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Rapport définitif - Rapport No. 316, Juin 1999

Cas no 2000 (Maroc) - Date de la plainte: 04-JANV.-99 - Clos

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618. Le 4 janvier 1999, l'Union marocaine du travail (UMT) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Maroc au nom de son affiliée, la Fédération nationale des travailleurs des transports.

  1. 618. Le 4 janvier 1999, l'Union marocaine du travail (UMT) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Maroc au nom de son affiliée, la Fédération nationale des travailleurs des transports.
  2. 619. Dans des communications datées respectivement des 11 mars et 1er avril 1999, le gouvernement a envoyé ses commentaires et observations sur cette plainte.
  3. 620. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 621. Dans sa communication du 4 janvier 1999, la Fédération nationale des transports, affiliée à l'Union marocaine du travail, expose les faits suivants concernant l'Office d'exploitation des ports (ODEP), établissement public chargé de l'exploitation des ports du Maroc.
  2. 622. Selon l'organisation plaignante, le 6 décembre 1998, le personnel de l'ODEP affilié à l'UMT a organisé son congrès statutaire et procédé au renouvellement de ses instances dirigeantes. Le congrès a élu une commission administrative de 21 membres et un bureau de neuf membres. Conformément à la législation, le 16 décembre, le nouveau bureau s'est fait enregistrer auprès des autorités, puis a adressé son cahier de revendications au directeur général. Ces revendications portaient sur l'application effective du statut et des classifications de l'ODEP à l'ensemble du personnel, l'affiliation effective de tous à la Caisse nationale de sécurité sociale, une revalorisation du salaire et des primes.
  3. 623. Avant comme après l'envoi du cahier revendicatif, le directeur général de l'ODEP aurait marqué son refus radical de discuter avec le nouveau bureau syndical, refusant même de le recevoir. Pour bien souligner son choix, lors du conseil d'administration de l'ODEP tenu dans la semaine du 20 décembre, il aurait fait assister en tant que représentant du personnel M. Hijab, ex-secrétaire général de la Fédération UMT des personnels de l'ODEP, démis de ses fonctions par le vote du congrès du 6 décembre 1998. Selon la fédération plaignante, le directeur général aurait donc choisi lui-même son partenaire à la place de la fédération et du personnel et, avec une volonté d'intimidation évidente, il aurait prononcé le 28 décembre la suspension pour huit jours de M. Mustapha Dalil, délégué du personnel et délégué syndical, membre de la commission administrative issue du congrès du 6 décembre 1998.
  4. 624. Une grève générale de solidarité a eu lieu pour 48 heures dans l'ensemble du Maroc à compter du 5 janvier 1999. Le gouvernement marocain, par le biais du ministère de l'Equipement qui exerce sa tutelle et son contrôle sur l'ODEP et son directeur général, a observé sur cette affaire un mutisme total, ceci alors que l'activité portuaire de Casablanca qui est la plus importante du Maroc était complètement paralysée.
  5. 625. Toujours d'après les plaignants, cette attitude illustre la vacuité des allégations officielles sur le dialogue social au Maroc et confirme la poursuite d'une politique de répression antisyndicale, d'atteinte au libre exercice du droit syndical, de répression contre les syndicalistes et de discrimination flagrante contre l'Union marocaine du travail, ses structures et ses militants.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 626. Dans sa première communication du 11 mars 1999, le gouvernement indique, s'agissant de l'allégation de suspension de M. Dalil par l'Office de l'exploitation des ports (ODEP), que, selon les informations recueillies auprès de l'ODEP et contrairement aux allégations de l'UMT, M. Dalil n'étant élu ni comme délégué du personnel ni comme délégué syndical, il n'est investi d'aucun mandat représentatif. Comme il ressort du procès-verbal de la réunion tenue par la Fédération nationale des transports de l'Union marocaine du travail le 6 décembre 1998, dont le gouvernement joint copie, l'intéressé ne figure pas parmi les membres du nouveau bureau fédéral de l'UMT. Les allégations selon lesquelles il a été sanctionné pour des raisons syndicales sont en conséquence dénuées de tout fondement. La sanction qu'il s'est vu infliger consistant en une mise à pied de huit jours a été prononcée par son chef hiérarchique pour incitation avec violence à ne pas travailler et rixe sur le lieu de travail.
