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Rapport définitif - Rapport No. 330, Mars 2003

Cas no 2193 (France) - Date de la plainte: 09-AVR. -02 - Clos

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  1. 663. La plainte est présentée dans une communication du 9 avril 2002 du Syndicat national de l’enseignement technique, Action, Autonome (SNETAA).
  2. 664. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 12 décembre 2002.
  3. 665. La France a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 666. Avant d’exposer le détail de ses allégations, le SNETAA indique qu’il a qualité d’organisation syndicale régie par les dispositions du Code du travail et qu’il regroupe environ 13 000 adhérents. Antérieurement affilié à la Fédération syndicale unitaire, dont il a été exclu, il est actuellement membre de la fédération dénommée «Syndicats Efficacité Indépendance Laïcité (eiL), Fédérés Unitaires». Le SNETAA précise en outre qu’à l’issue des élections professionnelles de 1999 il a obtenu notamment dans le corps des Professeurs de lycées professionnels 43 pour cent des suffrages, ce qui en fait l’organisation professionnelle la plus représentative dans ce secteur.
  2. 667. L’objet de la plainte porte sur l’article 94 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996 (relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire). Le SNETAA indique que l’article 94, portant modification des règles applicables aux élections professionnelles, pose comme préalable au dépôt des candidatures à ces élections le caractère représentatif de l’organisation qui dépose la liste des candidatures alors que ce sont ces élections qui doivent justement déterminer cette représentativité. Par ailleurs, l’article 94 crée deux modes de preuves alternatifs de représentativité syndicale aux fins de la participation au premier tour de scrutin. Ainsi, pour pouvoir déposer des listes aux élections professionnelles, les syndicats ou groupements de syndicats doivent répondre à l’une ou l’autre des deux exigences suivantes. En premier lieu, les syndicats doivent être affiliés à des groupements de syndicats qui sont présumés représentatifs de manière irréfragable dès lors qu’ils remplissent l’une des deux conditions suivantes: a) soit ils disposent d’un siège au moins dans chacun des conseils supérieurs de la fonction publique de l’Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière; b) soit ils ont recueilli à la fois dans les trois fonctions publiques 10 pour cent du total des suffrages et plus de 2 pour cent dans chaque fonction publique lors des élections antérieures. Pour les syndicats ne répondant à aucune de ces deux conditions et ne pouvant ainsi pas bénéficier de la présomption de représentativité, les syndicats doivent – et c’est la seconde exigence – démontrer leur représentativité selon les critères de droit commun énoncés à l’article L.133-2 du Code du travail soit: les effectifs, l’indépendance, les cotisations, l’expérience et l’ancienneté du syndicat et l’attitude patriotique pendant l’occupation (ce dernier critère étant aujourd’hui tombé en désuétude). Le SNETAA précise par ailleurs qu’un second tour de scrutin peut être organisé si aucune des organisations représentatives n’a présenté de listes ou si le nombre de votants est inférieur à un certain quorum. Lors de ce second tour, les listes de candidats peuvent être présentées par toute organisation syndicale de fonctionnaires. Toutefois, selon le plaignant, ce second tour ne pourra jamais être organisé.
  3. 668. Le SNETAA souligne l’importance de l’enjeu des élections professionnelles. En effet, ces élections déterminent les syndicats autorisés à siéger dans les diverses instances paritaires de la fonction publique au sein desquelles sont défendus les droits des fonctionnaires et leurs conditions de travail, et au nombre desquelles le SNETAA cite: a) les commissions administratives paritaires habilitées à arrêter bon nombre de décisions de carrières (avancement, promotions et affectations); b) les comités d’hygiène et de sécurité et des conditions du travail; c) les comités techniques paritaires qui définissent les statuts des personnels et décident de la répartition des moyens consacrés par l’Etat à l’éducation; d) les conseils d’éducation qui arrêtent les grandes orientations en matière d’éducation.
