a envoyé des informations complémentaires dans une communication datée du 17 décembre 1998. En application de la procédure du comité (paragr. 49 et 50), le Bureau a envoyé copie au gouvernement, le 6 janvier 1999, des informations complémentaires de l'organisation plaignante pour qu'il formule ses observations à leur égard, en raison des contradictions entre les allégations et la réponse du gouvernement. Celui-ci a envoyé ses observations et des commentaires le 30 avril et le 10 septembre 1999.

  1. 598. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1998 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 311e rapport du comité, paragr. 412 à 429, approuvé par le Conseil d'administration à sa 273e session (novembre 1998).) L'organisation plaignante a envoyé des informations complémentaires dans une communication datée du 17 décembre 1998. En application de la procédure du comité (paragr. 49 et 50), le Bureau a envoyé copie au gouvernement, le 6 janvier 1999, des informations complémentaires de l'organisation plaignante pour qu'il formule ses observations à leur égard, en raison des contradictions entre les allégations et la réponse du gouvernement. Celui-ci a envoyé ses observations et des commentaires le 30 avril et le 10 septembre 1999.
  2. 599. Cuba a ratifié la convention (n? 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (n? 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 600. Suite à l'examen du cas par le comité en novembre 1998 (voir 311e rapport, paragr. 412 à 429), les deux allégations suivantes restaient en instance: 1) la violation des domiciles respectifs de M. Pedro Pablo Alvarez Ramos, président du Conseil unitaire des travailleurs cubains (CUTC), et de M. Vicente Escobal Ribeiro, directeur de l'Institut cubain d'études syndicales indépendantes (ICESI), la perquisition de ces domiciles et la confiscation de documents et de matériel de bureau par des agents de l'Etat; et 2) la non-réponse des autorités à la demande de reconnaissance formelle de l'ICESI et à la demande d'enregistrement du CUTC.
  2. 601. Dans ses recommandations, le comité avait demandé à l'organisation plaignante de lui faire parvenir les informations suivantes, en plus de tout autre commentaire ou complément d'informations qui lui semblerait nécessaire: adresse des domiciles qui auraient été violés selon les allégations; statuts du CUTC et de l'ICESI et copie des demandes envoyées aux autorités pour obtenir leur reconnaissance ou enregistrement; énumération des organisations qui composent le CUTC et l'ICESI, avec indication des secteurs et des lieux de travail où ils sont présents, du nombre de travailleurs qu'ils représentent et toute autre information tendant à prouver la nature de ces deux organisations et l'existence de leurs activités syndicales. Le comité avait par ailleurs prié le gouvernement d'indiquer expressément si le CUTC et l'ICESI avaient présenté une demande formelle de reconnaissance et d'enregistrement auprès des autorités et quel en avait été le résultat.

B. Nouvelles allégations de la CMT

B. Nouvelles allégations de la CMT
  1. 602. Dans sa communication du 4 avril, la Confédération mondiale du travail fait état des faits suivants concernant l'adresse des domiciles qui auraient été violés: lorsque la CMT mentionne les locaux du CUTC, elle se réfère au logement de M. Pedro Pablo Alvarez Ramos, un des membres de cette organisation, qui prête son domicile pour la réalisation des activités du CUTC et dont elle fournit l'adresse.
  2. 603. Selon la CMT, l'adresse du CUTC ne peut être inconnue du gouvernement cubain puisque: 1) les documents envoyés à l'OIT en annexe à sa plainte, qui incluent les documents constitutifs du CUTC, indiquent clairement l'emplacement de ce lieu; 2) le gouvernement cubain connaît le CUTC puisque cette organisation syndicale lui a remis des communications à plusieurs reprises et que l'adresse de cette organisation apparaît sur ces documents; 3) comme dans tous les pays du monde, la sécurité de l'Etat doit tenir un registre des actions menées par ses agents avec une indication claire de l'adresse à laquelle l'opération a eu lieu ainsi que des informations sur l'affaire (titre et contenu des documents saisis).
