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- 473. Le 23 février 1999, le Syndicat indépendant des travailleurs du port maritime commercial d'Illichevsk de la région d'Odessa (NPRP) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de l'Ukraine. Il a transmis par la suite des informations complémentaires sur ce cas dans une communication en date du 17 juin 1999.
- 474. Dans une communication datée du 21 mai 1999, le gouvernement a envoyé ses commentaires et observations sur cette plainte.
- 475. L'Ukraine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégation du syndicat plaignant
A. Allégation du syndicat plaignant- 476. Dans sa communication du 23 février 1999, le Syndicat indépendant des travailleurs du port maritime commercial d'Illichevsk de la région d'Odessa en Ukraine (NPRP) précise qu'il a été fondé en 1990 et explique que les autorités ont lancé une campagne antisyndicale contre le NPRP et ses dirigeants.
- 477. Entrant dans une description détaillée de l'affaire, le syndicat plaignant explique que, le 18 décembre 1998, conformément à ses statuts, le NPRP devait tenir son congrès et ses élections et que, le 17 décembre, en application de la loi et de la convention collective, il a adressé une lettre au directeur du port pour demander que des locaux soient mis à sa disposition pour ce faire. Cependant, la direction du port a opposé un refus comme elle l'avait déjà fait auparavant à plusieurs reprises.
- 478. Toujours selon le syndicat plaignant, des travailleurs ont fait état du fait que la direction contraignait les adhérents du NPRP à quitter le syndicat sous la menace de licenciements. Des travailleurs nouvellement engagés ont été contraints d'accepter des conditions d'emploi qui en fait avaient pour résultat de les empêcher de s'affilier au NPRP. En un an, le syndicat a ainsi perdu 1 000 adhérents sur un effectif de 4 000.
- 479. Le syndicat plaignant ajoute qu'a été créée, avec des fonds provenant de la direction du port, une association composée de jeunes travailleurs. Il a été demandé à ses adhérents de quitter le NPRP, et l'association a souscrit avec le directeur du port un pacte aux termes duquel les brigades de jeunes travailleurs de l'association doivent travailler dans le port en cas de grève.
- 480. Le syndicat plaignant explique que, face aux mesures illégales adoptées par le directeur du port, le NPRP avait tenu une réunion le 25 juin 1998 afin de préparer ses revendications à soumettre à la direction, conformément à la loi sur le règlement des conflits collectifs. Toutes les procédures prévues par la loi avaient été respectées. Mais les propositions du NPRP présentées à la direction furent rejetées et le syndicat ainsi contraint à déclarer une grève en ultime recours. Le 18 août, le NPRP avait convoqué les travailleurs pour discuter de la déclaration de grève et lancé un préavis de grève pour le 7 septembre 1998. Cependant, avant même le début de la grève, l'administration du port a introduit un recours devant le tribunal régional d'Odessa qui déclara la grève illégale. Le NPRP engagea alors un recours en appel devant la Cour suprême contre la décision de première instance. Ce recours fut rejeté.
- 481. Par la suite, une conférence du collectif des travailleurs du port fut convoquée par le directeur, le 4 septembre 1998. D'après le syndicat plaignant, 80 pour cent des participants étaient chefs de départements, cadres ou employés administratifs. Au cours de cette conférence, des attaques furent proférées contre le NPRP. Un conseil du collectif des travailleurs fut mis en place par la conférence sans aucune base légale. Depuis lors, ce conseil usurpe la place du syndicat indépendant. La conférence a déclaré un moratoire sur les grèves, ce qui signifie, d'après le syndicat plaignant, que le directeur du port a de lui-même abrogé le droit de grève.
- 482. Une proposition de nouvelle convention collective a alors été présentée par l'administration du port au syndicat. Elle a pour conséquence une détérioration de la situation juridique, financière et sociale des travailleurs. Le NPRP a demandé en vain le déclenchement de la procédure de conciliation. Il a été averti oralement que, en cas de refus de la proposition de sa part, la nouvelle convention collective serait adoptée lors de la conférence du collectif des travailleurs et signée par le conseil du collectif des travailleurs.
