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Rapport définitif - Rapport No. 321, Juin 2000

Cas no 2071 (Togo) - Date de la plainte: 28-JANV.-00 - Clos

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  1. 417. Des demandes d'intervention concernant des allégations de violation des droits syndicaux par le Togo ont été adressées au BIT en date du 28 janvier 2000 par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et par la Confédération mondiale du travail (CMT) concernant les arrestations de syndicalistes. Par la suite, la CMT a communiqué des informations supplémentaires sur cette affaire le 31 janvier 2000, puis elle a déposé une plainte formelle devant le Comité de la liberté syndicale le 3 février 2000.
  2. 418. Le gouvernement a fait parvenir ses observations sur cette affaire dans des communications datées des 1er février et 22 mars 2000.
  3. 419. Le Togo a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 420. Dans leur demande d'intervention du 28 janvier 2000, la CISL et la CMT dénoncent l'arrestation le jour même de deux dirigeants syndicaux, MM. Gbikpi-Benissan, secrétaire général de l'Union nationale des syndicats indépendants du Togo (UNSIT), et Allagah-Kodegui, secrétaire général de la Fédération des travailleurs de l'éducation nationale (FETREN), et le mandat d'arrêt lancé à l'encontre de M. Akouete, secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Togo (CSTT) et secrétaire général adjoint de l'Organisation démocratique des syndicats des travailleurs africains (ODSTA). Dans des informations complémentaires du 31 janvier 2000, la CMT explique que le gouvernement togolais a procédé à l'arrestation de deux hauts dirigeants syndicaux pour "propagation de fausses informations" et qu'ils ont été déférés à la prison de Lomé.
  2. 421. Dans sa plainte formelle, la CMT déclare que le Togo connaît un malaise socio-économique sans précédent caractérisé par des retards de trois à sept mois dans le versement des traitements des fonctionnaires et autres agents de l'Etat. Les autorités publiques refusent de négocier avec les travailleurs, ce qui a conduit à la détérioration du climat social et à des manifestations de rues réprimées sévèrement par les forces de l'ordre. La Confédération syndicale des travailleurs du Togo (CSTT) réunie en assemblée générale le mercredi 26 janvier 2000, ayant analysé la situation économique provoquée par la hausse des prix des produits pétroliers, a dénoncé l'érosion constante du pouvoir d'achat des salariés. Elle a donc demandé au gouvernement de revenir sur sa décision et de prendre des mesures pour soulager la souffrance des travailleurs, et en a appelé à la mobilisation de ses membres pour préserver les acquis sociaux.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 422. Dans sa réponse du 1er février 2000, le gouvernement affirme qu'il est soucieux du respect des droits de l'homme et qu'il met tout en oeuvre pour respecter la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Cependant, d'après le gouvernement, les deux syndicalistes interpellés sont poursuivis pour "diffusion de fausses nouvelles et atteinte à l'honneur", actes prévus et punis par le Code de la presse et de la communication, et non pas pour activités syndicales. Le gouvernement indique qu'en vertu de la séparation des pouvoirs le ministre du Travail et de la Fonction publique ne saurait interférer dans une affaire qui ne relève pas de sa compétence.
  2. 423. Le gouvernement annexe à sa communication une copie du communiqué du Procureur de la République sur cette affaire, datée du 31 janvier 2000. Le Procureur estime que, dans l'hebdomadaire togolais L'Aurore daté du 15 au 21 décembre 1999, un article intitulé "Répression au lycée d'Agbalepodo, une élève tuée" prétendait qu'une jeune fille était décédée lors d'échauffourées le 7 décembre 1999 entre les forces de l'ordre, les élèves et les étudiants. Le journal, d'après le Procureur, imputait le crime au proviseur et au ministre de l'Education nationale, alors qu'aucune jeune fille n'était morte. Le ministre a porté plainte contre le directeur du journal pour diffusion de fausses nouvelles et atteinte à l'honneur. Celui-ci a été arrêté. L'information ouverte a permis l'interpellation des véritables auteurs de l'article, à savoir deux fonctionnaires à la retraite se prétendant respectivement secrétaires généraux de l'UNSIT et de la FETREN.
