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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 316, Juin 1999

Cas no 1996 (Ouganda) - Date de la plainte: 24-NOV. -98 - Clos

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642. Dans une communication en date du 24 novembre 1998, la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir (FITTHC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de l'Ouganda.

  1. 642. Dans une communication en date du 24 novembre 1998, la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir (FITTHC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de l'Ouganda.
  2. 643. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 10 février 1999.
  3. 644. L'Ouganda n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 645. Dans sa plainte en date du 24 novembre 1998, la FITTHC soutient que le gouvernement de l'Ouganda n'a pas pris les dispositions nécessaires pour obliger les employeurs du secteur textile à respecter le droit syndical. Plus précisément, la FITTHC affirme que, malgré un total de 2 420 travailleurs affiliés répartis dans 16 usines, avec plus de 50 pour cent des effectifs dans 13 de ces usines (une liste des membres est jointe à la plainte et figure à l'annexe I du présent cas), son organisation affiliée, le Syndicat du textile, de l'habillement, du cuir et des secteurs connexes de l'Ouganda (UTGLAWU), n'est reconnue que dans une seule entreprise textile, la Uganda Fish-Net Manufacturers Ltd., qui compte 200 membres à jour dans leurs cotisations. Or cet employeur lui-même menace de suivre les autres et de ne plus reconnaître le syndicat.
  2. 646. La FITTHC fait remarquer que l'UTGLAWU est le seul syndicat opérant dans le secteur en Ouganda. Sans une reconnaissance formelle, il est impossible à ce syndicat de représenter les intérêts de ses membres. Aujourd'hui, compte tenu des changements structurels majeurs intervenus dans les industries du textile, de l'habillement et du cuir, les travailleurs des petites entreprises privées remplaçant les industries gérées par l'Etat ont plus que jamais besoin d'une représentation effective. Ceci est irréalisable en ce moment pour de nombreuses raisons à la fois juridiques et pratiques. S'agissant de la législation, si la liberté syndicale est garantie par la Constitution de 1995, le décret de 1976 sur les syndicats contient les dispositions restrictives suivantes: i) un nombre minimal de 1 000 membres pour la constitution d'un syndicat (art. 8(3)); enfin, ii) l'obligation pour le syndicat de représenter 51 pour cent des travailleurs pour être reconnu par l'employeur aux fins de la négociation collective (art. 19(1)(e)). Toutefois, le 9 septembre 1997, le ministre de la Justice/Procureur général, M. B. Katureebe, a donné une interprétation juridique indiquant que les dispositions susmentionnées du décret sur les syndicats sont frappées de nullité étant donné qu'elles restreignent les droits à la liberté syndicale garantis par la Constitution. (Le texte de la lettre du Procureur général est joint à la plainte et figure à l'annexe II du présent cas.)
  3. 647. S'agissant de la pratique concernant la représentation effective par un syndicat, la FITTHC affirme que les neuf entreprises textiles suivantes gérées par l'Etat se sont retirées de l'accord reconnaissant les syndicats à la suite de la privatisation:
    • -- Nytil Picfare Ltd. (privatisée le 20 mars 1996);
    • -- Leather Industry of Uganda Ltd. (privatisée le 8 août 1995);
    • -- Uganda Bags and Hessian Mills Ltd. (privatisée le 18 décembre 1993);
    • -- African Textile Mills Ltd. (privatisée le 16 mars 1996);
    • -- Rayon Textile Mills Ltd. (privatisée en 1993);
    • -- Uganda Blanket Manufacturer Ltd. (privatisée le 10 janvier 1997);
    • -- Uganda Garments Industry Ltd. (fermée dans l'attente de la privatisation);
    • -- Uganda Spinning Mills Ltd. (partiellement fermée dans l'attente de la privatisation);
    • -- Lango Development Corp. Ltd. (privatisée en 1998).