  3. 604. La CMT ajoute que, puisqu'il n'y a pas de syndicalisme indépendant à Cuba, ni liberté de réunion, d'expression ou d'association à l'extérieur des structures établies par le gouvernement, il est impossible de louer des locaux pour des activités de cette nature. Pour cette raison, les membres d'organisations de la société civile et d'organisations syndicales indépendantes se réunissent dans leurs domiciles ou dans des lieux publics. Il est habituel que les archives et les documents de ces organisations soient gardés au domicile de leurs membres, comme dans le cas du CUTC.
  4. 605. En réponse à la demande du comité, la CMT indique que le CUTC a été établi le 14 juillet 1995 selon les principes de la Constitution de la République de Cuba et du Code du travail en vigueur ainsi qu'en conformité avec les conventions de l'OIT auxquelles Cuba a souscrit. Le programme d'action du CUTC a été élaboré en 1997 et a comme fondement légal le Code du travail de 1984. Le CUTC a introduit une demande de reconnaissance officielle au registre des associations du ministère de la Justice, mais n'a reçu aucune réponse. Le silence des autorités doit être interprété comme un refus de reconnaissance. D'un point de vue légal, l'organisation n'est pas reconnue officiellement. Malgré cela, comme le démontrent les nombreux documents remis au comité en appui à sa plainte, ses membres continuent à travailler pour la défense des droits des travailleurs cubains. Le CUTC a tenté d'établir des contacts avec la Centrale des travailleurs de Cuba (CTC) afin de collaborer avec cette centrale officiellement reconnue et afin de faire connaître ses points de vue. Le 25 mars 1996, en particulier, les six membres du comité exécutif du CUTC ont envoyé une lettre à M. Pedro Ross Leal, secrétaire général de la CTC, pour solliciter une permission de participer au congrès de cette centrale. Le CUTC n'a jamais reçu de réponse à cette demande. Le CUTC a aussi envoyé aux autorités cubaines des lettres pour exprimer sa position sur la réalité socioprofessionnelle à Cuba. La CMT se réfère, entre autres, à la lettre du 10 octobre 1996 adressée à l'Assemblée nationale de Cuba. Le CUTC n'a jamais reçu de réponse à ses demandes.
  5. 606. La formation étant un axe essentiel du travail du CUTC, cette organisation reçoit l'appui de l'Institut cubain d'études syndicales indépendantes (ICESI). L'institut a cherché sa reconnaissance légale par une lettre du 8 octobre 1996 adressée au chef du registre des associations du ministère de la Justice. A ce jour, à la connaissance de la CMT, il n'y a eu aucune réponse quant aux suites de cette requête.
  6. 607. La CMT signale également que le CUTC est formé d'un groupe d'organisations syndicales indépendantes. Chaque syndicat indépendant est représenté et accrédité auprès du conseil par son plus haut dirigeant et deux membres élus au sein du syndicat. L'organe supérieur du conseil est le comité exécutif national, composé d'un président, d'un secrétaire d'organisation et de huit autres secrétaires. Les membres de l'exécutif national sont élus pour une durée de deux ans, jusqu'aux prochaines élections. Les membres du CUTC sont des citoyens cubains qui défendent un syndicalisme indépendant et qui soit entièrement indépendant d'un parti politique. Ils viennent de différents centres de travail, mais la CMT craint que certains aient été privés d'emploi car, à Cuba, les personnes qui font usage de leur liberté d'expression pour exprimer leur mécontentement et leur opposition à des situations données ou qui divergent dans leur opinion du discours officiel sont immédiatement destituées de leurs fonctions. Les motivations alléguées par les autorités dans ces cas de congédiement injustifiés diffèrent de la réalité. De plus, ces travailleurs trouvent très difficilement un autre emploi. Il existe des informations qui indiquent que circulent des listes noires avec les noms des citoyens congédiés pour des motifs syndicaux (pour être enclins à défendre un mouvement syndical indépendant). Le mouvement syndical indépendant à Cuba est nouveau et, étant donné les entraves qui lui sont imposées, il est clair que son fonctionnement ne peut être celui d'un mouvement syndical qui a plus de cent ans dans d'autres pays, avec des dirigeants syndicaux élus par une base sociale ample, durant des élections syndicales libres et ouvertes. L'ICESI, pour sa part, est composé de 90 membres. Les noms des membres du comité de gestion, incluant les numéros de leurs pièces d'identité, sont clairement indiqués dans la demande de reconnaissance légale adressée au chef du registre des associations du ministère de la Justice. L'institut fonctionne sur la base d'un document constitutif qui décrit clairement ses objectifs et ses tâches.
