ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 318, Novembre 1999

Cas no 1991 (Japon) - Date de la plainte: 12-OCT. -98 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

232. Dans une communication en date du 12 octobre 1998, le Syndicat japonais des travailleurs des chemins de fer nationaux (KOKURO) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Japon. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s'est associée à cette plainte dans une communication en date du 12 février 1999. Le Syndicat japonais des conducteurs mécaniciens de locomotives des chemins de fer nationaux (ZENDORO) a aussi présenté une plainte en violation des droits syndicaux dans une communication du 8 décembre 1998. Il a fait parvenir des informations supplémentaires dans une communication du 6 janvier 1999 accompagnée de documents à l'appui de sa plainte.

  1. 232. Dans une communication en date du 12 octobre 1998, le Syndicat japonais des travailleurs des chemins de fer nationaux (KOKURO) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Japon. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s'est associée à cette plainte dans une communication en date du 12 février 1999. Le Syndicat japonais des conducteurs mécaniciens de locomotives des chemins de fer nationaux (ZENDORO) a aussi présenté une plainte en violation des droits syndicaux dans une communication du 8 décembre 1998. Il a fait parvenir des informations supplémentaires dans une communication du 6 janvier 1999 accompagnée de documents à l'appui de sa plainte.
  2. 233. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 22 avril 1999. Il a fait parvenir des informations supplémentaires dans une communication en date du 6 septembre 1999.
  3. 234. Le Japon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 235. Dans une communication du 12 octobre 1998, le KOKURO soutient que le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98 en manquant à ses obligations au titre de l'article 11 de la convention no 87 et de l'article 3 de la convention no 98 qui obligent les pays qui ont ratifié ces deux conventions à prendre toutes mesures appropriées pour assurer le respect du droit d'organisation.
  2. 236. Le KOKURO explique le contexte de sa plainte et indique que son organisation représente depuis cinquante-trois ans plus de 30 000 travailleurs des chemins de fer employés à l'origine par la Société nationale des chemins de fer japonais ("JNR"). Le gouvernement a décidé de découper et de privatiser la JNR en 1987, et les sociétés Japan Railway (sociétés JR), qui ont repris la gestion des chemins de fer, devaient assumer l'emploi des travailleurs de la JNR.
  3. 237. Le KOKURO ajoute que le gouvernement a adopté la "loi sur la réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais" pour mener à bien son plan de privatisation. Le statut professionnel contractuel des travailleurs de la JNR était stipulé ainsi dans la loi de réforme:
  4. a) Les nouvelles sociétés JR n'assument pas la succession des contrats de travail signés entre la JNR et ses employés, et les sociétés JR recruteront les travailleurs qu'elles estiment nécessaires parmi les employés de la JNR.
  5. b) La procédure de recrutement par les nouvelles compagnies se déroule comme suit:
  6. -- Le comité d'établissement des compagnies JR soumet ses besoins en matière d'emploi à la JNR.
  7. -- La JNR dresse la liste nominative des travailleurs de la JNR sur la base de ses besoins.
  8. -- Le comité d'établissement sélectionne les employés des nouvelles compagnies sur cette liste.
  9. 238. Le KOKURO prétend que, lorsque la JNR a établi la liste, un grand nombre de ses membres en ont été exclus. De ce fait, 5 037 membres n'ont pas été employés par les nouvelles compagnies. En revanche, pratiquement tous les membres de la Confédération japonaise des syndicats des travailleurs des chemins de fer (JRU), un des syndicats de la JNR, ont été inclus dans la liste et engagés par les sociétés JR. Le KOKURO estime que le refus par les sociétés JR d'employer ses membres constitue un acte de discrimination envers le syndicat. Il a présenté des plaintes aux commissions locales des relations professionnelles dans l'ensemble du pays en demandant à ces dernières de prendre des mesures de redressement contre ces pratiques déloyales de travail. En réponse à ces plaintes, les commissions locales des relations professionnelles ont conclu à partir de 1989 que le refus des sociétés JR d'engager ces travailleurs, sur la base de leur appartenance à une organisation, constituait des pratiques de travail déloyales et discriminatoires, et ont ordonné à ces sociétés d'accorder aux travailleurs non engagés "un traitement équivalant à une embauche". (Le KOKURO fait remarquer que, en 1998, 1 047 membres bénéficiaires de ces mesures de redressement n'avaient toujours pas été employés à la suite de la discrimination.)
  10. 239. Mécontentes de ces mesures les sociétés JR ont porté les cas devant la Commission centrale des relations professionnelles pour réexamen en vertu de l'article 27(5) de la loi sur les syndicats. La Commission centrale des relations professionnelles a rendu 13 ordonnances de redressement durant la période allant de 1993 à 1996 qui, tout comme les commissions locales des relations professionnelles, ont reconnu l'existence d'une discrimination antisyndicale. En résumé, les 13 ordonnances ont enjoint aux sociétés JR, qui ont pris la suite de la JNR, d'"accorder aux membres victimes un traitement équivalant à une embauche" pour rétablir la situation existant avant la discrimination. Les sociétés JR cependant, en vertu de l'article 26(6) de la loi sur les syndicats, ont porté les cas devant le tribunal de district de Tokyo en vue de faire annuler ces ordonnances. Selon les sociétés JR, ces ordonnances étaient illégales et abusives au motif que la Commission centrale des relations professionnelles a mal interprété la loi et commis un abus de pouvoir.
  11. 240. Le tribunal de district de Tokyo, après avoir examiné les cas pour deux à cinq années, a annulé le 28 mai 1998 les 13 ordonnances rendues par la Commission centrale des relations professionnelles. Le tribunal a donné raison aux sociétés JR, en déclarant que les ordonnances étaient illégales puisque la Commission centrale des relations professionnelles avait commis un abus de pouvoir en ordonnant aux sociétés JR d'"embaucher" les membres sur la base d'une mauvaise interprétation de la loi en ce qui concerne "l'identité de l'employeur".