- 483. La direction du port a en outre engagé des procédures contre les délégués des travailleurs qui avaient critiqué son administration. Le procureur d'Illichevsk, a introduit une action devant le tribunal d'arbitrage d'Odessa sur la demande du port d'Illichevsk pour réclamer 1 million de hryvnias de dommages et intérêts (environ 300 000 dollars des Etats-Unis).
- 484. De plus, le procureur, sur la demande de travailleurs qui n'étaient pas membres du NPRP, a confisqué les documents du syndicat, engagé des poursuites pénales contre le président du NPRP, M. Boytchuk, et son conseiller juridique, M. Tatarnikov, et a fait fermer les comptes bancaires du syndicat pendant huit jours. Le président du NPRP s'est vu interdire de quitter la ville d'Illichevsk et de s'exprimer devant la conférence de la Confédération des syndicats indépendants d'Ukraine le 23 décembre 1998 à Kiev. Enfin, selon le plaignant, des personnes non identifiées ont tenté de l'enlever avec la complicité de la police.
- 485. Par ailleurs, le NPRP indique qu'une commission gouvernementale s'est rendue sur place après le dépôt de la plainte au BIT. La commission a rencontré pendant deux jours les représentants de la direction, des syndicats et des organisations publiques, mais ne s'est entretenue que trois heures avec les dirigeants du NPRP. Au cours de cet entretien, aucun des points soulevés dans la plainte n'a été évoqué. La commission prenait fait et cause pour l'employeur et a exercé des pressions sur le syndicat pour qu'il fasse des concessions. Comprenant que cette tactique n'aurait pas de succès, la commission est repartie pour Kiev en indiquant que d'autres moyens d'influence sur le syndicat seraient trouvés, ce que le NPRP considère comme une menace de la part de la commission gouvernementale.
- 486. Le syndicat plaignant dénonce également les menaces de licenciements qui auraient été proférées le 27 mai 1999 contre des adhérents au NPRP et notamment contre un dirigeant syndical, M. Loshmanov, pour avoir demandé à la direction du port des explications sur le prix trop élevé des tomates cultivées dans les serres du port, ainsi que des menaces de destruction du NPRP.
- 487. Le syndicat plaignant mentionne également une réunion de la brigade de travail no 301, tenue le 22 décembre 1998 où, selon le syndicat plaignant, il aurait été dit que "le syndicat indépendant allait être dissous car il ne répondait pas aux attentes de la direction du port". A la fin de la réunion, des feuilles de papier auraient été distribuées aux travailleurs pour les inviter à consigner par écrit leur intention de quitter le syndicat indépendant. M. Proskurin, membre du NPRP, qui s'était élevé contre ces demandes illégales, aurait été l'objet d'intenses pressions psychologiques et avait dû de ce fait être hospitalisé pour dépression nerveuse. Ces faits ont été portés à la connaissance de la commission, la victime ayant elle-même témoigné, mais aucune réponse appropriée de la part de la commission n'a été reçue.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 488. Dans sa réponse du 21 mai 1999, le gouvernement indique que la plainte du NPRP a été examinée par le ministère du Travail et des Affaires sociales conjointement avec le secrétariat du Conseil national du partenariat social et le Service national de médiation et de conciliation avec la participation de l'inspection du travail, y compris au moyen de la visite sur place d'une commission.
- 489. La documentation en provenance des autorités judiciaires et du Bureau du procureur chargé du secteur des transports a été étudiée, et des entretiens ont été conduits avec la direction du port et avec les diverses organisations syndicales, à savoir le Syndicat des travailleurs des transports maritimes de l'Ukraine dans le port (STTMU) (4 922 affiliés), le Syndicat indépendant des travailleurs du port maritime commercial d'Illichevsk (NPRP) (plaignant) (2 874 affiliés), le Syndicat des travailleurs des services (93 affiliés), le Syndicat des professionnels, des dockers et des mécaniciens (55 affiliés) et le Syndicat des ingénieurs et des techniciens (32 affiliés).