  4. 669. Le SNETAA argue de l’incompatibilité de l’article 94 avec la convention no 87 aux motifs suivants. Premièrement, l’article 94 viole l’article 3, paragraphe 1, de la convention (droit des organisations de travailleurs et d’employeurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité). En effet, la première exigence posée par l’article 94 reconnaît la représentativité d’un syndicat par son affiliation à une union ou fédération de syndicats bénéficiant de la présomption de représentativité, ce qui emporte la double conséquence suivante: d’une part, ceci contraint les syndicats à s’affilier à des groupements reconnus comme représentatifs; d’autre part, cette disposition entrave le droit de participer aux élections professionnelles des organisations nouvellement créées – y compris celles issues d’une scission de groupements syndicaux – puisque seuls les résultats globaux antérieurement acquis sont pris en compte sans tenir compte de la réalité de l’audience syndicale auprès des travailleurs concernés dans le champ électoral. Enfin, cette disposition est discriminatoire puisqu’elle applique deux régimes juridiques différents entre celles des organisations qui sont reconnues d’office comme étant représentatives et les autres qui doivent démontrer leur représentativité.
  5. 670. En second lieu, l’article 94 viole l’article 5 de la convention (droit des organisations de constituer des fédérations et des confédérations). L’article 94 interdit la présentation de listes concurrentes par des organisations affiliées à une même union. Cette interdiction se traduit dans les faits par une totale dépendance des organisations syndicales à l’égard des groupements de syndicats qui s’arrogent ainsi un droit d’ingérence dans les prérogatives de ses affiliés sans du reste avoir ni l’obligation de prévoir des modalités de désignation des syndicats admis à participer aux élections ni l’obligation de désigner, à tout le moins, celui des syndicats qui est le plus représentatif. Le SNETAA fait valoir que, dans ces circonstances, les syndicats perdent le droit de choisir le groupement de syndicats, d’autant que les fédérations ou confédérations bénéficiant de la présomption inscrite dans la loi ne sont qu’au nombre de quatre.
  6. 671. L’article 94 est également contraire aux articles 3, paragraphe 2 (obligation faite aux autorités publiques de s’abstenir de toute intervention), et 8, paragraphe 2 (la législation nationale ne peut être appliquée d’une manière portant atteinte aux garanties prévues par la convention), de la convention. Le SNETAA soutient en premier lieu que l’article 94 a rajouté une condition aux critères de représentativité énoncés dans l’article L.133-2 du Code du travail: en effet, les organisations syndicales doivent satisfaire aux critères «dans le cadre où est organisé l’élection». Le SNETAA prétend qu’ainsi la loi restreint le droit de participer aux élections professionnelles en rendant le mode de preuve moins accessible. De surcroît, le SNETAA affirme que l’administration s’arroge le droit d’apprécier de manière discrétionnaire, au cas par cas, la représentativité des syndicats candidats aux élections. En effet, elle désigne, sans avoir à motiver ses décisions, les syndicats admis à présenter des candidats et qui ne sont pas automatiquement considérés de facto comme «syndicats officiels»; de plus, les critères de l’article L.133-2 laissent une grande marge d’appréciation à l’administration. Enfin, le délai de recours, pour contester les décisions de l’administration rejetant des listes de candidats par des syndicats qui ne sont pas considérés comme représentatifs, est extrêmement court, soit de trois jours à compter de la date limite de dépôt des listes. La seconde exigence posée par la loi aux organisations qui doivent démontrer leur représentativité entraîne plusieurs conséquences selon le SNETAA. Ainsi, le refus opposé à un syndicat pourtant représentatif de participer aux élections nationales et déconcentrées de l’éducation nationale (découpée en 32 académies) peut conduire ce syndicat à déposer plus de 30 recours devant le juge, et ce dans un délai maximum de trois jours et sans que l’appel ait un caractère suspensif. De plus, l’Administration de l’éducation nationale, dans une circulaire de 1999, ne s’est pas imposé de délai pour apprécier la recevabilité des listes. Or, selon le SNETAA, il suffit à l’administration de proroger discrétionnairement le délai d’admission des listes des syndicats devant démonter leur représentativité – et ce au-delà du délai de recours de trois jours – pour interdire aux syndicats dont la liste de candidats a été rejetée tout moyen de recours devant les tribunaux, le délai de trois jours ayant en effet expiré. Le SNETAA rappelle que les fédérations ou unions de syndicats bénéficiant de la présomption de représentativité sont à l’abri de telles pratiques. Les organisations syndicales bénéficiant ainsi de plein droit de la présomption de représentativité sont titulaires de façon quasi permanente des sièges dans les instances paritaires, et ce quelle que soit la réalité de leur représentativité.