      • Des conflits officiels ont été déclarés par l'UTGLAWU dans les entreprises suivantes: Nytil Picfare Ltd., Vitafoam Ltd., Leather Industries of Uganda (cas présenté le 2 janvier 1998 concernant 70 membres); Kimkoa Industry Ltd. (cas présenté le 8 décembre 1997 concernant 50 membres); Tuf Foam (Uganda) Ltd. (cas présenté le 2 décembre 1997 concernant 60 membres); enfin, Marine and Agro Export Processing Co. Ltd. (cas présenté le 2 décembre 1997 concernant 400 membres).
    • 648. Selon la FITTHC, un cas en particulier a créé un précédent très dommageable. Nytil Picfare a refusé de traiter avec le syndicat depuis qu'elle a été privatisée en 1996. Suite à cette privatisation, plusieurs des 9 000 travailleurs ont été licenciés. Les travailleurs qui ont résisté ont fait l'objet de licenciements sommaires.
  4. 649. L'accord concernant la vente des biens de Nyanza Textile Industries Ltd. (NYTIL) à Nytil Picfare Ltd., négocié par le ministre d'Etat chargé des finances (privatisation), prévoit -- et c'est regrettable -- les conditions suivantes:
    • L'acheteur sera entièrement libre d'embaucher toute personne précédemment employée par le vendeur selon les termes et conditions convenus entre l'acheteur et cet employé; de même, l'acheteur ne sera lié par aucun arrangement ou contrat conclu par le vendeur avec un syndicat quelconque et n'aura aucune obligation vis-à-vis des travailleurs syndiqués employés précédemment par le vendeur.
    • De l'avis de la FITTHC, ces clauses enfreignent les lois nationales sur le travail et appellent à une collaboration entre le gouvernement ougandais et les investisseurs de l'industrie privée.
  5. 650. Par ailleurs, la FITTHC fait valoir que, forte de cette clause figurant dans l'accord de vente, Nytil Picfare Ltd. a tout bonnement refusé de s'acquitter de ses obligations légales concernant la syndicalisation, en dépit du fait que le syndicat ait réussi à obtenir l'adhésion de 1 100 travailleurs actuellement employés par l'entreprise. La direction a même refusé de participer à des réunions convoquées par le ministère du Travail. Le Commissaire au travail, pour sa part, a fait valoir dans une lettre en date du 2 septembre 1998 que les questions relatives à l'entreprise Nytil Picfare Ltd. dépassent les compétences du ministère et sont traitées par le président lui-même. La Centrale nationale des syndicats, l'UTGLAWU et la FITTHC ont à de nombreuses reprises demandé au gouvernement de se prononcer en faveur de la reconnaissance des syndicats mais, malgré les assurances que toutes les mesures seraient prises pour régler la question de manière rapide et satisfaisante, la situation n'a pas évolué. Une fois encore, cette situation semble indiquer une collusion entre le gouvernement et des employeurs.
  6. 651. La FITTHC insiste sur le fait que la situation dans l'entreprise Nytil Picfare a encouragé d'autres entreprises à lui emboîter le pas. A titre d'exemple, M. B. Gopal, directeur de Leather Industries of Uganda Ltd., dans une lettre à l'UTGLAWU en date du 7 septembre 1998, déclare en toute clarté:
    • Nous avons appris en outre que même de très grandes entreprises industrielles, comme par exemple la Nytil Picfare Ltd., employant plus d'un millier de travailleurs ne vous ont toujours pas reconnu, alors qu'elles sont opérationnelles depuis plus longtemps que nous. En conséquence, nous vous proposons d'entamer les discussions concernant votre demande de reconnaissance le moment venu lorsque notre situation commerciale sera meilleure et aussi une fois que vous serez reconnu par les bons fabricants de vêtements récemment reconstitués. (Les propos en italiques sont de B. Gopal lui-même.)
