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- 491. La présente plainte figure dans les communications de l’Association syndicale des pilotes (d’aéronef) du Mexique en date des 14 et 26 juin 2001.
- 492. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 19 octobre 2001 et 6 mars 2002.
- 493. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 494. Dans ses communications des 14 et 26 juin 2001, l’Association syndicale des pilotes (d’aéronef) du Mexique se présente comme un syndicat professionnel regroupant les pilotes d’aéronef, constitué légalement conformément aux lois mexicaines et enregistré auprès de la Direction générale du registre des associations du secrétariat au travail et à la prévoyance sociale. Conformément à ses dispositions statutaires, il regroupe uniquement les pilotes d’aéronef, et son représentant légal est son secrétaire général.
- 495. Il ajoute que l’entreprise Consorcio Aviaxsa, SA de CV (AVIACSA), et le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique et des branches similaires et connexes de la République mexicaine (STIAS) ont signé une convention collective du travail, déposée auprès de la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage. La convention collective du travail signée entre AVIACSA et le STIAS était initialement divisée par corporation et concernait uniquement les syndicats des subrécargues et du personnel au sol; les pilotes en étaient exclus. Par la suite, ces derniers ont cependant été incorporés, sans d’ailleurs jamais avoir été consultés à ce sujet. Evidemment, cette convention collective ne reflète pas la volonté des travailleurs d’AVIACSA et les pilotes n’ont jamais demandé à être incorporés dans ce syndicat ni à être affiliés au STIAS. C’est bien le signe d’une collusion entre les autorités mexicaines du travail, les entreprises et les syndicats contrôlés par l’employeur, qui explique que, malgré le fait que la convention sera de type corporatif et que, à l’origine, les pilotes n’y fussent pas associés, la corporation des pilotes ait été intégrée ultérieurement sans consultation aucune. Il est paradoxal qu’une convention initialement segmentée par corporation ne puisse, selon les autorités du travail, revenir à une telle division.
- 496. Le plaignant ajoute que, le 20 mars 2000, l’ASPA-Mexique a demandé à la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage, sous le numéro de dossier IV-67/2000, à être reconnue comme agent négociateur de la convention collective du travail, ne serait-ce que pour les questions concernant les pilotes de l’entreprise Consorcio Aviaxsa, SA de CV. A l’audience, l’ASPA-Mexique a confirmé sa demande ainsi que les éléments probatoires fournis à l’appui de celle-ci, précisant les conditions dans lesquelles devait se dérouler le vote et exposant le bien-fondé d’un vote réservé aux pilotes exclusivement, invoquant des antécédents similaires à ceux des affaires AEROCANCUN, SARO et AEROMEXPRESS. Pour leur part, les défendeurs ont fait réponse à cette requête et fourni des éléments de preuve, demandant que le vote ait lieu avec tous les travailleurs de l’entreprise défenderesse. Les défendeurs ont également indiqué que l’ASPA-Mexique n’a aucune légitimité pour se réclamer auprès d’un syndicat industriel d’une convention collective corporative, le fractionnement d’une convention collective du travail étant interdit. A la requête présentée par 1’ASPA s’est ajoutée celle émanant d’un autre syndicat, enregistré sous le numéro de dossier IV-99/2000. Le 17 août 2000, la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a pris une décision prévoyant un vote pour le 22 août 2000, ordonnant qu’il se fasse avec la participation de tous les travailleurs de l’entreprise AVIACSA, y compris les pilotes, les subrécargues, les mécaniciens et autre personnel au sol, refusant l’idée d’un vote pour la seule corporation des pilotes, comme le proposait l’ASPA-Mexique. Du fait du caractère illégal d’un nouveau vote limité à un groupe professionnel, et devant l’impossibilité de remporter la victoire, l’ASPA-Mexique a décidé de ne pas participer au vote et donné instruction aux pilotes de ne pas voter et, s’ils voulaient le faire, de se placer sous la bannière d’un autre syndicat pour éviter d’être licenciés de manière injustifiée. Elle se basait sur le fait que, si la majorité des pilotes votaient pour I’ASPA, cette dernière perdrait de toute façon le procès en n’obtenant pas la majorité de tous les travailleurs ayant voté et que, si l’ensemble des travailleurs de l’entreprise votaient majoritairement pour 1’ASPA, elle perdrait quand même du fait qu’elle ne regroupe que les pilotes et qu’elle ne pourrait se prévaloir des voix des autres catégories de travailleurs.
