ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 334, Juin 2004

Cas no 2211 (Pérou) - Date de la plainte: 02-JUIL.-02 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 661. La plainte figure dans une communication en date du 2 juillet 2002 présentée par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) et la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT).
  2. 662. Par une communication datée du 16 août 2002, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) s’est jointe à la présente plainte et a fait parvenir de nouvelles allégations. Dans ses communications des 12 septembre et 29 octobre 2002, la CISL a présenté des informations complémentaires.
  3. 663. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par des communications des 30 décembre 2002 et 15 décembre 2003.
  4. 664. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 665. Dans leur communication en date du 2 juillet 2002, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) et la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) signalent que, dans le cadre d’un processus de privatisation, l’entreprise Telefónica del Perú, filiale de Telefónica de España, est devenue propriétaire du réseau de téléphonie fixe et satellitaire couvrant tout le territoire péruvien. Grâce à cette opération, elle s’est transformée en une entreprise monopolistique extrêmement rentable.
  2. 666. Les plaignants allèguent que, en même temps que l’entreprise faisait l’acquisition de la majorité des actions de la téléphonie nationale, elle a entrepris une réorganisation des ressources humaines qui, dans la pratique, n’était rien d’autre qu’un licenciement massif. Selon eux, on a calculé que, depuis la privatisation jusqu’en 2001, le nombre de personnes licenciées par l’entreprise s’est élevé à 9 000. En outre, à la fin de juin 2002, l’entreprise a licencié sans motif 480 travailleurs syndiqués dans l’ensemble du pays. Ces mesures avaient pour but de punir les travailleurs affiliés, qui représentaient effectivement 90 pour cent du personnel licencié, d’affaiblir les organisations syndicales et de sous-traiter les services. Toujours d’après les plaignants, cette opération a été rendue possible grâce à la récente loi sur les «services» qui accepte la sous-traitance, jusque-là interdite.
  3. 667. Les organisations plaignantes soulignent que de nombreux délégués syndicaux se sont opposés dès le début à cette politique de réduction du personnel de la Telefónica. Selon elles, cette politique viole les conventions collectives ainsi qu’un mémorandum d’accord signé par l’entreprise et les syndicats aux termes duquel toute réduction de personnel devrait être adoptée dans le cadre de programmes volontairement acceptés, mesure qui n’a pas été respectée par l’entreprise. En outre, les organisations plaignantes signalent que l’entreprise viole les accords internationaux conclus entre la compagnie transnationale espagnole et l’Union Network International (UNI).
  4. 668. Les organisations plaignantes ajoutent qu’elles ont formé un recours en amparo auprès du pouvoir judiciaire afin que le licenciement massif soit déclaré nul et que les travailleurs soient réintégrés dans leur poste, mais en même temps elles font part de leur méfiance face à la partialité de la justice péruvienne.
  5. 669. Dans ses communications des 16 août, 12 septembre et 29 octobre 2002, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) signale que, durant une grève qui a débuté en juillet 2002 et s’est prolongée jusqu’en septembre de la même année, toute une série d’abus ont été commis par les forces de police:
    • - Le 7 août, une attaque a été menée contre le siège du Syndicat unitaire des travailleurs de Telefónica del Perú, au cours de laquelle trois travailleurs (Roberto Cuadros Timorán, secrétaire de l’organisation, Roberto Amaya Loo Kung et Herculeano Caballero) ont été blessés et des dégâts matériels ont été occasionnés au local. Un autre local de ce syndicat a également été attaqué.
    • - Le 9 août, MM. Gilmer Vásquez, Joel Mendo et Jorge Herrero ont été arrêtés sans que cela soit lié aux rassemblements qui se sont produits lors des grèves, et ont été libérés le lendemain.
    • - Le 3 septembre, alors qu’ils manifestaient pacifiquement pour réclamer la réintégration de 574 travailleurs licenciés, les travailleurs des syndicats de Telefónica del Perú ont fait l’objet d’une violente répression de la part de la police nationale, au cours de laquelle MM. Rubén González, Roberto Arroyo, Carlos Mendoza et Gaudencio Escobar ont été arrêtés et M. Johnny Chavez a été blessé.
