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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 323, Novembre 2000

Cas no 2028 (Gabon) - Date de la plainte: 21-MAI -99 - Clos

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  1. 201. Dans une communication en date du 21 mai 1999, la Confédération gabonaise des syndicats libres (CGSL) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Gabon. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 28 avril 2000.
  2. 202. Le Gabon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 203. Dans sa communication du 21 mai 1999, la CGSL explique que, suite aux licenciements abusifs de Mme Oyane et M. Nkwaghe, deux travailleurs employés par l'entreprise Rougier-Ivindo, ces derniers se sont adressés à M. Jean-Rémy Nguelany, représentant de la CGSL dans la province de l'Ogové-Ivindo. M. Nguelany a initié une procédure en dédommagement à l'Inspection provinciale du travail de Boové après que Mme Oyane et M. Nkwaghe se furent acquittés des frais d'adhésion à la CGSL s'élevant à 7 000 francs CFA.
  2. 204. Suite aux délais occasionnés par l'absence de l'inspecteur du travail de Boové pour raisons de santé, le représentant de la CGSL a décidé de transmettre lui-même les dossiers litigieux à la Direction provinciale du travail de Makokou. Pour ce faire, le représentant de la CGSL s'est fait payer les frais de transport pour aller déposer les dossiers, ce qui représentait une somme de 15 000 francs CFA déboursée par Mme Oyane et M. Nkwaghe.
  3. 205. De retour de son congé maladie, l'inspecteur du travail compétent, sous prétexte de ne pas avoir apprécié la démarche du représentant de la CGSL, a décidé de récupérer les dossiers déposés par ce dernier auprès du chef de service provincial du travail au motif que le représentant de la CGSL n'avait pas compétence pour traiter un problème relatif à la législation du travail. Voyant le temps passer sans que leur problème de licenciement abusif ne trouve de solution, Mme Oyane et M. Nkwaghe se sont adressés à l'inspecteur du travail qui les a incités à déposer une plainte au tribunal de Makokou contre le représentant de la CGSL pour escroquerie des montants de 7 000 et 15 000 francs CFA (environ 40 dollars E.-U.). Interpellé puis présenté au Parquet, une information a été ouverte contre le représentant de la CGSL pour des faits qualifiés d'escroquerie. Ce dernier a été incarcéré en détention préventive sans aucun procès durant quatre mois. Il a présenté une requête de mise en liberté provisoire qui lui a été refusée. Il a finalement bénéficié d'un non-lieu et a été relaxé, mais cela après quatre mois d'emprisonnement.
  4. 206. De ce qui précède, la CGSL considère que l'inspecteur du travail a délibérément voulu user d'excès de zèle pour nuire au représentant de la CGSL et rappelle que, durant les quatre mois d'emprisonnement, le représentant de la CGSL s'est vu privé de son salaire.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 207. Dans sa communication du 28 avril 2000, le gouvernement ne conteste aucunement les faits ayant mené au dépôt de la plainte, mais apporte néanmoins quelques précisions. En premier lieu, le gouvernement indique que, suite à son enquête, il apparaît que Mme Oyane n'était pas au service de l'entreprise Rougier-Ivindo mais bien au service d'un particulier lui-même employé par cette société. Quant à M. Nkwaghe, il aurait lui-même déclaré n'avoir jamais exercé dans la société Rougier-Ivindo.
  2. 208. En second lieu, le gouvernement précise que la déclaration écrite de Mme Oyane, par ailleurs légalisée par la mairie de Boové, dans laquelle elle soutient que l'inspecteur du travail a désapprouvé la démarche entreprise par le représentant de la CGSL et l'a donc incitée à porter plainte contre celui-ci pour escroquerie, a été rejetée formellement par l'intéressé. En outre, le gouvernement affirme que l'incarcération de M. Nguelany a eu lieu pour motif d'escroquerie et non pas pour son activité syndicale.
