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Rapport intérimaire - Rapport No. 314, Mars 1999

Cas no 1973 (Colombie) - Date de la plainte: 31-JUIL.-98 - Clos

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114. La plainte figure dans une communication présentée en juillet 1998 par l'Association des cadres et techniciens des entreprises de l'industrie du pétrole de Colombie (ADECO). Le gouvernement a répondu par une communication en date du 15 janvier 1999.

  1. 114. La plainte figure dans une communication présentée en juillet 1998 par l'Association des cadres et techniciens des entreprises de l'industrie du pétrole de Colombie (ADECO). Le gouvernement a répondu par une communication en date du 15 janvier 1999.
  2. 115. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 116. Dans sa communication de juillet 1998, l'Association des cadres et techniciens des entreprises de l'industrie du pétrole de Colombie (ADECO), qui opère au sein de l'Entreprise colombienne des pétroles (ECOPETROL), entreprise publique industrielle et commerciale comptant 10 877 travailleurs (dont 4 300 techniciens), explique qu'elle est un syndicat d'industrie et que les travailleurs qui lui sont affiliés relèvent du Code du travail. Toutefois, selon les règles qui régissent l'ADECO, les cadres, les techniciens et le personnel occupant des postes de confiance ont un régime salarial fondé principalement sur le mérite et distinct du système que l'entreprise détermine par voie de conventions collectives; ce régime spécial prévoit expressément que, en tout état de cause, le régime de prestations servies à ces catégories de personnel ne sera en aucun cas inférieur à celui qui est actuellement en vigueur (décret exécutif no 1209 de 1994). Ledit régime salarial spécial est réglementé par l'accord no 01 de 1977 d'ECOPETROL, qui a été mis à jour tous les deux ans (jusqu'à juillet 1997), chaque fois qu'était conclue la convention collective applicable aux autres travailleurs (à laquelle est partie le syndicat dénommé Union syndicale ouvrière (USO)).
  2. 117. L'ADECO explique qu'elle s'est fait enregistrer comme syndicat auprès du ministère du Travail le 20 août 1996 et qu'au mois de novembre de la même année elle a demandé aux autorités d'effectuer un recensement syndical aux fins de la négociation collective.
  3. 118. L'ADECO ajoute que, le 22 octobre 1996, elle a signé avec l'USO un accord prévoyant que les deux organisations rédigeraient conjointement le cahier de revendications et garantissant qu'un délégué de l'ADECO participerait aux négociations en vue de la conclusion de la prochaine convention collective. En vertu d'une décision de son assemblée, l'USO n'a pas respecté cet accord, qui évitait pourtant de recourir à un recensement syndical (l'ADECO et l'USO étaient des syndicats minoritaires puisqu'aucun des deux ne représentait 50 pour cent des travailleurs) et reconnaissait à l'USO le droit de signer la convention collective. L'ADECO indique que, le 19 novembre 1996, l'USO a passé un accord avec l'entreprise et que, pour des raisons d'opportunité politique, l'ADECO ne s'est vu accorder qu'un rôle de conseiller à la table de négociation (dont elle a été expulsée une fois la négociation commencée). A partir du 17 février 1997, l'ADECO a réitéré sa demande de recensement syndical dans l'entreprise auprès des autorités. ECOPETROL ayant refusé de négocier séparément avec elle, l'ADECO a de nouveau demandé au ministère du Travail un recensement syndical et le recours à un tribunal d'arbitrage, afin que celui-ci se prononce sur les droits revendiqués par l'association en tant que syndicat minoritaire et, plus particulièrement, sur son droit de négocier collectivement en tant que syndicat minoritaire coexistant avec l'USO (syndicat également minoritaire, bien que comptant un effectif plus important) dans le cadre d'une négociation conjointe, ou, sinon, de demander un arbitrage.
  4. 119. L'ADECO déclare que, le 27 mai 1997, l'USO et ECOPETROL ont signé une convention collective qui, de façon illégale, s'applique également aux personnels affiliés à l'ADECO et qui empiète sur les droits acquis en matière de salaires et de prestations qui faisaient partie de leurs contrats individuels depuis l'accord no 01 de 1977 conclu par l'entreprise. Le but poursuivi est d'éliminer l'ADECO. C'est pourquoi celle-ci a présenté à l'entreprise le cahier de revendications conjoint USO-ADECO qui avait été approuvé au départ par l'assemblée conjointe de tout le personnel syndiqué de l'entreprise, le 21 octobre 1996. L'ADECO indique également que, avant la signature de la convention collective, l'enregistrement de l'USO en tant que syndicat avait été annulé par décision administrative (no 0040430 du 20 décembre 1996), en vertu d'un accord de fusion de l'USO avec une autre organisation (ASOPETROL) et que, le 16 mai 1997, l'ADECO a proposé sans succès à l'entreprise un accord distinct de la convention collective ("accord ECOPETROL-ADECO") qui sauvegardait les droits de ses affiliés. L'ADECO souligne qu'elle n'avait pas autorisé l'USO à signer des accords au nom de ses affiliés.