- 490. Le gouvernement convient tout d'abord que la direction du port a reçu une lettre de deux organisations, le Syndicat des travailleurs des transports maritimes de l'Ukraine (STTMU) et le Syndicat indépendant des travailleurs du port maritime commercial d'Illichevsk (NPRP), le 17 décembre 1998, à propos de la tenue de leurs congrès respectifs pour le 18 décembre 1998. Compte tenu de l'extrême brièveté du préavis et du fait que ces événements signifiaient que les travailleurs élus comme délégués à ces congrès seraient absents de leur travail à un moment critique du processus de production de fin d'année qui devait être achevé, la direction du port a suggéré aux organisations syndicales de repousser la tenue de leurs congrès au mois de janvier 1999.
- 491. Le STTMU a accepté et a tenu son congrès le 22 janvier 1999, mais le NPRP a refusé de modifier la date prévue. D'après le gouvernement, l'attitude de la direction du port était justifiée puisque la tenue des congrès en janvier devait permettre de prendre en compte dans les débats les résultats financiers de l'entreprise pour l'année écoulée. L'action de la direction ne peut donc être qualifiée d'entrave aux activités syndicales. Le gouvernement indique en outre que le NPRP plaignant dans cette affaire est actif dans l'entreprise depuis 1990 et que des congrès de ce syndicat n'ont été retardés pour des raisons objectives qu'à deux reprises (en juin et en décembre 1998). En conséquence, les allégations selon lesquelles de tels incidents ont été nombreux et sont survenus à plusieurs reprises ne correspondent pas à la réalité. Le gouvernement souligne que, conformément à l'article 250 du Code du travail en vigueur, la direction du port a mis à la disposition des syndicats les facilités nécessaires à l'accomplissement par les syndicats de leurs activités. En particulier, le NPRP a reçu des locaux, meubles de bureau et téléphones à la satisfaction de son président, comme il l'a lui-même confirmé à la commission. De plus, selon le gouvernement, les facilités mises à la disposition du comité de ce syndicat sont nettement meilleures que celles réservées au STTMU rival qui pourtant représente davantage de travailleurs avec un effectif de 31,1 pour cent de la main-d'oeuvre du port.
- 492. Les dirigeants des autres comités syndicaux ont réfuté les allégations selon lesquelles il y aurait eu des actes d'ingérence de la part de la direction du port dans les activités des syndicats ou des pressions sur les adhérents du NPRP pour qu'ils quittent le syndicat. Le NPRP n'a apporté aucune preuve testimoniale de ce qu'il allègue et, selon le gouvernement, aucune plainte de travailleurs n'a été fournie à la commission.
- 493. Au contraire, lorsque la commission gouvernementale s'est penchée sur ce dossier et a examiné les demandes écrites de retrait du NPRP déposées par les travailleurs (à cet égard, le gouvernement convient que 1 000 travailleurs ont récemment démissionné de ce syndicat), aucun élément direct ou indirect ne constituait de preuve de pression pour que les intéressés prennent leur décision. M. Boytchuk l'aurait lui-même confirmé. De même, les documents du service du personnel ne contiendraient aucune information attestant que l'admission à l'emploi serait liée à une quelconque appartenance syndicale.