  2. 627. S'agissant de la participation de M. Hijab au conseil d'administration de l'ODEP, le gouvernement souligne que la participation des représentants du personnel aux travaux du conseil d'administration de l'ODEP est assurée en conformité avec les dispositions du décret no 84.844 du 10 Rajeb 1405 (1er avril 1985) pris pour l'application de la loi no 6.84 portant création de l'ODEP qui dispose que le conseil d'administration de cet organisme est composé, entre autres, "de deux représentants du personnel de l'Office de l'exploitation des ports désignés par le Premier ministre sur proposition du ministère chargé de l'Equipement". Le gouvernement poursuit en indiquant que M. Hijab, qui est délégué du personnel élu lors de l'élection du 3 octobre 1997, siège au conseil d'administration de l'ODEP en sa qualité de représentant élu du personnel et non en tant que représentant d'une centrale syndicale. Par ailleurs, le gouvernement convient que M. Hijab, comme le souligne l'organisation plaignante, a été "démis de ses fonctions par le vote du congrès du 6 décembre 1998". Mais le gouvernement explique que les convocations dudit conseil ont été lancées le 27 novembre 1998, soit dix jours avant la tenue du congrès le 6 décembre et 19 jours avant la notification du procès-verbal de ce congrès à la direction de l'ODEP. Par conséquent, l'interprétation donnée par l'UMT à la participation de M. Hijab au conseil d'administration de l'ODEP est une allégation non fondée comme le prouvent de façon irréfutable les faits mentionnés ci-dessus.
  3. 628. S'agissant de l'allégation de refus de dialogue avec la Fédération de l'UMT, le gouvernement précise que le dialogue social est une longue tradition au sein de l'ODEP. La concertation avec les partenaires a fait l'objet d'une circulaire datée du 15 juin 1993 dont il joint copie, instaurant un calendrier pour la tenue de réunions trimestrielles avec les syndicats au niveau local et de réunions semestrielles au niveau central avec chaque principale fédération syndicale. Cette structure de dialogue est dictée par le souci de séparer les problèmes ayant un caractère local des problèmes d'ordre général touchant tous les ports, et de distinguer les questions relevant des ports et celles relevant de la direction générale. La direction de l'ODEP a donc, dès réception du cahier de revendications du bureau local du syndical de l'UMT au port de Casablanca, assuré immédiatement la transmission du document à la direction d'exploitation dudit port qui est habilitée à l'examiner avec le syndicat concerné, conformément à la démarche expliquée ci-dessus. Le gouvernement fait en outre observer que la direction de l'ODEP affirme n'avoir reçu du nouveau bureau de la Fédération nationale des transports aucune demande d'audience depuis son élection le 6 novembre 1998. La plainte de l'UMT, explique le gouvernement, tend à semer la confusion dans les dates à ce sujet en prétendant que le cahier de revendications a été présenté par la Fédération nationale des transports le 16 décembre 1998, alors que celui-ci a été initié en fait par le bureau local du syndical de l'UMT qui en a fait le dépôt le 6 novembre 1998 soit 20 jours avant l'élection des instances dirigeantes de la Fédération nationale des transports. En tout état de cause, explique le gouvernement, le conflit social qui était à l'origine de cette plainte a été réglé suite à la signature d'un accord portant sur la revalorisation, sous réserve de l'approbation des administrations de tutelle, d'un certain nombre de primes allouées au personnel de l'ODEP, à savoir les primes de transport, de panier, de la fête Al.Adha, de l'Achoura et de scolarité.