  7. 672. Outre ses statuts et ceux de la fédération à laquelle il est affilié, le SNETAA a annexé à sa plainte les textes législatifs et réglementaires pertinents.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 673. Dans sa communication du 12 décembre 2002, le gouvernement distingue les cinq griefs suivants dans la plainte présentée par le SNETAA. Sur la violation des articles 3, paragraphe 1, et 5 de la convention, le SNETAA estime que l’article 94: 1) instaure un système discriminatoire entre les organisations syndicales; 2) interdit la présentation de listes concurrentes pour une même fédération ou confédération lors d’une élection. Sur la violation des articles 3, paragraphe 2, et 8, paragraphe 2, de la convention, le SNETAA fait valoir que: 3) l’appréciation de la représentativité des organisations syndicales dans le cadre où est organisée l’élection est contraire à la convention; 4) l’administration s’arroge le droit d’apprécier de manière discrétionnaire, et au cas par cas, la représentativité des syndicats aux élections; 5) l’administration ne s’est pas imposé, dans sa note de service du 21 juillet 1999, un délai maximum de trois jours afin d’apprécier la recevabilité des listes, ceci étant susceptible d’interdire toute possibilité de recours aux organisations syndicales dont la liste a été refusée par l’administration. Le gouvernement reprend ensuite un à un les griefs ainsi énoncés pour y répondre de la manière qui suit.
  2. 674. Sur le premier grief, le gouvernement indique que l’article 14 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 (portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat), tel qu’amendé par l’article 94 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996, organise les élections aux commissions administratives paritaires en instaurant un dispositif électoral à deux tours. Le premier tour est réservé aux organisations syndicales représentatives de fonctionnaires, dont la représentativité est déterminée en vertu de l’article 9 bis de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 (portant droits et obligations des fonctionnaires) inséré par l’article 94 de la loi de 1996. Cette représentativité s’apprécie par présomption en faveur des syndicats ou unions de syndicats de fonctionnaires qui disposent d’un siège au moins dans chacun des conseils supérieurs de la fonction publique de l’Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ou qui recueillent au moins 10 pour cent de l’ensemble des suffrages exprimés lors des élections organisées pour la désignation des représentants aux commissions administratives paritaires et au moins 2 pour cent des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections dans chaque fonction publique. A défaut, les organisations syndicales voient leur représentativité établie en satisfaisant, dans le cadre où est organisée l’élection, aux dispositions de l’article L.133-2 du Code du travail. La justification de ce mode électoral réside dans le souci d’éviter un morcellement de la représentation syndicale et de garantir l’efficacité de la consultation des syndicats en limitant le nombre des interlocuteurs de l’administration aux organisations les plus représentatives des fonctions publiques.