- 497. Le plaignant précise que, dès que l’ASPA-Mexique a envisagé la possibilité de se réclamer de la convention collective pour les pilotes d’AVIACSA, un groupe de pilotes (comprenant notamment les capitaines Emilio Alberto Zárate González, Andrés Flores López, Gerardo Gorría Carmona, Ismael Cruz Román, Marcos Guillermo Mendoza Escobar, Luis Fernando del Río Leal, Manuel Tostado Almazán, José Eduardo Rodríguez Normandía, Gerardo Serrato Sala, Jorge Eduardo Moreno Aguirre, Ari Rafael Rose Errejón et Mario Rafael Escalera Cárdenas) a été licencié de manière injustifiée, uniquement pour avoir apporté son soutien à l’ASPA. Comme conséquence de leur licenciement arbitraire, des plaintes individuelles pour licenciement ont été déposées, plaintes dont est actuellement saisie la division spéciale no 2 de la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage, et qui portent les numéros de dossiers suivants: 332/2000, 333/2000, 334/2000, 336/2000 et 350/2000.
- 498. Le plaignant indique que, le 16 octobre 2000, la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a adopté une résolution accordant aux défendeurs la qualité, revendiquée pour elle-même par l’ASPA-Mexique, de partie signataire de la convention collective du travail, au motif que les pilotes de l’entreprise AVIACSA n’étaient pas fondés à revendiquer cette qualité. Ignorant la sentence arbitrale précitée, l’ASPA-Mexique a présenté une requête en amparo, devant le sixième Tribunal collégial du travail du premier circuit (DT 2566/2001); à sa séance du 17 mai 2001, celui-ci a fait droit à la requête en ordonnant à la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage de ne pas donner effet à la décision du 16 octobre 2000 et de considérer comme nul le vote du 22 août 2000, un nouveau vote devant avoir lieu puisque le scrutin tenu avec tous les travailleurs de l’entreprise AVIACSA était illégal. En effet, l’article 388 de la loi fédérale du travail établit la possibilité de conclure des conventions collectives du travail dans une même entreprise où coexistent un syndicat industriel et un syndicat professionnel, selon les règles suivantes: un pacte collectif applicable à la même profession sera conclu avec le syndicat professionnel, et une convention pour les autres catégories sera conclue avec l’autre syndicat. Par ailleurs, l’article 389 de la loi fédérale du travail dispose que la perte de majorité, telle qu’elle est prévue à l’article 388, entraîne la perte de la qualité de partie signataire de la convention collective. Ces dispositions applicables se lisent comme suit:
- Article 388. ... III. S’il existe des syndicats professionnels et des syndicats d’entreprise ou industriels, les premiers pourront conclure une convention collective pour leur profession, pour autant que le nombre de leurs membres soit supérieur à celui des travailleurs de la même profession qui font partie du syndicat d’entreprise ou du syndicat industriel.
- 499. L’article 389 dispose que:
- Le syndicat qui perd la majorité, conformément à l’article précédent, fait qui sera certifié par la Commission de conciliation et d’arbitrage, perd sa qualité de partie signataire de la convention collective.
