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Rapport intérimaire - Rapport No. 326, Novembre 2001

Cas no 2105 (Paraguay) - Date de la plainte: 05-AOÛT -00 - Clos

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  1. 432. La présente plainte fait l’objet des communications en date du 5 août et du 9 octobre 2000 de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et du Syndicat des travailleurs de l’Administration nationale de l’électricité (SITRANDE).
  2. 433. N’ayant pas reçu de réponse de la part du gouvernement, le comité a dû ajourner à deux reprises l’examen de ce cas. De même, à sa session de mai-juin 2001 [voir 325e rapport, paragr. 8], le comité a lancé un appel pressant et signalé à l’intention du gouvernement que, conformément à la procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il présenterait à sa session suivante un rapport sur le fond de l’affaire, même si les informations et observations attendues du gouvernement en cause n’étaient pas reçues à cette date. A ce jour, le gouvernement n’a pas envoyé ses observations.
  3. 434. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 435. Dans leurs communications du 5 août et du 9 octobre 2000, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et le Syndicat des travailleurs de l’Administration nationale de l’électricité (SITRANDE) font état d’actes de discrimination antisyndicale, de violations du droit de grève et d’ingérence dans les directives de l’Administration nationale de l’électricité (ANDE).
  2. 436. S’agissant de l’allégation de violation du droit de grève, les organisations plaignantes soutiennent que le SITRANDE a organisé deux grèves, l’une de 24 heures le 27 janvier 2000, en protestation contre le non-respect de l’accord signé entre le gouvernement et le Front syndical et social (qui regroupe les principaux syndicats des entreprises du secteur public), et l’autre d’une durée de trente-sept jours à compter du 22 février 2000, en protestation contre la non-exécution de la convention collective sur les conditions de travail et contre la présence policière dans les installations aux fins d’intimidation. Pendant la grève, une cinquantaine de travailleurs ont été licenciés, auxquels s’ajoutent 70 autres travailleurs appartenant au noyau permanent de l’ANDE.
  3. 437. La justice a déclaré les deux grèves illégales. Dans le premier cas, au motif qu’aucun avis de grève n’avait été communiqué au ministère de la Justice et du Travail, alors que l’avis de grève en question avait été envoyé à l’ANDE. Cette décision a fait l’objet d’un recours devant la Cour suprême de justice, qui a déclaré l’appel recevable, avec effet suspensif des sanctions prononcées à l’encontre des grévistes par les juges de rang inférieur. Cependant, malgré l’arrêt de la Cour suprême, l’ANDE a pris 800 mesures sommaires qui se sont soldées par 70 licenciements, 80 suspensions, 30 mutations et des centaines d’avertissements. Le SITRANDE a également fait appel de cette mesure devant la Cour suprême de justice qui, dans ses résolutions en date du 29 juin et des 3 et 26 juillet, a pris une mesure conservatoire ordonnant l’annulation des licenciements, suspensions, mutations et avertissements, mesure qui n’a encore donné lieu à aucune réaction de la part de l’ANDE. D’autre part, le tribunal du travail a ordonné la réintégration dans leur emploi de 9 dirigeants syndicaux, mais l’ANDE a décidé qu’ils seraient mutés. Les travailleurs ne s’étant pas conformés à cette décision, des mesures sommaires administratives ont été prises à l’effet de suspendre le versement de leurs salaires.
  4. 438. Les organisations plaignantes affirment que l’ANDE mène une campagne de discrimination à l’égard du SITRANDE en gratifiant de bonifications spéciales les syndicalistes qui n’ont pas suivi l’ordre de grève.
  5. 439. Elles soutiennent également que, lorsqu’elles ont annoncé leur intention d’engager des pourparlers avec l’ANDE, celle-ci s’est opposée à la nomination de l’un des membres du comité de négociation du SITRANDE au motif que celui-ci était licencié par l’entreprise. Les organisations plaignantes affirment également que l’entreprise, se livrant à une persécution féroce sur le plan interne, a décidé que les dirigeants au bénéfice d’un temps d’activité syndicale devaient désormais indiquer leurs entrées et sorties sur leurs lieux de travail et demander systématiquement une autorisation de sortie pour se livrer à des activités syndicales, sous peine de ne pas percevoir leurs traitements correspondants.
  6. 440. Les organisations plaignantes déclarent en outre que les travailleurs licenciés sont installés en face du local central de l’ANDE et que tous les autres travailleurs qui s’en approchent pour leur témoigner leur solidarité font l’objet d’intimidations et de menaces de licenciement et de suspension. Elles déclarent en outre que des pressions sont exercées sur les affiliés pour qu’ils quittent le SITRANDE.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 441. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait répondu à aucune des allégations formulées par l’organisation plaignante en dépit du fait qu’en diverses occasions il a été prié instamment de transmettre ses observations ou informations relatives à ce cas et que, notamment, un appel pressant lui a été adressé dans ce sens. Le comité exhorte le gouvernement à coopérer pleinement avec le comité à l’avenir.
  2. 442. Dans ces conditions et conformément à la procédure applicable [voir le 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir de la part du gouvernement.
  3. 443. Le comité rappelle au gouvernement que toute la procédure vise à garantir le respect des libertés syndicales, en droit comme en pratique; ainsi, le comité est convaincu que, même si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations infondées, ceux-ci devraient reconnaître, de leur côté, l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées et précises sur le fond des faits allégués. [Voir le premier rapport du comité, paragr. 31.]