  7. 608. La CMT fait état de faits nouveaux qui constitueraient des violations de la liberté de circulation de deux membres du CUTC:
    • -- M. Pedro Pablo Alvarez Ramos, président du CUTC, a demandé un visa pour séjourner quelques jours à l'étranger. Nonobstant le fait qu'il remplissait toutes les formalités, les autorités lui ont refusé cette possibilité. Pour la CMT, cela confirme que le gouvernement de Cuba viole la liberté de circulation de ses citoyens, en particulier lorsque la personne requérant un visa défend les principes de la liberté syndicale établis dans les conventions nos 87 et 98 de l'OIT;
    • -- M. Vicente Escobal Ribeiro, directeur de l'ICESI et membre du CUTC, a aussi demandé un visa de sortie du pays qui lui a été accordé. A son retour à Cuba, son passeport a été saisi par les autorités qui le lui rendirent postérieurement. Selon la CMT, la présentation de la présente plainte à l'OIT a permis un rapide dénouement de cet épisode, mais le retrait d'un document d'identification d'un citoyen cubain afin d'empêcher sa libre circulation n'en constitue pas moins une violation d'un droit de la personne humaine.

C. Nouvelles observations du gouvernement

C. Nouvelles observations du gouvernement
  1. 609. Dans sa communication du 30 avril 1999, le gouvernement répond que, étant donné les enquêtes appropriées qui ont été réalisées, il a pu être vérifié que les allégations présentées sont fausses puisqu'il n'existe dans ce pays aucune organisation syndicale appelée CUTC ni aucune filiale de l'organisation que prétendent représenter les personnes mentionnées dans le présent cas. Pour ces raisons, le gouvernement demande au comité de conclure définitivement ce cas.
  2. 610. Dans sa communication du 10 septembre 1999, le gouvernement donne suite à la demande d'indiquer expressément si le CUTC et l'ICESI avaient présenté une demande formelle de reconnaissance et d'enregistrement auprès des autorités et quel en avait été le résultat. Il répond que, selon les enquêtes réalisées par le ministère de la Justice, une demande a été présentée le 14 juillet 1995 à l'organisme fondé par la loi no 54 de 1985 - loi sur les associations -, afin que soit inscrite sur le "Registre des inscriptions" une organisation dénommée "Conseil unitaire des travailleurs cubains" (CUTC). Le ministère de la Justice informe qu'il n'existe pas dans le pays de "Registre des inscriptions" comme indiqué dans la demande mais plutôt des Registres des associations où sont inscrites les associations selon l'endroit où elles sont situées, ce qui ne peut être défini dans le cas en espèce. Par ailleurs, les demandes de constitution d'une association doivent remplir les conditions de la loi no 54 sur les associations du 27 décembre 1985, conditions qui n'ont pas été prises en considération dans l'affaire présente:
    • -- les qualités des personnes qui forment le comité de gestion ne sont pas indiquées;
    • -- aucune information n'est donnée sur le nombre de membres qui forment cette supposée organisation;
    • -- l'organe, organisme ou service étatique avec lequel l'organisation maintiendrait des relations n'est pas indiqué;
    • -- les statuts régissant la vie interne de l'organisation ne sont pas joints;
    • -- les timbres fiscaux prescrits par la législation ne sont pas apposés.
  3. 611. Le gouvernement ajoute que l'adresse du siège social déclarée dans le document n'est pas celle qui a été donnée à l'OIT. Le ministère de la Justice considère que ce document ne remplit pas les conditions établies par la loi sur les associations et a procédé à son archivage. Les déclarations du ministère sur l'impossibilité de constituer des syndicats en vertu de la loi sur les associations ne doivent pas être interprétées comme un jugement sur la légitimité des objectifs de la demande.
