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- 814. La plainte figure dans une communication du Syndicat des travailleurs du ministère de la Santé publique et du Bien-être social (SITRAMIS) et de la Centrale syndicale des travailleurs de l'Etat du Paraguay (CESITEP) en date du 31 mai 2000. La CESITEP a fait parvenir des observations complémentaires dans une communication du 12 octobre 2000. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 13 octobre 2000.
- 815. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 816. Dans ses communications des 31 mai et 12 octobre 2000, le Syndicat des travailleurs du ministère de la Santé publique et du Bien-être social (SITRAMIS) et la Centrale syndicale des travailleurs de l'Etat du Paraguay (CESITEP) font savoir qu'un appel à la grève générale a été lancé pour le 4 mai 2000 à l'initiative de la Centrale syndicale des travailleurs de l'Etat du Paraguay (CESITEP), de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), de la Centrale générale des travailleurs (CGT) et de la Confédération paraguayenne des travailleurs (CPT) pour appuyer les revendications suivantes: a) application de l'accord signé par le gouvernement dans le cadre du dialogue social; b) participation des centrales syndicales au processus de réforme de l'Etat; c) retrait du congrès du projet de privatisation des entités publiques; d) régularisation et paiement de l'assurance médicale des fonctionnaires publics et application du décret no 6388/99; e) paiement des allocations familiales; f) dépolitisation des ministères de la Santé publique et du Bien-être social et de l'Education et de la Culture; g) respect de la législation du travail; h) accélération des procédures judiciaires relatives à des conflits du travail et prise en compte des normes de l'OIT pour le règlement des cas; i) abolition de la persécution syndicale. Les organisations plaignantes soulignent que, devant cette détermination, le ministère de la Santé publique et du Bien-être social s'est appliqué à persécuter divers fonctionnaires, actifs militants syndicaux de façon persistante, tenace, injustifiée et immorale. Parmi ces fonctionnaires figurent M. Christian Weiler, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de LACIMET, et Mme Marcia Rivas de Gómez, qui ont été transférés, ainsi que Mme Florinda Insaurralde, qui a été licenciée au seul motif de s'être consacrée aux revendications des travailleurs et à la défense des droits d'autres camarades.
- 817. Les plaignants indiquent que la grève a été temporairement suspendue après que le gouvernement eut promis de considérer les revendications des centrales syndicales. Toutefois, le ministère de la Santé publique et du Bien-être social a décidé arbitrairement de muter la présidente du Conseil décentralisé du SITRAMIS d'Itapuá, Mme Marcia Rivas de Gómez, de la ville d'Encarnación dans une petite commune appelée San Juan del Paraná. En réaction à cette mesure de mutation, une journée de protestations a été organisée devant l'hôpital régional d'Encarnación, le 12 mai 2000, au cours de laquelle les forces de l'ordre ont agressé et arrêté M. Reinaldo Barreto Medina, président du SITRAMIS et de la CESITEP alors que les fonctionnaires manifestaient de façon pacifique.
- 818. Les organisations plaignantes signalent que le ministère public a ouvert une instruction à l'encontre de M. Reinaldo Barreto Medina, inculpé d'"acte répréhensible supposé contre l'administration publique" (résistance à l'autorité) et a ordonné son incarcération, ordre qui a finalement été levé par le tribunal, faute de preuves. La CESITEP joint à ses observations copie de l'acte de procédure pénale d'où il ressort que le ministère public et M. Reinaldo Barreto Medina sont convenus de demander la suspension de la procédure, à la condition que, pendant un an, le prévenu exerce des services odontologiques dans un hôpital le samedi matin. Le juge pénal a fait droit à cette requête conjointe.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 819. Dans sa communication du 13 octobre 2000, le gouvernement déclare, à propos de l'allégation concernant le transfert de M. Christian Weiler, que celui-ci, par décision de la DGRH no 1208 du 12 juillet 1999, a été détaché (mutation temporaire) du laboratoire central au centre de santé no 8, qui relève de la XVIIIe région sanitaire. Ce transfert a été réalisé en tenant compte de la réorganisation du ministère; en raison d'un budget insuffisant cette année, le ministère s'est vu contraint de redistribuer ses ressources humaines pour procéder à des changements dans la nouvelle administration et restructurer les services; en tant que fonctionnaire ayant de longues années de service derrière lui et doté d'une grande expérience en matière de patrimoine, M. Weiler a été détaché au centre de santé no 8 pour organiser la zone et pouvoir ainsi assurer le fonctionnement du service et inventorier les biens de cette institution. M. Weiler s'est présenté une seule fois au centre de santé no 8 pour y travailler, et n'est plus jamais retourné sur son lieu de travail. L'enquête administrative ouverte contre lui pour ce motif a conclu, registre des présences à l'appui, à l'absentéisme de M. Weiler pour cause d'abandon de poste supposé. A l'issue de la procédure, il a été licencié par décret no 7332 du 31 janvier 2000. Le gouvernement souligne que M. Weiler ne jouissait pas de la stabilité syndicale, comme il ressort du rapport du chef de la section Relations professionnelles et registre syndical figurant dans le dossier.