- La Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage s’est conformée aux dispositions des articles 388 et 389 de la loi fédérale du travail. C’est pour cette raison que dans les litiges concernant la qualité de partie signataire, où un syndicat professionnel réclamait d’un syndicat industriel la représentation professionnelle d’une catégorie déterminée, elle jugeait l’action recevable et que, pour déterminer l’intérêt supérieur de la corporation, il a été ordonné de procéder à un vote limité aux travailleurs d’une même catégorie, à savoir celle en litige. Ce critère a été appliqué par la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage dans tous les litiges concernant la qualité de partie signataire dans le secteur aéronautique, dont les travailleurs, pour des raisons de spécialité, sont organisés en syndicats professionnels en raison d’une division naturelle des activités.
- 500. Le plaignant signale que la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a modifié de manière soudaine son critère dans le secteur aéronautique, pour protéger les employeurs et les syndicats contrôlés par eux, compte tenu du fait que les conventions collectives actuellement conclues dans ce secteur sont de caractère industriel. L’autorité précitée a adopté un nouveau critère, à savoir qu’un groupe professionnel spécifique ne peut pas revendiquer la qualité de partie signataire d’une convention collective industrielle et que, pour ce faire, il faut couvrir toutes les catégories visées par ladite convention, ce qui reviendrait à annuler purement et simplement les droits des syndicats professionnels. Ce critère retenu par la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a cependant été déclaré illégal par la Cour suprême de justice, qui a indiqué qu’un syndicat professionnel est fondé à réclamer d’un syndicat industriel la qualité de partie signataire de la convention collective pour ce qui concerne une corporation spécifique, et qu’il fallait procéder à un vote limité aux travailleurs appartenant à la catégorie en litige.
- 501. Malgré le gain de cause obtenu en amparo par l’ASPA-Mexique, déclarant illégal le vote du syndicat industriel pour un litige concernant la qualité de partie signataire et qui porte sur une seule activité professionnelle, la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a ordonné une fois de plus, le 30 mai 2001, qu’il soit procédé à un scrutin général le 18 juin 2001, rejetant les arguments employés par l’ASPA-Mexique pour demander un vote limité à un groupe professionnel, en l’occurrence les pilotes.
- 502. Dans tous les pays du monde, les travailleurs du secteur aéronautique sont organisés en syndicats professionnels en fonction de la spécialité propre à chaque activité, avec une division en syndicat des travailleurs au sol, syndicat des subrécargues et syndicat des pilotes. Cette tendance généralisée tient au fait que chaque profession a des caractéristiques propres et cherche à s’organiser par spécialité. Les différents syndicats, de leur côté, sont affiliés aux fédérations internationales existant pour chaque profession. Dans le cas spécifique des pilotes, aussi bien dans les pays du continent américain que dans ceux des continents asiatique, européen, africain et océanien, ceux-ci sont regroupés en syndicats professionnels, appartenant chacun à des organisations internationales de caractère régional ou mondial telles que l’OIP ou l’IFALPA.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 503. Dans ses communications des 19 octobre 2001 et 6 mars 2002, le gouvernement indique que, selon l’Association syndicale des pilotes (d’aéronef) du Mexique (ASPA), la violation présumée a été commise dans le cadre de la procédure en obtention de la qualité de partie signataire de la convention engagée contre le Consorcio Aviaxsa, SA de CV (AVIACSA), et le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique et des branches similaires et connexes de la République mexicaine (Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique).
- 504. Il ajoute que les événements signalés par l’ASPA se sont produits dans le cadre du différend juridique concernant le droit de signer une convention collective; ils s’inscrivent donc dans le cadre du droit de négociation collective consacré dans la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, que le Mexique n’a pas ratifiée.
- 505. S’agissant de l’action en obtention de la qualité de partie signataire, le gouvernement indique qu’AVIACSA a signé le 18 mars 1992 une convention collective du travail avec le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique dans le but de réglementer les relations de travail entre l’entreprise et les travailleurs, lesquels, conformément à ladite convention, doivent être syndiqués. Les clauses de la convention s’appliquaient à tous les travailleurs d’AVIACSA. La seule distinction qu’elle établissait à l’égard des travailleurs concernait le salaire de base payable aux différentes catégories. Dans sa dernière version révisée, le barème des salaires prévoyait 38 postes différents.
