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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 329, Novembre 2002

Cas no 2181 (Thaïlande) - Date de la plainte: 18-FÉVR.-02 - Clos

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  • et la dissolution du syndicat en raison du changement de statut de l'entreprise,
  • passant du public au privé.
    1. 740 La plainte a été présentée dans des communications datées du 18 février et du 10 mai 2002 par le syndicat des employés de Bangchak Petroleum Public Co. Ltd. (BCPEU).
    2. 741 Le gouvernement a transmis sa réponse dans des communications datées des 17 mai et 7 octobre 2002.
    3. 742 La Thaïlande n’a ratifié ni la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 743. Dans sa communication du 18 février 2002, le BCPEU allègue qu’il a été officiellement enregistré le 25 janvier 2001 (Certificat d’enregistrement no SorRorRor 54) en tant que syndicat légal de la société Bangchak Petroleum Public Co. Ltd., au titre de la loi sur les relations professionnelles des entreprises d’Etat de 2000 (SELRA 2000); M. Thamrongpholtheeraphap en est le président. L’enregistrement du syndicat a été annulé le 6 décembre 2001 par le Département du travail et de la protection sociale (DLPW), dépendant du ministère du Travail et de la Protection sociale (MOLSW). Le plaignant indique que les événements se sont déroulés comme suit.
  2. 744. Le 11 septembre 2001, la direction de Petroleum Authority of Thailand-Exploration (PTT-EP) a demandé au Département du travail et de la protection sociale si l’entreprise serait toujours considérée comme une entreprise d’Etat au regard de l’article 6(2) de la SELRA 2000, lorsque la société mère, Petroleum Authority of Thailand (PTT), deviendrait une société privée le 1er octobre 2001. Le 4 octobre 2001, le département a répondu que PTT-EP n’était plus une entreprise d’Etat couverte, en tant que tel, par la loi sur les relations professionnelles dans les entreprises d’Etat de 2000 (SELRA), et qu’elle relevait de la loi régissant les entreprises du secteur privé, à savoir la loi sur les relations professionnelles de 1975.
  3. 745. Le 12 octobre 2001, le directeur général intérimaire de Bangchak Petroleum Public Co. Ltd. a écrit au ministère et a demandé: 1) si l’entreprise était toujours considérée comme une entreprise d’Etat couverte par la SELRA 2000; 2) dans la négative, quelle était la loi du travail dont elle relevait, et depuis quelle date; et 3) si le BCPEU était toujours considéré comme un syndicat en vertu de la SELRA 2000, et, dans la négative, quelle était la date effective de sa dissolution.
  4. 746. Le 28 octobre 2001, le président du BCPEU a écrit au ministère en soutenant que, au vu des termes de la SELRA 2000, le syndicat devait continuer à être considéré comme un syndicat d’entreprise d’Etat. Le président de la société, M. Narong Boonyasaguan, a également déclaré publiquement, le 22 avril 2002, dans le cadre d’une demande de prêt adressée au gouvernement, de 3 milliards de bahts, pour éponger les dettes, que «… étant donné que la société était une entreprise d’Etat, il était certain que le gouvernement ne la laisserait jamais s’effondrer».
  5. 747. Le 3 novembre 2001, des représentants de la société et du BCPEU, ainsi que des fonctionnaires du ministère, se sont rencontrés pour débattre d’un conflit professionnel relatif à des demandes de négociation collective du BCPEU au titre de la SELRA 2000, déposées le 1er octobre 2001; un exemplaire de ces demandes avait alors été envoyé aux autorités. La direction de la société a refusé de négocier collectivement avec le syndicat, indiquant qu’elle voulait d’abord savoir si le syndicat avait le droit de soumettre des demandes de ce type, et si la société était toujours considérée comme une entreprise d’Etat. A la fin de la réunion, les fonctionnaires du gouvernement ont déclaré qu’ils allaient demander un avis juridique auprès du Conseil d’Etat.
  6. 748. Le 28 novembre 2001, le ministère des Finances a indiqué au ministère du Travail que, en vertu de la loi sur les modalités budgétaires de 1959, la société était toujours considérée comme une entreprise d’Etat. Toutefois, le 24 décembre 2001, le Conseil d’Etat a indiqué au ministère du Travail que la société n’était pas couverte par la SELRA 2000 et que l’enregistrement du BCPEU serait de ce fait annulé. Le 26 décembre 2001, l’enregistrement du BCPEU a été annulé à compter du 1er octobre 2001. Cette décision a été notifiée le même jour au président du BCPEU, en lui indiquant que le syndicat devrait être réorganisé dans le cadre de la loi sur les relations professionnelles de 1975.