  12. 241. Finalement, le KOKURO s'est pourvu en appel devant la Haute Cour de Tokyo ainsi que devant la Commission centrale des relations professionnelles (présidée par un juriste éminent de niveau international). Le KOKURO redoute cependant que le "juridisme excessif" de la Haute Cour, à l'instar du tribunal de district, n'aboutisse au rejet des conclusions de la Commission centrale des relations professionnelles spécialisée en la matière. Le KOKURO souligne que la Commission des relations professionnelles est un organe tripartite similaire à la structure de l'OIT. Elle est non seulement constitutionnellement impartiale dans les relations professionnelles, mais également respectée en tant qu'organe impartial dans la pratique et, de ce fait, répond aux exigences des conventions nos 87 et 98, fait reconnu dans le rapport de la Commission d'investigation et de conciliation sur la liberté syndicale en ce qui concerne les personnes employées dans le secteur public au Japon. (BIT, Bulletin officiel (supplément spécial, vol. XLIX, no 1, paragr. 388-397).)
  13. 242. Le KOKURO poursuit en soulignant que le système de la Commission des relations professionnelles du Japon a été inventé pour protéger les syndicats contre les violations du droit d'organisation et pour établir des relations saines entre travailleurs et direction. Pour parvenir à ces objectifs, la Commission des relations professionnelles dispose d'une vaste gamme de pouvoirs discrétionnaires comme par exemple celui de rendre des ordonnances de redressement pour rétablir la situation existant avant la violation du droit d'organisation. S'il est possible dans le système juridique japonais d'annuler des ordonnances de redressement par l'intermédiaire d'un jugement lors d'une affaire administrative, celles-ci ne devraient pas être annulées sans un sérieux examen. Cependant, le tribunal de district de Tokyo a invalidé les ordonnances sur la base d'une interprétation formaliste et étroite de la législation. Il en ressort que le système juridique du Japon prévu pour garantir le droit d'organisation n'est pas correctement établi du point de vue des conventions nos 87 et 98 de l'OIT. Etant donné que les ordonnances de redressement de la Commission des relations professionnelles contre des pratiques déloyales de travail peuvent être annulées par les tribunaux, les tentatives des employeurs de faire annuler les ordonnances par des moyens légaux risquent de ralentir longtemps la mise en oeuvre de ces ordonnances. Dans ce genre de situation, l'affiliation syndicale chute de façon spectaculaire en attendant que la Cour suprême approuve finalement les ordonnances de redressement. Le KOKURO a été victime de cette "tactique dilatoire" et se trouve dans une situation critique. Onze ans se sont déjà écoulés depuis ce traitement discriminatoire, et il faudra encore attendre plus de dix ans avant le jugement définitif du cas, vu qu'il sera examiné par la Haute Cour et la Cour suprême. Non seulement les membres lésés sont passés par des moments très difficiles, mais le KOKURO lui-même a beaucoup souffert en perdant un nombre considérable de membres au cours des années écoulées. Si la question de la violation du droit d'organisation n'est pas réglée au bout de dix ans, ceci signifie qu'il n'y a pratiquement aucun système pour protéger le droit d'organisation au Japon.
  14. 243. Dans une communication en date du 8 décembre 1998, le Syndicat japonais des conducteurs mécaniciens de locomotives des chemins de fer nationaux (ZENDORO) déclare être un syndicat organisant d'anciens travailleurs de la JNR (maintenant sociétés JR), ainsi que des travailleurs des sociétés JR et de leurs entreprises apparentées. Sa création remonte à 1975, et il compte maintenant 1 000 membres. Le ZENDORO explique encore que le gouvernement a adopté la loi sur la réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais en novembre 1986 et décidé de diviser et de privatiser la JNR. Depuis le 1er avril 1987, la JNR a été divisée entre les compagnies suivantes: Compagnies des chemins de fer d'Hokkaido, du Japon de l'Est, du Japon central, du Japon occidental, de Shikoku et de Kyushu, et Compagnie de fret ferroviaire du Japon. Ces compagnies ont hérité de l'ensemble des avoirs, des facilités et des structures nécessaires pour l'exploitation des chemins de fer de la JNR et poursuivent les mêmes activités que la JNR. Le ZENDORO affirme que, lorsque la JNR a été divisée puis privatisée, les membres du ZENDORO ont souffert d'une discrimination dans l'embauche de la part des nouvelles compagnies en raison de leur affiliation au ZENDORO. De plus, les membres employés par le ZENDORO sont toujours victimes de divers actes de discrimination de la part des nouvelles compagnies.
  15. 244. S'agissant du premier problème de discrimination au moment de l'embauche, le ZENDORO allègue que, lorsque la direction de la JNR a dressé la liste des travailleurs de la JNR qui seraient embauchés par les sociétés JR, les personnes appartenant au ZENDORO n'ont pas été portées sur la liste. Le comité d'établissement de chaque société JR a approuvé la liste et décidé d'employer les personnes figurant sur cette liste. Le ZENDORO indique que, bien que la procédure d'emploi par les sociétés JR soit précisée à l'article 23 de la loi sur la réforme de la JNR, dans le cas de l'Entreprise japonaise publique de télégraphe et de téléphone (actuellement NTT) et de l'Entreprise publique japonaise des tabacs (actuellement Japan Tobacco Inc.) qui ont été privatisées à peu près vers la même époque que la JNR, tous les travailleurs de ces deux sociétés ont été employés par les nouvelles sociétés. La procédure consistant à prendre des employés de la JNR pour les placer dans les sociétés JR au moment de la privatisation a permis à la JNR et aux sociétés JR de choisir les travailleurs et, effectivement, cette procédure a été utilisée pour exclure des membres du ZENDORO et du KOKURO (Syndicat japonais des travailleurs des chemins de fer nationaux) des sociétés JR.