- 494. Par ailleurs, le gouvernement admet que, le 28 août 1998, une association de jeunes travailleurs du port a été créée et enregistrée par le conseil municipal d'Illichevsk. Cette association, qui regroupe 418 jeunes travailleurs âgés de 16 à 33 ans, a pour but d'aider les jeunes à réaliser leur créativité potentielle et leurs initiatives dans tous les domaines de la vie; de protéger les droits et les intérêts des jeunes travailleurs; de développer la coopération internationale, le tourisme et le sport et de développer le respect pour les valeurs humaines universelles. Le gouvernement explique que, pour adhérer à cette association, il n'est pas nécessaire, comme l'affirme le plaignant, de se retirer d'une autre association publique ou d'un syndicat. La plupart des membres de l'association des jeunes travailleurs du port sont également membres de syndicats, y compris 81 adhérents du NPRP. L'accord conclu entre l'association des jeunes travailleurs du port et la direction, le 26 décembre 1998, contient des mesures plus spécifiques visant au développement social de ces jeunes personnes travaillant dans le port. Selon le gouvernement, les clauses de cet accord relatives au droit de l'association de créer des brigades de la jeunesse ne constituent pas une atteinte aux droits syndicaux, et les activités de cette association de jeunes sont encore moins des activités de briseurs de grève.
- 495. Le gouvernement confirme que, le 4 septembre 1998, une conférence du collectif des travailleurs s'est tenue en vue de prendre connaissance des résultats des activités du port pour les sept derniers mois de 1998 et des mesures à prendre pour stabiliser la production et l'activité économique. Sur les 183 délégués élus, 107 appartenaient au STTMU, 46 au NPRP, trois au Syndicat des travailleurs des services et 27 n'appartenaient à aucun syndicat. Le gouvernement affirme que seulement 19,6 pour cent des délégués à cette conférence étaient des cadres, substituts ou adjoints au directeur du port ou aux chefs de service et non 80 pour cent comme le prétend le plaignant.
- 496. A la demande des délégués, la conférence a discuté de la question de la mise en place d'un conseil du collectif des travailleurs du port. Sur les 28 membres qu'aurait dû compter ce conseil, seulement 18 ont été élus à bulletin secret. Dix candidats, y compris des dirigeants des deux grands syndicats, le STTMU et le NPRP, n'ont pas recueilli suffisamment de voix. Le reste des membres du conseil du collectif des travailleurs devrait être élu à la prochaine conférence. Il a également été décidé que les membres du conseil représenteraient les travailleurs et la direction sur un pied d'égalité (14 membres de chaque côté). Le gouvernement prétend aussi que les pouvoirs du conseil du collectif des travailleurs et des organisations syndicales sont clairement délimités comme l'atteste le procès-verbal de réunion de la commission mise en place pour amender et compléter le règlement intérieur du port le 24 juin 1998. Ce procès-verbal a été signé par les représentants de la direction et des syndicats, y compris du NPRP. Les allégations selon lesquelles le conseil du collectif des travailleurs restreindrait les droits du NPRP de défendre les intérêts des travailleurs sont donc, d'après le gouvernement, sans fondement.
- 497. Le gouvernement reconnaît que, lors de cette conférence, les délégués ont décidé d'un moratoire sur les grèves. La commission gouvernementale qui s'est rendue sur place estime que ce fut le résultat, d'abord, de la situation qui est survenue dans le collectif des travailleurs du port, après que le tribunal eut déclaré illégale la grève prévue par le NPRP et, deuxièmement, des opinions diamétralement opposées de la grande majorité des travailleurs, d'une part, et des représentants du NPRP, d'autre part, en ce qui concerne la manière dont la direction du port gère les activités de développement économique et social. Le gouvernement considère que les travailleurs du port perçoivent des indemnités et avantages sociaux substantiels aux termes de la convention collective que la grande majorité d'entre eux apprécient. Il ajoute qu'en 1999 le salaire moyen des travailleurs du port a été de 514 hryvnias et de 820 hryvnias respectivement pour les dockers et les conducteurs d'engins (alors que le salaire moyen n'est que de 166,6 hryvnias en Ukraine).
- 498. Le gouvernement confirme que la direction du port a pris l'initiative d'un projet de convention collective pour 1999. Conformément à la législation en vigueur, une commission paritaire comprenant 22 membres a été mise en place pour négocier collectivement et conclure un accord. Les représentants des travailleurs de la commission comprenaient cinq représentants du NPRP (qui compte 2 874 membres), cinq représentants du STTMU (qui compte 4 922 membres) et un représentant des travailleurs non syndiqués. La direction du port s'est assurée que les syndicats et la commission soient en possession de toutes les informations nécessaires pour rédiger l'accord, y compris les documents concernant la situation sociale, économique et financière de l'entreprise.