  3. 675. Sur le second grief, le gouvernement explique que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative bénéficient de la présomption de représentativité sous la double réserve (prévue aux articles 16 et 17 du décret no 82-451 du 28 mai 1982) de ne pas présenter des candidatures concurrentes à une même élection et de mentionner sur le bulletin l’appartenance à l’union. Si les syndicats persistent à présenter des listes concurrentes, l’administration déterminera leur représentativité en fonction des critères énoncés à l’article L.133-2. Le gouvernement soutient que ces dispositions permettent: a) aux groupements de syndicats d’arbitrer librement entre leurs organisations syndicales sans favoriser un système de concurrence; b) de ne pas favoriser au-delà de son principe la présomption de représentativité; c) dans tous les cas – maintien ou non des listes concurrentes – de garantir aux organisations qui ne peuvent plus se prévaloir de la présomption de représentativité de leur fédération ou union la possibilité de démontrer celle-ci dans les conditions de droit commun fixées à l’article L.133-2 du Code du travail.
  4. 676. Sur le troisième grief, le gouvernement précise que le fait que la représentativité s’apprécie dans le cadre où est organisée l’élection permet à une organisation syndicale d’être représentée au niveau local si elle a recueilli un nombre de voix suffisant à l’échelon considéré dans un ou plusieurs corps de fonctionnaires, même si elle ne dispose pas d’un nombre suffisant de voix au niveau national. De même, une organisation représentée au niveau national et dans la majorité des corps de fonctionnaires ne sera pas systématiquement représentée au niveau local si elle n’a obtenu qu’un très faible nombre de voix à l’échelon considéré pour le corps de fonctionnaires considéré.
  5. 677. Sur le quatrième grief, le gouvernement soutient que l’administration se prononce sur la recevabilité des listes de candidatures, et donc sur la représentativité des organisations syndicales, non pas de manière discrétionnaire mais en fonction des critères précisés à l’article 14 de la loi du 11 janvier 1984 tel que modifié. Selon la jurisprudence intervenue en la matière, les critères ne sont pas cumulatifs mais donnent lieu à une recherche d’un faisceau d’indices permettant d’apprécier ou non la représentativité. De plus, le gouvernement souligne que les décisions sur la recevabilité d’une liste sont motivées conformément à l’article 15 du décret no 82-451 du 28 mai 1982. Cette obligation de motivation a été rappelée tant dans la circulaire d’application du 23 avril 1999 que dans la note de service du 21 juillet 1999 du département en charge de l’éducation nationale.
  6. 678. Sur le cinquième grief, le gouvernement souligne que la note de service du 21 juillet 1999 rappelle l’exigence des délais fixés tant par l’article 14 de la loi du 11 janvier 1984 (trois jours pour contester la décision sur la recevabilité des listes) que par l’article 15 du décret du 28 mai 1982. Aux termes de cette dernière disposition, la décision déclarant irrecevable une liste doit être rendue au plus tard le jour suivant la date limite du dépôt des listes. La circulaire du 23 avril 1999 susmentionnée insiste sur la diligence qui doit être apportée par l’administration dans l’examen de la recevabilité des listes. S’il advenait qu’elle proroge le délai de dépôt des listes – à supposer une telle prorogation possible –, le délai de recours serait automatiquement prorogé lui aussi.
  7. 679. Le gouvernement conclut que l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires ainsi que l’application qui en est faite sont conformes aux principes de la liberté syndicale, et notamment au principe selon lequel les critères de représentativité sont déterminés d’après des critères objectifs et fixés d’avance.
  8. 680. En soutien de sa réponse, le gouvernement a également joint des extraits des dispositions législatives et réglementaires pertinentes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 681. Le comité note que la plainte porte sur la compatibilité des dispositions législatives et réglementaires applicables à la fonction publique, et relatives à la détermination de la représentativité d’une organisation syndicale et l’octroi de privilèges qui en découlent, avec les principes de la liberté syndicale en la matière. Le comité constate que le plaignant ne remet pas en cause le principe même de la distinction entre organisations syndicales selon leur degré de représentativité.
