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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration - Rapport No. 331, Juin 2003

Cas no 1991 (Japon) - Date de la plainte: 12-OCT. -98 - Clos

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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration

Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
  1. 45. Le comité a examiné ce cas, qui concerne des allégations d’actes de discrimination antisyndicale consécutifs à la privatisation de la Société nationale des chemins de fer japonais (JNR), pour la dernière fois à sa session de juin 2001. Le comité a dit regretter que, bien que toutes les parties aient accepté l’accord quadripartite en mai 2000, aucun progrès tangible n’eût été accompli. Le comité a prié instamment toutes les parties concernées d’entamer sans délai des négociations sérieuses en vue de parvenir rapidement à une solution satisfaisante qui garantisse aux travailleurs licenciés une compensation équitable. [Voir 327e rapport, paragr. 70-73.]
  2. 46. Dans une communication datée du 5 novembre 2002, le KENKORO-TETSUDOHONBU (autrefois appelé ZENDORO, l’un des premiers plaignants) indique que, le 24 octobre 2002, la Haute Cour de Tokyo a rejeté le recours qu’il avait interjeté contre la décision du 29 mars 2000 du tribunal de district de Tokyo. L’organisation plaignante déclare que, pour la première fois, la Haute Cour de Tokyo a reconnu la responsabilité de la Société nationale des chemins de fer japonais en tant qu’«employeur» et a admis que l’opposition du ZENDORO et de ses membres aux projets de privatisation avait joué un rôle important dans l’évaluation des travailleurs qui devaient être recrutés dans les nouvelles compagnies, et que les membres du ZENDORO avaient de ce fait été jugés défavorablement, d’où des disparités importantes dans les taux de recrutement des travailleurs en fonction de leur affiliation syndicale. Toutefois, la Haute Cour a conclu par la même occasion que ce traitement discriminatoire ne constituait pas une pratique de travail déloyale, alors que l’organisation plaignante estime qu’il est en contradiction avec l’article 1 2) b) de la convention no 98 et l’article 2 de la convention no 87. L’organisation plaignante ajoute que cela est contraire à l’engagement pris à plusieurs reprises par les représentants du gouvernement et de la JNR de veiller à ce qu’aucune discrimination ne soit exercée en fonction de l’appartenance ou des activités syndicales au moment de la sélection des travailleurs de la nouvelle entreprise. Le KENKORO-TETSUDOHONBU compte interjeter appel contre la décision de la Haute Cour de Tokyo auprès de la Cour suprême. L’organisation plaignante rappelle que plus de dix ans se sont écoulés depuis le licenciement des membres du ZENDORO par la JNR et que deux des 62 travailleurs concernés sont déjà décédés, ce qui rend d’autant plus nécessaire de trouver une solution rapidement. Dans une autre communication, en date du 13 février 2003, le KENKORO déclare que le gouvernement a adopté une position d’attente et que l’absence de toute consultation sérieuse et réelle de la part du gouvernement et de la JNR est un obstacle sérieux à la recherche d’une solution au problème du non-recrutement de ses membres.
  3. 47. Dans une communication datée du 25 décembre 2002, le Syndicat national des travailleurs des chemins de fer (KOKURO) fait savoir que l’accord quadripartite a été annulé le 6 décembre 2002, les trois partis au pouvoir s’étant retirés unilatéralement de cet accord. Le KOKURO avait commencé par accepter l’accord et les importantes concessions qu’il renfermait, étant convaincu de la nécessité de parvenir à un règlement rapide pour apporter un soulagement aux travailleurs licenciés; il reconnaît toutefois aujourd’hui que certains de ses membres étaient opposés à ce revirement de politique, et insistaient pour faire reconnaître la responsabilité juridique de la JNR. Selon le KOKURO, les partis au pouvoir n’ont rien fait pour régler vraiment le problème, prétextant l’existence d’un courant minoritaire dans le syndicat. Le KOKURO continue d’espérer qu’il y aura un règlement négocié avec la JNR et le gouvernement, y compris au niveau politique si nécessaire. Le KOKURO ajoute que plus de seize ans se sont écoulés depuis la privatisation de la JNR, que cela fait près de quatorze ans que les comités d’établissement ont rendu des ordonnances de redressement en faveur de ceux de ses membres qui avaient fait l’objet d’une discrimination, que 26 d’entre eux sont déjà décédés et que, parmi les 1 047 membres qui ont été lésés, beaucoup ont dépassé l’âge de la retraite dans la JNR. Plus le temps passe et plus sera illusoire toute mesure qui pourrait être prise. Dans une autre communication en date du 25 février 2003, le KOKURO critique la décision de la Haute Cour, qui lui paraît être contraire à l’esprit des recommandations du comité et un frein supplémentaire à la recherche d’une solution satisfaisante pour les parties.