  4. 444. Le comité note que les organisations plaignantes font état de licenciements, suspensions, mutations et sanctions à l’encontre de travailleurs de l’Administration nationale de l’électricité pour avoir participé aux grèves du 27 janvier et du 22 février 2000, de la non-reconnaissance d’un membre du comité de négociation et d’actes d’intimidation visant à ce que les travailleurs de l’entreprise se retirent du syndicat.
  5. 445. S’agissant des allégations relatives au licenciement, à la suspension, à la mutation et à l’avertissement de travailleurs pour avoir participé aux grèves susmentionnées, le comité prend note que, selon l’article 362 du Code du travail du Paraguay, la grève dans le service de l’électricité est autorisée dès lors que sont maintenus les services minima. De même, le comité prend note que, selon les informations fournies par les plaignants, les grèves du 27 janvier et du 22 février ont été déclarées illégales en vertu de la loi antigrève adoptée dans le cadre de la réforme de l’Etat (la première grève a été déclarée illégale au motif que l’exigence de notification n’avait pas été pleinement satisfaite, puisque c’est l’ANDE qui a été avisée alors que c’est le ministère de la Justice et du Travail qui aurait dû l’être; les plaignants ne fournissent aucune indication quant aux raisons pour lesquelles la seconde grève a été déclarée illégale). Le comité observe que la Cour suprême, par ses résolutions en date du 29 juin et des 3 et 26 juillet, a suspendu provisoirement toutes les mesures adoptées antérieurement par les autorités judiciaires de rang inférieur à l’encontre des grévistes, et note avec inquiétude que, depuis lors, l’ANDE a pris 800 mesures sommaires qui se sont soldées par 70 licenciements, 80 suspensions, 30 mutations et des centaines d’avertissements. En tout état de cause, le comité rappelle que des arrestations et des licenciements massifs de grévistes comportent de graves risques d’abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. Les autorités compétentes devraient recevoir des instructions appropriées afin de prévenir les risques que ces arrestations ou licenciements peuvent avoir pour la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 604.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement d’offrir sa médiation entre les parties afin que soit trouvée conjointement une solution négociée à ce conflit.
  6. 446. En ce qui concerne les bonifications spéciales accordées aux travailleurs n’ayant pas participé à la grève, le comité a estimé, après examen d’allégations similaires, que de telles pratiques discriminatoires constituent un obstacle important au droit des syndicats d’organiser leurs activités. [Voir Recueil, op. cit., paragr 605.] Le comité demande au gouvernement de prendre des dispositions tendant à établir les faits en rapport avec les allégations susmentionnées et à vérifier leur véracité, et de faire en sorte que de tels actes ne se reproduisent pas au sein de l’administration.
  7. 447. Quant au refus allégué de la nomination d’un des membres du comité de négociation (M. Trinidad) au motif que celui-ci était licencié par l’entreprise, le comité rappelle que, compte tenu que les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants, le licenciement d’un dirigeant syndical ne devrait pas avoir d’incidence en ce qui concerne sa situation et ses fonctions syndicales, sauf si les statuts du syndicat concerné en disposent autrement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 373.] Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que l’ANDE ne s’oppose pas à la nomination du secrétaire général adjoint.
  8. 448. S’agissant des entraves à l’utilisation du temps alloué aux militants syndicaux, le comité rappelle que les dispositions légales ne doivent pas porter atteinte aux garanties fondamentales en matière de liberté syndicale ni sanctionner des activités qui, conformément aux principes généralement reconnus en la matière, devraient être considérées comme des activités syndicales licites. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 726.] Le comité demande au gouvernement de ne pas dresser inutilement des obstacles au développement normal de l’activité syndicale.
  9. 449. Enfin, le comité rappelle, à propos des pratiques antisyndicales alléguées telles que les intimidations, les menaces de licenciement et de suspension et les pressions exercées sur les travailleurs pour qu’ils se retirent des syndicats de l’Administration nationale de l’électricité, que de telles pratiques sont contraires à l’article 2 de la convention no 98, qui dispose que les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres, soit directement soit par leurs agents ou membres dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. Le comité demande au gouvernement de prendre les dispositions voulues afin d’établir les faits et de lui faire parvenir ses observations à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 450. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore que le gouvernement n’ait répondu à aucune des allégations de l’organisation plaignante et l’exhorte à coopérer pleinement avec le comité à l’avenir.
    • b) S’agissant des sanctions de licenciement, de suspension, de mutation et d’avertissement contre l’exercice du droit de grève, le comité demande au gouvernement d’offrir sa médiation entre les parties afin que puisse être trouvée conjointement une solution négociée à ce conflit.
    • c) S’agissant des bonifications spéciales accordées aux travailleurs n’ayant pas participé à la grève, le comité demande au gouvernement de prendre des dispositions pour établir les faits et en vérifier la véracité, et de veiller à ce que de tels actes ne se reproduisent pas au sein de l’administration.
    • d) Quant au refus exprimé contre la nomination de l’un des membres du comité de négociation au motif que ce membre était licencié par l’entreprise, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que l’ANDE ne s’oppose pas à la nomination du secrétaire général adjoint.
    • e) S’agissant des limites établies à l’utilisation du temps alloué aux militants syndicaux, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que ne soient pas dressés inutilement des obstacles au développement normal de l’activité syndicale.
    • f) S’agissant des pratiques antisyndicales telles que les intimidations, les menaces de licenciement et de suspension et les pressions exercées contre les travailleurs pour qu’ils se retirent des syndicats, le comité demande au gouvernement de prendre les dispositions voulues afin d’établir les faits et de lui faire parvenir ses observations à cet égard.
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