- 506. Il ajoute qu’un accord de révision salariale de la convention collective du travail a été signé le 29 mars 1995 entre AVIACSA et le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique. Cet accord établit les catégories de personnel au sol et de personnel navigant, et indique des conditions de travail spécifiques à chacune d’elles. La seule distinction concernant les classes de travailleurs est celle que le barème des salaires minima à payer en fonction du poste établit entre les différents types de pilote.
- 507. Cette convention collective du travail conclue entre AVIACSA et le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique ainsi que la révision salariale y relative ne sont pas fractionnées par profession. La distinction établie par la révision salariale entre personnel au sol et personnel navigant visait à accorder des avantages supérieurs à ceux prévus par la loi, eu égard aux conditions spéciales de service, notamment l’octroi de bons, la prise en charge des frais de subsistance, l’octroi de réductions pour les membres de la famille et de permis annuels pour obtenir des vols à prix réduit ou des vols gratuits. Les membres de l’ASPA jouissent des mêmes droits que les travailleurs du Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique, même s’ils ne sont pas affiliés au syndicat ayant qualité de signataire de la convention collective du travail (article 396 de la loi fédérale du travail).
- 508. Le gouvernement indique que l’ASPA a demandé le 20 mars 2000 à AVIACSA et au Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique le droit de signer la convention collective du travail au nom des pilotes. La demande a été soumise à la division spéciale no 2 de la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage (la commission) sous le numéro de dossier IV-67/2000. S’y est ajoutée par la suite la requête du Syndicat des ouvriers et des employeurs des transports, des communications et branches similaires de la République mexicaine, puisque ce dernier demandait le droit de signer la même convention collective.
- 509. La commission a ordonné qu’il soit procédé à un nouveau vote avec la participation de tous les travailleurs d’AVIACSA. L’ASPA n’a recueilli aucun suffrage lors de ce vote, qui a eu lieu le 17 août 2000.
- 510. Le gouvernement souligne que 738 travailleurs ont voté, dont 76 pilotes sur un total de 97 pilotes actifs travaillant à AVIACSA.
- 511. La convention collective du travail conclue avec le STIAS régit l’ensemble des relations de travail des travailleurs d’AVIACSA. Même si l’article 388, troisième alinéa, de la loi fédérale du travail prévoit le cas où plusieurs syndicats -- syndicats professionnels et syndicats d’entreprise et industriels -- sont en concurrence pour la conclusion d’une convention collective du travail, cette hypothèse n’est pas applicable dans le présent cas puisqu’il existe déjà une convention enregistrée qui régit l’ensemble des relations de travail.
