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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 325, Juin 2001

Cas no 2109 (Maroc) - Date de la plainte: 04-DÉC. -00 - Clos

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  • d’un bureau syndical; répression antisyndicale
    1. 448 La plainte de l’Union marocaine du travail (UMT) figure dans une communication du 4 décembre 2000. Par une communication du 11 janvier 2001, la CISL s’est associée à cette plainte.
    2. 449 Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 17 et 29 janvier 2001.
    3. 450 Le Maroc a ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; il n’a pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 451. Dans sa communication du 4 décembre 2000, l’UMT explique que la plainte concerne le licenciement de huit membres du bureau syndical de la société Fruit of the Loom, établie dans la ville de Salé, filiale d’une société basée en Irlande et employant au Maroc 1 200 travailleurs et travailleuses. Le 19 novembre 2000, les travailleurs ont tenu une assemblée générale au siège de l’UMT à Rabat et ont élu leur bureau syndical. L’UMT allègue que le samedi 25 novembre 2000, le directeur général de la société Fruit of the Loom avait engagé une milice qui avait perpétré des actes de provocation à l’égard des travailleurs présents à l’assemblée générale. Le lundi 27 novembre 2000, dès réception de la liste des membres du bureau syndical, l’entreprise a prononcé le licenciement des huit membres suivants: MM. Khalid Llalmaoui, secrétaire général, et Mohamed Bakkacha, secrétaire adjoint, Mme Salima Laoui, trésorière, MM. Abdellah Sainane, trésorier adjoint, Lahcen Toufik, assesseur, Abdelfettah Lasfar, membre, Abdelhafid El Hachi, membre, et Mme Asia Atla, membre.
  2. 452. L’organisation plaignante indique que le directeur général de la société aurait déclaré ne pas reconnaître le droit syndical. De plus, il aurait accroché une banderole portant l’inscription «non au syndicat» devant la porte de l’entreprise et aurait déclaré qu’il bénéficiait d’appuis de la part des autorités locales. L’organisation plaignante indique qu’une délégation régionale de l’UMT de Rabat a entrepris une série de démarches auprès du Wali et du gouverneur de la ville de Rabat-Salé et auprès du ministère du Travail pour la réintégration des syndicalistes licenciés, mais sans résultat à ce jour.
  3. 453. Dans une communication du 11 janvier 2001, la CISL explique que, depuis les licenciements de novembre 2000, la situation à l’entreprise s’est nettement détériorée puisqu’une atmosphère de terreur règne sur les salariés et que ces derniers sont individuellement surveillés et sont interdits de tout contact avec les syndicalistes licenciés à l’extérieur de l’usine. Les huit membres du bureau syndical licenciés sont eux-mêmes harcelés et brutalisés par des éléments de la milice, et certains ont même été arrêtés et détenus par les forces de l’ordre pendant plusieurs heures. Par ailleurs, la CISL exprime sa profonde préoccupation devant le fait que le gouverneur de la ville de Salé aurait affirmé qu’il ne voulait pas de syndicat dans sa préfecture. Enfin, la CISL affirme que, selon les dernières informations disponibles, le secrétaire général du syndicat UMT de Fruit of the Loom aurait été contraint à présenter lui-même sa démission alors que les autres membres du bureau demeurent licenciés. En outre, la signature d’un texte de reniement, rédigé par la direction de l’usine, aurait été imposée à des salariés qui avaient assisté à l’assemblée générale susmentionnée.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 454. Dans sa communication du 17 janvier 2001, le gouvernement indique que, dès que les services extérieurs du ministère de l’Emploi ont été informés du déclenchement du conflit à la société Fruit of the Loom et du licenciement des huit membres du bureau syndical, ils sont intervenus immédiatement sur les lieux de travail et ont essayé d’entreprendre des contacts avec l’employeur. Malgré ces tentatives, le directeur de la société a toujours refusé de se réunir avec l’autre partie en litige.
  2. 455. Le gouvernement explique que devant cette situation les inspecteurs du travail ont dressé un procès-verbal d’infraction relatif à l’atteinte à la liberté syndicale ainsi qu’au licenciement collectif non autorisé, et ce conformément aux dispositions de la législation en vigueur (le gouvernement joint une copie de ce procès-verbal). Le procès-verbal a été envoyé au tribunal compétent en date du 26 décembre 2000, toujours en conformité avec la législation en vigueur. Le gouvernement joint également copie d’une lettre adressée à l’employeur lui demandant de réintégrer les salariés licenciés et de respecter le libre exercice du droit syndical.
  3. 456. Toujours dans le cadre des efforts déployés pour la protection de l’exercice du droit syndical, le règlement des conflits et la promotion du dialogue social, le gouvernement indique que le ministère de l’Emploi avait programmé ce conflit au niveau de la Commission nationale d’enquête et de conciliation en vue de tenir une réunion le 5 janvier 2001 entre les parties. Une convocation avait été adressée au directeur général de la société l’invitant à assister personnellement à ladite réunion. Toutefois, dans une communication du 29 janvier 2001, le gouvernement indique que l’employeur ne s’est pas présenté à la réunion et que le syndicat a refusé de négocier avec son avocat. Par ailleurs, le gouvernement joint une copie d’une lettre émanant de l’avocat de la société Fruit of the Loom en date du 12 janvier 2001 dans laquelle celui-ci s’insurge contre les mesures prises par le ministère de l’Emploi et ses inspecteurs du travail.