- 499. Le gouvernement reconnaît également que le projet de convention collective préparé sur la base de la législation en vigueur se différencie largement de la précédente convention. Il s'agit, selon lui, d'une position de principe prise par la direction et les syndicats. Aucune clause contraire à la législation en vigueur n'y a été incluse, contrairement aux clauses de la convention collective précédente. Le gouvernement affirme que ceci ne signifie pourtant pas une détérioration de la situation des travailleurs du port dans les domaines juridiques, financiers et sociaux, comme le prétend le plaignant, et encore moins que le NPRP ou tout autre syndicat serait écarté de la défense des intérêts sociaux et économiques des travailleurs.
- 500. Au sein de la commission paritaire, les dirigeants du NPRP ont, selon le gouvernement, fait obstruction à toute possibilité d'accord et ont également refusé que la question soit traitée par la conférence du collectif des travailleurs, comme le prévoit la loi ukrainienne sur les conventions collectives.
- 501. La direction du port a elle aussi eu une attitude inflexible en ce qui concerne la rédaction des clauses de la convention collective définissant les pouvoirs spécifiques des représentants des travailleurs en ce qui concerne l'élaboration de la convention collective. Les parties n'ont pas mis en place de commission consultative. Le règlement intérieur du port ne prévoit pas d'organe représentatif spécifique qui aurait le droit de signer une convention collective au nom du collectif des travailleurs.
- 502. Selon le gouvernement, ce n'est pas la direction qui a fait obstacle aux activités légitimes du NPRP mais c'est son propre président et des militants qui ont voulu ignorer les quatre autres syndicats présents dans l'entreprise et qui ne veulent pas collaborer avec eux.
- 503. Le gouvernement considère que le vote de la grève par l'assemblée du NPRP le 18 août 1999 a été adopté en violation flagrante des dispositions de la loi ukrainienne sur la procédure de résolution des conflits collectifs. Il n'y a eu ni commission de conciliation ni arbitrage qui aurait pu satisfaire les parties. Dans certaines subdivisions, il n'y a pas eu de réunion pour élire les délégués à la réunion sur le vote de grève. Les travailleurs employés dans le port, à savoir 9 236 personnes, n'ont pas tous été informés de ce vote. La majorité des travailleurs employés dans les huit terminaux du port étaient, d'après le gouvernement, opposés à la grève.
- 504. La commission gouvernementale a également étudié les décisions judiciaires prises dans cette affaire. Il apparaît que les autorités judiciaires se sont prononcées en tenant compte du fait que le port commercial travaille en continu et que, conformément à la loi ukrainienne sur les transports, les grèves sont interdites dans les entreprises de transport travaillant en continu. L'illégalité de la grève a été confirmée par le Service national de conciliation et de médiation.
- 505. Enfin, le gouvernement indique que, à la demande du ministère du Travail, une enquête a été ordonnée auprès du Bureau du procureur général de l'Ukraine aux fins de vérifier les informations contenues dans la plainte alléguant que la direction aurait accompli des actes de violation des droits du NPRP et de son président à titre personnel.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 506. La présente affaire porte sur des allégations d'entraves à la liberté syndicale qui auraient été commises par un employeur et par les autorités publiques, à savoir: 1) le refus d'un employeur d'accorder à un syndicat des locaux pour la tenue de son congrès; 2) les pressions d'un employeur pour contraindre les employés du syndicat plaignant à quitter ce syndicat; 3) la création, avec des fonds de l'employeur, d'une organisation de jeunes travailleurs signataire d'un pacte de non-participation aux grèves; 4) la convocation par un employeur d'une conférence du collectif des travailleurs contrôlée par l'administration et signataire d'un moratoire sur les grèves et la mise en place par un employeur d'un conseil du collectif des travailleurs; 5) les pressions sur le syndicat plaignant pour qu'il signe une nouvelle convention collective et la menace, en cas de refus, de la faire signer par le conseil du collectif des travailleurs influencé par l'employeur; 6) la déclaration par voie judiciaire de l'illégalité d'une grève envisagée dans un port; 7) les diverses entraves au fonctionnement du syndicat, en particulier la saisie de rapports financiers et la fermeture de comptes bancaires et 8) pressions, atteintes au droit de libre circulation et tentative d'enlèvement contre le président du syndicat, avec la complicité de la police.
