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Rapport intérimaire - Rapport No. 314, Mars 1999

Cas no 1962 (Colombie) - Date de la plainte: 06-MARS -98 - Clos

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78. La plainte figure dans une communication de la Centrale unitaire des travailleurs datée du 6 mars 1998. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 25 août 1998. Le gouvernement a répondu dans une communication du 15 janvier 1999.

  1. 78. La plainte figure dans une communication de la Centrale unitaire des travailleurs datée du 6 mars 1998. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 25 août 1998. Le gouvernement a répondu dans une communication du 15 janvier 1999.
  2. 79. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 80. La Centrale unitaire des travailleurs allègue que le 31 janvier 1993 la municipalité de Neiva (département du Huila) a licencié illégalement 155 "travailleurs officiels" de l'administration des travaux publics, sous prétexte que l'administration municipale avait dissous cet organisme et en avait ordonné la fermeture. La CUT fait cependant observer que l'employeur était la municipalité de Neiva et que la législation applicable (décret réglementaire no 2127 de 1945) ne prévoit pas le licenciement en cas de suppression d'emplois; en outre, aux termes de la convention collective applicable, l'administration municipale "s'engage fermement à garantir la stabilité dans l'emploi de tous les travailleurs syndiqués" et, en cas de licenciement injuste, "la municipalité doit réintégrer l'intéressé au poste qu'il occupait auparavant et reconnaître et payer les émoluments et prestations qu'elle avait cessé de lui verser".
  2. 81. La CUT ajoute que l'autorité judiciaire saisie de l'affaire en appel a reconnu que le licenciement était illégal, mais qu'il n'était pas légalement possible de réintégrer ces travailleurs, compte tenu du droit de l'administration de procéder à des restructurations en vertu de la Constitution et des principes d'intérêt général. De même, la cour d'appel a déclaré que la municipalité défenderesse n'était pas dispensée du versement d'indemnités au titre du licenciement, mais que ces indemnités n'ont pas été versées du fait qu'aucune demande en ce sens n'a été présentée.
  3. 82. La CUT allègue également que les personnes licenciées auraient présenté un recours auprès de la Cour suprême de justice, qui les aurait déboutées, en faisant observer que "si l'employeur, par ignorance de la loi, procède à la fermeture partielle ou totale d'une entreprise, et que cela entraîne la résiliation de contrats de travail, toute demande de réintégration est irrecevable du point de vue juridique, comme le prévoient la loi, les conventions ou pactes collectifs".
  4. 83. La CUT allègue également qu'à plusieurs reprises les autorités judiciaires chargées de statuer sur cette affaire auraient refusé d'accorder aux 14 dirigeants du Syndicat des travailleurs officiels de la municipalité de Neiva (licenciés par la municipalité sans autorisation judiciaire préalable) l'immunité syndicale. Elles auraient également jugé irrecevable le recours judiciaire intenté en appel par dix dirigeants du Syndicat des travailleurs officiels et des employés publics de la municipalité de Pitalito, licenciés le 19 septembre 1994, également sans autorisation judiciaire préalable. En outre, la Chambre civile chargée des questions relatives au travail de la Cour supérieure de Neiva a elle aussi refusé de prendre en compte l'immunité syndicale dans un procès concernant cinq dirigeants du Syndicat national des travailleurs officiels et des employés publics de l'Institut d'hydrologie, de météorologie et d'aménagement des terres (SINALTRAHIMAT, section de Neiva) (les dirigeants en question avaient été licenciés en août 1993 sans que l'autorisation judiciaire préalable, prévue par la législation, n'ait été obtenue).

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 84. Le gouvernement déclare dans sa communication de 1999 que le licenciement des 155 travailleurs de l'administration des travaux publics de la municipalité de Neiva, dans le département du Huila, a fait suite à une restructuration de l'administration municipale et à la fermeture de l'administration en question, se soldant par la suppression des postes correspondants. A la suite du licenciement susmentionné, la Direction régionale du travail du Huila a ouvert une enquête administrative pour violation présumée de la convention collective conclue entre le Syndicat des travailleurs officiels de la municipalité de Neiva et la municipalité elle-même, condamnant cette dernière au versement de cinq salaires minimums légaux, en vertu de la décision no 0008 du 15 avril 1996. Les travailleurs officiels licenciés ont épuisé les voies de recours administratives avant d'entamer des poursuites judiciaires contre la municipalité de Neiva pour violation de la convention collective en vigueur à la date des faits, demandant qu'elle soit condamnée à réintégrer ces travailleurs officiels à leurs postes, conformément à ladite convention. La municipalité de Neiva poursuivie en justice, les juges du travail de première instance, qui ont été saisis des affaires, ont rendu leurs sentences respectives. Les travailleurs n'ayant pas obtenu gain de cause, ils ont interjeté appel auprès de la Chambre civile chargée des questions relatives au travail de la Cour supérieure de Neiva, qui a débouté les travailleurs de toutes leurs demandes. La cour s'est appuyée sur une décision du Conseil d'Etat, selon laquelle, en vertu de la Constitution, l'administration est en droit de procéder à des restructurations.