- 512. La commission a rendu une décision définitive le 16 octobre 2000, dans laquelle elle rejette la demande de l’ASPA et accueille la défense d’AVIACSA et du STIAS, qui ont ainsi fait débouter toutes les demandes de l’ASPA et du Syndicat des ouvriers et des employés des transports, des communications et branches similaires de la République mexicaine. L’ASPA a interjeté devant le sixième tribunal collégial du travail du premier circuit un recours en amparo contre la décision définitive de la commission, lequel a été accepté afin que soit d’abord réglé le litige concernant la vérification des éléments de preuve présentés par les parties adverses, avant d’ordonner un nouveau vote. Ce litige consiste en ce qu’AVIACSA et le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique ont proposé un nouveau vote de tous les travailleurs d’AVIACSA, alors que l’ASPA proposait un vote limité aux seuls pilotes. La commission a fait droit à la requête d’amparo le 30 mai 2001, ce qui a réglé le litige relatif à la question de la vérification des éléments de preuve présentés par les parties. Après analyse de ces éléments, la commission a décidé que, dès lors qu’était enregistrée une convention collective conclue avec un syndicat d’industrie et applicable à tous les travailleurs d’une entreprise, c’est cette convention collective qui régit l’ensemble des relations de travail au sein de l’entreprise où elle s’applique, aux termes de l’article 396 de la loi fédérale du travail. La commission considère en outre que, même si le troisième alinéa de l’article 388 de ladite loi prévoit le cas où plusieurs syndicats -- syndicats professionnels et syndicats d’entreprise et industriels -- sont en concurrence pour la conclusion d’une convention collective du travail, s’il en existe déjà une, comme c’est le cas, qui régit l’ensemble des relations du travail, il convient de prendre en compte les voix de tous les travailleurs et pas uniquement de ceux qui exercent la profession de pilote. Ne pas procéder ainsi reviendrait à porter atteinte non seulement aux droits des membres du STIAS, partie signataire de la convention collective du travail, mais aussi aux droits de tous les travailleurs de l’entreprise. D’autre part, la commission a fait remarquer qu’un vote est incontestablement le meilleur moyen d’identifier l’organisation qui devrait signer et administrer une convention collective du travail; il appartient donc aux parties syndicales adverses de démontrer qu’elles jouissent du soutien majoritaire aussi bien de la part des syndiqués que des autres travailleurs de l’entreprise.
- 513. La commission a fixé une nouvelle date pour le scrutin avec tous les travailleurs, soit le 18 juin 2001. L’ASPA n’y a recueilli aucun suffrage.
- 514. S’agissant des cinq actions en justice pour licenciement arbitraire, le gouvernement indique que celles-ci ont été intentées devant les autorités du travail par Emilio Zárate Gonzàlez, Ari Rafael Rose Errejón, Mario Rafael Escalera Cárdenas, Marcos Guillermo Mendoza Escobar et Gerardo Serrato Sala, et que ces cas sont toujours examinés par la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage; il n’a pas encore été établi si ces personnes ont été licenciées de manière injustifiée en raison de leurs activités syndicales.
- 515. Quant aux déclarations de l’ASPA, selon lesquelles la Cour suprême de justice a déclaré illégal le critère de la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage, à savoir que le droit de signer une convention collective du travail ne peut être revendiqué au nom d’une profession spécifique mais seulement au nom de toutes les catégories visées par ladite convention, le gouvernement indique que les tribunaux collégiaux du travail de ce circuit, qui instruisent les appels contre les décisions définitives de la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage, n’ont pas compétence pour «déclarer illégaux les critères» de la commission. Leur rôle consiste à accueillir ou à rejeter l’appel du plaignant contre des actes d’autorité spécifiques constituant des violations présumées des garanties constitutionnelles individuelles. Les décisions rendues dans les procédures d’appel ne concernent que les individus qui les ont engagées, se limitant à les protéger si leurs recours sont jugés recevables, comme dans le cas particulier sur lequel porte la plainte, sans faire de déclaration générale concernant la loi ou l’acte ayant motivé cette plainte (article 76 de la loi sur l’amparo, qui est une loi régissant l’application des articles 103 et 107 de la Constitution des Etats-Unis du Mexique). Contrairement aux déclarations de 1’ASPA, la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a soutenu le point de vue selon lequel il faut prendre en compte les voix de tous les travailleurs de l’entreprise et auxquels s’applique la convention collective. Il ne suffit pas que le demandeur recueille la majorité des voix dans une seule profession. Il doit aussi prendre en compte la totalité des voix des travailleurs visés par la convention collective du travail. La Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a appliqué ce critère dans le secteur aéronautique et dans toutes les procédures similaires engagées par des syndicats professionnels pour obtenir le droit de signer une convention collective du travail.