    • - Le 5 septembre, lors d’une autre manifestation pacifique, 18 syndicalistes ont été arrêtés après avoir été victimes d’une répression brutale et ont été poursuivis en justice sur la base de fausses accusations d’attaques contre la propriété privée. Ils ont été libérés le lendemain.
    • - Quarante et un travailleurs syndiqués ont été licenciés pour avoir participé et apporté leur soutien à la grève des travailleurs du secteur de la téléphonie qui a eu lieu entre le 2 juillet et le 11 septembre 2002, bien que cette grève ait été levée en raison d’un jugement de la Cour constitutionnelle de la République qui a ordonné la réintégration des 574 travailleurs licenciés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 670. Dans ses communications des 30 décembre 2002 et 15 décembre 2003, le gouvernement se réfère aux informations qui lui ont été communiquées par l’entreprise Telefónica del Perú.
  2. 671. L’entreprise déclare que, dans tous les programmes qu’elle a mis en place, elle s’est conformée aux lois et à la Constitution, s’efforçant de réduire au minimum les préjudices pour les travailleurs. Elle ajoute qu’au Pérou la stabilité absolue de l’emploi n’existe pas et que la loi a prévu le versement d’une indemnité équivalant à un salaire et demi par mois pour chaque année de service avec un plafond de 12 mois de salaire, en tant que mécanisme de protection contre les licenciements injustifiés. L’entreprise signale qu’elle est même allée au-delà de ce que prévoit la loi.
  3. 672. En outre, selon l’entreprise, conformément à l’accord du 7 décembre 2000 et au mémorandum d’accord du 16 avril 2001, les parties ont décidé que les programmes de départ à la retraite auront un caractère volontaire et que les travailleurs qui choisiront ces programmes auront la possibilité d’être reclassés immédiatement par le biais des entreprises prestataires de services. L’entreprise déclare qu’à aucun moment elle ne s’est engagée à mettre en place des mécanismes concertés pour tous les licenciements qui se produiraient en toute circonstance et elle dément avoir procédé aux licenciements en question pour des motifs antisyndicaux. Elle fait remarquer que, si la Cour constitutionnelle a déclaré que l’article 34 du décret suprême no 003-97 TR est incompatible avec la Constitution, cela n’implique pas que l’entreprise a agi de manière illégale.
  4. 673. Enfin, en ce qui concerne les allégations relatives au licenciement de 41 travailleurs au motif qu’ils ont participé ou apporté leur soutien à la grève menée entre les mois de juillet et septembre 2002, l’entreprise indique que seuls 13 travailleurs sur ces 41 faisaient réellement partie de ses effectifs. Sur ces 13 travailleurs, 11 ont été licenciés pour avoir utilisé indûment les véhicules de l’entreprise et deux pour avoir commis d’autres fautes (présentation d’un faux certificat médical dans un cas et actes de violence dans l’autre). Les 28 autres personnes concernées travaillaient pour l’entreprise prestataire de services Telefónica de Gestión de Servicios Compartidos SA (TGSC), dont 26 ont été licenciées pour avoir abandonné leur poste et deux avant la grève. L’entreprise ajoute que le 17 mars 2003, Telefónica del Perú et TGSC ont signé un mémorandum d’accord avec les organisations syndicales aux termes duquel, à titre exceptionnel, 31 des 41 travailleurs ont été réintégrés, dont 10 faisaient partie de la Telefónica et 21 de TGSC.
  5. 674. Le gouvernement ajoute que les travailleurs licenciés ont la possibilité d’intenter une action en justice afin de déterminer la légalité des licenciements.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 675. Le comité note que le présent cas a trait au licenciement massif de travailleurs au sein de l’entreprise Telefónica del Perú dans le cadre de processus de privatisation et de restructuration, à la violente répression suivie de l’arrestation de nombreux syndicalistes et au licenciement de 41 travailleurs durant une grève qui a eu lieu entre le 2 juillet et le 11 septembre 2002.