  7. 749. Le BCPEU prétend que son droit d’existence n’est pas lié au statut de l’employeur, qu’il soit public ou privé, étant donné que ses activités et ses tâches de représentation n’ont aucunement changé. Il soutient que l’intention du ministère est d’utiliser la classification juridique des employeurs pour anéantir le syndicat, voire, à l’avenir, d’autres entreprises d’Etat de Thaïlande. L’annulation de l’enregistrement du BCPEU a eu des conséquences directes sur les négociations collectives en cours avec l’employeur, le refus de la direction de négocier lors de la réunion du 3 novembre 2001 en étant l’illustration. Par ailleurs, on ne sait pas actuellement si les termes et les conditions d’emploi qui avaient été négociés préalablement restent en vigueur, et les travailleurs craignent que l’employeur entreprenne une action unilatérale pour réduire les salaires et les avantages, sans négocier avec le syndicat.
  8. 750. Dans sa communication du 10 mai 2002, le BCPEU ajoute que, le 7 janvier 2002, il s’est plaint de cette situation auprès de la Commission parlementaire du travail et de la protection sociale, ce qui a généré le lancement d’un processus d’investigation. Le 30 janvier 2002, le président de la commission a rencontré les représentants du BCPEU et de différents organismes publics concernés par ce problème. La commission a émis deux conclusions le 10 avril 2002, à savoir que le changement des actionnaires de la société n’avait pas eu d’incidence sur le statut public de l’entreprise, et par conséquent, que le statut du BCPEU, en tant que syndicat d’entreprise d’Etat, ne devait pas changer.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  1. 751. Dans sa communication du 17 mai 2002, le gouvernement confirme que le BCPEU a été enregistré le 25 janvier 2001 au titre de la SELRA 2000, en tant que syndicat officiel des employés de Bangchak Petroleum Public Co. Ltd. Les actionnaires de la société étaient alors les suivants: le ministère des Finances (47,87 pour cent); Petroleum Authority of Thailand (PTT, 24,29 pour cent); Krung Thai Bank Public Co. Ltd. (7,86 pour cent); et «autres» (20 pour cent). Compte tenu du fait que le ministère des Finances et PTT détiennent à eux seuls plus de 50 pour cent des parts, la société avait le statut d’entreprise d’Etat au regard de l’article 6(2) du SELRA 2000.
  2. 752. Le 25 septembre 2001, le Conseil des ministres a adopté une résolution portant création de la Thai Petroleum Public Company Ltd. Le Conseil des ministres a également approuvé le changement du capital de PTT, transformé en parts pour la création de la société Thai Petroleum Public Company Ltd. enregistrée le 1er octobre 2001 en tant que société publique limitée, avec pour seul actionnaire le ministère des Finances. Conformément à l’article 24 de la loi sur le capital des entreprises d’Etat de 1999, tous les droits, tous les avoirs et toutes les dettes de PTT, y compris ses 24,29 pour cent de part de capital auprès de Bangchak Petroleum Public Co. Ltd., ont été transférés à la société Thai Petroleum Public Company Ltd., devenue effective le 1er octobre 2001. En conséquence, à compter de cette date, les actionnaires de Bangchak Petroleum Public Co. Ltd. sont les suivants: le ministère des Finances (47,87 pour cent); la société Thai Petroleum Public Company Ltd. (24,29 pour cent); Krung Thai Bank Public Co. Ltd. (7,86 pour cent); «autres» (20 pour cent).
  3. 753. Selon le gouvernement, le Conseil d’Etat a considéré la société Petroleum Authority of Thailand (PTT) comme entièrement privatisée, devenant Thai Petroleum Public Company Ltd. le 1er octobre 2001. Par conséquent, PTT n’était plus une entreprise d’Etat au regard de l’article 6(1) de SELRA 2000, et la société Bangchak Petroleum Public Co. Ltd. est devenue automatiquement une société privée n’ayant plus le statut d’entreprise d’Etat. Le gouvernement ajoute que le changement de statut de la société, passant d’entreprise d’Etat à «entreprise publique privée, a automatiquement mis fin, le 1er octobre 2001, au statut du BCPEU en tant que syndicat d’entreprise d’Etat.» Ce changement a été officiellement annoncé par le greffier le 26 octobre 2001.
  4. 754. L’ancien président et le comité exécutif du BCPEU ont alors été invités par le Département du travail et de la protection sociale (DPLW) à rencontrer le responsable compétent pour obtenir des informations sur le droit de s’organiser et pour s’enregistrer de sorte à relever de la loi sur les relations professionnelles de 1975.
  5. 755. Le 18 mars 2002, un groupe de 12 travailleurs dirigé par une personne autre que l’ancien président du BCPEU (M. Sthaphorn Mesa-Ard), a rempli un formulaire d’enregistrement auprès du département, que le greffier a approuvé et rendu public le 5 avril 2002 (Certificat d’enregistrement no KorThor 785).