  7. 652. La FITTHC ajoute que, parmi les autres secteurs particulièrement touchés par le refus de la direction de reconnaître les syndicats à la suite de mesures d'ajustement structurel, on peut citer les transports ferroviaires et l'hôtellerie. En conclusion, l'organisation plaignante soutient que le refus du gouvernement d'obliger l'employeur à reconnaître un syndicat lorsque celui-ci satisfait à toutes les exigences légales constitue une violation des conventions nos 87 et 98 sur la liberté syndicale et le droit de négociation collective, et demande au Comité de la liberté syndicale d'ouvrir d'urgence une enquête.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 653. Le gouvernement affirme son attachement aux droits fondamentaux des travailleurs et au droit à la liberté syndicale en tant que fondement des autres droits. Cet attachement est exprimé dans les dispositions de la Constitution nationale de 1995. La liberté syndicale et le droit d'organisation et de négociation collective sont garantis par les articles 29(1)(e) et 40(3) de la Constitution. Cette position est reconnue dans la plainte.
  2. 654. Il est également vrai cependant que l'article 19(1)(e) du décret no 20 de 1976 sur les syndicats, qui prévoit qu'un syndicat doit avoir une majorité d'au moins 51 pour cent pour être reconnu par un employeur, n'est pas compatible avec la nouvelle Constitution de 1995. Ce problème a déjà été reconnu par le gouvernement et est actuellement traité dans le cadre du processus de réforme de la législation du travail auquel participe l'OIT.
  3. 655. Le gouvernement explique que les intentions et les objectifs de ses politiques de réforme économique, de privatisation et de ses programmes de désengagement ont visé à réadapter l'économie et à établir les bases de la croissance économique durable, du développement national et de la réduction de la pauvreté. En rapport avec ce qui précède, le gouvernement estime qu'il est important de faire ressortir que l'assertion de l'organisation plaignante selon laquelle 9 000 travailleurs ont perdu leur emploi en raison de la privatisation est fausse. Ces emplois n'ont pas été perdus à cause de la privatisation mais en raison d'une mauvaise gestion et d'un démembrement de l'actif. Les entreprises en question avaient cessé leurs opérations et avaient déjà été fermées. Dans la plupart des cas, ces entreprises auraient cessé de fonctionner depuis plus d'un an au moment du désengagement. A l'inverse donc, la cession de ces entreprises aux nouveaux propriétaires privés, qui les ont relancées, a rétabli les chances pour certains travailleurs de continuer à travailler, créant ainsi des membres potentiels pour le syndicat.
  4. 656. Le gouvernement fait ensuite remarquer que, sur les treize entreprises énumérées par l'organisation plaignante dans l'annexe I, seules quatre d'entre elles (NYTIL, African Textile Mills, Uganda Leather and Tanning Industry et Lango Development) ont été privatisées dans le cadre du programme de réforme et de désengagement du gouvernement. Cinq autres (MULCO, Uganda Garments (1973) Uganda Fish-Net Manufacturers, Uganda Blanket Manufacturers et Uganda Rayon Textiles) ont été remises entre les mains des anciens propriétaires dans le cadre de la loi de 1982 sur les biens des expatriés, tandis que deux d'entre elles (United Garments Industry Ltd. et Uganda Bags and Hessian Mills) ont été mises en redressement judiciaire et l'une d'entre elles (Blue Bird) n'était pas une entreprise publique. Il est donc inexact de la part de l'organisation plaignante de prétendre que le nombre de ses membres a été affecté principalement par la mise en oeuvre du programme de désengagement du gouvernement.
  5. 657. S'agissant du cas de Nytil Picfare, le gouvernement indique que les dispositions citées dans l'accord pour la vente des actifs de Nytil à Nytil Picfare n'empêchent pas les travailleurs de se syndiquer en vertu des lois du travail. Nytil n'a pas été vendue comme entreprise prospère. Le gouvernement s'est contenté de vendre les actifs de Nytil à Nytil Picfare. En conséquence, il y a eu une nouvelle raison sociale, et la pratique normale serait pour le syndicat de passer un nouvel accord de reconnaissance avec la nouvelle entreprise. L'esprit et l'effet des dispositions citées étaient simplement de préciser et de souligner que Nytil, et non pas Nytil Picfare, resterait responsable des obligations vis-à-vis des travailleurs dans le cadre des accords avec le syndicat, y compris le règlement des indemnités de départ.