  16. 245. Le ZENDORO explique qu'au sein de la JNR deux courants s'affrontaient sur les questions de division et de privatisation: étaient favorables à la division et à la privatisation la Confédération japonaise des syndicats de travailleurs des chemins de fer japonais (JCRU) et le Syndicat des travailleurs de l'industrie des chemins de fer (JRIU), ainsi que le Syndicat des travailleurs des locomotives (DORO) et le Syndicat des travailleurs des chemins de fer (TETSURO), etc.; les syndicats opposés à la division et à la privatisation étaient le ZENDORO et le KOKURO. La direction de la JNR voyait le ZENDORO et le KOKURO d'un oeil défavorable pour leur opposition à leur politique et les a ouvertement exhortés à modifier leur position (le ZENDORO en fournit des exemples dans des documents joints à sa plainte). En 1986, lorsque le projet de réforme de la JNR a été soumis à la Diète, la direction de la JNR a exhorté tous les syndicats opérant en son sein à souscrire à la "déclaration conjointe salariés-direction" pour les forcer à appuyer la politique de division et de privatisation et à abandonner pratiquement les droits syndicaux. Le ZENDORO et le KOKURO ont refusé d'adhérer à cet accord. En revanche, d'autres syndicats tels que la Confédération japonaise des syndicats des travailleurs des chemins de fer (JCRU) y ont souscrit à un stade très précoce. La direction de la JNR s'est livrée à des actes discriminatoires contre les membres du ZENDORO et du KOKURO pour avoir rejeté la déclaration. C'est ainsi que la direction de la JNR a redéployé 23 000 membres du ZENDORO et du KOKURO dans le "centre d'utilisation des ressources humaines". Cette mesure visait à isoler ces membres syndicaux des autres travailleurs, à les priver du travail ferroviaire et à les forcer à se livrer à des travaux de désherbage et de peinture. De plus, en recourant le plus souvent possible à la procédure d'emploi liée aux sociétés JR sur la base de la loi de réforme de la JNR, la direction de la JNR a constamment menacé les membres du ZENDORO et du KOKURO pour les obliger à quitter leur syndicat en déclarant ouvertement: "Tant que vous continuerez à adhérer à ces syndicats, vous ne serez pas employés par les nouvelles sociétés." Tous les travailleurs qui ont quitté le ZENDORO ont obtenu un emploi dans les nouvelles sociétés. Le ZENDORO poursuit en donnant des exemples précis et des tableaux (reproduits ci-dessous) sur la répartition par affiliation syndicale des travailleurs employés dans différents départements locomotives selon différentes instances.
  17. a) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive d'Otaru employés par les nouvelles sociétés et taux
  18. ================================================= ================ Membres Employés par Taux d'emploi syndicaux les nouvelles (personnes) sociétés (%) ================================================= ================ ZENDORO 212 53 25 DORO 114 114 100 TETSURO 2 2 100
  19. Note: Au 16 février 1987. ================================================= ================
  20. Au 1er avril 1986, dans le service d'Otaru, le ZENDORO comptait 268 membres au total. Au 16 février 1987, ce chiffre est tombé à 212. Au cours de la même période, 56 membres du service ont quitté le ZENDORO et 54 de ceux-ci ont adhéré au DORO et deux autres au TETSURO. Ces 54 membres ont tous été employés par les nouvelles sociétés.
  21. b) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive de Naebo employés par les nouvelles sociétés et taux
  22. ================================================= ================ Membres Employés par Taux d'emploi syndicaux les nouvelles (personnes) sociétés (%) ================================================= ================ ZENDORO 283 81 28,6 KOKURO 24 5 20,8 TETSUSANRO 12 10 83,3 DORO 169 169 100 TESTSURO 17 17 100 ================================================= ================
  23. Dans le service de Naebo, soixante-dix membres ont quitté le Zendoro. Soixante-six d'entre eux ont adhéré au DORO, deux au TETSURO et un au TETSUSANRO, et tous ont retrouvé un emploi dans les nouvelles sociétés.
  24. c) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive d'Iwamizawa employés par les nouvelles sociétés et taux
  25. ================================================= ================ Département Membres Employés par Taux d'emploi locomotive syndicaux les nouvelles (personnes) sociétés (%) ================================================= ================ ZENDORO Premier DL 160 31 19 Second DL 27 4 15
  26. KOKURO Premier DL 4 1 25 Second DL 6 0 0
  27. TETSUSANRO Premier DL 21 19 90 Second DL 58 34 59
  28. DORO Premier DL 105 105 100 Second DL 41 41 100
  29. TETSURO Premier DL 4 4 100 Second DL 2 2 100 ================================================= ================
  30. Le Département locomotive d'Iwamizawa était scindé en deux sous-départements: le premier et le second. Dans le premier département, de juillet à décembre 1986, 30 membres ont quitté le ZENDORO. Sur 29 d'entre eux, à l'exception d'un seul qu'une société publique avait décidé d'engager, 25 ont adhéré au DORO, deux au TETSURO et un ne s'est pas syndiqué. Tous ont été employés par les nouvelles sociétés à l'exception de celui qui a adhéré au TETSUSANRO.
  31. Dans le second département, durant la même période, six membres ont quitté le ZENDORO. Dans le cas de trois d'entre eux, mis à part deux autres qu'une société publique avait décidé d'engager et un autre qui partait à la retraite, deux ont rejoint le DORO et un le TETSURO, et tous ont été employés par les nouvelles sociétés.
  32. d) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive de Takikawa employés par les nouvelles sociétés et taux
  33. ================================================= ================ Membres Employés par Taux d'emploi syndicaux les nouvelles (personnes) sociétés (%) ================================================= ================ ZENDORO 80 12 15 KOKURO 0 0 0 TETSUSANRO 3 1 33 DORO 56 56 100 TETSURO 3 3 100 Non syndiqué 1 0 0 ================================================= ================
  34. Dans le Département locomotive de Takikawa, 11 membres ont quitté la section ZENDORO. Neuf d'entre eux ont adhéré au DORO et deux au TETSURO, et tous ont été employés par les nouvelles sociétés.
  35. e) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive de Tomakomai employés par les nouvelles sociétés et taux
  36. ================================================= ================ Membres Employés par Taux d'emploi syndicaux les nouvelles (personnes) sociétés (%) ================================================= ================ ZENDORO 99 5 5 DORO 58 58 100 KOKURO 10 2 20 TETSURO 4 4 100 TETSUSANRO 3 2 67 ================================================= ================
  37. Sur l'ensemble des membres du service de Tomakomai qui ont quitté le Zendoro entre mars et décembre 1986, 13 ont adhéré au DORO et tous ont été employés par les nouvelles sociétés.
  38. 246. Le débat à la Diète a également abordé la question de la discrimination exercée par la direction de la JNR à l'encontre des membres du ZENDORO et du KOKURO. Takaya Sugiura, président de la JNR, qui a par la suite occupé la position de membre du comité pour l'établissement des sociétés JR, a déclaré au cours de la discussion à la Diète: "Les syndicats qui rejettent la déclaration ne sont pas dignes de confiance." Cependant, lors de l'adoption de la loi, la Diète a adopté une résolution supplémentaire qui "impose aux sociétés JR de veiller à écarter toute discrimination liée à l'appartenance à des syndicats différents".