  5. 120. Selon l'ADECO, les autorités n'ont pas jusqu'ici rendu de décision favorable au sujet du recensement syndical; deux recours ont donc été présentés, dont le dernier, qui remonte à septembre 1997, n'a pas abouti du fait de la négligence et de la mauvaise volonté des autorités. Ce recensement servirait à déterminer le champ d'application de la nouvelle convention collective. L'entreprise soutient néanmoins que l'USO assure la représentation de l'ADECO; c'est pourquoi l'USO perçoit -- de façon injustifiée -- les cotisations syndicales ordinaires et exceptionnelles sur les salaires des affiliés à l'ADECO. L'ADECO souligne que, d'un point de vue juridique, la convention collective en question ne lui est pas applicable. Par ailleurs, selon l'ADECO, l'entreprise, par l'intermédiaire de la vice-présidente responsable des transports, aurait exercé des pressions sur les membres de l'ADECO, peu avant la signature de la convention collective, afin que ceux-ci démissionnent de leur organisation; à cette fin, l'entreprise a fait préparer des lettres de démission par ses représentants et a fait savoir aux intéressés que ceux qui ne démissionneraient pas perdraient leur prime semestrielle (ce qui s'est produit ultérieurement). C'est ainsi que 110 démissions ont été présentées à la fin mai 1997. En outre, en application de la convention collective illégale, les membres de l'ADECO se sont vu imposer le même régime que les travailleurs affiliés à l'USO; ils perçoivent ainsi des augmentations de salaire moins élevées, des indemnités de subsistance calculées selon un tarif unique et des prestations réduites pour l'éducation des enfants de syndiqués, la prime semestrielle qui devait être versée le 30 mai et le 30 novembre de chaque année ne l'a pas été, etc. En outre, l'ADECO se voit dénier ses droits syndicaux, y compris l'immunité syndicale, les congés syndicaux et le droit de participer aux commission paritaires. Quatre-vingt-dix pour cent des membres de l'ADECO ont donc présenté leurs lettres de démission (qui leur avaient été remises par des messagers de l'entreprise); les effectifs de l'ADECO sont ainsi tombés de 300 personnes à 35.
  6. 121. Enfin, l'ADECO demande qu'il soit mis fin à toutes les infractions à la législation et que le recensement syndical dans l'entreprise soit effectué, puisqu'il n'est pas démontré que l'USO assure la représentation de plus de 50 pour cent des travailleurs. L'ADECO signale que l'administration du travail n'a pas donné suite aux plaintes en violation du droit d'organisation qu'elle a présentées en décembre 1996 et en janvier et mai 1997 et ne les a pas transmises au Procureur général de la nation.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 122. Dans sa communication du 15 janvier 1999, le gouvernement se réfère aux assertions de l'organisation plaignante, qui peuvent se résumer comme suit: 1) validité de l'accord no 01 de 1977 conclu par l'administration d'ECOPETROL et application de cet accord aux membres de l'ADECO, ainsi qu'aux cadres, techniciens et personnes occupant des postes de confiance non syndiqués; 2) non-discrimination (en ce qui concerne l'égalité de traitement, l'affiliation syndicale et la négociation collective) de la part de l'entreprise à l'égard des travailleurs syndiqués lorsqu'elle signera des conventions collectives ou actualisera l'accord no 01 de 1977; 3) cessation de la part d'ECOPETROL des actes attentatoires à la liberté syndicale de l'ADECO, octroi de facilités à cette organisation, y compris sa reconnaissance, et absence de traitement préférentiel en faveur des autres syndicats; 4) paiement des augmentations salariales et de la prime semestrielle ainsi que des autres prestations dans les conditions prévues par l'accord no 01 de 1977; 5) décision au sujet des plaintes présentées par l'ADECO devant l'administration du travail et au sujet du recensement syndical que cette organisation a demandé afin de déterminer le champ d'application de la convention collective du 27 mai 1997.