  6. 658. Le gouvernement estime en outre que l'assertion selon laquelle il y aurait eu collusion entre le gouvernement et les employeurs est malheureuse. Le problème de la non-reconnaissance des syndicats fait l'objet de la préoccupation de l'ensemble des partenaires sociaux. Le gouvernement a abordé la question dans des réunions tripartites régulières et a maintenu un dialogue régulier avec les employeurs concernés. Les interprétations demandées auprès du Procureur général et la révision de la législation du travail traduisent clairement la volonté réelle du gouvernement de se saisir de cette préoccupation. En outre, tandis que le gouvernement poursuit ses efforts à l'échelon national, le gouvernement et les partenaires sociaux auront inévitablement besoin d'une aide technique pour renforcer leurs capacités institutionnelles et sensibiliser les parties en présence.
  7. 659. En conclusion, le gouvernement réaffirme son engagement envers les droits fondamentaux des travailleurs et sa détermination à les promouvoir. Il incombe donc au gouvernement et aux partenaires sociaux de resserrer leurs efforts de collaboration en vue de trouver à l'amiable des solutions pour la protection et la promotion de la justice sociale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 660. Le comité note que les allégations dans le présent cas sont à la fois de nature législative et factuelle en ce qui concerne le refus de reconnaissance de syndicats aux fins de la négociation collective.
  2. 661. S'agissant de l'aspect législatif du cas, l'organisation plaignante allègue que, tandis que la Constitution ougandaise garantit la liberté syndicale, le décret de 1976 sur les syndicats contient des dispositions rendant difficile pour un syndicat d'être reconnu par l'employeur aux fins de la négociation collective. Le comité note que le gouvernement ne réfute pas cette allégation. Au contraire, il reconnaît que les dispositions en question ne sont pas compatibles avec la Constitution ougandaise. Le comité, pour sa part, note que l'article 8(3) du décret de 1976 sur les syndicats dispose qu'"aucun syndicat ne pourra être enregistré s'il ne compte pas au minimum 1 000 membres enregistrés" et que l'article 19(1)(e) prévoit que "tout employeur sera tenu de reconnaître un syndicat enregistré auquel au moins 51 pour cent de ses salariés ont adhéré librement et pour lequel le greffier a délivré un certificat attestant que ce syndicat est l'organe de négociation avec qui l'employeur doit traiter pour les questions relatives à la relation entre l'employeur et ses salariés qui entrent dans le champ de l'affiliation du syndicat enregistré".
  3. 662. Le comité estime que les deux dispositions susmentionnées donnent lieu à deux séries distinctes de problèmes du point de vue de la liberté syndicale. S'agissant de l'exigence contenue dans l'article 8(3) du décret selon laquelle il faut au minimum 1 000 membres pour constituer un syndicat, le comité est d'avis que, s'il est vrai que les fondateurs d'un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, ces formalités, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la liberté de constitution des organisations. En effet, le comité estime que la création d'un syndicat peut être considérablement gênée ou même rendue impossible lorsque la législation fixe le nombre minimal des membres d'un syndicat à un niveau manifestement trop élevé, ce qui est le cas, par exemple, lorsque la législation dispose qu'un syndicat doit compter au moins 50 membres fondateurs. Cependant, le nombre minimal de 20 membres fixé pour la création d'un syndicat ne semble pas exagéré ni, par conséquent, être en soi un obstacle à la constitution d'un syndicat. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 248, 255 et 256.) A la lumière de ce qui précède, le comité ne peut que conclure que le nombre minimal de membres requis dans l'article 18(3) du décret sur les syndicats risque de compromettre le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable. Ceci risque d'autant plus d'arriver lorsque l'article 18(3) est lu conjointement avec l'article 19(1)(e) qui accorde des droits exclusifs de négociation à un syndicat représentant 51 pour cent des travailleurs concernés. Dans ce type de situation, le comité a déjà estimé que le critère du nombre minimal de 1 000 membres prévu par la loi pour obtenir des droits exclusifs de négociation risque de priver les travailleurs des petites unités de négociation ou d'unités dispersées dans de vastes zones géographiques du droit de constituer des organisations qui pourraient pleinement exercer leurs activités syndicales, le tout contrairement aux principes de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 832.)