- 516. Le gouvernement souligne que sont dénués de fondements juridiques les arguments selon lesquels: a) la convention collective peut être fragmentée du fait que toutes les activités professionnelles auxquelles elle s’applique sont régies par des normes spécifiques; b) la convention collective doit être considérée pour chaque activité professionnelle particulière; et c) pour les activités professionnelles ainsi régies, la convention collective de l’entreprise AVIACSA doit être divisée en trois parties, chacune ayant son propre champ d’application. En outre, s’agissant de l’argument selon lequel les dispositions générales de la loi fédérale du travail ne s’appliquent pas aux pilotes d’AVIACSA puisque, en raison de normes s’appliquant exclusivement à leur profession, ils bénéficient de conditions de travail spéciales, la loi fédérale du travail établit les conditions de travail pour tous les travailleurs, y compris les pilotes, et comporte en outre un chapitre IV contenant des dispositions particulières pour le «travail des équipages aéronautiques». La profession de pilote est régie par les dispositions du chapitre IV et par les dispositions générales de la loi fédérale du travail.
- 517. Enfin, le gouvernement indique que, pendant le différend concernant le droit de signer la convention collective du travail d’AVIACSA, l’ASPA a pu exercer ses droits conformément à la loi et faire valoir les recours contre les décisions par lesquelles elle s’estime lésée. La question portée devant l’OIT est toujours subjudice devant les tribunaux nationaux et cela pourrait perturber le processus interne avant que les tribunaux mexicains ne se soient prononcés. En outre, la communication de 1’ASPA serait dénuée de fondement si les autorités judiciaires fédérales lui donnaient raison.
- 518. En conclusion, le gouvernement a agi conformément aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, établis par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et le Comité de la liberté syndicale du BIT en matière de droits exclusifs de négociation. En effet:
- - Un critère objectif et fixé d’avance existe (la procédure de vote visée par l’article 931 de la loi fédérale du travail) pour déterminer la qualité de partie signataire de la convention du travail.
- - La division spéciale no 2, respectant le principe de «l’organisation la plus représentative» reconnu par l’article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l’OIT, a ordonné qu’un nouveau vote de tous les travailleurs d’AVIACSA ait lieu afin de déterminer quel était le syndicat devant avoir la qualité de partie signataire de la convention du travail.
- - Le second scrutin a eu lieu devant la division n° 2, qui est un organisme indépendant et tripartite.
- - L’ASPA a exercé librement son droit de réclamer la qualité de partie signataire de la convention du travail.
- - A l’issue des deux scrutins, le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique a obtenu la majorité des voix: 729 voix lors du premier vote et 740 voix lors du second. Le Syndicat des ouvriers et des employés des transports, des communications et branches similaires de la République mexicaine a obtenu une voix à l’issue des deux scrutins et l’Association syndicale des pilotes (d’aéronef) du Mexique (ASPA) n’a recueilli aucun suffrage. Le syndicat le plus représentatif a donc été élu à la majorité des voix des travailleurs de l’unité concernée.
- - Les pilotes (d’aéronef) peuvent participer à la négociation collective de leurs conditions de travail par l’intermédiaire du syndicat ayant la qualité de partie signataire de la convention du travail.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 519. Le comité observe que, dans le présent cas, l’Association syndicale des pilotes (d’aéronef) du Mexique (ASPA) allègue que l’entreprise Consorcio Aviaxsa, SA de CV (AVIACSA), ignore son droit de négociation collective en qualité d’organisation syndicale représentant exclusivement les pilotes, du fait qu’elle a signé avec le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique et des branches similaires et connexes de la République mexicaine une convention collective qui s’applique à tous les travailleurs de l’entreprise.