  2. 123. En ce qui concerne les points 1 à 4, le gouvernement déclare que, à la date de la communication que lui a envoyée le Comité de la liberté syndicale de l'Organisation internationale du Travail, aucune plainte à ce sujet n'avait été présentée par l'ADECO au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, à qui il incombe de veiller au respect des dispositions légales et conventionnelles concernant le travail et la sécurité sociale. Sur la base des informations fournies par l'OIT au sujet de cette plainte, qui suppléent à la décision des intéressés eux-mêmes, le fonctionnaire compétent de l'administration a reçu instruction d'ouvrir immédiatement une enquête sur cette affaire, remédiant d'office à l'omission des plaignants, afin de vérifier les faits allégués et de prendre, le cas échéant, les sanctions appropriées. Lorsqu'il sera en possession de la décision définitive statuant sur la plainte que l'ADECO a présentée par l'intermédiaire du Comité de la liberté syndicale, le gouvernement communiquera un rapport.
  3. 124. En ce qui concerne le cinquième point, le gouvernement déclare qu'il faut tenir compte du fait que, par décision du 21 octobre 1998, le fonctionnaire chargé de l'affaire a accepté le désistement de l'ADECO en date du 8 octobre 1998, de sorte que le dossier relatif à la demande de recensement syndical a été classé (copie jointe). En conséquence, le gouvernement réfute énergiquement ce point, le demandeur ayant exercé son droit et s'étant désisté sans en informer le Comité de la liberté syndicale en temps opportun, démontrant ainsi clairement son intention malveillante et son irresponsabilité par le fait qu'il a mis en route un mécanisme international après avoir dessaisi les autorités nationales de ce cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 125. Dans le présent cas, l'organisation plaignante (l'ADECO) allègue que, au cours du processus de négociation collective, le syndicat USO et l'entreprise ECOPETROL l'ont exclue et ont conclu une convention collective (dont elle conteste la légalité) qui s'appliquait également à ses affiliés, alors que l'effectif de l'autre syndicat (l'USO) n'était pas supérieur à 50 pour cent des travailleurs de l'entreprise (condition légale pour négocier au nom de tous les travailleurs). Selon l'organisation plaignante, il en est résulté que ses affiliés ont perdu les droits acquis dont ils jouissaient en vertu d'un accord conclu par l'administration d'ECOPETROL en 1997 (accord dont l'ADECO revendique la validité), qu'ils font l'objet d'une discrimination par rapport aux droits et prestations des autres travailleurs, que l'ADECO a perdu des garanties syndicales comme l'immunité syndicale, les congés syndicaux, etc., et que ses affiliés sont obligés de payer des cotisations à l'USO. Par ailleurs, l'organisation plaignante fait observer que le ministère du Travail n'a pas procédé au recensement syndical que l'ADECO demandait afin de déterminer la représentativité des deux syndicats opérant dans l'entreprise et elle souligne que l'USO n'a pas respecté un accord conclu avec l'ADECO qui garantissait à celle-ci non seulement la présentation conjointe d'un cahier de revendications lors des négociations, mais aussi la présence d'un négociateur de l'ADECO lors des négociations. Enfin, l'ADECO allègue qu'à l'époque où la convention collective a été signée, des représentants de l'entreprise ont fait pression sur les travailleurs pour les amener à démissionner de leur organisation, ce qui a entraîné des démissions massives de la part de ses affiliés.
  2. 126. Le comité note qu'au dire du gouvernement le fonctionnaire compétent a reçu instruction d'ouvrir immédiatement une enquête au sujet des allégations, car l'organisation plaignante n'avait pas formulé de plainte auprès du ministère du Travail au sujet de plusieurs questions qu'elle soulève dans le présent cas. Le comité note aussi que l'ADECO s'est désistée le 8 octobre 1998 devant l'autorité compétente de sa demande de recensement syndical à ECOPETROL. Le comité prie l'organisation plaignante de fournir des éclaircissements sur ce désistement.
  3. 127. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de lui communiquer sans retard les résultats de l'enquête ouverte au sujet des différents aspects de ce cas qui devra couvrir toutes les allégations présentées par l'organisation plaignante.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 128. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandation suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de lui communiquer sans retard les résultats de l'enquête concernant les différents aspects du cas qui devra couvrir toutes les allégations présentées par l'organisation plaignante.
    • b) Le comité prie l'organisation plaignante de fournir des éclaircissements sur le désistement de sa demande de recensement syndical à ECOPETROL.
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