  4. 48. Dans sa communication du 28 octobre 2002, le gouvernement déclare que les partis au pouvoir estiment que la mise en œuvre de l’accord quadripartite restera impossible tant qu’il y aura des contradictions au sein du KOKURO et que celui-ci doit avant toute chose s’efforcer de surmonter ces contradictions et de rallier tous ses membres au résultat obtenu, s’il ne veut pas les voir se retirer de l’accord. Bien que le KOKURO ait adopté des «directives» à ce sujet lors de sa (69e) convention extraordinaire, le 27 mai 2002, les dissensions internes n’ont pas complètement disparu, comme le montre, en particulier, le refus de près de 280 membres de retirer leur plainte contre la JNR. Pour sa part, le gouvernement estime que la seule solution qui reste est une solution politique, pour des raisons humanitaires. Entre avril et septembre 2002, il a tenu 34 réunions avec des partis politiques et six réunions avec le KOKURO pour essayer de régler ces problèmes.
  5. 49. Dans sa communication du 6 janvier 2003, le gouvernement indique que le KOKURO a tenu, en novembre 2002, une autre (70e) convention nationale, où l’accent était mis sur la question de savoir si le KOKURO pouvait appliquer la directive adoptée lors de la précédente convention. Il ajoute que cette convention s’est contentée d’adopter une autre directive qui est un pas en arrière par rapport à la précédente, et que les partis au pouvoir trouvent cela inacceptable et reprochent au KOKURO, en agissant ainsi, de rejeter une solution politique qui repose sur l’accord quadripartite. D’où la décision qu’ils ont prise, le 6 décembre 2002, d’abandonner cette solution, annulant ainsi l’accord quadripartite. Depuis janvier 2001, le gouvernement a rencontré 79 fois les partis politiques, 26 fois le KOKURO et 4 fois la JNR. Il estime avoir fait tout ce qu’il pouvait en ce qui concerne le non-recrutement de l’ancien personnel de la JNR. Il n’y a eu rien de nouveau en ce qui concerne le non-recrutement des membres du KOKURO, cette affaire n’ayant toujours pas été jugée par la Cour suprême; pour ce qui est du non-recrutement des membres du KENKORO, la Haute Cour de Tokyo a rejeté l’appel du syndicat, concluant à l’absence de toute pratique de travail déloyale dans la procédure de recrutement.
  6. 50. Dans sa communication du 10 avril 2003, le gouvernement juge trop formaliste, et même trompeuse, l’interprétation que fait le ZENDORO du jugement rendu par la Haute Cour de Tokyo. Selon le gouvernement, le tribunal a effectivement estimé que les membres du ZENDORO avaient bien été pénalisés dans l’affaire du recrutement par les nouvelles sociétés (leur opposition résolue à la privatisation ayant joué un rôle à cet égard, de même que les nombreuses actions qu’ils avaient menées en violation des normes générales du travail, comme les grèves illicites), mais que cela ne constituait pas une pratique de travail déloyale. Le jugement de la Haute Cour de Tokyo précise que, si les membres du ZENDORO n’ont pas été recrutés, c’est non pas en raison de leur affiliation au ZENDORO ou de leurs activités légales en tant que membres du syndicat, mais parce qu’ils avaient mené à plusieurs occasions des actions contraires aux normes générales du travail, y compris des grèves illicites pour protester contre la privatisation et la division de la JNR. Ces actions ont joué un rôle au moment du recrutement. Le gouvernement rappelle que 17 actions en justice ont été intentées devant le tribunal de district de Tokyo (16 par le KOKURO, et une par le ZENDORO), et que la Haute Cour de Tokyo a rejeté 15 des 16 recours intentés, acceptant celui du ZENDORO, où elle a reconnu que la JNR avait une responsabilité en tant qu’employeur, tout en précisant qu’il ne s’agissait pas d’une pratique de travail déloyale. A l’heure actuelle, 14 de ces affaires sont encore en instance devant la Cour suprême.