  2. 682. A la lumière des indications fournies par le plaignant et le gouvernement, ainsi que des extraits des textes législatifs et réglementaires joints à leurs communications respectives, le comité note que le dispositif contesté peut être décrit de la manière qui suit. L’élection de base est celle des représentants du personnel au sein des commissions administratives paritaires; les résultats de cette élection déterminent en effet dans une large mesure la participation des organisations syndicales aux autres instances paritaires. Pour cette élection, l’article 94 de la loi no 96-1093 (voir copie en annexe) prévoit deux tours de scrutin. Le deuxième tour est facultatif car il n’est organisé que si certaines conditions pour l’organisation du premier tour ou la validation de ses résultats n’ont pas été réunies. Pour le premier tour de scrutin, seules les organisations syndicales de fonctionnaires représentatives peuvent présenter des listes de candidats. Pour la détermination de la représentativité des organisations syndicales, la loi distingue deux cas. Le premier cas est celui des organisations syndicales (syndicats ou unions) qui bénéficient d’une présomption de représentativité dès lors soit qu’elles disposent d’un siège au moins dans chacun des conseils supérieurs de la fonction publique de l’Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière; soit qu’elles ont recueilli lors des dernières élections pour la désignation de représentants du personnel au sein des commissions administratives paritaires au moins 10 pour cent de l’ensemble de suffrages exprimés et au moins 2 pour cent des suffrages exprimés dans chacune des trois catégories de fonction publique. Si les organisations syndicales ne remplissent pas ces conditions pour bénéficier de la présomption de représentativité, la loi prévoit un deuxième cas, celui où les organisations en question répondent aux critères de représentativité de droit commun énoncés à l’article L.133-2 du Code du travail, soit: les effectifs, l’indépendance, les cotisations, l’expérience et l’ancienneté du syndicat.
  3. 683. De plus, le comité relève que les organisations affiliées à une même fédération ou confédération ne peuvent présenter de listes concurrentes et qu’il existe des voies de recours pour contester les décisions de l’administration sur la recevabilité des listes, c’est-à-dire sur le caractère représentatif de l’organisation.
  4. 684. Le comité note que le plaignant soutient que l’ensemble de ce dispositif est contraire aux articles 3, 5 et 8, paragraphe 2, de la convention no 87, alors que le gouvernement estime qu’il est compatible avec les principes de la liberté syndicale, et notamment celui selon lequel les critères de représentativité sont déterminés d’après des critères objectifs et fixés d’avance.
  5. 685. Le comité rappelle que la détermination de l’organisation la plus représentative, avec pour corollaire l’octroi de certains droits et avantages, n’est pas en soi contraire aux principes de la liberté syndicale, pourvu que certaines conditions soient respectées. Tout d’abord, cette détermination devrait se faire d’après des critères objectifs, préétablis et précis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. A cet égard, le comité rappelle, d’une part, que de tels critères doivent être fixés par la législation et la représentativité de l’organisation professionnelle ne saurait être laissée à l’appréciation du gouvernement; d’autre part, ces critères ne doivent pas revêtir un caractère excessif au point qu’il soit difficile pour une organisation de les remplir. Par ailleurs, le comité souligne que la distinction entre organisations syndicales selon leur caractère représentatif devrait généralement se limiter à la reconnaissance de certains droits préférentiels, par exemple en matière de négociation collective ou de consultation par les autorités. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 310 et 315.]
  6. 686. S’agissant du cas d’espèce, le comité note à titre préliminaire que les critères de représentativité sont fixés par la loi et qu’ils le sont aux fins de la participation aux différentes instances paritaires consultées par l’administration sur la carrière et les conditions de travail des fonctionnaires.