  2. 676. Le comité relève que le gouvernement se réfère aux déclarations de l’entreprise Telefónica del Perú concernant les licenciements en général et ceux, en particulier, de 41 travailleurs pour avoir participé à la grève qui a eu lieu entre juillet et septembre 2002, déclarations selon lesquelles: 1) les licenciements massifs ont été effectués conformément à la législation et dans le cadre de processus de privatisation et de restructuration; 2) l’entreprise et les organisations syndicales ont signé une convention collective le 7 décembre 2000 et un mémorandum d’accord le 16 avril 2001 en vertu desquels les parties ont décidé que les programmes de départ à la retraite auront un caractère volontaire et que les travailleurs qui choisiront ces programmes auront la possibilité d’être reclassés immédiatement par le biais des entreprises prestataires de services; 3) à aucun moment l’entreprise ne s’est engagée à appliquer le mécanisme concerté à d’autres types de licenciement; 4) en ce qui concerne le licenciement des 41 travailleurs pour avoir participé ou apporté leur soutien à la grève menée entre juillet et septembre 2002, seuls 13 d’entre eux faisaient partie de l’entreprise, tandis que les autres travaillaient pour une entreprise prestataire de services; 5) les licenciements ont été motivés par d’autres causes que la grève (utilisation indue des véhicules de l’entreprise, présentation de faux certificats médicaux et actes de violence); et 6) le 17 mars 2003, Telefónica del Perú et TGSC ont signé un mémorandum d’accord avec les organisations syndicales aux termes duquel, à titre exceptionnel, 31 des 41 travailleurs ont été réintégrés, dont 10 faisaient partie de la Telefónica et 21 de TGSC.
  3. 677. Le comité prend note de la décision de la Cour constitutionnelle de la République qui a ordonné la réintégration des 574 travailleurs du secteur de la téléphonie qui avaient été licenciés, ce qui avait déclenché la grève menée entre juillet et septembre 2002.
  4. 678. Le comité note toutefois que 26 des 28 travailleurs licenciés embauchés par l’entreprise prestataire de services Telefónica de Gestión de Servicios Compartidos SA (TGSC) ont été licenciés pour avoir abandonné leur poste durant la grève qui a eu lieu entre juillet et septembre 2002. Il prend note avec intérêt de l’information selon laquelle 21 de ces 26 personnes ont été réintégrées par l’entreprise. Il croit comprendre qu’elles faisaient partie des 574 travailleurs qui, selon la CISL, ont été réintégrés en vertu d’une décision de l’autorité judiciaire. Le comité rappelle que «le licenciement de travailleurs pour fait de grève constitue une grave discrimination en matière d’emploi pour exercice d’activité syndicale licite contraire à la convention no 98». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 591.] Le comité demande au gouvernement de lui confirmer si les 574 travailleurs en question, y compris les cinq travailleurs de l’entreprise prestataire de services (TGSC), ont été réintégrés dans leurs fonctions, comme l’a ordonné l’autorité judiciaire. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
  5. 679. Le comité constate avec regret que le gouvernement n’a pas envoyé ses observations au sujet des allégations présentées par la CISL concernant la répression policière exercée durant la grève qui a eu lieu entre juillet et septembre 2002, au cours de laquelle de nombreux syndicalistes ont été arrêtés, quelques-uns ont été blessés et des sièges syndicaux ont subi des dégâts matériels. Le comité exprime sa profonde préoccupation devant la gravité de ces allégations. Le comité demande au gouvernement de procéder sans délai à une enquête indépendante en la matière afin de déterminer les responsabilités et de punir les coupables, et de veiller à ce que de tels actes ne se répètent pas dans le futur. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 680. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de lui confirmer si les 574 travailleurs du secteur des télécommunications, y compris les cinq travailleurs de l’entreprise prestataire de services - Telefónica de Gestión de Servicios Compartidos SA (TGSC) -, ont été réintégrés dans leurs fonctions, comme l’a ordonné l’autorité judiciaire. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
    • b) Au sujet des allégations présentées par la CISL concernant la répression policière exercée durant la grève qui a eu lieu entre juillet et septembre 2002, au cours de laquelle de nombreux syndicalistes ont été arrêtés, quelques-uns ont été blessés et deux sièges syndicaux ont subi des dégâts matériels, le comité exprime sa préoccupation devant la gravité de ces allégations. Le comité demande au gouvernement de procéder sans délai à une enquête indépendante en la matière afin de déterminer les responsabilités et de punir les coupables, et de veiller à ce que de tels actes ne se répètent pas dans le futur. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer