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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 311, Novembre 1998

Cas no 1969 (Cameroun) - Date de la plainte: 25-MAI -98 - Clos

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133. Dans des communications du 25 mai et du 15 juillet 1998, la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (CSTC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Cameroun.

  1. 133. Dans des communications du 25 mai et du 15 juillet 1998, la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (CSTC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Cameroun.
  2. 134. La faction rivale de la CSTC a également fait parvenir des informations concernant ladite plainte dans une communication du 14 juillet 1998.
  3. 135. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 21 août 1998.
  4. 136. Le Cameroun a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 137. Dans sa communication du 25 mai 1998, la CSTC indique en premier lieu l'existence de conflits internes au sein de cette organisation, notamment de la présence de deux comités directeurs. La CSTC allègue qu'un membre de la faction rivale de la CSTC a déposé une requête auprès des autorités publiques leur demandant l'annulation des travaux du congrès statutaire de la CSTC de décembre 1997. La CSTC affirme que, suite à cette requête, le greffier des syndicats aurait suspendu les décisions du congrès et demandé la réinstallation des anciens dirigeants.
  2. 138. De plus, la CSTC allègue avoir fait l'objet de plusieurs discriminations de la part des autorités publiques telles que le refus de publier ses communiqués dans les médias d'Etat, le refus de projeter à la télévision nationale le compte rendu des travaux du congrès statutaire ainsi que de multiples interpellations par les forces de l'ordre. L'organisation plaignante déclare que le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale a publié deux communiqués de presse qui suspendent complètement les activités de la CSTC. De plus, l'organisation plaignante affirme que, lors du 1er mai 1998, seuls les dirigeants de la centrale rivale, l'Union des syndicats libres du Cameroun (USLC), ont été autorisés à parler au nom des travailleurs. Enfin, la CSTC estime que le flou créé par cette ingérence des pouvoirs publics équivaut à une suspension par voie administrative de cette confédération et que cette situation n'a pour but que de favoriser l'implantation de la centrale syndicale rivale créée par les autorités publiques.
  3. 139. Dans sa communication du 15 juillet 1998, la CSTC allègue qu'une manifestation prévue dans le cadre de la commémoration du cinquantenaire de la convention no 87 a été interdite par le sous-préfet de la ville de Yaoundé (3e arrondissement) suite à des instruction données par le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale. En outre, la CSTC déclare que le même ministre, profitant des conflits internes au sein de la CSTC, aurait fait voter à l'Assemblée nationale une loi instituant un service minimum dans le secteur des transports publics sans consultation des partenaires sociaux.
  4. 140. Dans une communication du 14 juillet 1998, la faction rivale de la CSTC fait également état des conflits internes au sein de cette confédération et estime la plainte faisant l'objet du présent cas irrecevable puisque la faction qui lui est opposée n'aurait pas qualité pour agir au nom de la CSTC.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 141. Dans sa communication du 21 août 1998, le gouvernement, faisant référence aux divisions internes existant au sein de la CSTC, soulève d'abord sur le plan procédural une exception d'irrecevabilité de la plainte de la CSTC puisqu'il estime qu'aucune des deux factions n'a qualité pour agir pleinement au nom de la CSTC.
  2. 142. En ce qui concerne les allégations sur la requête faite au greffier des syndicats afin d'annuler les travaux du congrès de décembre 1997, le gouvernement déclare qu'aucune suite n'a été donnée à cette requête et que, de plus, le greffier des syndicats ne fait pas partie de l'organisation gouvernementale et que les actes posés par ce dernier n'engagent nullement le gouvernement. Par ailleurs, le gouvernement déclare que, par l'entremise du ministre de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, il a initié des rencontres de médiation avec les bureaux des deux factions, rencontres qui n'ont toutefois pas abouti à cause des positions radicales des deux tendances. Le gouvernement affirme que ces rencontres ont eu lieu les 12 et 20 janvier et le 18 février 1998 et qu'elles ont permis à tous les participants de constater de nombreuses anomalies et irrégularités au regard des statuts librement adoptés par la CSTC. Enfin, le gouvernement déclare que les procès-verbaux de ces réunions ont été transmis au Bureau régional du BIT pour l'Afrique centrale accompagnés d'une lettre où il est clairement indiqué que le gouvernement entend éviter toute ingérence dans la résolution de ce conflit interne, laissé à l'entière responsabilité des membres de la CSTC, mais qu'il ne peut reconnaître deux bureaux parallèles à la tête d'une même centrale syndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 143. Le comité observe que le présent cas concerne des allégations d'ingérence de la part des autorités publiques dans les affaires internes d'une confédération syndicale, d'interdiction de manifestations syndicales et de non-consultation des organisations de travailleurs pour la mise en oeuvre d'une législation instituant un service minimum dans le secteur des transports publics. Le comité note également que plusieurs des allégations ont trait à un différend au sein d'une organisation syndicale.
  2. 144. En premier lieu, le comité rappelle qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une organisation. Ainsi, lorsqu'il se produit des conflits internes au sein d'une organisation syndicale, ils doivent être réglés par les intéressés eux-mêmes (par exemple par un vote), par la désignation d'un médiateur indépendant, avec l'accord des parties intéressées, ou par les instances judiciaires. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 965 et 971.)