  4. 663. Par ailleurs, s'il n'est pas nécessairement incompatible avec la convention no 98 de prévoir que le syndicat le plus représentatif dans une unité donnée sera l'agent exclusif de négociation au nom de cette unité, l'article 19(1)(e) du décret sur les syndicats oblige un employeur à reconnaître un syndicat aux fins de la négociation collective uniquement lorsque celui-ci représente une majorité absolue des travailleurs concernés. Le comité estime qu'une telle disposition n'encourage pas la négociation collective au sens de l'article 4 de la convention no 98, étant donné qu'il y a un risque que la négociation collective n'ait pas lieu au cas où le syndicat ne représenterait pas la majorité absolue des travailleurs concernés. Le comité estime donc que lorsque, dans le cadre d'un système de nomination d'un agent exclusif de négociation, aucun syndicat ne regroupe plus de 50 pour cent des travailleurs, les droits de négociation collective devraient cependant être accordés à tous les syndicats de cette unité, au moins au nom de leurs propres membres, ou ils devraient pouvoir négocier conjointement une négociation collective applicable à l'unité de négociation. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 831 et 833.)
  5. 664. Pour toutes les raisons susmentionnées, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les articles 8(3) et 19(1)(e) du décret de 1976 sur les syndicats soient mis en conformité avec les principes de la liberté syndicale énoncés dans les paragraphes précédents. Notant que le gouvernement reconnaît que ces dispositions ne sont pas compatibles avec la nouvelle Constitution ougandaise de 1995 et que des mesures pour régler ce problème sont actuellement adoptées dans le cadre du processus de réforme de la législation du travail qui a lieu actuellement dans le pays, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tout développement en la matière.
  6. 665. S'agissant des aspects factuels de ce cas, le comité note que l'organisation plaignante soulève deux séries d'allégations. La première a trait au fait que, à la suite de la privatisation d'un certain nombre d'industries dans les années quatre-vingt-dix dans lesquelles l'organisation affiliée à l'organisation plaignante, le Syndicat du textile, de l'habillement, du cuir et des secteurs connexes de l'Ouganda (UTGLAWU) avait organisé les travailleurs; de nombreux travailleurs, y compris des membres de l'UTGLAWU, ont perdu leur emploi. Ceci expliquerait la différence entre le nombre actuel de membres de l'UTGLAWU par rapport au nombre total durant les années quatre-vingt (annexe I). Le gouvernement reconnaît que des travailleurs, y compris des membres de l'UTGLAWU, ont perdu leur emploi mais conteste que ceci a eu lieu à la suite de la privatisation. Selon lui, les pertes d'emplois ont eu lieu bien avant la privatisation, étant donné que les entreprises en question avaient cessé les opérations depuis plus d'un an au moment de la cession des actifs. Par ailleurs, seules quelques-unes des entreprises énumérées par l'organisation plaignante où les pertes d'emplois ont eu lieu ont été privatisées contrairement aux affirmations de l'organisation plaignante. A cet égard, le comité estime qu'il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d'entreprises ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d'ingérence antisyndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 935.) Dans le cas concret en présence, dans la mesure où tous les travailleurs anciennement employés par les entreprises privatisées dans le cadre du programme de réforme et de désengagement du gouvernement ont été touchés (qu'ils aient été ou non membres ou dirigeants de syndicats), le comité conclut que la question de la discrimination antisyndicale ne se pose pas en principe.