  39. 247. En février 1987, le comité d'établissement de chaque société JR a approuvé la liste des employés candidats présentée par la JNR et a décidé de les engager. Finalement, de grandes disparités ont été constatées entre les divers syndicats. Ainsi, dans la zone d'Hokkaido, le taux des personnes employées par l'Hokkaido JR et la Freight JR pour l'ensemble des candidats était de 75,1 pour cent. Cependant, le taux d'emploi pour chaque syndicat était le suivant: JCRU: 99,4 pour cent; JRIU: 79,1 pour cent; KOKURO: 48 pour cent; enfin, ZENDORO: 28,1 pour cent. Parmi les 1 012 candidats du ZENDORO, 284 seulement ont été engagés et 728 ont été éliminés, ce qui illustre bien la discrimination exercée à l'encontre des membres du ZENDORO.
  40. 248. En avril 1987, les sociétés JR ont refusé d'employer un total de 7 600 membres du ZENDORO et du KOKURO à l'échelon national, et les ont redéployés dans la société de règlement de la JNR qui a succédé à la JNR. En avril 1990, la société de règlement de la JNR a licencié 1 047 membres du ZENDORO et du KOKURO. Le ZENDORO a porté plainte devant la Commission locale des relations professionnelles d'Hokkaido (LLRC) et sollicité une ordonnance de redressement pour pratiques déloyales de travail de la part de la JR Hokkaido et de la JR Freight.
  41. 249. En mars 1989, la LLRC a rendu un jugement selon lequel la JR portait la responsabilité des pratiques déloyales de travail aboutissant à refuser l'emploi à des membres du ZENDORO. Elle a enjoint à la JR Hokkaido et à la JR Freight de remédier à cette situation afin que les membres syndicaux puissent "bénéficier d'un traitement équivalant à une embauche". Mécontentes de l'injonction, les sociétés JR ont porté l'affaire devant la Commission centrale des relations professionnelles (CLRC) pour réexamen. Ce faisant, elles ont agi au mépris de l'injonction de la LLRC les obligeant à prendre des mesures visant à corriger leurs pratiques discriminatoires. En janvier 1994, la CLRC a pris une ordonnance de redressement similaire à celle de la LLRC, en reconnaissant l'existence de pratiques déloyales de travail, à savoir la discrimination dans l'emploi et les responsabilités des sociétés JR qui s'ensuivent. La CLRC leur a enjoint de suivre des procédures loyales en matière d'emploi et de réintégrer les membres syndicaux du ZENDORO licenciés par la société de règlement de la JNR au poste qu'ils auraient eu s'ils avaient été employés en premier lieu. Déclarant l'ordonnance illégale, les sociétés JR ont porté l'affaire devant le tribunal de district de Tokyo en demandant son annulation en mars 1994. Le cas reste en instance. Les sociétés JR cherchent à prolonger la procédure pour parvenir à un règlement et se dispenser de suivre les ordonnances de la CLRC.
  42. 250. L'argument de ces compagnies, en bref, est qu'elles n'assument aucune responsabilité pour la pratique de la direction de la JNR consistant à exclure les membres syndicaux de la liste des employés de la JNR à recruter par les sociétés JR, étant donné que la JNR et les sociétés JR sont des entités juridiques différentes. Cependant, le ZENDORO affirme que leur responsabilité est manifeste pour les raisons suivantes: premièrement, les sociétés JR ont assumé la succession de la totalité des biens, des facilités, de l'équipement et de la structure nécessaires aux opérations ferroviaires; deuxièmement, le président de l'époque, M. Sugiura, de la JNR, qui a élaboré la liste, est devenu membre du comité d'établissement des sociétés JR qui a décidé quels travailleurs sur la liste devraient être engagés par les nouvelles compagnies. Il ne fait donc pas de doute que les pratiques déloyales de travail, à savoir l'exclusion des membres du ZENDORO de la liste, sont le fait des sociétés JR.
  43. 251. Le ZENDORO indique qu'en 1998 le nombre de membres du KOKURO et du ZENDORO non employés par les sociétés JR en raison de leur adhésion syndicale et qui ont été licenciés par la société de règlement de la JNR s'élève à 1 047. Les membres syndicaux n'ont pas eu d'emploi à plein temps pendant plus de onze ans. Ils soutiennent leurs familles en travaillant à temps partiel et avec l'aide du revenu de leurs épouses qui occupent des emplois à mi-temps et autres. Le ZENDORO lui-même a subi de lourdes pertes en perdant de nombreux membres sous l'effet d'une telle discrimination antisyndicale.
  44. 252. Le ZENDORO fait remarquer qu'il a appelé à maintes reprises le gouvernement à adopter des mesures administratives pour faire en sorte que les sociétés JR règlent les différends conformément aux ordonnances rendues par les LLRC. Le gouvernement s'est abstenu de donner des directives fermes aux sociétés JR. Au lieu de s'assurer que tous les travailleurs ont été employés par ces sociétés, le gouvernement a recouru à des moyens appelés "un nouvel emploi". Son objectif était d'éliminer les membres du ZENDORO et du KOKURO durant le processus de division et de privatisation de la JNR. C'est ce qui ressort des déclarations de l'ex-Premier ministre Yasuhiro Nakasone rapportées par des magazines et des stations télévisées publiques et selon lesquelles "nous avons vaincu le KOKURO par la division et la privatisation". Ce faisant, non seulement le gouvernement a négligé les pratiques d'emploi déloyales perpétrées par les sociétés JR, mais s'est livré lui-même à des violations des conventions pertinentes de l'OIT durant la période de transition de la JNR aux sociétés JR. En effet, s'agissant de la protection du droit d'organisation des travailleurs, l'article 11 de la convention no 87 déclare en substance que "Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d'assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical.", et l'article 3 de la convention no 98 de l'OIT stipule que "Des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d'organisation défini par les articles précédents."
  45. 253. Le ZENDORO estime que le système de commission des relations professionnelles au Japon constitue un mécanisme approprié pour redresser les situations de violation du droit d'organisation. Néanmoins, lorsque les employeurs portent un cas devant un tribunal pour obtenir l'annulation des ordonnances de redressement et aussi longtemps que le cas est en instance, aucun règlement ne contraint les employeurs qui ne se sont pas pliés devant les ordonnances. Ceci leur permet de continuer à violer le droit d'organisation des travailleurs en prolongeant cette période de procédure. En outre, le gouvernement n'a pas amélioré substantiellement le système de protection du droit d'organisation en révisant les lois nationales en vigueur. Le ZENDORO estime qu'il s'agit d'une violation manifeste des conventions nos 87 et 98.