  3. 209. Enfin, le gouvernement indique qu'en date du 10 mai 1999 la CGSL a introduit au Cabinet du ministre du Travail une plainte contre l'inspecteur du travail, M. Mba Evouna, pour avoir commandité l'emprisonnement de son collaborateur, M. Nguelany. Toutefois, le gouvernement déplore qu'avant d'avoir épuisé toutes les voies de recours au niveau national et obtenu une réponse du ministre du Travail, la CGSL ait saisi le BIT, ce que le gouvernement estime contraire à la promotion du dialogue social dans le pays.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 210. Le comité note que le présent cas concerne des allégations d'arrestation et de détention d'un représentant de la CGSL durant quatre mois. Le comité observe que les faits ayant mené au dépôt de la plainte ne sont pas contestés par le gouvernement, bien que ce dernier y apporte certaines réserves. En particulier, le gouvernement affirme que l'inspecteur du travail, M. Mba Evouna, a formellement démenti le fait que la plainte pour escroquerie déposée par Mme Oyane contre le représentant de la CGSL l'avait été suite à ses recommandations. Toutefois, le comité observe de la déclaration écrite de Mme Oyane, déclaration légalisée par la mairie de Boové et fournie par le gouvernement, que cette dernière affirme que M. Mba Evouna a fortement incité Mme Oyane et M. Nkwaghe à porter plainte contre le représentant de la CGSL pour escroquerie des sommes versées pour l'adhésion à la CGSL et le transport à Makokou. Mme Oyane termine sa déclaration écrite en condamnant sévèrement le mauvais comportement de l'inspecteur du travail de Boové.
  2. 211. Suite au dépôt de cette plainte, le comité observe que le représentant de la CGSL a été maintenu en détention préventive durant quatre mois sans être jugé. De plus, le comité observe que la demande de mise en liberté provisoire du représentant de la CGSL lui a été refusée. Enfin, le comité prend note du jugement du tribunal de première instance de Makokou, fourni par le gouvernement et l'organisation plaignante, qui déclare non constituée à l'égard du représentant de la CGSL, M. Nguelany, l'accusation d'escroquerie et prononce un non-lieu. Dans son jugement, le juge de première instance déclare notamment qu'étant syndicaliste et membre de la CGSL M. Nguelany avait le droit de servir de courroie de transmission entre les employés et l'inspecteur du travail, qu'il a bien déposé les dossiers de ses syndiqués au service provincial du travail et qu'il n'a pas usé de manoeuvres frauduleuses pour escroquer Mme Oyane et M. Nkwaghe.
  3. 212. De ce qui précède, le comité ne peut que déplorer vivement l'arrestation et la détention durant quatre mois du représentant de la CGSL, M. Nguelany. Le comité insiste fermement sur le fait que l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucune charge n'est ultérieurement retenue comporte des restrictions à la liberté syndicale, et le gouvernement devrait prendre des dispositions afin que des instructions appropriées soient données pour prévenir les risques que comportent, pour les activités syndicales, de telles arrestations. Il est certain par ailleurs que des mesures de ce type peuvent créer un climat d'intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales. Le comité rappelle en outre que les mesures de détention préventive doivent être limitées dans le temps à de très brèves périodes et uniquement destinées à faciliter le déroulement d'une enquête judiciaire. Enfin, le fait que tout détenu doit être déféré sans délai devant la juridiction compétente constitue l'un des droits fondamentaux de l'individu et, lorsqu'il s'agit d'un syndicaliste, la protection contre toute arrestation et détention arbitraires et le droit à un jugement équitable et rapide font partie des libertés civiles qui devraient être assurées par les autorités afin de garantir l'exercice normal des droits syndicaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 80, 87 et 94.) Le comité prie instamment le gouvernement de respecter ces principes à l'avenir et lui demande de prendre les mesures nécessaires afin de s'assurer que M. Nguelany soit dûment indemnisé suite à la perte de son salaire lors de la détention préventive, et lui demande de le tenir informé à cet égard. Par ailleurs, s'agissant de la déclaration du gouvernement dans laquelle il déplore que l'organisation plaignante ait saisi le BIT avant d'avoir épuisé toutes les voies de recours au niveau national, le comité rappelle que, si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours (paragr. 33 de la procédure du Comité de la liberté syndicale).

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 213. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à adopter la recommandation suivante:
    • Rappelant que l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucune charge n'est ultérieurement retenue comporte de graves restrictions à la liberté syndicale, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s'assurer que M. Nguelany soit dûment indemnisé par les autorités suite à la perte de son salaire lors de sa détention préventive, et lui demande de le tenir informé à cet égard.
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