  7. 666. Le comité note que la deuxième allégation de nature factuelle a trait à la non-reconnaissance de l'UTGLAWU par la direction de plusieurs entreprises à la suite de la privatisation malgré le fait que les syndicats aient réussi à répondre aux sévères obligations énoncées dans le décret sur les syndicats au sujet de la reconnaissance des syndicats. L'organisation plaignante affirme en outre qu'une entreprise en particulier, la Nytil Picfare Ltd., qui emploie 1 100 membres de l'UTGLAWU, a non seulement refusé de reconnaître le syndicat, mais a même refusé de participer à des réunions convoquées par le ministère du Travail à cette fin. A la suite de cela, d'autres entreprises ont emboîté le pas à cette dernière et refusé de reconnaître le syndicat. Le comité note que le gouvernement, pour sa part, reconnaît que le problème de la non-reconnaissance des syndicats est pour lui un sujet de préoccupation et qu'il a essayé de régler ce problème lors de réunions tripartites et en poursuivant le dialogue avec les employeurs concernés. En outre, le processus de révision de la législation du travail est une autre indication claire de la volonté réelle du gouvernement de se saisir de cette préoccupation qu'il partage.
  8. 667. Le comité souhaiterait rappeler qu'il a toujours été d'avis qu'aucune disposition de l'article 4 de la convention no 98 n'impose à aucun gouvernement l'obligation de recourir à des mesures de contrainte pour obliger les parties à négocier avec une organisation déterminée, mesures qui auraient clairement pour effet de transformer le caractère de telles négociations. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 846.) Par ailleurs, il a aussi adopté le point de vue selon lequel les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu'employeurs, devraient reconnaître, aux fins de la négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu'ils occupent ou les organisations représentatives des travailleurs dans une branche particulière. Si le syndicat intéressé se révèle grouper la majorité des travailleurs, les autorités devraient prendre des mesures de conciliation appropriées en vue d'obtenir la reconnaissance, par l'employeur, de ce syndicat aux fins de la négociation collective. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 821, 823 et 824.) Dans la situation présente, le comité note que l'UTGLAWU est l'organisation la plus représentative, sinon la seule, de travailleurs dans le secteur textile de l'Ouganda. Le comité note en outre que le gouvernement semble avoir adopté un certain nombre de mesures de conciliation pour obtenir la reconnaissance par les employeurs de l'UTGLAWU à des fins de négociation collective, malheureusement sans résultat. Le comité ne peut que regretter cet état de fait qui constitue une violation flagrante de l'article 4 de la convention no 98 ratifiée par l'Ouganda. Notant que l'UTGLAWU a introduit des recours contre un certain nombre d'entreprises, à savoir Nytil Picfare Ltd., Vitafoam Ltd., Leather Industries of Uganda, Kimkoa Industry Ltd., Tuf Foam (Ouganda) Ltd., et Marine and Agro Export Processing Co. Ltd., pour obtenir la reconnaissance à des fins de négociation collective, le comité veut croire que les décisions rendues seront conformes aux principes de la négociation collective. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des diverses procédures judiciaires.
  9. 668. Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas en rapport avec l'application de la convention no 98.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 669. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les articles 8(3) et 19(1)(e) du décret de 1976 sur les syndicats soient amendés pour être mis en conformité avec les principes de la liberté syndicale, y compris ceux énoncés dans ses conclusions. Notant que le gouvernement déclare que des mesures sont déjà prises pour régler ce problème dans le cadre du processus de réforme de la législation du travail en cours dans le pays, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tout développement à cet égard.
    • b) Notant que le Syndicat du textile, de l'habillement, du cuir et des secteurs connexes de l'Ouganda (UTGLAWU) a introduit des recours concernant un certain nombre d'entreprises, à savoir Nytil Picfare Ltd., Vitafoam Ltd., Leather Industries of Uganda, Kimkoa Industry Ltd., Tuf Foam (Ouganda) Ltd., et Marine and Agro Export Processing Co. Ltd., pour obtenir la reconnaissance aux fins de la négociation collective, le comité veut croire que les décisions rendues seront compatibles avec les principes de la négociation collective. Il demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de ces diverses procédures judiciaires.