  6. 756. Dans sa communication du 7 octobre 2002, le gouvernement indique que les anciens dirigeants du BCPEU ont le droit de constituer des syndicats, aux termes de la loi sur les relations du travail de 1975. Le gouvernement considère que l’annulation de l’enregistrement du BCPEU et sa dissolution sont légitimes et que les droits du BCPEU de s’organiser et de négocier collectivement sont pleinement respectés, au titre de la loi sur les relations professionnelles de 1975 et de la Constitution thaïlandaise de 1997.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 757. Le comité note que la plainte concerne une situation provenant d’un prétendu changement de statut d’une entreprise de pétrole appartenant à l’Etat, passant du public au privé, ce qui a entraîné automatiquement la dissolution de l’organisation plaignante (BCPEU), et l’impossibilité de négocier collectivement.
  2. 758. Le comité note tout d’abord que l’objectif du changement de statut n’était pas tout à fait clair, étant donné que deux organismes ou organes gouvernementaux (le ministère des Finances le 28 janvier 2001 et la Commission parlementaire du travail et de la protection sociale le 10 avril 2002) avaient déclaré que le changement d’actionnaires n’avait pas de conséquences sur le statut d’entreprise d’Etat de Bangchak Petroleum Public Co. Ltd., et que le statut du BCPEU, en tant que syndicat d’entreprise d’Etat, ne devait pas changer. Ensuite, le président de Bangchak Petroleum lui-même a déclaré publiquement le 22 avril 2002 (plus de sept mois après le prétendu changement), lorsqu’il a demandé un prêt gouvernemental pour éponger les dettes de la société, que «la société était détenue par l’Etat».
  3. 759. Quel que soit le statut juridique actuel de la société (qui ne relève pas de la décision du comité), et que la modification du statut de la société soit un changement de bonne foi ou non, le comité estime que les questions essentielles en l’espèce sont la dissolution du BCPEU, l’annulation de son enregistrement en tant que syndicat, son impossibilité de négocier collectivement, le manque de clarté concernant l’application de l’accord conclu au préalable, et l’absence de représentation pouvant, au bout du compte, affecter les conditions de travail des travailleurs.
  4. 760. Le comité rappelle que:
    • – Les mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative constituent de graves violations aux principes de liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 664.]
    • – La dissolution d’organisations syndicales est une mesure qui ne devrait intervenir que dans des cas de gravité extrême. Une telle dissolution ne devrait pouvoir intervenir qu’à la suite d’une décision judiciaire afin de garantir pleinement les droits de défense. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 666.]
    • – L’annulation par le greffier des syndicats de l’enregistrement d’une organisation équivaut à la suspension ou à la dissolution de ladite organisation par voie administrative. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 669.]
    • – Les mesures d’annulation de l’enregistrement, même justifiées, ne devraient pas exclure la recevabilité d’une demande d’enregistrement d’un syndicat une fois la situation normale rétablie. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 671.]
    • – Une législation qui permet au ministre d’ordonner l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat, à son entière discrétion et sans aucun droit de recours aux tribunaux, est contraire aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 672.]
  5. 761. Le comité note que tous ces principes ont été violés dans des circonstances particulières, notamment pour ce qui est de la dissolution du BCPEU et de l’annulation automatique de son enregistrement et de sa personnalité juridique. En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour rétablir immédiatement la personnalité juridique du BCPEU et son enregistrement en tant que syndicat, en faisant relever ses droits, si nécessaire, de la nouvelle législation régissant la société Bangchak, et de le tenir informé à cet égard.
  6. 762. S’agissant de la situation actuelle du syndicat au sein de la société, le comité note qu’un nouveau syndicat, dirigé par un nouveau président, a été enregistré par les autorités. Toutefois, on ne sait pas si cet enregistrement empêche en pratique le BCPEU de présenter une demande d’enregistrement, et quelles en sont les conséquences dans la pratique, par exemple, en ce qui concerne les droits préférentiels de négociation. Le comité demande donc au gouvernement et au plaignant de fournir des informations complémentaires à jour sur la situation syndicale de Bangchak Petroleum Public Co. Ltd., notamment sur le nombre de syndicats existant au sein de la société, leurs représentants et des informations indiquant si l’accord collectif préalablement conclu est toujours appliqué, ainsi que sur la situation en matière de droits de négociation collective. Il demande également au gouvernement de préciser le statut, public ou privé, de la société en question.
  7. 763. Au vu des graves conséquences que la législation existante peut entraîner sur les organisations des travailleurs en cas de changement de statut de l’entreprise, passant de public à privé, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que cette situation ne se répète pas à l’avenir et pour que les droits du syndicat qui succède soient sauvegardés.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 764. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour que la personnalité juridique et l’enregistrement du BCPEU soient rétablis immédiatement, au besoin en transférant ses droits dans le cadre de la législation régissant la société Bangchak, et de le tenir informé à cet égard.
    • b) Le comité demande au gouvernement et au plaignant de lui fournir des informations à jour sur la situation syndicale et la négociation collective à la société Bangchak Petroleum Public Co. Ltd.; il demande au gouvernement de préciser le statut, public ou privé, de la société Bangchak Petroleum Public Co. Ltd.
    • c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour que la situation ne se répète pas à l’avenir.
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