  4. 612. Le gouvernement ajoute qu'il n'existe aucun collectif de travailleurs dans une quelconque entreprise, atelier, établissement ou entité de travail qui cautionne cette supposée organisation et qui respecte son autorité comme direction syndicale, élise ses dirigeants, et remplisse son programme dans la pratique quotidienne des relations professionnelles. En l'absence d'un tel contexte professionnel, nécessaire et indispensable, on ne peut pas parler d'une organisation syndicale ni de dirigeants syndicaux. Pour cela, le Comité de la liberté syndicale ne devrait pas s'occuper de situations fictives, créées uniquement pour présenter une image qui n'a rien à voir avec la réalité quotidienne de l'exercice de la liberté syndicale dans le pays. A Cuba, il existe 19 syndicats nationaux de branche qui, par décision prise librement par les travailleurs qui y sont affiliés, convoquent périodiquement leurs congrès, adoptent leurs statuts, de même que les règlements et les décisions qu'ils estiment nécessaires, accordent leurs structures, fonctions, méthodes et style de travail à ce qu'ils estiment le plus favorable à leurs objectifs et intérêts, sans interférence d'aucune sorte des autorités publiques. Les personnes mentionnées par le comité dans le cas n? 1961 ne sont pas des dirigeants syndicaux, ne dirigent aucun collectif de travailleurs, n'ont été élues dans aucun centre de travail comme représentants des travailleurs et n'exercent aucune activité syndicale de quelque type que ce soit dans quelque centre de travail du pays que ce soit.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 613. Le comité observe que les questions soulevées par l'organisation plaignante qui demeurent en instance ont trait: 1) à la violation des domiciles respectifs de M. Pedro Pablo Alvarez Ramos, président du Conseil unitaire des travailleurs cubains (CUTC), et de M. Vicente Escobal Ribeiro, directeur de l'Institut cubain d'études syndicales indépendantes (ICESI), à la perquisition de ces domiciles et à la confiscation de documents et de matériel de bureau par des agents de l'Etat; 2) à la non-réponse des autorités à la demande de reconnaissance formelle de l'ICESI et à la demande d'enregistrement du CUTC; et 3) à des violations de la liberté de circulation de deux membres du CUTC, M. Pedro Pablo Alvarez Ramos et M. Vicente Escobal Ribeiro.
  2. 614. Pour ce qui est de la violation des domiciles respectifs de M. Pedro Pablo Alvarez Ramos, président du Conseil unitaire des travailleurs cubains (CUTC), et de M. Vicente Escobal Ribeiro, directeur de l'Institut cubain d'études syndicales indépendantes (ICESI), de la perquisition de ces domiciles et de la confiscation de documents et de matériel de bureau par des agents de l'Etat, le comité observe que les versions du plaignant et du gouvernement restent entièrement contradictoires. Le comité note que le plaignant, dans sa communication du 17 décembre 1998, ne se réfère plus qu'au domicile de M. Pedro Pablo Alvarez Ramos. Le comité note par ailleurs la réponse du gouvernement, à savoir que les enquêtes réalisées n'ont pas permis de vérifier les allégations, l'adresse du domicile qui aurait été violé demeurant inconnue, ce qui ne permet pas de prouver la violation de domicile. Le comité note toutefois l'allégation du plaignant, non contredite par le gouvernement, qu'en l'absence de reconnaissance officielle de l'organisation il est impossible de louer des locaux pour des activités de cette nature et que, donc, les membres d'organisations de la société civile et d'organisations syndicales indépendantes se réunissent dans leurs domiciles ou dans des lieux publics. Si la perquisition a effectivement eu lieu, il s'agit donc d'une violation équivalant à celle d'un local syndical.
  3. 615. Le comité rappelle en conséquence que l'inviolabilité des locaux syndicaux a comme corollaire indispensable que les autorités publiques ne peuvent exiger de pénétrer dans ces locaux sans l'autorisation préalable des occupants ou sans être en possession d'un mandat judiciaire les y autorisant. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 175.) Toute perquisition au siège d'un syndicat ainsi qu'au domicile de syndicalistes sans mandat judiciaire constitue une très grave violation de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 177.) Par ailleurs, la résolution de la Conférence internationale du Travail de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles met un accent particulier sur le droit à la protection des biens des syndicats comme étant essentiel à l'exercice normal des droits syndicaux. Le comité demande en conséquence au gouvernement de s'assurer que les documents et le matériel de bureau confisqués par des agents de l'Etat soient restitués au CUTC et à l'ICESI.