  4. 629. S'agissant de l'allégation selon laquelle le gouvernement conduirait une politique de répression antisyndicale, le gouvernement affirme que la promotion de la liberté syndicale, du dialogue et de la concertation avec les partenaires sociaux figure au premier plan de ses préoccupations et constitue l'une des constantes de sa politique visant à assurer le respect des droits fondamentaux des travailleurs en général et du droit syndical en particulier. Il s'est engagé dans un processus de consultation avec les organisations syndicales accompagné d'un train de mesures qui prouvent l'irréversibilité de ses choix. Deux réunions au niveau du Premier ministre ont eu lieu avec les syndicats en 1998, suivies d'autres réunions avec le ministre du Développement social, de la Solidarité et de l'Emploi et de la Formation professionnelle au cours de la même période. Un séminaire national tripartite sur le dialogue social a été également organisé en collaboration avec le BIT au mois d'avril 1998 suivi d'un autre séminaire sur la liberté syndicale au mois de février 1999. Une commission tripartite a également été instituée pour examiner le projet de Code du travail avant qu'il soit soumis, pour adoption, aux instances compétentes. Celle-ci se réunit régulièrement depuis le 13 janvier 1999 avec la participation de toutes les centrales syndicales les plus représentatives.
  5. 630. Le gouvernement, qui prend note de l'absence de tout élément de preuves tangibles fournies par le syndicat plaignant à l'appui de ses assertions prétendant "la poursuite d'une politique de répression antisyndicale d'atteinte au libre exercice du droit syndical...", s'oppose fermement à ces allégations dénuées de tout fondement et prie le Comité de la liberté syndicale de bien vouloir en tenir compte dans ses recommandations.
  6. 631. Dans une communication ultérieure du 1er avril 1999, le gouvernement transmet copie de l'accord signé par l'Office de l'exploitation des ports et l'Union marocaine du travail suite au conflit collectif les ayant opposés au mois de décembre et ajoute que ce même accord a été également signé avec deux autres bureaux syndicaux affiliés aux autres syndicales les plus représentatives "la Confédération démocratique du travail et l'Union générale des travailleurs du Maroc".
  7. 632. Concernant les responsabilités syndicales de M. Dalil, le gouvernement indique à nouveau que, d'après le procès-verbal du 6 décembre 1998 transmis par l'UMT à l'ODEP et dont copie a été communiquée, l'intéressé n'est ni délégué du personnel, car n'étant pas élu lors des dernières élections, ni délégué syndical puisqu'il ne figure pas parmi les membres du bureau syndical de l'UMT cités dans le procès-verbal. Le gouvernement souligne que la direction de l'ODEP affirme n'avoir reçu de l'UMT aucune notification concernant la composition de la commission administrative issue, selon le syndicat plaignant, du congrès du 6 décembre 1998. L'ODEP n'ayant pas eu à prendre connaissance de la liste des membres de ladite commission ignore si M. Dalil en fait partie ou non. Les seuls responsables syndicaux dont les noms ont été communiqués à l'ODEP sont ceux cités dans le procès-verbal du 6 décembre 1998 mentionnés par le gouvernement dans sa première communication.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 633. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations de suspension pour huit jours d'un dirigeant syndical et de refus d'un employeur de dialoguer avec un représentant syndical élu et désigné par la fédération plaignante pour présenter un cahier de revendications à l'employeur.
  2. 634. Sur certains points, les versions des plaignants et du gouvernement ne coïncident pas. Selon les plaignants, l'employeur objet du présent cas, à savoir l'Office d'exploitation des ports (ODEP), a ignoré les nouvelles instances dirigeantes de la Fédération nationale des transports élues lors du congrès statutaire du 6 décembre 1998 ainsi que le cahier de revendications présenté au directeur général de l'Office de l'exploitation des ports. Ainsi, la direction de l'ODEP a, le 20 décembre 1998, au cours du conseil d'administration, fait assister en tant que représentant du personnel M. Hijab, ex-secrétaire général démis de ses fonctions au congrès du 6 décembre, le choisissant comme partenaire à la place de la fédération et du personnel. Elle a en outre suspendu le 28 décembre, pour huit jours, M. Mustapha Dalil, délégué du personnel, délégué syndical et membre de la commission administrative issue de ce congrès.
