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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 324, Mars 2001

Cas no 2035 (Haïti) - Date de la plainte: 08-JUIN -99 - Clos

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  1. 564. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication du Syndicat des ouvriers de YAS Sewing Entreprise (SOYASSE) datée du 8 juin 1999.
  2. 565. En l'absence de réponse de la part du gouvernement, le comité a dû reporter à deux reprises l'examen du présent cas. A sa réunion de juin 2000 [voir 321e rapport, paragr. 9], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en attirant son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration, il pourrait présenter à sa réunion suivante un rapport sur le fond de l'affaire en instance, même si les informations et observations du gouvernement n'étaient pas reçues à temps.
  3. 566. Haïti a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 567. Dans sa communication du 8 juin 1999, l'organisation plaignante explique que, en date du 11 mai 1999, elle a informé par écrit la direction de YAS Sewing Entreprise de la création d'une organisation de travailleurs au sein de l'entreprise, dénommée "Syndicat des ouvriers de YAS Sewing Entreprise", précisant que cette organisation est reconnue et enregistrée à la direction du travail du ministère des Affaires sociales, et est conforme à la loi no VI sur les syndicats du Code du travail en vigueur. Dans sa communication à la direction de l'entreprise, le syndicat nouvellement créé sollicitait une rencontre avec les dirigeants de l'entreprise pour discuter des conditions de travail des ouvriers, afin de conclure, d'un commun accord, une entente sur ces questions. Cette lettre était signée par MM. Paul Brissaut et André Clervin, en tant que membres du comité exécutif du nouveau syndicat.
  2. 568. Suite à cette lettre, l'organisation plaignante indique que MM. Brissaut et Clervin ont été licenciés par YAS Sewing Entreprise en date du 12 mai 1999. Dans les lettres de licenciement, annexées au dossier par l'organisation plaignante, la direction de l'entreprise évoque "un comportement visant à troubler la bonne marche de l'entreprise" pour justifier ces deux licenciements. En outre, l'organisation plaignante allègue que, depuis la création du syndicat, la direction de l'entreprise harcèle et menace systématiquement tous les ouvriers suspectés d'être membres du syndicat. Ainsi, tout ouvrier surpris en train de distribuer des bulletins du syndicat se voit menacé de licenciement, en plus de faire l'objet de menaces de représailles physiques à l'encontre des membres de sa famille.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 569. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte et compte tenu de la gravité des faits allégués, le gouvernement n'ait répondu à aucune des allégations formulées par l'organisation plaignante, alors qu'il a été à plusieurs reprises invité à présenter ses commentaires et observations sur le cas, notamment par un appel pressant. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable dans ce cas [voir 127e rapport du comité, paragr. 17, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session], le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de l'affaire, même en l'absence des informations qu'il avait espéré recevoir du gouvernement.
  2. 570. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée par l'Organisation internationale du Travail en vue d'examiner des allégations relatives à des violations de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux accusations qui pourraient être dirigées contre eux. [Voir 1er rapport du comité, paragr. 31.]
  3. 571. Enfin, le comité exprime sa profonde préoccupation devant le fait qu'il s'agit de la troisième plainte déposée contre le gouvernement d'Haïti dans les derniers 18 mois sans que ce dernier ne fasse parvenir quelque information que ce soit au comité.
  4. 572. Le comité note que la présente plainte concerne des allégations de licenciements de syndicalistes suite à la création d'un syndicat d'entreprise ainsi que des actes d'intimidation à l'encontre d'ouvriers soupçonnés d'être membres dudit syndicat.
  5. 573. Le comité observe que l'organisation plaignante indique avoir informé la direction de YAS Sewing Entreprise de la création d'un syndicat au sein de cette entreprise en date du 11 mai 1999. Le comité note en outre que, selon l'organisation plaignante, le syndicat en question a été reconnu et enregistré à la Direction du travail du ministère des Affaires sociales et est conforme à la législation en vigueur sur les syndicats. Les deux signataires de la lettre informant la direction de l'entreprise de la création du syndicat ont été licenciés le jour suivant l'envoi de cette lettre, soit le 12 mai 1999, pour avoir eu selon l'employeur un comportement visant à troubler la bonne marche de l'entreprise. De plus, depuis cette date, l'organisation plaignante affirme que de nombreux ouvriers soupçonnés de faire partie du syndicat ont été victimes d'actes d'intimidation et de harcèlement.
  6. 574. Dans ces circonstances et en l'absence de tout élément de réponse de la part du gouvernement, le comité rappelle en premier lieu que le licenciement d'un travailleur en raison de son appartenance à un syndicat ou de ses activités syndicales porte atteinte aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 702.] Le comité ne peut manquer de relever à cet égard que les intéressés ont été licenciés immédiatement après que la création du syndicat eut été annoncée à l'employeur. De l'avis du comité, il existe en conséquence une forte présomption que les licenciements en question ont eu lieu pour des activités liées à la création d'un syndicat. Dans ces conditions, le comité insiste auprès du gouvernement pour qu'il prenne les mesures nécessaires pour qu'une enquête indépendante soit immédiatement diligentée sur cette affaire. Au cas où les conclusions de cette enquête confirmeraient la nature antisyndicale des licenciements, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les deux dirigeants puissent être réintégrés dans leur poste de travail. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. En ce qui concerne les autres actes d'intimidation dont auraient été victimes plusieurs ouvriers de l'entreprise, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête à cet égard et lui rappelle qu'il a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale, et que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection contre de tels actes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 739.] Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 575. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas fourni de réponse aux allégations bien qu'il ait été invité à plusieurs reprises à le faire, notamment par un appel pressant, et il le prie instamment de faire parvenir une réponse sans retard.
    • b) S'agissant des licenciements des deux dirigeants syndicaux par l'entreprise YAS Sewing Entreprise, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'une enquête indépendante soit immédiatement diligentée sur cette affaire. Au cas où les conclusions de cette enquête confirmeraient la nature antisyndicale des licenciements, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les deux dirigeants puissent être réintégrés dans leur poste de travail. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) S'agissant des actes d'intimidation dont auraient été victimes plusieurs ouvriers de YAS Sewing Entreprise suite à leur adhésion au nouveau syndicat, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête à cet égard et lui rappelle qu'il a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et lui demande de s'assurer que les règles de fond existant dans la législation nationale soient accompagnées de procédures efficaces assurant une protection contre de tels actes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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