  2. 85. Le gouvernement ajoute qu'un groupe des travailleurs licenciés s'est pourvu en cassation (recours judiciaire extraordinaire) auprès de la Cour suprême de justice (la plus haute instance juridictionnelle du pays) et que leurs demandes ont été rejetées par un arrêt prononcé le 29 mai 1997, qui se résume ainsi: "Il ne peut donc pas être fait droit à la demande, néanmoins il n'est pas inutile de rappeler que toute demande de réintégration suppose le licenciement du travailleur et non la liquidation de l'organisme comme dans le présent cas." Cet arrêt est sans appel et doit être accepté et appliqué par les autres branches des pouvoirs publics.
  3. 86. Le gouvernement souligne qu'il n'y a pas eu, dans le cas critiqué, de licenciement injuste, mais qu'il y a eu suppression de postes à la suite de la liquidation de l'administration des travaux publics de la municipalité de Neiva, décision prise conformément à l'article 315, paragraphe 4, de la Constitution qui habilite les entités territoriales à se restructurer et à prendre les mesures nécessaires en la matière, et à son règlement d'application contenu dans le décret no 16 du 31 janvier 1993, pris par le maire de la municipalité de Neiva. Les hautes instances juridictionnelles ont pleinement entériné ces décisions par des arrêts prononcés les 23 mai 1996, 28 août 1996, 29 mai 1997, 19 juillet 1997 et 2 décembre 1997. On ne peut pas dire non plus que les conventions internationales de l'OIT, dûment ratifiées par la Colombie, aient été violées, dans la mesure où aucune convention ni recommandation de cette organisation n'oblige un Etat Membre à préserver des entités obsolètes et inefficaces qui ne remplissent plus les objectifs de service qui leur ont été assignés, au motif que des travailleurs syndiqués y sont employés.
  4. 87. Par ailleurs, le gouvernement indique que l'Etat colombien ne peut pas accorder de réparations au titre de préjudices présumés, car il n'est pas l'auteur de ces préjudices. Les personnes qui s'estiment lésées dans cette affaire sont des travailleurs de la municipalité de Neiva, et les municipalités sont des entités autonomes et fondamentales de la division politico-administrative de l'Etat. Conformément aux décisions prises par les hautes instances juridictionnelles, il est prouvé qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits acquis. De même, aucune indemnisation n'a été accordée aux intéressés parce qu'il n'y avait pas lieu de le faire, comme l'ont confirmé les décisions susmentionnées, qui ont acquis l'autorité de la chose jugée et ont été déclarées sans appel, les autres branches des pouvoirs publics étant tenues de les respecter.
  5. 88. Le gouvernement indique, en ce qui concerne le licenciement, le 19 septembre 1994, des dirigeants du Syndicat des travailleurs officiels et des employés publics de la municipalité de Pitalito, qu'un recours a été interjeté auprès du juge unique chargé des questions relatives au travail de la circonscription de Pitalito. Le 21 avril 1995, celui-ci a condamné la municipalité de Pitalito à réintégrer les travailleurs jouissant de l'immunité syndicale, aux mêmes conditions d'emploi, et à leur verser les salaires non perçus pour cause de licenciement. La municipalité de Pitalito a fait appel de cette décision et la Chambre civile chargée des questions relatives au travail de la Cour supérieure de Neiva a été saisie de cette affaire. Elle a annulé le jugement du juge unique chargé des questions relatives au travail de la circonscription de Pitalito et a débouté les dirigeants syndicaux de leur requête concernant l'immunité syndicale.
  6. 89. Enfin, le gouvernement fait observer que la municipalité doit accepter et respecter les décisions judiciaires concernant les questions soulevées à l'occasion de la présente affaire et que les différentes branches des pouvoirs publics ont agi conformément au droit interne et aux dispositions des conventions nos 87 et 98 de l'OIT.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 90. Le comité constate que le cas présent concerne des licenciements de travailleurs ou de dirigeants syndicaux de la municipalité de Neiva, de la municipalité de Pitalito et de l'Institut d'hydrologie, de météorologie et d'aménagement des terres (section de Neiva).