  7. 51. Dans cette même communication, le gouvernement fait le point de la situation et des efforts qui ont été déployés à tous les stades de la réforme:
    • – le plan initial de réforme de la JNR prévoyait des réductions massives d’effectifs (le personnel passant de 277 000 à 215 000 personnes); toutefois, ces réductions d’effectifs n’étaient pas les mêmes partout selon les régions (à Hokkaido, on devait licencier une personne sur deux; à Kyushu, une personne sur trois; et à Honshu, une personne sur six), et les possibilités de réembauche variaient en fonction de la région. Pour compenser ce déséquilibre, la JNR a procédé à des mutations entre régions à partir de 1986, mais la plupart des personnes qui ont accepté ces mutations faisaient partie du TETSURO et du DORO;
    • – la Société de transition («Settlement Corporation») a fait tout son possible pour trouver un emploi aux 7 628 anciens salariés de la JNR qui n’avaient pas été réengagés lors de la mise en exploitation de la JNR en avril 1987. Le résultat de ces efforts est que 6 581 personnes ont retrouvé un emploi, et que les 1 047 autres ont rejeté l’offre de la société. Le ministère des Transports de l’époque a exercé des pressions supplémentaires sur la JNR pour qu’elle en prenne un certain nombre. Toutefois, le KOKURO et le KENKORO ayant insisté pour que ces personnes soient prises par la JNR locale, le nombre des personnes qui ont postulé pour un emploi a été moins important que prévu; en fin de compte, seules 1 606 personnes ont réintégré la JNR dans le cadre des mesures d’embauche supplémentaire;
    • – en 1992, la Commission centrale des relations professionnelles (CLRC) a proposé un plan de règlement au KOKURO, au KENKORO et à la JNR. Cette dernière a déclaré qu’elle examinerait le plan; les syndicats l’ont ignoré;
    • – d’autres efforts ont encore été faits en vue de parvenir à un règlement politique, y compris l’accord quadripartite, que le Comité de la liberté syndicale avait recommandé d’accepter, mais qui a échoué en raison du désaccord des syndicats, ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus (dissensions internes au sein du KOKURO; refus catégorique du KENKORO).
  8. 52. Pour résumer, on peut dire que les mesures en faveur des travailleurs qui avaient été licenciés ont été considérées comme l’une des questions les plus importantes pendant toute la réforme de la JNR. Sur les 277 000 salariés de la JNR, environ 66 000 ont opté pour un départ anticipé à la retraite ou un transfert dans le secteur public. Après la réforme, la société de transition de la JNR a prévu pour les 7 600 personnes qui n’avaient toujours pas retrouvé un emploi une période spéciale de mesures de redéploiement de trois ans, avec salaire, formation et orientation professionnelle garantis, ce qui a permis à près de 6 600 personnes de retrouver un emploi. Pendant cette période, la JNR a encore recruté 1 606 personnes. Les 1 047 personnes qui restent sont des membres du KOKURO qui veulent absolument être embauchés par la JNR locale, et qui ont rejeté les offres qui leur avaient été faites pendant cette période de trois ans. Ces syndicats ont également rejeté l’offre qui leur a été faite au niveau politique pour des raisons humanitaires. Il serait injuste pour tous ceux – une écrasante majorité – qui ont accepté des compromis pendant la réforme et qui considèrent que l’affaire est réglée, de réclamer aujourd’hui des mesures supplémentaires en faveur de ces salariés.
  9. 53. Le comité note avec préoccupation qu’aucun accord n’a pu être trouvé en ce qui concerne l’application de l’accord quadripartite de mai 2000. Sans vouloir attribuer des responsabilités pour cet échec, le comité rappelle qu’à sa session de novembre 2000 il avait prié instamment toutes les parties concernées d’accepter cet accord, estimant qu’il offrait «une possibilité réelle de résoudre rapidement la question du non-recrutement par la JNR». [Voir 323e rapport, paragr. 376.] Le comité note que la Haute Cour de Tokyo a déclaré pour la première fois dans son jugement d’octobre 2002 que la JNR avait une responsabilité en tant qu’employeur et que l’opposition du KOKURO et du KENKORO à la privatisation avait joué un rôle en matière de recrutement, même si la Cour a conclu à l’absence de toute pratique de travail déloyale. Le comité souligne l’importance de la question qui est examinée ici, à savoir celle du traitement préférentiel au moment du recrutement, au regard des principes de la liberté syndicale qui devrait être traitée par le gouvernement. Tout en prenant note des nombreux efforts qui ont été faits dans diverses instances et à tous les stades du processus de réforme, le comité prie instamment le gouvernement et les parties concernées de poursuivre ses efforts pour trouver une solution équitable et acceptable pour le plus grand nombre possible de travailleurs; cela devient d’autant plus urgent que les événements en question remontent à 1987, et que plusieurs des travailleurs concernés sont déjà décédés ou ont déjà dépassé l’âge de la retraite, ce qui rendra illusoire toute solution qui pourrait être trouvée. Le comité demande également au gouvernement de lui communiquer une copie des décisions de la Cour suprême concernant les membres du KOKURO et du KENKORO.
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