  46. B. Réponse du gouvernement
  47. 254. Dans sa communication du 22 avril 1999, le gouvernement explique que la Société nationale des chemins de fer japonais (JNR) effectuait les opérations de transport ferroviaire en tant qu'organisme national de transport public, mais que, à partir de l'exercice budgétaire 1964, elle a commencé à perdre de l'argent sur ces opérations. Malgré les plans de réforme de la gestion étalés sur plusieurs années, la gestion de la JNR a continué à s'aggraver. C'est dans ces conditions que la Commission provisoire pour la réforme administrative a déclaré, dans son "Troisième rapport (rapport de base) concernant les réformes administratives" de février 1982, que le rétablissement de la santé économique de la JNR était une urgence nationale, que celle-ci devrait être divisée et privatisée, et qu'une commission de contrôle pour la reconstruction de la JNR devrait être créée pour promouvoir les réformes. En août 1982, une décision du Cabinet a été prise pour mettre en oeuvre les mesures nécessaires en portant toute l'attention voulue à ce rapport. En juillet 1985, la commission de contrôle a donné au gouvernement son "Opinion sur la réforme de la JNR" comportant la division de la section des transports ferroviaires de voyageurs en six compagnies régionales et leur privatisation à compter d'avril 1987. Le gouvernement a répondu à cette Opinion en soumettant un projet de loi sur la réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais et d'autres projets de loi y relatifs à la Diète (le Parlement japonais), et celle-ci a été saisie de ces textes en novembre 1986; ils ont été promulgués et mis en application en décembre de la même année. Finalement, les sections des transports ferroviaires de voyageurs, des transports de marchandises et les sections de la recherche et développement, etc. de la JNR ont laissé place à six sociétés de transport de voyageurs avec effet au 1er avril 1987 (les "nouvelles sociétés"), et la liquidation de la dette à long terme de la JNR devra être traitée par la société de règlement des chemins de fer nationaux japonais.
  48. 255. Le gouvernement indique ensuite que la méthode consistant à engager du personnel pour les nouvelles sociétés avec la division et la privatisation de la JNR a été réglée par la loi sur la réforme des chemins de fer nationaux japonais. Les prescriptions spécifiques de la loi comprennent les points suivants: a) le ministre des Transports choisirait le nombre des travailleurs à engager par chaque nouvelle société dans l'ancien personnel de la JNR à partir d'un plan de base; b) le comité d'établissement des nouvelles sociétés soumettrait les conditions de travail et les critères d'embauche pour les futurs travailleurs dans chaque nouvelle société par l'intermédiaire de la JNR; c) la JNR confirmerait la volonté de l'employé de devenir ou non employé des nouvelles sociétés et, pour chacune d'entre elles, sélectionnerait les employés parmi ceux qui souhaitent être embauchés conformément aux critères d'embauche et les placerait sur une liste qu'elle soumettrait au comité d'établissement; d) parmi les employés de la JNR figurant sur la liste, ceux qui se verraient notifier leur embauche par le comité d'établissement et qui étaient employés par la JNR au moment de l'abolition de la loi sur les chemins de fer japonais seraient employés en tant qu'employés de la nouvelle société.
  49. 256. Le gouvernement déclare qu'en avril 1987 environ 200 000 personnes étaient employées par les nouvelles sociétés et environ 7 600 travailleurs qui ne pouvaient pas trouver d'autres moyens d'emploi ont été transférés à la Société de règlement des chemins de fer nationaux japonais. En vertu de la "loi sur les mesures spéciales" concernant les employés de la JNR ne souhaitant pas être réemployés et de la promotion d'un nouvel emploi pour les employés de la Société de règlement des chemins de fer nationaux japonais, cette dernière a pris des mesures promotionnelles spéciales pour leur réemploi, comme l'embauche supplémentaire pour les nouvelles sociétés, l'établissement de possibilités de réembauche sur demande dans les compagnies liées, le recyclage et la formation, le placement gratuit, le paiement de divers primes d'incitation, etc. Cependant, à l'expiration des mesures promotionnelles spéciales pour le réemploi en avril 1990, 1 047 employés ont été licenciés.
  50. 257. Le gouvernement explique par la suite que, lors de la scission et de la privatisation de la JNR, le KOKURO et le ZENDORO ont porté plainte devant les organes pertinents contre toutes les nouvelles sociétés de la Société ferroviaire japonaise (JR) pour discrimination par la JNR contre les membres du KOKURO et du ZENDORO dans leurs listes d'embauche par les sociétés JR; ils estimaient qu'il s'agissait d'une forme de discrimination. Ils fondaient leurs arguments sur l'article 7 de la loi sur les syndicats en vertu duquel la JNR et le comité d'établissement devraient être considérés en réalité comme une entité unifiée et devraient donc être traités comme le même employeur. Etant donné que les actes du comité d'établissement devaient être repris par les nouvelles sociétés, les organisations plaignantes ont demandé à 18 commissions des relations professionnelles préfectorales dans le pays de remédier aux pratiques déloyales de travail de la JNR. A partir de janvier 1989, chaque cas de refus d'embauche a été accompagné d'une ordonnance de rétablissement de chaque commission préfectorale des relations professionnelles (Chiroi), mais l'ensemble des sociétés JR ont contesté les allégations et porté l'affaire pour réexamen devant la commission centrale des relations professionnelles (Churoi). Au sein de cette dernière instance, on a tenté de régler les questions par une proposition de règlement en mai 1992, mais celle-ci a échoué et, depuis décembre 1993, les ordonnances reconnaissant les pratiques déloyales de travail des sociétés JR sont devenues plus nombreuses. Les principes des ordonnances Churoi sont les suivants: a) lorsque des actions sont considérées comme des pratiques déloyales de travail dans les procédures d'embauche des employés de la JNR, la responsabilité devrait en incomber aux sociétés JR; b) étant donné qu'il a été reconnu qu'un certain nombre de membres syndicaux ont été victimes de pratiques déloyales de travail, lorsque des personnes auraient été licenciées contre leur gré de la Société de règlement des chemins de fer nationaux japonais et lorsqu'elles auraient déclaré leur volonté d'être embauchées à l'avenir, la société devrait faire une sélection équitable et les traiter comme si elles avaient été employées depuis le 1er avril 1987.