  3. 424. Dans une réponse ultérieure du 22 mars 2000, le gouvernement explique que le 4 février 2000 toutes les personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire ont recouvré leur liberté, malgré la gravité des faits, grâce à la magnanimité du chef de l'Etat togolais qui a personnellement instruit le ministre de l'Education nationale de retirer sa plainte. Cette mesure de clémence a eu pour effet immédiat de permettre la libération du directeur du journal L'Aurore, la libération des deux syndicalistes, MM. Gbikpi-Benissan et Allagah-Kodegui, et l'annulation du mandat d'arrêt lancé contre M. Akouete, secrétaire général de la CSTT, lequel était lors des faits en mission à l'étranger. Ce dernier a regagné Lomé sans être inquiété et poursuit ses activités syndicales en toute sérénité, affirme le gouvernement.
  4. 425. Le gouvernement s'étonne cependant qu'après les échanges fructueux qu'il a eus avec les délégations de la CISL et de la CMT à la veille de la libération des syndicalistes interpellés il soit malgré tout accusé de violation des droits syndicaux devant l'OIT. Le gouvernement se réfère à l'article 8 de la convention no 87 qui dispose "dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité". Il indique que tel n'est malheureusement pas toujours le cas au Togo où, selon lui, certains responsables syndicaux se sentent au-dessus des lois.
  5. 426. Le gouvernement regrette que certains syndicalistes préfèrent régler les problèmes qui les préoccupent dans la rue au lieu de s'engager dans la voie du dialogue social et rappelle que c'est cette attitude qui avait déjà conduit à la grève générale illimitée et non négociable de neuf mois, qu'ils avaient lancée en 1992 et dont les conséquences aux plans social et économique constituent les causes profondes du "malaise" que les plaignants évoquent dans leur plainte.
  6. 427. Le gouvernement joint à sa réponse du 22 mars 2000 une copie du communiqué du Conseil des ministres du 4 février 2000 annonçant la libération de toutes les personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire, ainsi que l'abandon des poursuites judiciaires les concernant, à la demande expresse du chef de l'Etat.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 428. Le comité note que la présente affaire a trait à l'arrestation de deux dirigeants syndicaux et au mandat d'arrêt lancé contre un troisième dirigeant syndical le 28 janvier 2000.
  2. 429. Selon les plaignants, les arrestations sont intervenues après des manifestations de décembre 1999 protestant contre la hausse des prix du pétrole et les arriérés de salaires dans la fonction publique et après une assemblée générale de la CSTT le 26 janvier 2000 qui avait appelé à la mobilisation de ses membres pour préserver les acquis sociaux.
  3. 430. Le comité note que, selon le gouvernement, les syndicalistes en question ont été poursuivis non pour activités syndicales, mais en raison d'une plainte déposée par le ministre de l'Education nationale pour diffusion de fausses nouvelles et atteinte à l'honneur par la publication d'un article accusant de façon calomnieuse le proviseur d'un lycée et le ministre de l'Education nationale d'être à l'origine de la mort d'une jeune fille survenue lors d'échauffourées avec les forces de l'ordre.
  4. 431. Le gouvernement indique toutefois que, grâce à l'intervention du chef de l'Etat, les intéressés ont tous été libérés le 4 février 2000 et que les poursuites judiciaires les concernant ont été abandonnées.
  5. 432. S'agissant de la déclaration du gouvernement à propos de l'article 8 de la convention no 87, le comité note que, si le premier alinéa de cet article prévoit que, dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations sont tenus, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité, le deuxième alinéa dispose que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.
  6. 433. Le comité doit rappeler que, si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l'immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir des syndicalistes. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 83.)
  7. 434. Notant cependant que les dirigeants syndicaux ont recouvré la liberté au bout d'une semaine de détention après l'intervention du chef de l'Etat et que les poursuites judiciaires ont été abandonnées, le comité ne poursuivra pas cet aspect du cas.
  8. 435. Le comité observe néanmoins que, dans la présente affaire, les plaignants ont fait état d'un malaise social dû à des arriérés de salaires et à l'érosion du niveau de vie des travailleurs. Dans ces conditions, le comité exprime le ferme espoir que les problèmes de nature sociale auxquels les travailleurs du Togo doivent faire face pourront être résolus dans le cadre d'un dialogue entre le gouvernement et les organisations syndicales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 436. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • a) Le comité note que les dirigeants syndicaux arrêtés dans cette affaire ont été libérés au bout d'une semaine de détention grâce à l'intervention du chef de l'Etat et que les poursuites judiciaires les concernant ont été abandonnées.
    • b) Le comité exprime le ferme espoir que les problèmes de nature sociale auxquels les travailleurs du Togo doivent faire face pourront être résolus dans le cadre d'un dialogue entre le gouvernement et les organisations syndicales.
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