    • c) Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas en rapport avec l'application de la convention no 98.

Annexe I

Annexe I
  1. =================================================
  2. ================
  3. Nom de l'industrie/entreprise Années quatre-vingt:
  4. nombre total de
  5. membres syndiqués
  6. =================================================
  7. ================
  8. 1. Nyanza Textile Industry Ltd. (NYTILI) 6 500
  9. 2. MULCO 3 500
  10. 3. African Textile Mills (ATM) 2 000
  11. 4. Blue Bird 60
  12. 5. Uganda Bags and Hessian Mills Ltd. (JUTE) 600
  13. 6. Uganda Spinning Mills Ltd. 2 000
  14. 7. Lango Development Co. Ltd-L ira 350
  15. 8. Uganda Garments (1973) Ltd. 80
  16. 9. Uganda Leather and Tanning Industry Ltd. 300
  17. 10. Uganda Fish-Net Manufacturers Ltd. 250
  18. 11. United Garments Industry Ltd. 600
  19. 12. Uganda Blanket Manufacturers Ltd. 400
  20. 13. Uganda Rayon Textiles Ltd. 500
  21. Nombre total de membres durant les années quatre-vingt 17
  22. 140
  23. =================================================
  24. ================
  25. Annexe II
  26. Bureau du ministre de la Justice/Procureur général
  27. P.O. Box 7183
  28. Kampala
  29. République de l'Ouganda
  30. 9 septembre 1997
  31. Troisième vice-Premier ministre
  32. Ministère du Travail et du Bien-être social
  33. Crested Towers
  34. Kampala
  35. Cher collègue,
  36. Interprétation juridique
  37. Je me réfère à votre lettre M/LSW/32 vol. 1 en date du 22
  38. août 1997.
  39. Bien que les articles 8(3) et 19(1)(e) du décret no 20 de 1976
  40. sur les
  41. syndicats prévoient un nombre minimal de 1 000 membres pour
  42. la constitution
  43. d'un syndicat et exigent 51 pour cent des travailleurs au
  44. minimum pour la
  45. reconnaissance d'un syndicat par un employeur,
  46. respectivement, lesdites
  47. dispositions doivent, conformément à l'article 273(1) de la
  48. Constitution, être
  49. interprétées d'une manière qui les rende conformes aux
  50. dispositions de la
  51. Constitution.
  52. L'article 29(1)(e) de la Constitution prévoit que toute personne
  53. doit jouir du
  54. droit à la liberté syndicale qui doit comprendre la liberté de
  55. constituer des
  56. associations ou des syndicats, y compris des syndicats
  57. professionnels, et d'y
  58. adhérer. Ce droit est en outre renforcé par l'article 40(3) de la
  59. Constitution. Par ailleurs, l'article 36 de la Constitution prévoit
  60. que les
  61. minorités ont le droit de participer aux processus de prise de
  62. décisions.
  63. Les articles 8(3) et 19(1)(e) dudit décret sur les syndicats sont
  64. incompatibles avec les articles 29(1)(e), 36 et 40(3) de la
  65. Constitution.
  66. L'article 2(2) de la Constitution prévoit la supériorité de la
  67. Constitution
  68. sur la loi ordinaire et que la loi incompatible est nulle et de nul
  69. effet.
  70. Il apparaît clairement que les dispositions citées dudit décret
  71. sur les
  72. syndicats sont annulées, puisque, selon les termes mêmes des
  73. dispositions
  74. constitutionnelles susmentionnées, elles restreignent le droit
  75. des individus
  76. de constituer des syndicats ou d'y adhérer.
  77. Veuillez agréer,
  78. (Signé) Bart M. Katureebe, S.C.,
  79. Ministre de la Justice/Procureur général.
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