  3. 145. Le comité, n'ayant pas compétence pour traiter des différends opposant les diverses tendances syndicales, note toutefois les efforts de médiation entrepris par le gouvernement à cet égard et, comme il l'a fait dans le passé, demande au gouvernement de poursuivre ses efforts en consultation avec les organisations concernées pour que des procédures impartiales puissent être mises en oeuvre aussitôt que possible afin de permettre aux travailleurs de choisir librement leurs représentants. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 969.)
  4. 146. Concernant les allégations selon lesquelles le greffier des syndicats, suite à une requête de la faction rivale, aurait suspendu les décisions prises durant le congrès de la CSTC de décembre 1997, le comité note que le gouvernement affirme qu'aucune suite n'a été donnée à cette requête. Quant aux allégations selon lesquelles l'organisation plaignante aurait fait l'objet de plusieurs mesures discriminatoires telles que le refus de publier ses communiqués dans les médias d'Etat, l'impossibilité de parler au nom des travailleurs lors du 1er mai 1998 et la publication par le ministre de l'Emploi de communiqués de presse suspendant complètement les activités de la CSTC afin de favoriser l'implantation de la centrale syndicale rivale créée par les autorités publiques, le comité observe que le gouvernement se limite à expliquer qu'il ne peut reconnaître deux bureaux parallèles à la tête d'une même centrale syndicale. A cet égard, le comité rappelle qu'à plusieurs reprises il a examiné des affaires où les autorités publiques auraient eu, selon les allégations présentées, une attitude favorable ou, au contraire, hostile à l'égard d'une ou plusieurs organisations syndicales, par exemple: des pressions exercées sur les travailleurs lors de déclarations publiques faites par les autorités; une distribution inégale de subsides entre syndicats ou l'octroi à l'un d'entre eux, plutôt qu'aux autres, de locaux pour la tenue de ses réunions ou de ses activités syndicales; le refus de reconnaître les dirigeants de certaines organisations dans leurs activités légitimes. Des discriminations par de tels procédés ou par d'autres peuvent constituer le moyen le moins formel d'influencer les travailleurs dans leur affiliation syndicale. Aussi sont-elles parfois difficiles à prouver. Il n'en reste pas moins que toute discrimination de ce genre met en cause le droit des travailleurs consacré par l'article 2 de la convention no 87 de créer des organisations de leur choix et de s'y affilier. A cet effet, le comité insiste sur le fait que les autorités doivent éviter toute discrimination entre les organisations syndicales, spécialement dans la reconnaissance de leurs dirigeants pour leurs activités légitimes. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 306 et 307.) En l'occurrence, le comité demande au gouvernement de s'abstenir de s'ingérer de quelque façon que ce soit dans les affaires internes de la CSTC.
  5. 147. En ce qui concerne les allégations relatives aux multiples interpellations par les forces de l'ordre, le comité constate que l'organisation plaignante ne fournit aucune précision sur les noms des individus interpellés ou les circonstances de ces interpellations. Néanmoins, le comité rappelle que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 77.) Le comité demande au gouvernement de garantir que les forces de l'ordre s'abstiennent de procéder à de telles interpellations à l'avenir.
  6. 148. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le gouvernement aurait interdit qu'une manifestation prévue dans le cadre de la commémoration du cinquantenaire de la convention no 87 ait lieu, le comité rappelle que le droit d'organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 133.) En l'occurrence, le comité considère qu'une manifestation visant à la commémoration du cinquantenaire de la convention no 87 entre dans l'exercice du droit syndical et regrette qu'une telle manifestation n'ait pu avoir lieu. Il demande au gouvernement de respecter les manifestations ayant un objet purement syndical et de s'assurer qu'elles puissent avoir lieu à l'avenir.
  7. 149. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le ministre du Travail aurait fait voter à l'Assemblée nationale une loi instituant un service minimum dans le secteur des transports publics sans consultation des partenaires sociaux, le comité rappelle au gouvernement l'importance d'une consultation préalable des organisations d'employeurs et de travailleurs avant l'adoption de toute loi dans le domaine du droit du travail. Le comité considère qu'il est essentiel que l'introduction d'un projet de loi affectant la négociation collective ou les conditions d'emploi soit précédée de consultations complètes et détaillées avec les organisations intéressées de travailleurs et d'employeurs. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 930 et 931.) A cet effet, le comité demande au gouvernement de s'efforcer de procéder à des consultations suffisantes avant l'introduction de toute loi touchant les intérêts des travailleurs, de même qu'en ce qui concerne la législation actuellement en vigueur.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 150. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, le comité demande au gouvernement de poursuivre ses efforts en consultation avec les factions de l'organisation concernée pour que des procédures impartiales puissent être mises en oeuvre aussitôt que possible afin de permettre aux travailleurs de choisir librement leurs représentants.
    • b) Insistant sur le fait que les autorités doivent éviter toute discrimination entre les organisations syndicales, le comité demande au gouvernement de s'abstenir de s'ingérer de quelque façon que ce soit dans les affaires internes de la CSTC.
    • c) Rappelant que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux ou syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux, le comité demande au gouvernement de garantir que les forces de l'ordre s'abstiennent de procéder à de telles interpellations à l'avenir.
    • d) Le comité demande au gouvernement de respecter les manifestations ayant un objet purement syndical et de garantir que ce type de manifestation puisse se dérouler à l'avenir.
    • e) Rappelant l'importance qu'il attache à la consultation préalable des organisations d'employeurs et de travailleurs avant l'adoption de toute loi touchant les intérêts des travailleurs, le comité demande au gouvernement de s'efforcer de procéder à de telles consultations, de même qu'en ce qui concerne la législation actuellement en vigueur.
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