- 820. En ce qui concerne Mme Florinda Insaurralde, le gouvernement indique qu'elle a été licenciée aux termes du décret no 7081 du 10 janvier 2000 à l'issue d'une enquête ouverte en juillet 1999 sur les faits qui lui étaient reprochés dans ses relations avec ses supérieurs et ses collègues (ingérence dans des fonctions qui ne lui incombaient pas, utilisation du téléphone de l'institution à des fins personnelles, menaces à l'encontre de ses collègues, etc.).
- 821. A propos de Mme Marcia Rivas de Gómez, le gouvernement fait observer qu'elle a été transférée au poste de santé de San Juan del Paraná, le 12 mai 2000, à deux kilomètres de son domicile, à l'occasion de la journée nationale de vaccination combinée. En prévision de cette journée, la direction de la VIIe région sanitaire avait sollicité le détachement de Mme Marcia Rivas de Gómez de l'hôpital régional l'Encarnación au poste de santé del Paraná, qui dépend de la même région sanitaire, jusqu'au 31 mai 2000. Cette mesure avait été prise par la décision de la DGRH no 1154 du 12 mai 2000, conformément à l'article 2, in fine, de la résolution SG no 159, du décret no 21376 qui donne pouvoir au ministère de la Santé d'assurer l'administration générale de l'institution et la gestion de ses ressources humaines, et de l'article 32, alinéa E, de la loi no 200/70 portant "Statut de la fonction publique". La région sanitaire d'Itapúa avait sollicité le transfert de Mme Marcia Rivas de Gómez au poste de santé de San Juan del Paraná, en raison de l'insuffisance des ressources humaines budgétaires pour recruter en vue de la journée nationale de vaccination et du manque de personnel de ce dispensaire; le gouvernement ajoute que la région sanitaire d'Itapuá est très étendue et que le manque de personnel dans divers centres et postes de santé ne lui permettait pas de faire face à la tâche prévue.
- 822. A propos de l'agression et de la détention de M. Reinaldo Barreto Medina, président de la CESITEP, le gouvernement déclare que, selon la police, ce dirigeant syndical a agressé le commissaire principal, Rogelio Benítez Nuñez (chef des forces de l'ordre et de la sécurité), raison pour laquelle il a été provisoirement mis en détention pour acte répréhensible contre l'administration publique, conformément à l'article 296 1) du Code pénal. M. Barreto Medina a été remis en liberté sur décision no 224 du 12 mai 2000, rendue par le juge pénal no 1 de la troisième circonscription judiciaire de la République.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 823. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes affirment qu'à la suite d'un appel à la grève lancé pour le 4 mai 2000 les autorités du ministère de la Santé publique et du Bien-être social ont exercé une persécution antisyndicale contre des fonctionnaires actifs militants syndicaux: M. Christian Weiler, secrétaire général du syndicat des travailleurs de LACIMET et vice-président du SITRAMIS, et Mme Marcia Rivas de G?mez, présidente du Conseil décentralisé du SITRAMIS - Itapua -, ont été mutés à un autre poste de travail, et par ailleurs Mme Florinda Insaurralde a été licenciée. Le comité observe en outre que, selon les organisations plaignantes, M. Reinaldo Barreto Medina, président du SITRAMIS, a été agressé physiquement puis emprisonné et jugé au cours de la journée de protestation du 12 mai 2000.