- 507. En ce qui concerne le refus de l'employeur d'accorder au syndicat plaignant des locaux pour la tenue de son congrès, le comité note les indications fournies par le gouvernement selon lesquelles cette décision a été prise aussi pour l'organisation syndicale rivale du NPRP et qu'elle était due à l'extrême brièveté du préavis (une journée) et à l'intérêt qu'il y aurait eu à reculer le congrès d'un mois pour tenir compte dans les débats des résultats financiers de l'entreprise. Tout en soulignant que l'organisation d'un congrès syndical relève de la gestion interne du syndicat intéressé dans laquelle l'employeur doit s'abstenir de toute ingérence, le comité estime qu'un préavis aussi bref qu'une seule journée peut justifier l'absence de mise à disposition par l'employeur de locaux pour la tenue à jour. Le comité constate en outre que le NPRP a pu, malgré ce refus, tenir ses assises comme il l'avait prévu.
- 508. S'agissant des allégations de pressions de l'employeur pour contraindre les membres du syndicat plaignant à quitter ce syndicat, le comité note que le gouvernement indique que la commission gouvernementale dépêchée sur place n'a trouvé aucun élément direct ou indirect qui constituerait une preuve de pression en ce sens sur le personnel. Le comité observe néanmoins que le gouvernement lui-même constate que plus de 1 000 travailleurs ont récemment démissionné du syndicat plaignant. Le comité observe en outre l'absence de réponse du gouvernement sur les allégations concrètes selon lesquelles, lors d'une réunion d'une brigade de travail, il aurait été dit que "le syndicat indépendant allait être dissous car il ne répondait pas aux attentes de la direction du port", que des feuilles y auraient été distribuées aux travailleurs pour les inviter à consigner par écrit leur intention de quitter le syndicat et qu'un membre du syndicat qui s'élevait contre ces demandes illégales aurait été l'objet de pressions psychologiques, alors que les faits en question auraient été portés à la connaissance de la commission gouvernementale chargée de l'enquête par la victime elle-même.
- 509. Dans ces conditions, le comité doit attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la preuve de l'incitation à quitter un syndicat de la part d'un employeur peut être très difficile à apporter pour les travailleurs qui craignent de perdre leur emploi. Compte tenu du grand nombre de "démissions" du syndicat plaignant (plus de 1 000, soit près du quart de ses effectifs), le comité estime qu'il serait particulièrement approprié qu'une nouvelle enquête soit menée par une instance indépendante jouissant de la confiance des parties en vue d'établir les circonstances de ces démissions et la véracité des allégations. S'il est avéré que des pressions ont été exercées sur les travailleurs pour qu'ils quittent le syndicat, le comité prie le gouvernement de s'assurer que cela ne se reproduira pas et de le tenir informé des résultats de l'enquête.
- 510. S'agissant de l'allégation de création avec les fonds de l'employeur d'une association de jeunes travailleurs signataire d'un pacte aux termes duquel les jeunes travailleurs devront travailler dans le port en cas de grève, le comité note que le gouvernement réfute l'allégation selon laquelle la clause de l'accord permettant à l'association de créer des brigades de la jeunesse constituerait une atteinte aux droits syndicaux, les activités de cette association de jeunes n'étant, selon le gouvernement, en aucun cas des activités de briseurs de grève. Le comité pour sa part observe, d'après les éléments de preuve joints à la plainte, que le pacte ne contient pas de clause spécifique de non-recours à la grève. Il note aussi que, d'après le gouvernement, plusieurs membres de cette association de jeunes travailleurs appartiennent également au syndicat plaignant NPRP. De l'avis du comité, aucun élément du dossier en sa possession ne permet donc d'affirmer que cette association aurait été créée en vue d'affaiblir la position du syndicat plaignant ou d'entraver ses activités. Il convient cependant que le gouvernement s'assure que les fonctions exercées par cette association de jeunes travailleurs n'empiètent pas sur les activités normales d'une organisation syndicale.