  4. 616. Concernant la non-réponse des autorités à la demande de reconnaissance formelle de l'ICESI et à la demande d'enregistrement du CUTC, le comité note que le CUTC a introduit une demande de reconnaissance officielle au Registre des associations du ministère de la Justice, mais qu'il n'a reçu aucune réponse, ce qui, d'après les plaignants, équivaut à un refus de reconnaissance. Le comité note par ailleurs que l'ICESI a demandé sa reconnaissance légale par une lettre du 8 octobre 1996 adressée au chef du Registre des associations du ministère de la Justice. A ce jour, à la connaissance de la CMT, il n'y a eu aucune réponse quant aux suites de cette requête. Le comité note les nombreux documents remis au comité en appui à la plainte et décrivant la nature, les objectifs et les activités du CUTC et de l'ICESI. Le comité note toutefois que, concernant la demande d'information du comité sur les organisations qui composent le CUTC et l'ICESI, la CMT se borne à répondre que le CUTC est formé d'un groupe d'organisations syndicales indépendantes et que l'ICESI, pour sa part, est composé de 90 membres.
  5. 617. Le comité note que, selon le gouvernement, les enquêtes réalisées par le ministère de la Justice ont permis de vérifier qu'une demande a été présentée le 14 juillet 1995 à l'organisme fondé par la loi no 54 de 1985 - loi sur les associations -, afin que soit inscrite sur le "Registre des inscriptions" une supposée organisation dénommée "Conseil unitaire des travailleurs cubains" (CUTC). Le comité note que, selon le ministère de la Justice, cette demande ne remplissait pas un certain nombre de critères formels exigés par la loi sur les associations (nombre de membres, dépôt des statuts, absence de timbres fiscaux, etc.).
  6. 618. Le comité note également que le gouvernement réitère sa position sur l'absence d'activités syndicales de la part des personnes mentionnées par la CMT, qu'il n'existe aucun collectif de travailleurs dans une quelconque entreprise, atelier, établissement ou entité de travail qui cautionne cette supposée organisation et qui respecte son autorité comme dirigeante syndicale, élise ses dirigeants et remplisse son programme syndical dans la pratique quotidienne des relations professionnelles, et qu'en l'absence d'un tel contexte professionnel, nécessaire et indispensable, on ne peut pas parler d'une organisation syndicale ni de dirigeants syndicaux.
  7. 619. Dans ce contexte, le comité relève l'observation formulée en 1999 par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur l'application par Cuba de la convention no 87 qui porte sur la nécessité de supprimer du Code du travail de 1985 (art. 15 et 16) la référence à "la Centrale des travailleurs", et sur le décret-loi no 67 de 1983 (art. 61), qui confère à ladite centrale le monopole de la représentation des travailleurs du pays devant les instances gouvernementales. La commission insiste sur la nécessité de supprimer de la législation du travail la référence expresse à "la Centrale des travailleurs", afin que tous les travailleurs puissent librement, en droit comme en pratique, constituer, en dehors de la structure établie par la loi, les syndicats de leur choix et s'y affilier, comme le prévoit l'article 2 de la convention. Le comité note par ailleurs qu'il a déjà examiné des cas concernant des refus du gouvernement de Cuba de reconnaître des organisations syndicales. (Voir 287e rapport, cas no 1628 (Cuba), paragr. 282, et 308e rapport, cas no 1805 (Cuba), paragr. 240.)
  8. 620. Le comité doit constater que le CUTC a été constitué il y a plus de quatre ans et demi mais que le gouvernement se refuse toujours à le reconnaître bien que l'article 54 de la Constitution de la République de Cuba et le Code du travail de 1985 reconnaissent la liberté d'association et le droit de former librement des organisations syndicales sans autorisation préalable. Le comité note que le refus de reconnaître le CUTC comme syndicat au sens du Code du travail ou comme association au sens de la loi sur les associations, parce que cette organisation n'est pas conforme à la définition et aux caractéristiques qui en sont données par ces textes législatifs, empêche concrètement toute reconnaissance légale. Concernant les affirmations du gouvernement que le CUTC ne peut être considéré comme une organisation syndicale, le comité rappelle qu'en vertu de l'article 10 de la convention no 87 le terme "organisation" signifie toute organisation de travailleurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs. De plus, l'article 6 de cette convention étend les droits de constituer une organisation sans autorisation préalable aux fédérations et aux confédérations d'organisations de travailleurs. Par ailleurs, tout en prenant note des déclarations du gouvernement relatives à l'absence de représentativité du CUTC, le comité tient à souligner le fait qu'une organisation ne comptant qu'un nombre restreint d'adhérents ne justifie pas le refus de sa reconnaissance.