  51. 258. En janvier 1994, toutes les sociétés JR ont contesté les ordonnances du Churoi et ont interjeté appel devant le tribunal de district de Tokyo pour faire annuler ces ordonnances. En mai 1998, le tribunal de district de Tokyo a décidé que les ordonnances du Churoi devraient être annulées. Le tribunal déclare dans son jugement que: a) même si la JNR a usé de pratiques déloyales de travail dans la sélection des candidats et l'établissement des listes de ceux-ci, la responsabilité de ces actes incombe à la JNR en tant qu'employeur sur la base de l'article 7 de la loi sur les syndicats, et ni le comité d'établissement ni les sociétés JR ne devraient avoir de telles responsabilités; b) au cas où la JNR imposerait des conditions d'embauche excluant des membres du KOKURO, avec l'intention d'opérer une discrimination contre ces membres syndicaux, si le comité d'établissement était au courant de l'intention et des actes de la JNR et le permettait cependant, le comité serait responsable des pratiques déloyales de travail. Cependant, dans ce cas également, les ordonnances de rétablissement devraient se borner à déterminer si le membre syndical a été embauché sur des critères de sélection normaux ou non, et le Churoi ne pourrait pas ordonner que les membres soient considérés comme des employés embauchés. En juin 1998, le KOKURO et le Churoi ont fait appel devant la Haute Cour de Tokyo en demandant d'annuler la décision de la cour subalterne. S'agissant du cas de non-embauche du ZENDORO, il est toujours en instance devant le tribunal de district de Tokyo. De même, tous les autres cas liés au JR sont encore examinés par les tribunaux.
  52. 259. Le gouvernement poursuit en donnant un bref aperçu du système des commissions des relations professionnelles. Il déclare que les commissions des relations professionnelles consistent en une commission centrale des relations professionnelles (Churoi) et une commission préfectorale des relations professionnelles (Chiroi). Le Churoi est un comité national relevant du ministre du Travail et les Chiroi sont établis dans chaque préfecture en tant qu'organes des gouvernements régionaux. Les commissions des relations professionnelles comprennent le même nombre de membres représentant la direction, les salariés et les parties neutres, et les comités sont des organes qui enquêtent sur les différends du travail et les règlent. Les procédures pour remédier à des pratiques déloyales de travail commencent par le dépôt d'une plainte par le syndicat ou le travailleur auprès de la commission des relations professionnelles qui est compétente pour ce différend. Si la commission des relations professionnelles reconnaît qu'il y a un motif légitime de l'appliquer, elle prend une ordonnance de redressement et, si ce motif n'est pas valable, elle prend une ordonnance de non-lieu. Si des personnes contestent l'ordonnance du Chiroi, elles peuvent demander à une cour d'appel d'annuler un ordre ou demander un réexamen et, pour les personnes qui contestent une ordonnance du Churoi, elles peuvent demander à une cour d'appel d'annuler une ordonnance du Churoi. Le gouvernement considère cependant comme sans fondement l'allégation selon laquelle la protection du droit d'organisation serait sapée par l'annulation des ordonnances des commissions des relations professionnelles par les tribunaux. Il fait remarquer que l'article 32 de la Constitution japonaise stipule que nul ne pourra se voir refuser le droit de recourir aux tribunaux, et l'article 76, paragraphe 2, stipule qu'aucun organe ou organisme de l'exécutif n'aura le pouvoir judiciaire en dernier ressort. Ces dispositions garantissent à tous un droit d'accès égal à des tribunaux indépendants. En conséquence, s'agissant des ordonnances des commissions des relations professionnelles qui sont des organes exécutifs, la garantie de l'accès aux tribunaux doit être reconnue, et il est possible que les ordonnances des commissions des relations professionnelles soient renversées. Néanmoins, ceci ne signifie pas que les mesures nécessaires et appropriées pour la protection du droit syndical n'ont pas été prises.
  53. 260. En outre, la loi sur les syndicats prévoit des mesures pour garantir l'efficacité des ordonnances des commissions des relations professionnelles en matière de pratiques déloyales de travail. En d'autres termes, au cas où une ordonnance aurait été confirmée en totalité ou en partie par le jugement définitif d'un tribunal dans une affaire administrative, les personnes qui violent le jugement définitif seront poursuivies au pénal (section 28); si le jugement définitif des commissions des relations professionnelles est violé, les personnes concernées seront passibles d'une amende non pénale (section 32). De même, même lorsque l'employeur interjette un appel pour demander l'annulation d'une ordonnance prise par une commission des relations professionnelles et que le litige est en cours, le tribunal peut ordonner à l'employeur de suivre l'ordonnance en totalité ou en partie, s'il y a une plainte de la Commission des relations professionnelles, jusqu'à ce que la décision du tribunal devienne définitive (article 27(8), Ordonnances d'urgence). Si l'employeur viole l'Ordonnance d'urgence, il est passible d'une amende non pénale de la même manière que s'il violait une ordonnance définitive (article 32). En outre, le gouvernement a fait remarquer que le nouveau Code de procédure civile adopté l'année dernière a défini les procédures qui accéléreraient le règlement des différends et l'organisation des preuves, et d'autres mesures ont été instituées pour faciliter l'inspection concentrée des preuves. En conséquence, on peut s'attendre à un raccourcissement de la durée du jugement.
  54. 261. Le gouvernement aborde ensuite l'allégation selon laquelle il ne guide pas efficacement les sociétés JR et néglige la discrimination antisyndicale. Le gouvernement prétend qu'il n'a pas négligé les conflits entre la direction et les salariés de la JR mais a au contraire travaillé activement à la recherche d'une solution. A titre d'exemple, immédiatement après l'ordonnance du Churoi en janvier 1994, le ministre des Transports et le ministre du Travail ont essayé de résoudre les conflits entre chaque société JR et le KOKURO et, en janvier 1995, le ministre des Transports a proposé la création d'une table des négociations réunissant le gouvernement, les travailleurs et la direction. Par ailleurs, en août 1996, le ministre du Travail a essayé d'aider le KOKURO à résoudre leurs différends, mais il y avait de grandes divergences d'opinions entre la direction et le personnel de la JR. En tout état de cause, la Confédération japonaise des syndicats des travailleurs des chemins de fer (JCRU) qui compte environ 40 pour cent des travailleurs liés à la JR semble estimer que la question de la non-embauche a été réglée et que les divergences d'opinions sont au sein des syndicats eux-mêmes. Le gouvernement ajoute qu'à l'avenir il continuera à s'efforcer de résoudre les diverses questions.