- 511. Au sujet de la convocation par l'employeur le 4 septembre 1998 d'une conférence du collectif des travailleurs composée au dire du plaignant à 80 pour cent de cadres ou employés administratifs, le comité note que, selon le gouvernement, seulement 19,6 pour cent des délégués de cette conférence étaient des cadres, et que, sur les 183 délégués élus, 107 appartenaient au STTMU, 46 au NPRP, 3 au Syndicat des travailleurs des services et 27 à aucun syndicat. Le comité a pris connaissance du procès-verbal de la conférence du collectif des travailleurs du 4 septembre 1998 joint à la plainte qui indique que la réunion a eu lieu en présence des autorités municipales et qu'elle a condammé les actions du NPRP pour avoir appelé à la grève et décidé également d'un moratoire sur les grèves tant que les conditions économiques difficiles prévaudront dans le pays. Les dix candidats représentatifs des deux grands syndicats (le NPRP et le STTMU), y compris leurs deux dirigeants, M. Boytchuk (NPRP) et M. Bryzgalov (STTMU), n'ont pas été élus au conseil du collectif.
- 512. Face à ces déclarations contradictoires du plaignant et du gouvernement sur la représentativité réelle de la conférence du collectif des travailleurs, le comité ne peut se prononcer sur ce point. Quoi qu'il en soit, il estime que les fonctions de telles conférences de travailleurs ne devraient pas empiéter sur les activités des organisations syndicales. Or il semble bien que, dans le cas d'espèce, la conférence a exercé des fonctions de nature syndicale en prononçant un moratoire sur les grèves. Le comité est renforcé dans cette opinion par le fait que la direction du port a menacé le syndicat plaignant de faire signer la nouvelle convention collective par le conseil du collectif des travailleurs s'il refusait de le faire. A cet égard, le comité rappelle que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, dispose que: "Aux fins de la présente recommandation, on entend par "convention collective" tout accord écrit relatif aux conditions de travail et d'emploi conclu entre, d'une part, un employeur, un groupe d'employeurs ou une ou plusieurs organisations d'employeurs et, d'autre part, une ou plusieurs organisations représentatives de travailleurs, ou, en l'absence de telles organisations, les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers, en conformité de la législation nationale." A ce propos, le comité a souligné que ladite recommandation met l'accent sur le rôle des organisations de travailleurs en tant qu'une des parties à la négociation collective. La négociation directe conduite entre l'entreprise et son personnel, en feignant d'ignorer les organisations représentatives existantes, peut, dans certains cas, être contraire au principe selon lequel il faut encourager et promouvoir la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 786.) Le comité estime donc que le gouvernement devrait veiller à ce que les activités de nature syndicale soient exercées par des organisations syndicales indépendantes des employeurs et qu'en particulier les collectifs des travailleurs n'empiètent pas sur les fonctions normales des syndicats, notamment en matière de grève et de négociation collective.
- 513. S'agissant du préavis de grève lancé par le syndicat plaignant après qu'il eut, selon lui, vainement demandé le déclenchement de la procédure de conciliation, le comité a pris connaissance des deux décisions judiciaires prononçant l'illégalité de la grève envisagée, jointes à la plainte. Il observe que le tribunal de district d'Odessa a estimé que les procédures de règlement d'un conflit collectif n'avaient pas été épuisées et qu'il n'y avait pas eu de tentative de conciliation. Le tribunal a jugé que le port accomplit un service continu et que, conformément à l'article 18 de la loi de l'Ukraine sur les transports qui interdit la grève en cas de service continu, le préavis de grève devrait être déclaré illégal.