  9. 621. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement d'assurer que le CUTC fonctionne librement et de veiller à ce que les autorités s'abstiennent de toute intervention tendant à restreindre les droits fondamentaux de cette organisation. Le comité demande par ailleurs au gouvernement de s'assurer que la législation permet, dans son application effective, la reconnaissance d'organisations telles que le CUTC. Il soumet cette question à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
  10. 622. Le comité, notant que la formation est un élément essentiel du travail du CUTC, relève que l'Institut cubain d'études syndicales indépendantes (ICESI) contribue largement aux activités du CUTC en ce domaine. Le comité rappelle à cet égard que l'article 3 de la convention no 87 reconnaît aux organisations de travailleurs le droit d'organiser leurs activités - y compris avec d'autres organisations - et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Par ailleurs, la résolution de la Conférence internationale du Travail de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles met un accent particulier sur la liberté d'expression, et en particulier celle de chercher, de recevoir et répandre les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit comme étant essentiel à l'exercice normal des droits syndicaux. Le comité considère donc dans le présent cas qu'afin de permettre le développement sans entraves des activités du CUTC les autorités devraient reconnaître l'ICESI.
  11. 623. Par ailleurs, le comité observe dans ce cas des faits qui affectent la liberté de circulation d'un membre du CUTC. Le comité note que, selon le plaignant, M. Pedro Pablo Alvarez Ramos a demandé un visa pour séjourner quelques jours à l'étranger. Nonobstant le fait qu'il remplissait toutes les formalités, les autorités lui ont refusé cette possibilité. Le comité note par ailleurs que M. Vicente Escobal Ribeiro a vu son passeport confisqué à son retour de l'étranger. Le comité observe que le gouvernement n'a démenti aucune de ces allégations. Il note en outre que l'organisation plaignante s'est référée à la crainte de représailles si l'on exerce la liberté d'expression, ainsi qu'à des informations selon lesquelles il existerait des listes noires de personnes en faveur d'un mouvement syndical indépendant. Le gouvernement n'a pas fait de commentaires à cet égard.
  12. 624. Le comité ne peut donc que déplorer ces atteintes à des droits fondamentaux des syndicalistes et rappelle que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer dans un climat d'intimidation à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ces droits.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 625. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Constatant que le Conseil unitaire des travailleurs cubains (CUTC) a été constitué il y a plus de quatre ans et demi mais que le gouvernement se refuse toujours à le reconnaître, le comité demande au gouvernement d'assurer que le CUTC fonctionne librement et de veiller à ce que les autorités s'abstiennent de toute intervention tendant à restreindre les droits fondamentaux de cette organisation. Le comité demande au gouvernement de s'assurer que les documents et le matériel de bureau confisqués par des agents de l'Etat au Conseil unitaire des travailleurs cubains (CUTC) et à l'Institut cubain d'études syndicales indépendantes (ICESI) soient restitués à ces organisations.
    • b) Le comité demande par ailleurs au gouvernement de s'assurer que la législation permet, dans son application effective, la reconnaissance d'organisations telles que le CUTC et soumet cette question à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
    • c) Le comité considère que dans le cas d'espèce les autorités devraient reconnaître l'Institut cubain d'études syndicales indépendantes (ICESI).
    • d) Constatant des faits qui affectent la liberté de circulation d'un membre du CUTC et l'absence de réponse du gouvernement sur les informations de l'organisation plaignante concernant des restrictions à la liberté d'expression et l'existence de listes noires, le comité ne peut que regretter ces atteintes à des droits fondamentaux des syndicalistes et rappelle qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ces droits.
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