  4. 457. Le gouvernement insiste sur le fait que l’administration marocaine ne ménage aucun effort pour protéger l’exercice du droit syndical et qu’elle a usé de toutes les voies de recours légales pour faire respecter ce droit au sein de la société Fruit of the Loom. Enfin, le gouvernement précise que le tribunal compétent auquel les procès-verbaux établis par l’inspection du travail ont été transmis doit rendre prochainement sa décision dans cette affaire.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 458. Le comité note que ce cas concerne le licenciement de huit syndicalistes suite à la création d’un bureau syndical à la société Fruit of the Loom ainsi que des actes d’intimidation et de répression antisyndicale. Le comité observe qu’il n’y a aucune contestation des faits ayant donné lieu à la plainte de la part du gouvernement. En effet, le comité note que le 27 novembre 2000, dès réception de la liste des huit membres du bureau syndical nouvellement créé, la direction de la société Fruit of the Loom a prononcé le licenciement des huit syndicalistes en question. En outre, il semble que, depuis que ces licenciements sont intervenus, l’atmosphère au sein de l’entreprise se soit détériorée, que les travailleurs ayant pris part à l’assemblée générale visant à créer le bureau syndical soient victimes de harcèlement et d’intimidation et que la direction de l’usine leur ait imposé un texte de reniement face au nouveau syndicat. Enfin, certains des syndicalistes licenciés auraient été arrêtés et détenus pendant plusieurs heures par les forces de l’ordre.
  2. 459. Le comité note que face à ces incidents le gouvernement a déployé des efforts certains pour régler ce conflit. Il prend note en particulier des efforts de médiation du ministère du Travail avec les parties concernées. Il note également les procès-verbaux dressés par l’inspection du travail et condamnant les violations de la liberté syndicale au sein de l’entreprise ainsi que les licenciements non autorisés des syndicalistes, et exigeant la réintégration de ces derniers dans leur poste. En outre, le comité note que le gouvernement a convoqué la Commission nationale d’enquête et de conciliation pour le 5 janvier 2001, mais que le directeur général de l’entreprise a refusé de se présenter à cette réunion bien qu’il ait été invité à assister personnellement à ladite réunion. Enfin, le comité note que le gouvernement a transmis au tribunal compétent les procès-verbaux de l’inspection du travail qui concluent aux violations de la liberté syndicale au sein de la société Fruit of the Loom. Le tribunal doit rendre sa décision prochainement.
  3. 460. Le comité, tout en prenant bonne note des démarches entreprises par le gouvernement pour trouver une solution à ce conflit, lui rappelle néanmoins qu’il appartient à ce dernier de faire pleinement respecter sur l’ensemble de son territoire, en droit et en pratique, les dispositions des conventions qu’il a librement ratifiées. A cet égard, le comité insiste sur le fait que la possibilité, en fait comme en droit, de constituer des organisations constitue le premier des droits syndicaux, le préalable indispensable sans lequel les autres droits relatifs à la liberté syndicale resteraient lettre morte. A cet égard, le comité a souligné à plusieurs reprises dans le passé l’importance qu’il attache à ce que les travailleurs puissent effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement. Ce droit ne peut être considéré comme existant que dans la mesure où il est effectivement reconnu et respecté tant en fait qu’en droit. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 271 et 274.] En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que la décision du tribunal compétent, si elle venait à confirmer l’évaluation de l’inspection du travail, à savoir qu’il y a eu violation de la liberté syndicale au sein de l’entreprise Fruit of the Loom, soit pleinement respectée et appliquée en pratique et que les huit membres du bureau syndical soient réintégrés dans leurs postes respectifs sans perte de salaire et avec pleine compensation. Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir copie de la décision du tribunal dès qu’elle sera rendue.
  4. 461. S’agissant des actes d’intimidation à l’encontre des travailleurs de l’entreprise et de la détention des syndicalistes licenciés, le comité rappelle au gouvernement que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s’il ne s’agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 77.] Le comité demande au gouvernement de prendre des dispositions afin que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d’arrestation et d’intimidation à l’encontre de syndicalistes ainsi que plus généralement l’attitude antisyndicale qu’adopteraient les autorités publiques locales. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard et notamment quant à l’attitude du gouverneur de la ville de Salé.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 462. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que la décision du tribunal compétent, si elle venait à confirmer l’évaluation de l’inspection du travail, à savoir qu’il y a eu violation de la liberté syndicale au sein de l’entreprise Fruit of the Loom, soit pleinement respectée et appliquée en pratique et que les huit membres du bureau syndical soient réintégrés dans leurs postes respectifs sans perte de salaire et avec pleine compensation. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la décision dudit tribunal dès qu’elle sera rendue.
    • b) Le comité demande au gouvernement de prendre des dispositions afin que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d’arrestation et d’intimidation à l’encontre de syndicalistes ainsi que plus généralement l’attitude antisyndicale qu’adopteraient les autorités publiques locales. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard et notamment quant à l’attitude du gouverneur de la ville de Salé.
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