- 514. Dans les cas impliquant des violations du droit de grève, le comité a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. Il a également toujours estimé que les conditions posées par la législation pour qu'une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu'elles constituent une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales. (Voir Recueil, op.cit., paragr. 474 et 498.) Le comité a souligné également que, si le droit de grève peut être restreint, voire interdit, dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé des personnes, dans la mesure où les travailleurs concernés bénéficient de garanties appropriées, le service des ports en général ne constitue pas des services essentiels au sens strict du terme, même s'il s'agit de services publics importants dans lesquels pourrait être prévu le maintien de services minimums en cas de grève. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 526, 545 et 564.) Le comité demande en conséquence au gouvernement de modifier l'article 18 de la loi de l'Ukraine sur les transports afin qu'il ne puisse pas être interprété comme permettant d'interdire la grève dans les ports.
- 515. S'agissant des allégations de menaces contre les dirigeants du syndicat plaignant et contre le syndicat lui-même (saisie de rapports financiers, fermeture de comptes bancaires, pressions, atteintes au droit de libre circulation et tentative d'enlèvement du président du NPRP), le comité note que le gouvernement indique, d'une manière générale, qu'une enquête a été ordonnée auprès du bureau du Procureur général de l'Ukraine. Le comité doit exprimer sa préoccupation devant la nature de ces allégations qui, si elles étaient avérées, constitueraient de graves violations de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de s'assurer que l'enquête soit menée avec diligence et de le tenir informé du résultat de cette enquête.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 516. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) S'agissant des allégations de pressions de l'employeur du port maritime commercial d'Illichevsk pour contraindre les membres du syndicat plaignant à quitter ce syndicat, le comité, rappelant que la preuve de l'incitation à quitter un syndicat de la part d'un employeur peut être très difficile à opérer pour les travailleurs qui craignent de perdre leur emploi, le comité demande au gouvernement d'ordonner une nouvelle enquête par une instance indépendante jouissant de la confiance des parties en vue d'établir les circonstances des démissions du syndicat et la véracité de ces allégations. S'il est avéré que des pressions ont été exercées sur les travailleurs pour qu'ils quittent le syndicat, le comité demande au gouvernement de s'assurer que cela ne se reproduira pas et de le tenir informé des résultats de l'enquête.
- b) S'agissant de l'allégation de création avec les fonds de l'employeur d'une association de jeunes travailleurs, le comité demande au gouvernement de s'assurer que les fonctions exercées par cette association n'empiètent pas sur les activités normales d'une organisation syndicale.
- c) Au sujet des allégations relatives à la conférence du collectif des travailleurs, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les activités de nature syndicale soient exercées par des organisations syndicales indépendantes et qu'en particulier les collectifs des travailleurs n'empiètent pas sur les fonctions normales des syndicats, notamment en matière de grève et de négociation collective.
- d) Au sujet des déclarations judiciaires d'illégalité de la grève envisagée pour le 7 septembre 1998, le comité, soulignant que les ports ne constituent pas des services essentiels où la grève pourrait être interdite, même s'il s'agit de services publics importants dans lesquels pourrait être prévu le maintien de service minimum en cas de grève, demande au gouvernement de modifier l'article 18 de la loi afin qu'il ne puisse pas être interprété comme permettant d'interdire la grève dans les ports.
- e) Le comité, exprimant sa préoccupation devant la gravité des allégations de menaces physiques et judiciaires contre le président du syndicat plaignant et contre le syndicat lui-même (saisie de rapports financiers, fermeture de comptes bancaires, pressions, atteintes au droit de libre circulation et tentative d'enlèvement du président du syndicat du NPRP), demande au gouvernement de s'assurer que l'enquête ordonnée auprès du bureau du Procureur général soit menée avec diligence et de le tenir informé du résultat de l'enquête.