  55. 262. Enfin, le gouvernement aborde l'allégation selon laquelle la méthode consistant à réembaucher les employés de la JNR dans les sociétés JR a été l'occasion d'exclure les membres syndicaux du ZENDORO et du KOKURO et de les licencier de facto. Cependant, la raison pour laquelle la méthode consistant à réembaucher a été retenue dans la réforme de la Compagnie des chemins de fer japonais était que, contrairement au cas des sociétés publiques qui plus tard sont devenues JT et NTT, la JNR était dans des conditions financières désastreuses et devait résoudre le plus rapidement possible les problèmes de la dette à long terme et des avoirs non utilisés pour la réforme de la JNR. En d'autres termes, la JNR devait être divisée et privatisée en tant que société privée dans le cadre d'idéaux radicalement nouveaux et démarrer avec un nouveau système. La raison pour laquelle s'imposait la méthode consistant à réembaucher dans le cadre de la loi de réforme découlait de l'objectif qui voulait que la JNR soit divisée et privatisée dans le cadre d'idéaux et de systèmes de gestion entièrement nouveaux correspondant à chacune des régions. Ceci nécessitait de nouvelles décisions de gestion en matière de composition du personnel et de conditions de travail. Ainsi, il y avait un motif rationnel d'utiliser une méthode de réembauche pour la réforme de la Compagnie nationale des chemins de fer japonais, et ce n'était pas dans le but d'exclure des membres syndicaux du ZENDORO et du KOKURO et de les licencier de facto.
  56. 263. Dans sa communication suivante du 6 septembre 1999, le gouvernement fait remarquer que, lorsque les ordonnances du Churoi ont été annulées par le tribunal de district de Tokyo, les trois partis au pouvoir de l'époque, à savoir le parti démocrate libéral (LDP), le parti social démocrate (SDP -- parmi les 137 représentants du congrès du Kokuro environ 60 pour cent sont membres du SDP) et le parti Sakigake ont entamé des consultations pour régler rapidement le différend en juin 1998. Ce même mois, le responsable politique du LTP a offert au Kokuro, par l'intermédiaire du SDP, des conditions de règlement comprenant "la décision du Kokuro d'accepter la loi de réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais".
  57. 264. Après avoir reçu ces conditions, le Kokuro a tenu son congrès national transitoire le 18 mars 1999 et a décidé que sa politique serait d'accepter sans ambiguïté la loi sur la réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais. A la suite de cette décision, le LDP (le parti au pouvoir) a diffusé une "Déclaration du secrétaire général du LDP", le 25 mai 1999, précisant "qu'il est nécessaire à l'avenir pour le Kokuro, toutes les sociétés JR (les chemins de fer japonais), les organismes gouvernementaux, etc. et les autres parties intéressées de se consulter en vue d'un règlement concret, et que le LDP souhaiterait poursuivre ses efforts en vue d'un règlement rapide de la question en encourageant de telles consultations, etc.". Le parti libéral (le parti au pouvoir) a également diffusé sa propre "Déclaration du secrétaire général" le même jour, en affirmant que "(notre parti) souhaite activement promouvoir les consultations entre le Kokuro, l'ensemble des sociétés JR et les organismes gouvernementaux, etc., et s'efforcer de parvenir à un règlement aussi rapide que possible". Par ailleurs, le SDP a diffusé sa propre "Déclaration" le même jour, annonçant que "nous nous félicitons vivement de la Déclaration du secrétaire général du LDP qui représente un pas en avant vers la solution du problème par le gouvernement et les partis au pouvoir". De plus, les secrétaires généraux des six principaux partis de la chambre haute de la Diète japonaise (le parti démocrate libéral, le parti libéral, le parti démocrate, le Komeito, le parti social démocrate, le parti communiste japonais) ont demandé au secrétaire principal du Cabinet d'"oeuvrer en vue d'un règlement rapide de la question sous l'angle humanitaire". Parmi les déclarations des partis politiques, le secrétaire principal du Cabinet a déclaré le même jour lors d'une conférence de presse "que le LDP, le parti libéral, le SDP et d'autres ont intensifié leurs consultations, et que le gouvernement souhaiterait poursuivre ses efforts pour résoudre les diverses questions tout en restant en contact avec les partis au pouvoir". Par ailleurs, le ministre des Transports a déclaré que "le ministère des Transports poursuivra ses efforts si des mesures doivent être prises pour résoudre les diverses questions en entretenant suffisamment le contact avec les partis au pouvoir". En outre, le ministre du Travail a déclaré que "le ministère du Travail déploiera les efforts nécessaires en entretenant des contacts suffisants avec les partis au pouvoir et en coopérant avec le ministère des Transports". Il semble donc, selon le gouvernement, qu'il y ait une nouvelle situation dans le sens d'un règlement du différend par le biais de consultations. De plus, par la suite, le LDP et le SDP se sont efforcés de régler les questions par le biais des consultations exigées par le KOKURO. En ce qui concerne le gouvernement, il continuera à observer les mouvements politiques en direction d'un règlement, en accordant son appui et en poursuivant ses efforts en vue d'un règlement rapide.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 265. Le comité note que le présent cas porte sur deux séries d'allégations. La première a trait au fait que, suite à la décision de privatiser la Société nationale des chemins de fer japonais (JNR) en 1987, les nouvelles sociétés connues sous le nom de Japan Railway Companies, "sociétés JR", n'ont embauché que peu de membres des organisations plaignantes (KOKURO et ZENDORO) au simple motif de leur appartenance syndicale. Par ailleurs, suite au refus des sociétés JR d'embaucher ces travailleurs, ces derniers ont été redéployés dans la société de règlement JNR qui en a licencié par la suite un grand nombre en 1990. La deuxième série d'allégations concerne l'avis des organisations plaignantes selon lequel, bien que les diverses commissions locales des relations professionnelles (LLRC) et la Commission centrale des relations professionnelles (CLRC) aient reconnu l'existence de pratiques déloyales de travail et donc rendu des ordonnances de redressement afin que les sociétés JR prennent les mesures nécessaires pour corriger leurs pratiques discriminatoires, les sociétés intéressées ont cherché à contourner ces mesures en faisant appel systématiquement des ordonnances de redressement. Les organisations plaignantes en concluent que, pour toutes sortes de raisons, le système japonais tel qu'il fonctionne ne protège pas efficacement le droit d'organisation.