  2. 91. En ce qui concerne le licenciement de 155 travailleurs officiels (dont 14 dirigeants syndicaux) en janvier 1993, le comité note que l'organisation plaignante met en avant le fait que ce licenciement est contraire à la législation et à la convention collective et conteste les raisons avancées par l'autorité judiciaire pour refuser la réintégration des personnes licenciées. Le comité note que le gouvernement déclare que: 1) les licenciements ont fait suite à une restructuration de l'administration municipale et à la liquidation de l'administration où travaillaient les personnes licenciées, effectuée en vertu d'un décret municipal pris en application de la Constitution de l'Etat; 2) la Direction régionale du travail du Huila a condamné la municipalité à verser cinq salaires minimums mensuels légaux pour violation de la convention collective; 3) les autorités judiciaires (en appel et en cassation) ont rejeté les demandes de réintégration des travailleurs licenciés; et 4) elles ne leur ont pas accordé d'indemnité de licenciement. Le comité conclut que, dans la mesure où les mesures de restructuration ont touché tous les travailleurs de l'administration des travaux publics (qu'ils soient militants ou dirigeants syndicaux), la question de la discrimination antisyndicale, en principe, ne se pose pas; en revanche, se pose celle de savoir si, en cas de restructuration d'un service administratif impliquant la suppression de ce service, le principe de la stabilité d'emploi des travailleurs concernés peut être refusé alors que la convention collective prévoit, de façon générale, cette stabilité. A cet égard, le comité a estimé qu'il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d'entreprises, ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d'ingérence antisyndicaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 935.) Néanmoins, le comité a souligné l'importance qu'il attache à ce que les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d'examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l'emploi et les conditions de travail des salariés. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 937.)
  3. 92. Cela étant, le comité note que, selon le gouvernement, la restructuration (liquidation) de l'administration des travaux publics s'est faite en vertu d'un décret, et il constate que ni les plaignants ni le gouvernement n'ont mis en avant le fait que des consultations aient eu lieu entre les parties, ni que celles-ci aient essayé de parvenir à un accord sur les conséquences de la restructuration (en particulier pour tenter, dans la mesure du possible, de replacer les travailleurs licenciés dans d'autres services publics). Par conséquent, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel il conviendrait que les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d'examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l'emploi et les conditions de travail des salariés.
  4. 93. Afin de pouvoir se prononcer sur les allégations relatives à la non-application de la convention collective, le comité demande au gouvernement de communiquer toutes les décisions administratives et judiciaires relatives à cette question.
  5. 94. En ce qui concerne l'arrêt (contesté par l'organisation plaignante) rejetant la demande de réintégration des dirigeants du Syndicat des travailleurs officiels et des employés publics de la municipalité de Pitalito qui avaient été licenciés le 19 septembre 1994, le comité note que le gouvernement déclare que le syndicat est tenu de respecter les décisions judiciaires. Le comité constate que la Chambre civile chargée des questions relatives au travail de la Cour d'appel du district s'est prononcée, le 30 juillet 1996 (arrêt communiqué par l'organisation plaignante), contre la réintégration des travailleurs arguant du fait qu'à cette date le mandat statutaire des dirigeants en question ainsi que le délai de protection de six mois supplémentaires, prévu par la loi, avaient expiré, de sorte que ces personnes n'étaient plus couvertes par l'immunité syndicale depuis le 15 mars 1994, sans que soit pertinent le fait que le 19 septembre 1994 le syndicat n'avait encore pas organisé de nouvelles élections de dirigeants. Dans ces conditions, observant que le processus en question se rapporte à des problèmes survenus en 1994 et porte sur une interprétation relativement complexe de la durée légale de la protection des dirigeants syndicaux contre tout licenciement, et compte tenu des circonstances particulières du présent cas, le comité ne poursuivra pas l'examen de cette allégation.
  6. 95. Enfin, quant au refus (décision judiciaire contestée par l'organisation plaignante) de réintégrer les dirigeants du Syndicat national des travailleurs officiels et des employés publics de l'Institut d'hydrologie, de météorologie et d'aménagement des terres (section de Neiva), licenciés en août 1993 sans l'autorisation judiciaire préalable prévue par la législation, le comité note que le gouvernement n'a pas communiqué d'observations à ce sujet. Par conséquent, le comité demande au gouvernement de répondre à cette allégation et de communiquer le texte des décisions concernant cette affaire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 96. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne la restructuration qui a donné lieu au licenciement de 155 travailleurs officiels (y compris de 14 dirigeants syndicalistes de la municipalité de Neiva), en janvier 1993, le comité rappelle l'importance qu'il attache au principe selon lequel les gouvernements devraient consulter les organisations syndicales en vue d'examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l'emploi et les conditions de travail des salariés.
    • b) Afin de pouvoir se prononcer sur les allégations relatives à la non-application de la convention collective de la municipalité de Neiva, le comité demande au gouvernement de communiquer toutes les décisions administratives et judiciaires relatives à cette affaire.
    • c) Le comité demande instamment au gouvernement de communiquer ses observations concernant les allégations relatives au licenciement de dirigeants du Syndicat national des travailleurs officiels et des employés publics de l'Institut d'hydrologie, de météorologie et d'aménagement des terres, et de lui transmettre le texte des décisions judiciaires prises au sujet de cette affaire.
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