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Rapport intérimaire - Rapport No. 325, Juin 2001

Cas no 2098 (Pérou) - Date de la plainte: 14-AOÛT -00 - Clos

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  1. 524. La plainte figure dans une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou en date du 14 août 2000. Cette organisation a fait parvenir des informations complémentaires par une communication du 4 octobre 2000 et des nouvelles allégations par les communications datées des 23 et 27 avril 2001. Le gouvernement a transmis ses observations par des communications du 12 septembre 2000 et du 23 janvier 2001.
  2. 525. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 526. Dans ses communications des 14 août et 4 octobre 2000, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) allègue qu’en violation des conventions nos 87 et 98 de l’OIT et des dispositions de la législation nationale, l’entreprise Cinematográfica Continental a licencié de façon arbitraire, le 12 mai 1999, M. Amílcar Zelada, secrétaire général du Syndicat des guichetiers, ouvreurs et placeurs de théâtre et du cinéma, obligeant l’intéressé à prendre un congé sans solde qu’il avait déjà pris. L’organisation plaignante fait observer que ce licenciement est contraire au principe de l’«immunité syndicale» consacré par la loi no 25593 sur les relations collectives de travail et son règlement d’application, et par le décret suprême no D11-92-TR, qui interdit le licenciement des dirigeants syndicaux. D’après l’organisation plaignante, ce licenciement constitue un acte de représailles manifeste motivé par les activités syndicales de M. Amílcar Zelada, car l’entreprise a saisi le ministère du Travail d’une demande de radiation de l’enregistrement du syndicat pour échapper à son obligation de négociation collective. La CGTP joint copie de cette demande, déposée en 1996, dans laquelle l’entreprise allègue que le syndicat ne réunit pas le nombre d’adhérents minimum exigé par la législation (100) pour la constitution d’un syndicat regroupant des travailleurs de plusieurs entreprises; pour cette raison, l’entreprise a engagé en 1996, devant le ministère du Travail, une procédure d’opposition à l’ouverture de la phase de négociation directe et de négociation collective avec le syndicat et a retourné à ce dernier son cahier de revendications. Le 12 septembre 2000, l’entreprise n’a pas assisté à la réunion de conciliation.
  2. 527. En ce qui concerne le licenciement du dirigeant syndical M. Amílcar Zelada, il ressort des informations fournies par l’organisation plaignante que, en première et deuxième instance, l’autorité judiciaire a rejeté les demandes de réintégration de l’intéressé (le cas est actuellement en instance devant la Cour suprême) et que, en réponse à ses allégations de méconnaissance du principe de l’immunité syndicale, l’autorité judiciaire constate que «le demandeur n’a pas obtempéré aux ordres réitérés donnés par l’employeur concernant son congé». Voici un extrait des documents de l’entreprise remis par l’organisation plaignante:
  3. Par son attitude apparemment rebelle, le demandeur a essayé de me surprendre en refusant d’utiliser son droit au congé, pour ensuite alléguer qu’on l’avait fait travailler contre son gré et exiger une compensation au triple de son congé, qui est la sanction prévue par la loi lorsque l’on n’accorde pas au travailleur son congé rémunéré au cours de l’année qui suit celle où les droits sont acquis … Comme le montrent les faits décrits, la faute grave qu’il a commise n’a rien à voir avec son statut de représentant syndical, mais constitue bien une faute de comportement.
  4. 528. Dans ses communications datées des 23 et 27 avril 2001, la CGTP allègue que trois entreprises ont demandé que l’enregistrement du syndicat soit annulé et que des violations de la négociation collective ont lieu dans une autre entreprise.
  5. B. Réponse du gouvernement
  6. 529. Dans ses communications du 12 septembre 2000 et du 23 janvier 2001, le gouvernement déclare que l’ordre juridique péruvien protège les droits syndicaux et institue des mécanismes destinés à garantir leur plein respect. Ainsi, l’alinéa premier de l’article 28 de la Constitution dispose que l’Etat reconnaît et garantit la liberté syndicale, encourage la négociation collective et favorise les modes de règlement amiable des conflits du travail. Par ailleurs, il renvoie aux articles 2, 3 et 4 du décret-loi no 25593, loi sur les relations collectives de travail (dispositions s’appliquant spécialement à la liberté syndicale):
  7. Article 2. L’Etat reconnaît aux travailleurs le droit de s’organiser, sans autorisation préalable, en vue de l’étude, du développement, de la protection et de la défense de leurs droits et intérêts et de l’amélioration de leur situation sociale, économique et morale.
  8. Article 3. L’affiliation est libre et volontaire. L’embauche d’un travailleur ne peut être subordonnée à son affiliation ou à sa non-affiliation, et l’on ne peut contraindre un travailleur à adhérer à un syndicat ni l’en empêcher.
  9. Article 4. L’Etat, les employeurs et leurs représentants respectifs doivent s’abstenir de tout acte tendant à limiter d’une quelconque façon le droit d’organisation des travailleurs et d’intervenir de quelque manière que ce soit dans la constitution, l’administration ou le financement des organisations syndicales que les travailleurs constituent.