- 520. Le comité note que, selon l’ASPA, le 20 mars 2000, ladite organisation syndicale a demandé à la Commission de conciliation et d’arbitrage le droit de signer une convention collective du travail pour ce qui concerne uniquement les pilotes, conformément à l’article 388 de la loi fédérale du travail, selon lequel, lorsqu’il existe dans la même entreprise des syndicats professionnels et des syndicats d’entreprise ou industriels, les premiers peuvent conclure une convention collective pour leur profession, si le nombre de leurs membres est supérieur à celui des travailleurs de la même profession qui font partie du syndicat d’entreprise ou du syndicat industriel. D’après l’organisation plaignante, dès que cette revendication a été présentée, un groupe de pilotes a été licencié de manière injustifiée. Le comité observe qu’un nouveau vote a eu lieu le 22 août 2000, mais cette fois-ci avec la participation de tous les travailleurs de l’entreprise AVIACSA. Pour cette raison, l’ASPA a décidé de ne pas y participer. Compte tenu du fait que les résultats de ce nouveau vote donnaient la majorité au STIAS, la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a rejeté, le 16 octobre 2000, la requête de 1’ASPA visant à obtenir le droit de signer la convention. L’ASPA a alors engagé une procédure d’amparo, qui a été acceptée le 17 mai 2001. Le Tribunal collégial du travail du premier circuit a ordonné à la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage de ne pas exécuter la décision rendue le 16 octobre 2000 et qu’il soit procédé à un nouveau vote. Malgré cela, ce nouveau vote effectué le 30 mai 2001 associait à nouveau l’ensemble des travailleurs de l’entreprise, contrairement à ce qu’avait demandé l’ASPA.
- 521. Le comité note également que, selon le gouvernement, les faits allégués par l’ASPA se sont produits dans le cadre de sa demande d’obtenir le droit de signer la convention collective; il est donc question ici du droit de négociation collective consacré dans la convention no 98 que le Mexique n’a pas ratifiée. Selon les déclarations du gouvernement, l’entreprise AVIACSA a conclu en mars 1992 avec le STIAS une convention collective du travail qui s’applique à tous les travailleurs de l’entreprise, la seule distinction établie dans ladite convention étant fondée sur les différences salariales entre les diverses catégories. Ladite convention a été révisée en 1995 et à cette occasion ont été définies des conditions de travail distinctes pour chaque catégorie de travailleurs, sans que la convention ait été, à aucun moment, fractionnée en professions.
- 522. Le comité note que, selon le gouvernement, la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a accepté le principe selon lequel le scrutin devrait inclure tous les travailleurs de l’entreprise et auxquels s’applique la convention collective. D’après la commission, il ne suffit pas que le demandeur recueille la majorité des voix d’une seule profession. Il doit prendre en compte la totalité des voix des travailleurs protégés par la convention collective en vigueur. C’est la raison pour laquelle, après que l’ASPA eut demandé le droit de signer la convention collective, deux votes ont été organisés avec la participation de tous les travailleurs de l’entreprise, à l’issue desquels le STIAS a recueilli la majorité, non seulement des travailleurs en général, mais aussi des pilotes qui travaillent dans l’entreprise. Lors des deux votes, le STIAS a obtenu la majorité des voix: 729 voix au premier vote et 740 au second. A l’issue des deux votes, le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique et des branches similaires et connexes de la République mexicaine (STIAS) a obtenu une voix et l’Association syndicale des pilotes (d’aéronef) (ASPA) n’a obtenu aucun suffrage.
- 523. En outre, le gouvernement indique que, conformément à la jurisprudence, l’article 388, qui prévoit le cas où des syndicats professionnels et des syndicats d’entreprise ou industriels sont en concurrence pour conclure une convention collective du travail, ne s’applique pas dans le présent cas puisqu’il existe déjà dans l’entreprise une convention collective du travail déposée qui régit l’ensemble des relations de travail et que, en cas de litige entre deux syndicats, tous les travailleurs de l’entreprise doivent participer au vote dans la mesure où celui-ci peut affecter l’ensemble des travailleurs concernés.