- 824. En ce qui concerne le transfert de M. Christian Weiler, secrétaire général du syndicat des travailleurs de LACIMET et vice-président du SITRAMIS, le comité note que, selon le gouvernement: 1) M. Weiler a été détaché (à titre provisoire) du laboratoire central au centre de santé no 8, le 12 juillet 1999; 2) sa mutation a été opérée dans le cadre de la réorganisation du ministère en raison de l'insuffisance des ressources budgétaires et afin de restructurer les services; 3) M. Weiler ne s'étant présenté qu'une seule fois à son travail au centre de santé no 8, une enquête administrative a conclu à l'absentéisme et à l'abandon de poste; 4) M. Weiler a été licencié par une décision de janvier 2000, à l'issue de l'enquête. A cette fin, le comité fait observer que la mutation en question s'est effectivement produite bien longtemps après le conflit faisant l'objet de la présente plainte, mais que M. Weiler exerçait deux fonctions syndicales et qu'il n'est donc pas exclu que ce transfert ait pu nuire à l'exercice de ses activités de dirigeant syndical. Dans ces conditions, le comité souligne que "l'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi
- - licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables - et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudices en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection, dans le cas de dirigeants syndicaux, est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants". [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 724.] Le comité demande au gouvernement de veiller à respecter ce principe.
- 825. En ce qui concerne le transfert de Mme Marcia Rivas de Gómez, présidente du conseil décentralisé du SITRAMIS, d'Itapuá, le comité fait observer que la version des organisations plaignantes et celle du gouvernement divergent. Selon les organisations plaignantes, son transfert est un acte de persécution antisyndicale consécutif à l'ordre de grève lancé pour le 4 mai 2000; pour le gouvernement, cette dirigeante syndicale a été mutée de la ville d'Encarnaci?n au poste de santé de San Juan del Paraná dans le cadre de la journée nationale de vaccination combinée, le 12 mai 2000, en raison de l'impossibilité de recruter du personnel à cet effet, et compte tenu du fait que le poste en question manquait de personnel. Dans ces conditions, et bien que la mutation ait eu lieu huit jours après l'appel à la grève, le comité ne dispose pas d'éléments suffisants pour affirmer qu'il repose sur des motifs antisyndicaux, compte tenu en particulier du fait que, selon le gouvernement, cette personne a finalement été réintégrée à son poste de travail originel dans la ville d'Encarnaci?n, le 10 juillet 2000.
- 826. En ce qui concerne l'agression, la détention et les poursuites engagées à l'encontre de M. Reinaldo Barreto Medina, président du SITRAMIS, pendant la journée de protestation du 12 mai 2000, le comité note que, selon le gouvernement, ce dirigeant syndical a agressé un agent de police (commissaire principal), raison pour laquelle il a été provisoirement mis en détention puis libéré le même jour. A cet égard, le comité observe que, ainsi qu'il ressort du dossier relatif à la procédure déclenchée contre M. Barreto Medina pour résistance à l'autorité (copie jointe par les organisations plaignantes), le ministère public et le prévenu sont convenus de solliciter la suspension de la procédure, à la condition que pendant un an le prévenu exerce des fonctions de dentiste dans un hôpital le samedi matin, demande à laquelle le juge a fait droit. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l'examen de cette allégation.
- 827. En ce qui concerne le licenciement de Mme Florinda Insaurralde, le comité note que, selon le gouvernement, cette mesure a été décidée à l'issue d'une enquête ouverte en juillet 1999 sur divers actes qui lui étaient reprochés: ingérence dans des fonctions qui ne lui incombaient pas, utilisation du téléphone de l'institution à des fins personnelles, menaces à l'encontre de ses collègues. Dans ces conditions, compte tenu du fait que cette travailleuse a été sanctionnée pour des faits qui se sont produits longtemps avant le conflit faisant l'objet de la présente plainte et que les organisations plaignantes n'indiquent pas qu'elle détenait un mandat syndical, le comité demande au gouvernement et aux plaignants de lui faire parvenir des informations additionnelles afin qu'il puisse clarifier cette question.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 828. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de veiller au respect du principe selon lequel les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables; cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudices en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Dans le cas de dirigeants syndicaux, cette garantie est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants.
- b) En ce qui concerne le licenciement de Mme Florinda Insaurralde, le comité demande au gouvernement et aux plaignants de lui faire parvenir des informations additionnelles afin qu'il puisse clarifier cette question.