  10. 530. Concrètement, et conformément aux principes de l’OIT en matière de liberté syndicale, l’article 30 du décret-loi no 25593 traite en particulier du cas des dirigeants syndicaux:
  11. Article 30. L’immunité syndicale garantit à certains travailleurs qu’ils ne peuvent être licenciés ni mutés dans d’autres établissements de la même entreprise sans juste motif dûment démontré ou sans leur accord.
  12. L’accord du travailleur n’est pas exigé lorsque sa mutation ne l’empêche pas d’exercer ses fonctions de dirigeant syndical.
  13. 531. Cependant, le gouvernement rappelle que l’OIT a précisé que «le principe suivant lequel un travailleur ou un dirigeant syndical ne doit pas subir de préjudice en raison de ses activités syndicales n’implique pas nécessairement que le fait de détenir un mandat syndical doive conférer à son détenteur une immunité contre tout licenciement, quelles que puissent être les circonstances de celui-ci».
  14. 532. Aux termes de l’article 29 du décret-loi no 728, la loi sur la productivité et l’efficacité des travailleurs, approuvé par décret suprême no 003-97-TR:
  15. Est nul tout licenciement ayant pour motif:
  16. a) l’affiliation à un syndicat ou la participation à des activités syndicales;
  17. b) le fait d’être candidat à un poste de représentant des travailleurs, d’agir ou d’avoir agi en cette qualité;
  18. (…)
  19. Conformément à cette disposition, l’article 34 du décret-loi dispose qu’en cas d’annulation du licenciement, si la demande est jugée fondée, le travailleur doit être réintégré, sauf si, en application de la décision, il opte pour la solution de l’indemnisation prévue par l’article 38. Cette indemnisation est égale à une fois et demi le salaire de base mensuel par année complète d’ancienneté et ne peut excéder 12 fois le salaire de base mensuel.
  20. 533. Se référant plus particulièrement à la plainte, le gouvernement fait observer que les dirigeants syndicaux ont déposé une demande d’annulation du licenciement auprès de l’autorité judiciaire, et que l’affaire fait actuellement l’objet d’un pourvoi en cassation devant la Chambre de droit social et constitutionnel de la Cour suprême de la République. Le gouvernement relève que, dans sa plainte, l’organisation allègue que «la décision manifestement arbitraire de l’entreprise est contraire à plusieurs dispositions du droit interne qui visent précisément à protéger les travailleurs contre tout acte de discrimination antisyndicale, ce qui rend nul et de nul effet le licenciement, comme l’a indiqué clairement le travailleur dans sa demande d’annulation du licenciement».
  21. 534. Sans entrer dans le débat concernant le caractère arbitraire ou non du licenciement, qui doit être tranché par les tribunaux, le gouvernement fait remarquer que l’organisation plaignante reconnaît que le droit interne, c’est-à-dire le cadre juridique en vigueur en matière de liberté syndicale au Pérou, protège les travailleurs, en particulier contre les actes de discrimination antisyndicale.
  22. 535. En l’espèce, le dirigeant syndical concerné a eu accès aux voies de recours lui permettant d’exiger le respect de ses droits syndicaux et en a fait usage, et l’action en annulation du licenciement qu’il a intentée fait actuellement l’objet d’un pourvoi en cassation devant la Chambre de droit social et constitutionnel de la Cour suprême.
  23. 536. En l’espèce, il convient de garder à l’esprit que, lorsque le travailleur fait appel à la justice, l’administration publique et le gouvernement perdent toute compétence en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. Ce principe est consacré par la Constitution. En effet, celle-ci dispose que le pouvoir judiciaire est autonome et qu’il rend ses décisions en toute indépendance.
  24. 537. En ce qui concerne la volonté alléguée de l’entreprise Cinematográfica Continental d’échapper à son obligation de négociation collective, le ministère du Travail et de la Promotion sociale a procédé à une enquête. Celle-ci a permis de conclure que la demande de radiation de l’enregistrement du syndicat a été déposée juste après que le Syndicat des guichetiers, ouvreurs et placeurs de théâtre et du cinéma ait présenté à cette entreprise sa demande d’approbation de son cahier de revendications 1995-96, dans lequel il annonçait un effectif total de 57 adhérents. Comme il s’agit d’un syndicat de secteur, constitué de travailleurs de plusieurs entreprises présentant une communauté de métier, de profession ou de spécialité il doit, conformément à l’article 5 c) du décret-loi no 25593, loi sur les relations collectives de travail, compter au moins 100 adhérents. L’article 14 de ce texte est en effet ainsi libellé:
  25. Article 14. Pour se constituer et continuer à exister, un syndicat doit compter au moins 20 adhérents s’il s’agit d’un syndicat d’entreprise, ou au moins 100 adhérents s’il s’agit d’un syndicat d’une autre nature.