  7. 687. Pour ce qui est des critères proprement dits, le comité note que ceux sur lesquels se fonde la présomption de représentativité répondent aux exigences rappelées ci-dessus en tant qu’ils reposent sur des données concrètes immédiatement vérifiables. Cette considération vaut aussi pour les critères de droit commun qui, même s’ils ne sont pas quantifiables comme le souligne le plaignant, sont suffisamment précisés par le Code du travail et se fondent sur des éléments objectifs de composition et de fonctionnement d’une organisation syndicale qu’il est usuel de prendre en compte dans la détermination de la représentativité. Tout en ayant noté qu’il ressort des indications du gouvernement sur la jurisprudence en la matière que la détermination de ces critères n’est pas sans laisser une certaine souplesse d’appréciation à l’administration, le comité souligne que cette souplesse est plutôt favorable aux organisations syndicales dans la mesure où elles n’ont pas à remplir tous les critères de manière cumulative; par ailleurs, cette appréciation s’exerce sous le contrôle du juge administratif, au sujet duquel le comité reviendra ultérieurement. En outre, le comité prend bonne note des explications du gouvernement sur le fait que la représentativité selon les critères de droit commun s’apprécie dans le cadre où est organisée l’élection et que cette condition est de nature plutôt favorable aux organisations syndicales disposant d’une implantation locale.
  8. 688. S’agissant de la distinction entre les organisations syndicales bénéficiant d’une présomption de représentativité et celles devant démontrer leur représentativité selon les critères de droit commun, le comité est d’avis que cette distinction pose la question de savoir si la présomption ne favorise pas les premières de telle manière qu’elle constituerait une entrave à la liberté des travailleurs de choisir librement l’organisation à laquelle ils souhaitent appartenir. A la lumière tant des indications que des textes législatifs et réglementaires fournis par le plaignant et le gouvernement, le comité observe que, si la présomption de représentativité tend à favoriser une certaine stabilité dans la représentation des organisations syndicales au sein des instances paritaires, elle ne constitue pas un mode exclusif de désignation des organisations syndicales et que la loi laisse aux autres organisations la possibilité de faire la démonstration de leur représentativité. De plus, la présomption de représentativité ne s’applique qu’au stade de la recevabilité des candidatures; lors de l’élection des représentants du personnel au sein des commissions administratives paritaires, les candidats de toutes les organisations syndicales représentatives sont placés sur un pied d’égalité. Par ailleurs, le comité constate que, en particulier, les organisations syndicales pouvant bénéficier de la présomption de représentativité rattachée à la fédération ou confédération à laquelle elles sont affiliées ne peuvent présenter de listes concurrentes, ce qui est de nature à éviter qu’un groupement représentatif de syndicats n’ait de fait le quasi-monopole de la désignation des candidats aux élections et donc à préserver la liberté des organisations de s’affilier aux fédérations et confédérations de leur choix sans que leur décision ne soit motivée par la perspective de bénéficier automatiquement de la présomption de représentativité. De plus, le comité observe des explications fournies par le gouvernement que le maintien de listes concurrentes entre de telles organisations syndicales n’exclut pas la participation de celles-ci aux élections selon les critères de représentativité de droit commun. Enfin, pour ce qui est de la désignation de l’organisation syndicale par la fédération ou la confédération qui sera mise au bénéfice de la présomption de représentativité, le comité constate que c’est une question interne qui est du ressort des relations entre la fédération ou la confédération et ses affiliés et qu’il appartient aux intéressés eux-mêmes de la régler.
  9. 689. Le comité constate que l’appréciation de la recevabilité des listes de candidatures par l’administration se fait sous le contrôle du juge, et qu’un tel contrôle peut être exercé en pleine connaissance de cause puisque, aux termes de l’article 15 du décret no 82-451 du 28 mai 1982 – tel que modifié par le décret no 98-1092 du 4 décembre 1998 –, l’administration doit motiver toute décision d’irrecevabilité qui doit être rendue dans un bref délai (au plus tard le jour suivant la date limite de dépôt des candidatures). Le comité constate, des textes d’application joints à la plainte et à la réponse, que le recours au juge s’exerce et est examiné selon une procédure d’urgence et que le rôle et les responsabilités de l’administration en ce qui concerne la recevabilité des listes de candidatures ont été détaillés dans les textes d’application de la loi et notamment dans des notes de services du ministère de l’Education nationale.
  10. 690. Des considérations qui précèdent, le comité conclut que le dispositif législatif concernant la détermination des organisations syndicales de fonctionnaires représentatives aux fins de l’élection des représentants du personnel aux instances paritaires de la fonction publique n’est pas incompatible avec les principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 691. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le cas n’appelle pas de sa part un examen plus approfondi.

Z. Annexe

Z. Annexe
  • Article 94 de la loi no 96-1093 du 16 décembre 1996
  • relative à l’emploi dans la fonction publique
  • et à diverses mesures d’ordre statutaire
  • Art. 94. – I. – Il est inséré, après l’article 9 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, un article 9 bis ainsi rédigé:
  • Art. 9 bis. – Sont regardés comme représentatifs de l’ensemble des personnels soumis aux dispositions de la présente loi les syndicats ou unions de syndicats de fonctionnaires qui:
    1. 1o Disposent d’un siège au moins dans chacun des conseils supérieurs de la fonction publique de l’Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière;
    2. 2o Ou recueillent au moins 10 pour cent de l’ensemble des suffrages exprimés lors des élections organisées pour la désignation des représentants des personnels soumis aux dispositions de la présente loi aux commissions administratives paritaires et au moins 2 pour cent des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections dans chaque fonction publique. Cette audience est appréciée à la date du dernier renouvellement de chacun des conseils supérieurs précités.
  • Pour l’application des dispositions de l’alinéa précédent, ne sont prises en compte en qualité d’unions de syndicats de fonctionnaires que les unions de syndicats dont les statuts déterminent le titre, prévoient l’existence d’organes dirigeants propres désignés directement ou indirectement par une instance délibérante et de moyens permanents constitués notamment par le versement de cotisations par les membres.
  • II. – Le deuxième alinéa de l’article 14 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, le troisième alinéa de l’article 29 et les deux premières phrases du sixième alinéa de l’article 32 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ainsi que le troisième alinéa de l’article 20 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière sont remplacés par les dispositions suivantes:
  • Les membres représentant le personnel sont élus au scrutin de liste à deux tours avec représentation proportionnelle.
  • Au premier tour de scrutin, les listes sont présentées par les organisations syndicales de fonctionnaires représentatives. Si aucune liste n’est déposée par ces organisations ou si le nombre de votants est inférieur à un quorum fixé par décret en Conseil d’Etat, il est procédé, dans un délai fixé par ce même décret, à un second tour de scrutin pour lequel les listes peuvent être présentées par toute organisation syndicale de fonctionnaires.
  • Pour l’application des dispositions de l’alinéa précédent, sont regardées comme représentatives:
    1. 1o Les organisations syndicales de fonctionnaires régulièrement affiliées à une union de syndicats remplissant les conditions définies à l’article 9 bis de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires;
    2. 2o Et les organisations syndicales de fonctionnaires satisfaisant, dans le cadre où est organisée l’élection, aux dispositions de l’article L.133-2 du Code du travail.
  • Les organisations affiliées à une même union ne peuvent présenter des listes concurrentes à une même élection. Les conditions d’application du présent alinéa sont fixées en tant que de besoin par un décret en Conseil d’Etat.
  • Les contestations sur la recevabilité des listes déposées sont portées devant le tribunal administratif compétent dans les trois jours qui suivent la date limite du dépôt des candidatures. Le tribunal administratif statue dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la requête. L’appel n’est pas suspensif.
  • III. – L’article 15 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé:
  • Lorsqu’il est procédé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, à une consultation du personnel en vue de la désignation des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires, seules les organisations visées au quatrième alinéa de l’article 14 sont habilitées à se présenter. Si aucune de ces organisations ne se présente ou si le nombre de votants est inférieur à un quorum fixé par décret en Conseil d’Etat, il est procédé, dans un délai fixé par ce même décret, à une seconde consultation à laquelle toute organisation syndicale de fonctionnaires peut participer. Les règles fixées aux cinquième et sixième alinéas de l’article 14 sont applicables aux consultations prévues par le présente article.
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