  3. 635. En revanche, selon le gouvernement, l'ODEP a signé un accord sur la revalorisation des primes allouées au personnel avec l'ensemble des organisations syndicales. Le conseil d'administration de l'ODEP est composé, entre autres, de deux représentants du personnel de l'Office d'exploitation des ports désignés par le Premier ministre sur proposition du ministre chargé de l'Equipement. M. Hijab y siège en tant que délégué du personnel élu lors des élections du 3 octobre 1997 en sa qualité de représentant du personnel et non en tant que représentant d'une centrale syndicale. Le gouvernement convient que M. Hijab a été démis de ses fonctions lors du congrès du 6 décembre 1998, mais il explique que les convocations au conseil d'administration dataient du 27 novembre 1998, soit dix jours avant la tenue dudit congrès et 19 jours avant la notification du procès-verbal du congrès à la direction de l'ODEP.
  4. 636. Sur l'aspect du cas relatif à la situation syndicale de MM. Dalil et Hijab, le comité a pris connaissance du procès-verbal du congrès du 6 décembre 1998 joint à la réponse du gouvernement et observe que ce procès-verbal porte sur l'élection d'un bureau de neuf membres élus par l'assemblée générale des personnels de l'Office d'exploitation des ports où n'apparaissent ni M. Dalil ni M. Hijab. Le comité note aussi que le gouvernement indique que l'ODEP affirme n'avoir reçu aucune notification de la composition de la commission administrative élue lors du congrès du 6 décembre 1998. Par ailleurs, le plaignant n'a pas non plus fourni cette liste au BIT. Le comité rappelle que les organisations syndicales doivent avoir le droit d'être représentées par les délégués syndicaux qui ont été librement élus par les travailleurs.
  5. 637. En ce qui concerne la suspension de M. Dalil, le comité note que, selon le gouvernement, l'intéressé n'est ni délégué du personnel ni délégué syndical et ne figure pas parmi les neuf membres du nouveau bureau fédéral de l'UMT. La sanction qui a été infligée à M. Dalil de huit jours de mise à pied a été prononcée par son chef hiérarchique pour incitation avec violence à ne pas travailler, avec rixe sur le lieu de travail.
  6. 638. Sur ce dernier point, le comité souligne que les piquets de grève organisés dans le respect de la loi ne doivent pas voir leur action entravée par les autorités publiques, et que le seul fait de participer à un piquet de grève et d'inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s'accompagne de violence ou d'entrave à la liberté du travail par contraintes exercées sur les non-grévistes, actes qui, dans beaucoup de pays, sont punis par la loi pénale. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 586.)
  7. 639. Enfin, sur le conflit du travail au sein de l'ODEP, le comité a pris connaissance avec intérêt de l'accord portant sur la revalorisation d'un certain nombre de primes signé par l'ODEP et par l'ensemble des organisations syndicales, y compris l'organisation plaignante, qui a mis fin au conflit du travail.
  8. 640. Tout en notant que d'après le gouvernement un accord entre les parties a mis fin au conflit du travail, le comité demande au gouvernement d'assurer qu'à l'avenir les convocations à siéger au conseil d'administration de l'ODEP seront envoyées aux représentants des travailleurs nouvellement élus.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 641. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité demande au gouvernement d'assurer qu'à l'avenir les convocations à siéger au conseil d'administration de l'Office d'exploitation des ports seront envoyées aux représentants des travailleurs nouvellement élus.
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