  26. 538. La demande de radiation déposée auprès de la sous-direction des registres généraux et des expertises est en cours d’instruction, et la décision de l’autorité compétente dépend de savoir si le syndicat concerné peut justifier du nombre d’adhérents minimal exigé par le texte législatif en vigueur. En outre, l’inspection du travail mène une enquête afin de déterminer le nombre d’adhérents du syndicat en question. Par conséquent, dans la mesure où il n’existe pas de jugement relatif à la radiation de l’enregistrement du syndicat, le gouvernement considère qu’il n’est pas possible d’apprécier l’allégation selon laquelle l’entreprise cherche à échapper à son obligation de négociation collective.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 539. Le comité note qu’en l’espèce l’organisation plaignante allègue le licenciement arbitraire, illégal et antisyndical du dirigeant syndical M. Amílcar Zelada, fondé sur son refus de prendre, sur ordre de l’entreprise, un congé sans solde qu’il avait déjà pris. D’après l’organisation plaignante, ce licenciement est intervenu à un moment où l’entreprise demandait la radiation de l’enregistrement du syndicat depuis 1996 et se refusait à négocier avec lui au motif qu’il ne réunissait pas le nombre minimal légal de 100 adhérents.
  2. 540. En ce qui concerne le licenciement du dirigeant syndical M. Amílcar Zelada, le comité note que, selon les informations fournies par l’organisation plaignante, en première et deuxième instance, l’autorité judiciaire a rejeté les demandes de réintégration de l’intéressé et fait observer que, en réponse à ses allégations de méconnaissance du principe de l’immunité syndicale, l’autorité judiciaire constate que «le demandeur n’a pas obtempéré aux ordres réitérés donnés par l’employeur concernant son congé». Un document de l’entreprise remis par l’organisation plaignante déclare aussi que par son attitude apparemment rebelle, le demandeur travailleur a essayé d’utiliser son droit au congé, pour ensuite alléguer qu’on l’avait fait travailler contre son gré et exiger une compensation au triple de son congé, qui est la sanction prévue par la loi. De plus, selon ce document, les faits décrits démontrent la faute grave qu’il a commise n’a rien à voir avec son statut de représentant syndical, mais constitue bien une faute de comportement.
  3. 541. Dans ces conditions, pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’arrêt de la Cour suprême concernant le licenciement du dirigeant syndical M. Amílcar Zelada.
  4. 542. En ce qui concerne la procédure engagée par l’entreprise auprès du ministère du Travail en vue de la radiation de l’enregistrement du syndicat au motif qu’il compte seulement 57 adhérents, et donc qu’il n’atteint pas le nombre minimum légal de 100 adhérents applicable aux syndicats qui ne sont pas des syndicats d’entreprise, et le refus de l’entreprise de négocier pour cette raison, le comité prend note de la déclaration du gouvernement, à savoir que la procédure est en instance, que son issue dépend de la justification, par le syndicat, du nombre de ses adhérents auprès de l’inspection du travail, et que seul le jugement rendu dans cette affaire permettra d’apprécier l’allégation selon laquelle l’entreprise cherche à’échapper à son obligation de négocier.
  5. 543. A cet égard, le comité souhaite appeler l’attention du gouvernement sur le fait que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations critique depuis déjà plusieurs années «l’exigence d’un nombre élevé de travailleurs (100) pour constituer des syndicats de branche, de secteur ou de métier (article 14 de la loi sur les relations collectives de travail)». [Voir le rapport III, partie 1A, Conférence internationale du Travail, 1999, p. 287.] Le comité estime pour sa part qu’un «nombre minimum de 100 membres exigé pour constituer des syndicats de branche, de profession ou de métier divers doit être réduit, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 254.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation en vue de réduire le nombre minimum de membres exigé par la législation pour constituer des syndicats qui ne sont pas des syndicats d’entreprise et le prie instamment de ne pas radier l’enregistrement du Syndicat des guichetiers, ouvreurs et placeurs du théâtre et du cinéma et de reconnaître clairement le droit de ce syndicat de négocier collectivement avec les entreprises cinématographiques, au moins au nom de ses membres. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
  6. 544. Le comité demande au gouvernement de faire parvenir ses observations concernant les récentes communications de la CGTP datées des 23 et 27 avril 2001.
  7. 545. Le comité signale à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations les aspects législatifs de ce cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 546. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’arrêt de la Cour suprême concernant le licenciement du dirigeant syndical M. Amílcar Zelada.
    • b) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation en vue de réduire le nombre minimum de membres exigé par la législation pour constituer des syndicats qui ne sont pas des syndicats d’entreprise et le prie instamment de ne pas radier l’enregistrement du Syndicat des guichetiers, ouvreurs et placeurs du théâtre et du cinéma et de reconnaître clairement le droit de ce syndicat de négocier collectivement avec les entreprises cinématographiques, au moins au nom de ses membres. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
    • c) Le comité demande au gouvernement de faire parvenir ses observations concernant les récentes communications de la CGTP datées des 23 et 27 avril 2001.
    • d) Le comité signale à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations les aspects législatifs de ce cas.
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