- 524. Le comité observe que, pour pouvoir négocier collectivement au nom des pilotes non représentés par le syndicat de l’entreprise, l’ASPA (qui se réfère à des précédents judiciaires différents de ceux mentionnés par le gouvernement) avait demandé un nouveau vote avec la participation des seuls pilotes, mais que la Commission fédérale de conciliation et d’arbitrage a décidé que ce vote se ferait avec la participation de tous les travailleurs de l’entreprise, raison pour laquelle les pilotes affiliés à 1’ASPA ont décidé de ne pas y participer. Le comité observe que la commission a dénié à l’ASPA le droit de signer la convention parce que celle-ci, en ne participant pas au vote, n’a pu prouver qu’elle jouissait de la plus grande représentativité et, en outre, parce qu’il existait entre l’entreprise et le STIAS une convention collective en vigueur qui couvrait la totalité des travailleurs.
- 525. Par le passé, le comité a rappelé les principes suivants en matière de droits exclusifs de négociation: «là où, selon les systèmes en vigueur, le syndicat le plus représentatif jouit de droits préférentiels ou exclusifs de négociation, il importe que ce syndicat soit déterminé d’après des critères objectifs et fixés d’avance, afin d’éviter toute possibilité de partialité ou d’abus». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 827.] Il n’est pas nécessairement incompatible avec la convention de prévoir la délivrance d’un certificat au syndicat le plus représentatif dans une unité donnée, mais encore faut-il qu’un certain nombre de garanties soient assurées. A ce propos, le comité a signalé que, dans plusieurs pays où la négociation a été établie, il a été considéré comme essentiel que ces garanties comprennent notamment: a) l’octroi du certificat par un organisme indépendant; b) le choix de l’organisation représentative par un vote de majorité des travailleurs dans l’unité considérée; c) le droit pour une organisation qui n’obtient pas un nombre de voix suffisant de demander une nouvelle élection après un délai déterminé; et d) le droit pour une organisation autre que les organisations ayant reçu un certificat de demander une nouvelle élection au bout d’une période déterminée, souvent douze mois après l’élection précédente. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 834.]
- 526. Dans ces conditions, le comité conclut que le gouvernement a démontré que dans l’entreprise AVIACSA le syndicat le plus représentatif est le Syndicat des travailleurs de l’industrie aéronautique et des branches similaires et connexes de la République mexicaine (signataire de la convention collective en vigueur) et qu’il ne semble pas que le refus de reconnaître à l’organisation plaignante le droit de négocier collectivement pour la seule corporation des pilotes constitue une violation des principes de la négociation collective. Le comité relève que tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Une décision à cet égard est conforme à la législation et à la pratique nationales.
- 527. En ce qui concerne le licenciement allégué d’un groupe de travailleurs, survenu après qu’ils eurent soutenu la demande de 1’ASPA de signer la convention collective, le comité observe que, selon les informations fournies par le gouvernement, ces licenciements ont été soumis à l’autorité judiciaire, qui ne s’est pas encore prononcée. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des décisions qui seront rendues. Le comité demande également que, si le licenciement de ces travailleurs s’avérait être dû à des activités syndicales légitimes, ces derniers soient réintégrés dans leur poste de travail sans perte de salaire.
- 528. A propos des déclarations du gouvernement selon lesquelles le fait que l’OIT soit saisie d’une affaire qui est dans l’attente d’une décision de la part des organes juridictionnels nationaux pourrait perturber le processus interne avant que les tribunaux mexicains ne se soient prononcés, le comité rappelle que l’épuisement des recours internes ne constitue pas une condition préalable à la présentation de plaintes devant l’OIT et que, par conséquent, le comité peut formuler ses recommandations même si la justice nationale ne s’est pas prononcée sur les recours exercés par le plaignant.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 529. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- En ce qui concerne les procédures engagées par un groupe de travailleurs qui auraient été licenciés pour avoir soutenu la demande d’obtention du droit de signer la convention collective, présentée par l’ASPA, le comité demande au gouvernement de lui communiquer les décisions qui seront rendues. Le comité demande également que, si le licenciement de ces travailleurs s’avérait être dû à des activités syndicales légitimes, ces derniers soient réintégrés dans leur poste de travail sans perte de salaire.