  2. 266. Le comité note que la discrimination alléguée à l'embauche et les pertes d'emploi qui s'ensuivirent découlent du contexte de la privatisation de la JNR. A cet égard, le comité estime qu'il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d'entreprises ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d'ingérence antisyndicaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 935.) Dans le cas d'espèce, les plaignants allèguent que les 7 600 travailleurs refusés à l'embauche par les sociétés JR en avril 1987 étaient membres du KOKURO et du ZENDORO. Le comité note que le gouvernement ne réfute pas les allégations selon lesquelles 7 600 travailleurs se sont vu refuser un emploi par les sociétés JR et ont été redéployés dans le règlement JNR qui, par la suite, en avril 1990, a licencié 1 047 employés. Afin de se prononcer en toute connaissance de cause sur les motifs de ce refus d'embauche, le comité demande au gouvernement de fournir des informations supplémentaires à cet égard.
  3. 267. Le comité regrette de constater que ces 1 047 membres du KOKURO et du ZENDORO subissent toujours les conséquences du refus d'embauche, étant donné qu'ils n'ont pas été employés depuis lors et qu'ils risquent d'être au chômage pour une nouvelle période puisque, selon les organisations plaignantes, la procédure judiciaire peut durer encore plusieurs années. A cet égard, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il a pris des mesures dans le passé pour résoudre le conflit entre les sociétés JR et les travailleurs intéressés et qu'il poursuivra ses efforts pour résoudre la question des membres licenciés du KOKURO et du ZENDORO. Le comité exhorte le gouvernement à encourager activement les négociations entre les sociétés JR et les organisations plaignantes en vue de parvenir rapidement à une solution qui satisfasse les parties et qui accorde une compensation équitable aux travailleurs en cause. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard.
  4. 268. S'agissant des allégations selon lesquelles le système juridique au Japon ne protège pas le droit d'organisation, puisque les ordonnances de redressement contre les pratiques de travail déloyales rendues par les commissions des relations professionnelles peuvent être annulées par les tribunaux et que les employeurs ont systématiquement recours aux tribunaux pour retarder la mise en oeuvre de ces ordonnances, le comité note que selon le gouvernement cette allégation est sans aucun fondement et que, dans tous les cas, les dispositions de la Constitution japonaise garantissent à tous un droit d'accès égal à des tribunaux indépendants. Le comité souhaite faire deux observations à cet égard.
  5. 269. Premièrement, le comité estime qu'il est certainement important qu'une autorité judiciaire puisse juger les cas concernant des licenciements et leur illégalité. Il estime néanmoins qu'il appartient au gouvernement de veiller à l'application des conventions internationales du travail sur la liberté syndicale librement ratifiées dont le respect s'impose à toutes les autorités de l'Etat, y compris aux autorités judiciaires. (Voir 313e rapport du comité, cas no 1952 (Venezuela), paragr. 300.) Dans le présent cas, le comité note que la question du licenciement de membres du KOKURO est en cours d'examen par la Haute Cour de Tokyo, et que celle du licenciement de membres du ZENDORO est actuellement devant le tribunal de district de Tokyo. Le comité exprime le ferme espoir que les arrêts rendus seront conformes à la convention no 98. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de ces actions en justice.
  6. 270. Deuxièmement, le comité doit insister sur le fait que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraires à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l'absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 749.) Dans le présent cas, le comité note avec préoccupation les retards excessifs dans la procédure concernant les membres du KOKURO et du ZENDORO dus en grande partie aux appels systématiques contre les ordonnances de redressement rendues par les dix-huit commissions locales des relations professionnelles ainsi que par la Commission centrale des relations professionnelles qui ont suspendu les ordonnances de redressement en question. Les craintes du comité sont renforcées par l'affirmation des organisations plaignantes selon lesquelles un délai de dix ans risque encore de s'écouler avant que ces cas ne soient portés devant la Cour suprême. Le comité note cependant l'indication du gouvernement selon laquelle un nouveau code de procédure civile adopté l'année dernière a défini des procédures qui devraient accélérer le règlement des différends et l'administration de la preuve, et que d'autres mesures ont été établies pour faciliter l'inspection concentrée des preuves et que l'on peut donc s'attendre à une réduction de la durée du procès. Le comité demande au gouvernement de fournir les extraits pertinents du nouveau Code de procédure civile et il veut croire que les procédures établies par le code nouvellement adopté seront efficaces et rapides pour permettre que les cas de discrimination antisyndicale contraires à la convention no 98 soient à l'avenir examinés rapidement afin de garantir des remèdes réellement efficaces. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout développement en la matière.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 271. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Afin de se prononcer en toute connaissance de cause sur les motifs des refus d'embauche par les sociétés JR à l'encontre d'un certain nombre de membres du KOKURO et du ZENDORO, le comité demande au gouvernement de fournir des informations supplémentaires à cet égard.
    • b) Le comité exhorte le gouvernement à encourager activement les négociations entre les sociétés JR et les organisations plaignantes en vue de parvenir rapidement à une solution qui satisfasse les parties et qui accorde une compensation équitable aux travailleurs en cause. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard.
    • c) Rappelant qu'il appartient au gouvernement de veiller à l'application des conventions internationales du travail librement ratifiées dont le respect s'impose à toutes les autorités de l'Etat, y compris aux autorités judiciaires, le comité espère que les jugements rendus par les tribunaux sur le licenciement de membres du KOKURO et du ZENDORO seront conformes à la convention no 98. Il demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de ces actions en justice.
    • d) Le comité demande au gouvernement de fournir les extraits pertinents du nouveau Code de procédure civile et veut croire que la procédure établie par ce code sera efficace et rapide pour permettre aux cas de discrimination antisyndicale contraires à la convention no 98 d'être à l'avenir examinés rapidement en vue de parvenir à des remèdes vraiment efficaces; il demande au gouvernement de le tenir informé de tout développement à cet égard.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer