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- 536. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 2002 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 329e rapport, paragr. 493 à 511, approuvé par le Conseil d’administration à sa 285e session (novembre 2002).] Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations par communications du 14 novembre 2002, du 8 janvier et du 30 avril 2003.
- 537. L’Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas - 538. Les organisations plaignantes avaient allégué que des violations graves du droit de grève étaient survenues en mai 2002 dans l’exploitation agricole Los Alamos. Selon les plaignants, la réaction à cette grève a été l’irruption dans les plantations de centaines d’hommes armés, encagoulés qui ont occupé l’exploitation, tiré sur les travailleurs et blessé 12 d’entre eux (dont deux grièvement). De même, selon les allégations, les assaillants ont maltraité un groupe (entre 60 et 80) de travailleurs et pillé des biens appartenant aux travailleurs; les assaillants ont ensuite été enlevés par hélicoptère. Enfin, selon les allégations, quand des négociations furent engagées, l’entreprise aurait fait entrer dans l’exploitation des briseurs de grève soutenus par des tueurs à gage. [Voir 329e rapport, paragr. 506.]
- 539. En ce qui concerne les aspects du conflit intervenu dans l’exploitation Los Alamos qui violent le droit du travail, le comité a pris note, lors de sa session de novembre 2002, que les allégations se rapportent au contexte de la négociation d’un contrat collectif et que le plaignant a reconnu que des négociations avaient eu lieu. Le plaignant a toutefois signalé que l’entreprise n’acceptait pas de compromis et avait admis qu’elle ne respectait pas les lois du travail, qu’elle n’avait jamais abordé les questions de la réintégration des travailleurs licenciés, de la stabilité de l’emploi de ces travailleurs et de l’indemnisation des blessés. Le comité a pris note que le gouvernement l’a informé des mesures prises par les autorités dans le cadre du règlement ordinaire des conflits du travail (médiation extrajudiciaire et intervention simultanée de trois tribunaux de conciliation et d’arbitrage). [Voir 329e rapport, paragr. 509.]
- 540. Le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 329e rapport, paragr. 511]:
- Au sujet des allégations d’atteintes physiques graves commises contre des syndicalistes, de mauvais traitements et d’actes de violence contre des grévistes et leurs biens dans l’exploitation Los Alamos, le comité déplore et souligne la gravité des allégations. Le comité demande instamment aux autorités compétentes de s’assurer immédiatement qu’une procédure judiciaire soit ouverte pour faire toute la lumière sur les faits, déterminer les responsabilités, accorder des indemnisations, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de tels actes. Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations à cet égard.
- Le comité demande au gouvernement de promouvoir la négociation collective de bonne foi entre les parties afin qu’un contrat collectif sur les conditions générales de travail puisse être signé et espère que les trois tribunaux de conciliation et d’arbitrage se prononceront sans retard sur d’autres questions plus concrètes liées à la grève qui a eu lieu dans l’exploitation Los Alamos (licenciements, indemnisations dues aux blessés, engagement de briseurs de grève, etc.). Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations à cet égard.
- B. Réponse du gouvernement
- 541. Dans ses communications du 14 novembre 2002, du 8 janvier et du 30 avril 2003, le gouvernement déclare qu’au moment où la plainte a été présentée il n’y avait pas de syndicats dans l’exploitation Los Alamos et que, par conséquent, il n’est pas possible de parler d’«atteintes physiques graves commises contre des syndicalistes». Certes, il a été question de présumés actes délictueux commis dans les installations de l’exploitation agricole Los Alamos mais ces faits ne constituent pas des violations des droits consacrés par les conventions nos 87 et 98 de l’OIT et relèvent uniquement du droit pénal. Les personnes qui auraient été prétendument lésées n’ont pas présenté d’accusation particulière et c’est pourquoi l’action pénale a suivi son cours conformément aux conclusions de l’instruction et aux chefs d’accusation du ministère public. Le 28 janvier 2003, l’autorité judiciaire a pris une décision par laquelle 16 personnes sont inculpées comme auteurs de l’infraction définie dans l’article 162 du Code pénal, par analogie avec l’article 470 du même code, sans ordonner la détention préventive conformément aux termes de l’article 173 du Code de procédure pénale. L’article 162 du Code pénal prévoit des sanctions pour les civils en possession d’armes à feu sans autorisation, tandis que l’article 470 définit l’infraction commise lors d’une rixe ou une agression à laquelle plus de deux personnes ont pris part, et au cours de laquelle des coups et blessures ont été infligés sans que l’on ait pu constater qui en sont les auteurs; dans de tels cas, on présumera que les auteurs sont tous ceux qui ont recouru à la violence contre la victime. Il convient d’ajouter que le Code de procédure pénale, article 173, dispose que, lorsque l’infraction n’est pas passible de plus d’une sanction d’une année, on n’ordonnera pas la détention préventive; il en va de même dans les cas d’actions privées (en l’occurrence il n’y a pas d’accusation particulière). Les conditions susmentionnées expliquent que les inculpés ne sont pas détenus. Le juge décidera quelle peine doit être appliquée selon la gravité des diverses actions illégales qui sont à l’origine de l’infraction ou du délit.
- 542. En ce qui concerne les aspects de la plainte qui ont trait aux droits du travail, le gouvernement déclare que le ministère du Travail et des Ressources humaines a créé une commission spécialisée d’enquête, à laquelle participe un représentant des travailleurs. Les conclusions de ladite enquête sont les suivantes:
- – les plaintes déposées mentionnent des personnes qui ne travaillaient pas encore dans l’entreprise (parmi lesquelles se trouvent notamment les personnes qui se sont présentées comme étant les dirigeants du «comité spécial» des travailleurs;
- – la majorité des travailleurs ont été engagés par des agences de placement privées qui ont leurs propres syndicats, mais ces syndicats ne peuvent pas signer une convention collective avec la Industrial Bananera Los Alamos, même s’ils pourraient le faire avec les agences privées en question;
- – les parties ne se sont pas rencontrées au stade de la médiation (notamment parce que la partie travailleurs ne s’est pas présentée à trois reprises et la partie employeurs ne s’est pas présentée une fois);
- – il y a eu des licenciements de travailleurs avant la présentation des cahiers de revendications; le 8 mars 2002, l’employeur a comparu devant le chef de l’inspection du travail pour notifier la résiliation unilatérale des contrats de 43 travailleurs; simultanément, le montant des indemnisations pour licenciements intempestifs a été fixé. C’est pourquoi, une nouvelle procédure administrative ne peut pas être engagée, car il n’existe pas de lois dans le pays qui prévoient la réintégration à leur poste de travailleurs licenciés intempestivement;
- – les projets de contrat collectif présentés par les syndicats des agences de placement privées (BEDUCORP SA, CLIADI SA et NEMRO SA) ont été rendus aux travailleurs le 6 décembre 2002 afin qu’ils les rendent conformes aux exigences de la loi en corrigeant certaines insuffisances contenues dans leurs revendications;
- – les décisions des tribunaux de conciliation et d’arbitrage concernant CLIADI SA, NEMRO SA et BEDUCORP SA sont similaires en ce qui concerne les revendications relatives aux conditions de travail; la sentence déclare nulles toutes les actions engagées, pour vice de forme et non-conformité avec les exigences légales;
- – le 14 octobre 2002, le Tribunal de conciliation et d’arbitrage a rejeté à la majorité le recours interjeté par les travailleurs en faisant valoir les considérations suivantes: 1) du procès-verbal de l’assemblée du 23 septembre 2002, il ressort que sur les (ex?)grévistes qui ont interjeté appel ont présenté avec leur recours 144 signatures; 2) après vérification, il y a répétition de certaines signatures et il a été certifié que certaines personnes n’existent pas, ou ne sont pas des travailleurs de l’entreprise contre laquelle le recours est dirigé; cette affirmation est basée sur la vérification des listes de cotisations de sécurité sociale pour le mois de février 2002; de plus, 29 travailleurs convoqués n’ont pas assisté à l’assemblée du 23 septembre 2002; et les signatures qui figurent sur le procès-verbal ne sont donc pas les leurs (il s’agit d’affirmations corroborées par un notaire public); et 3) la nullité des cahiers de revendications décidée par le tribunal est sans appel. L’affaire a par conséquent été définitivement classée.
- 543. La commission d’enquête spécialisée a observé une omission de l’inspecteur qui a eu connaissance de la déclaration de grève et qui n’a pas respecté les dispositions de l’article 506 du Code du travail et de ses amendements; en effet, il n’a pas demandé une aide immédiate dans le but d’assurer l’intégrité et l’ordre (des employeurs et des travailleurs) et d’éviter la présence de briseurs de grève. Ce fait particulier a été retenu par les autorités du ministère du Travail, étant donné que cette omission a eu des conséquences négatives sur l’évolution ultérieure de la grève.
- 544. Enfin, le gouvernement a envoyé un rapport de police daté de septembre 2002 dans lequel il est indiqué que les ex-travailleurs ne se trouvaient pas dans les alentours et que les employeurs et les travailleurs étaient en train de travailler normalement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 545. En premier lieu, le comité prend note que, selon les déclarations du gouvernement dans le présent cas, il ne convient pas de parler de coups et blessure infligés à «des syndicalistes» ni de prétendus faits délictueux résultant de la violation de droits consacrés par les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, étant donné qu’au moment de la présentation de la plainte il n’y avait pas de syndicats dans l’exploitation agricole Los Alamos. Le comité souligne toutefois que, dans sa réponse, le gouvernement déclare que les travailleurs étaient en majorité employés par des agences de placement privées. Ces dernières avaient leurs propres syndicats mais ces syndicats ne pouvaient pas signer une convention collective avec l’entreprise Industrial Bananera Los Alamos (bien qu’elles auraient pu le faire avec les agences privées).
- 546. Pour ce qui est des allégations de coups et blessures graves infligés à des travailleurs (12 ont été blessés, dont deux grièvement), de mauvais traitements et d’actes d’agression contre des grévistes et leurs biens, qui datent de mai 2002, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles une procédure pénale a été engagée et que 16 personnes sont inculpées du délit de port d’armes à feu sans autorisation et du délit de rixe ou d’agression à laquelle plus de deux personnes ont pris part en infligeant des coups et blessures; le gouvernement signale également que l’inspecteur du travail a omis de demander de l’aide pour assurer l’intégrité des personnes et l’ordre, et d’éviter la présence de briseurs de grève. Le comité déplore et souligne la gravité des allégations relatives à divers actes de violence et d’intimidation dans le cadre d’une grève et souligne que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et à la sécurité de la personne dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes et qu’il incombe aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte du jugement qui sera rendu et exprime l’espoir que les personnes blessées et celles dont les biens ont été endommagés seront dûment indemnisées. Enfin, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour prévenir la violence contre les travailleurs au motif de conflits collectifs et pour que l’inspection du travail demande immédiatement à la police de protéger l’intégrité physique des personnes si elles se trouvent réellement menacées dans le cadre de conflits collectifs.
- 547. En ce qui concerne les aspects de ce cas qui ont trait au droit du travail (licenciement de travailleurs, difficultés rencontrées au cours de la négociation collective), le comité prend note des déclarations du gouvernement lors de l’examen antérieur du cas, à savoir que deux comités spéciaux de travailleurs se disputent la représentation légitime des travailleurs. Le comité prend note des nouvelles déclarations du gouvernement, à savoir que les cahiers de revendications des travailleurs comportaient un nombre élevé de noms de personnes qui ne travaillaient pas pour l’entreprise avant la présentation desdits cahiers; la partie travailleurs ne s’est pas présentée à trois réunions de médiation et la partie employeurs ne s’est pas présentée à une réunion; 43 travailleurs ont été licenciés avant la présentation des cahiers de revendications et toutes les personnes licenciées ont reçu une indemnisation de licenciement; il n’y a pas dans le pays de lois qui prévoient la réintégration des travailleurs licenciés de façon injustifée; les projets de négociation collective présentés aux agences de placement privées ne répondaient pas aux exigences légales; les revendications relatives à des aspects du travail ne satisfaisaient pas non plus aux exigences légales. Le comité observe que, selon le gouvernement, le Tribunal de conciliation et d’arbitrage a classé définitivement l’affaire. Dans ces conditions, tenant compte des différents problèmes soulevés par ces cas et du fait que de nouveaux recours judiciaires ne sont pas possibles, le comité lance un appel au gouvernement pour qu’il cherche à promouvoir davantage le dialogue et la négociation collective pour tous les travailleurs de l’exploitation agricole Los Alamos.
- 548. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier sa législation de manière à garantir que les travailleurs licenciés pour l’exercice de leurs droits syndicaux pourraient être réintégrés dans leurs fonctions.
- 549. Prenant note que la législation pénale qui s’applique dans ce cas en ce qui concerne les actes de violence qualifiés prévoit les sanctions allant seulement jusqu’à une année de prison, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures visant à assurer que les sanctions pour les actes en cas de telles violences contre les syndicalistes sont suffisamment dissuasives.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 550. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore les actes violents commis en mai 2002 contre des grévistes et des travailleurs de l’exploitation agricole Los Alamos et prie le gouvernement de lui communiquer le texte du jugement qui sera prononcé et espère que les blessés et les personnes dont les biens ont été endommagés seront dûment indemnisés;
- b) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour prévenir la violence contre les travailleurs au motif de conflits collectifs et pour que l’inspection du travail demande immédiatement à la police de protéger l’intégrité physique des personnes si elles sont réellement menacées dans le cadre de conflits collectifs.
- c) Le comité lance un appel au gouvernement pour qu’il cherche à promouvoir davantage le dialogue et la négociation collective pour tous les travailleurs de l’exploitation agricole Los Alamos.
- d) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier sa législation de manière à garantir que les travailleurs licenciés pour l’exercice de leurs droits syndicaux pourraient être réintégrés dans leurs fonctions.
- e) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures visant à assurer que les sanctions pour les actes de violence qualifiés contre les syndicalistes sont suffisamment dissuasives.