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- 166. Par une communication datée du 27 août 2002, l’Association indépendante des enseignants du Cambodge (CITA) a porté plainte. Par une communication datée du 29 août 2003, l’Internationale de l’éducation (IE) a transmis une autre communication de la CITA, datée du 4 juillet 2003, qui complète la communication initiale. Par la même occasion, l’IE a déclaré qu’elle s’associait à la plainte déposée par la CITA.
- 167. Le gouvernement a transmis sa réponse par communication du 24 février 2004.
- 168. Le Cambodge a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Il n’a pas ratifié la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante - 169. La CITA indique qu’elle a été créée en l’an 2000 et reconnue par le ministère de l’Intérieur en juillet 2001, après l’intervention du Représentant spécial des Nations Unies au Cambodge pour les droits de l’homme.
- 170. Dans sa communication initiale du 27 août 2002, la CITA met l’accent sur des questions législatives. Elle déclare que le Statut commun des fonctionnaires publics, adopté le 21 octobre 1994, régit les conditions d’emploi des enseignants. La CITA est d’avis que ce statut est incompatible avec les conventions nos 87 et 98. En particulier, il ne garantit pas aux fonctionnaires publics les droits de former des syndicats et de mener des négociations collectives, et il n’assure pas non plus la protection des dirigeants syndicaux et de leurs activités. La CITA souligne tout particulièrement l’absence d’une protection contre la discrimination antisyndicale et l’inexistence de la négociation collective. La CITA estime qu’une assistance technique devrait être fournie pour la rédaction d’un projet de loi applicable aux fonctionnaires publics et compatible avec les conventions nos 87 et 98. La CITA a fourni une traduction du Statut commun des fonctionnaires publics.
- 171. Dans sa seconde communication datée du 4 juillet 2003, la CITA affirme que les autorités publiques et la police l’ont empêchée de tenir des réunions portant sur son organisation et ses activités internes. A l’appui de sa prétention, la CITA décrit les circonstances spécifiques qui ont entouré les réunions en question et qui peuvent être résumées comme suit.
- 172. Le 1er décembre 2002, la CITA a organisé une assemblée dans la province de Kompong Chhnang, pour créer un comité exécutif de section. La CITA affirme que le gouverneur de la province, M. So Pearin, et le chef de la police, M. Touch Narong, ont donné des ordres pour que 30 agents de la police établissent un cordon autour de l’assemblée; ils ont également interdit l’emploi de haut-parleurs. La CITA ajoute que le chef du Département de l’éducation pour la province de Kompong Thom, Mme Phat Chhny, a écrit au directeur de l’école pour qu’il donne pour instructions aux enseignants de ne pas adhérer à la CITA.
- 173. Le 10 décembre 2002, la CITA a décidé de tenir une réunion dans les établissements de la Srayov Junior high school, commune de Srayov, district de Stoeng Sen, province de Kompong Thom. L’objectif de la réunion était d’expliquer le rôle des syndicats. Le troisième adjoint du gouverneur de la province de Kompong Thom, M. Kung Bunthan, et le chef de la police du district, M. Srey Puthy, ont donné l’ordre à dix agents de la police de mettre un terme à la réunion.
- 174. Le 22 décembre 2002, des responsables de la CITA sont arrivés à la «IIe école primaire du village de Chak Engre», district Mean Cheay, pour venir en aide à dix enseignants qui avaient été intimidés et menacés par le chef du bureau de l’éducation du district, Mme Kung Kanitha, et par le directeur de l’école, M. Huy Saroen, après avoir participé à une manifestation non violente le 16 décembre 2002. Le directeur de l’école a fait appel à la police, et cinq agents ont fait sortir les responsables de la CITA de l’école.
- 175. Le 1er mars 2003, des responsables de l’organisation se sont rendus à l’école de Saang, district de Saang, province de Kandal. Le directeur de l’école, M. Chhi Kung, a demandé à l’adjoint du chef de la police, M. Rothy, de menacer et de faire sortir de l’école le président de la CITA lorsque celui-ci est arrivé.
- 176. Le 6 avril 2003, la CITA a convoqué une assemblée pour constituer un comité exécutif de section dans la province de Kompong Thom; 150 enseignants ont assisté à l’assemblée. La CITA affirme qu’avant l’assemblée le gouverneur de la province, M. Nou Phoeng, a émis l’ordre no 026, daté du 1er avril 2003, portant interdiction pour la CITA de tenir la réunion du 6 avril 2003.
- 177. La CITA a décidé d’organiser un séminaire de trois jours, devant commencer le 26 juin 2003, dans la province de Pursat. La CITA explique que le gouverneur de la province, M. Ong Sami, l’a informée qu’il ne pouvait pas autoriser la tenue de la réunion pour des raisons de sécurité. Simultanément, les autorités ont interdit aux hôtels et restaurants de la province d’offrir des chambres et des salles pour la tenue du séminaire. En dépit du refus du gouverneur, le président de la CITA a décidé de poursuivre l’organisation du séminaire. Quarante enseignants, venant des provinces de Kompong Chhnang et de Pursat, sont arrivés pour assister à la réunion. La moitié des 40 enseignants présents ont pu prendre part à la réunion; 25 agents de police ont interdit aux autres enseignants d’y assister. La police a interdit la poursuite de la réunion après l’ouverture officielle, en prenant des mesures énergiques. Le président de la CITA a essayé une seconde fois de tenir le séminaire, mais les pressions engendrées par la présence de la police l’ont obligé à déclarer le séminaire clos, le soir du 26 juin 2003, afin d’éviter des actes de violence et d’assurer la sécurité des enseignants.
- 178. La CITA fait valoir au sujet des activités décrites ci-dessus qu’elle avait informé les autorités une semaine avant la date prévue pour la tenue de la réunion, mais que les autorités l’ont empêchée de mener ces activités à bonne fin. La CITA met l’accent sur le fait que le gouvernement avait autorisé les autorités locales de s’opposer à ces réunions. Cela constitue une violation flagrante de la Constitution nationale ainsi que des conventions nos 87 et 98. Selon la CITA, le gouvernement a refusé de reconnaître aux enseignants la liberté d’opinion, la liberté d’expression et le droit de réunion.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 179. Dans sa communication du 24 février 2004, le gouvernement ne se réfère qu’aux allégations factuelles. Le gouvernement explique que le ministère des Affaires sociales, du Travail, de la Formation professionnelle et de la Rééducation des jeunes (MOSALVY), le ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports (MOEYS) et le ministère de l’Intérieur ont créé un groupe interministériel chargé d’enquêter sur les allégations. Pour chaque cas, le gouvernement transmet des explications et des procès-verbaux des réunions que le groupe interministériel a eues avec les autorités locales concernées et les responsables et membres de l’Association indépendante des enseignants du Cambodge (CITA). Le gouvernement a fourni au comité des traductions des procès-verbaux ainsi que des copies des originaux, qui sont signés ou portent des empreintes. Ces traductions diffèrent de celles de la plaignante en ce qui concerne l’orthographe des noms des provinces, des districts, des villes et des personnes concernés. Pour faciliter l’examen du cas, les réponses du gouvernement suivent l’ordre dans lequel la CITA a présenté les allégations.
- Cas du 1er décembre 2002 - province de Kampong Chhnang
- 180. Le gouvernement rejette l’allégation selon laquelle les droits de la CITA ont été violés. Il affirme que le cas est dû à un manque d’informations et de clarification. Le gouvernement souligne que l’association n’a pas soumis une proposition pour obtenir l’autorisation des autorités compétentes et que les autorités contactées ont uniquement assumé leurs responsabilités pour préserver l’ordre social et la sécurité. Le gouvernement met l’accent sur le fait que, bien que la réunion ait été l’objet de certaines contraintes, la CITA a été en mesure de mener cette réunion à bonne fin.
- 181. Le gouvernement soumet trois procès-verbaux des entretiens que le groupe de travail interministériel a eus au sujet de ces événements. Toutes ces réunions ont eu lieu le 16 janvier 2004. Le premier procès-verbal relate l’entretien avec quatre responsables et membres de la section locale de la CITA: M. Chun Cham, M. Doung Chetra, M. Chan Nithera et M. Chhoeung Ravy. Les informations suivantes ont été fournies au groupe de travail:
- - la CITA a adressé une lettre au gouverneur et à la Direction de l’éducation, de la jeunesse et des sports au sujet de la réunion;
- - les autorités n’ont pas autorisé la réunion, notamment parce que la procédure de demande d’une autorisation n’était pas claire; néanmoins, la réunion a eu lieu comme prévu, en présence de la police; une autre réunion a été organisée par la suite sans aucune intervention des autorités;
- - les événements du 1er décembre 2002 sont dus à un malentendu entre la CITA et les autorités locales; le vice-président de la CITA de la section a fait part de son intention d’établir de bonnes relations avec les autorités locales.
- 182. Le deuxième procès-verbal relate l’entretien avec le responsable de la Direction de l’éducation, de la jeunesse et des sports, Mme Phat Thorny, qui a fourni les informations suivantes au groupe de travail:
- - elle a déclaré qu’elle n’avait pas envoyé au directeur une lettre interdisant aux enseignants de participer aux activités de la CITA; le procès-verbal fait ensuite référence à une lettre no 2710 du 11 décembre 2003 dans les termes suivants: «[la Direction de l’éducation, de la jeunesse et des sports] n’a jamais écrit la lettre no 2710 datée du 11 décembre 2003 sur les activités d’un petit nombre d’associations et d’autres institutions d’éducation qui ont perturbé le processus d’enseignement»;
- - la Direction de l’éducation, de la jeunesse et des sports a reçu un rapport de l’atelier relatif à la création d’une section de la CITA dans la province de Kampong Chhnang; selon ce rapport, l’atelier a eu lieu durant toute la matinée du 1er décembre 2002 et a réuni approximativement 200 personnes; seuls 104 participants ont voté.
- 183. Le troisième procès-verbal relate l’entretien avec le chef de la police de la province de Kampong Chhnang, M. Touch Narong: ce dernier a fourni les informations suivantes au groupe de travail:
- - après avoir été informé de la réunion, il a recommandé que la CITA demande l’autorisation nécessaire à cette fin, pour des raisons de sécurité;
- - bien qu’aucune autorisation n’ait été accordée, la réunion a eu lieu; il a été obligé d’envoyer 15 agents de police pour assurer la sécurité car 150 personnes assistaient à la réunion;
- - la réunion a duré toute la matinée; des haut-parleurs ont été utilisés et les participants ont voté, sans faire l’objet d’aucune ingérence, en vue de la création d’un comité exécutif de section et de l’adoption des statuts de l’association.
- Cas du 10 décembre 2002 - province de Kompong Thom
- 184. Le gouvernement réfute les allégations. Il n’y a eu aucun conflit entre les représentants de la CITA et les autorités locales. Le cas est plutôt dû au manque de coopération entre les parties et au fait qu’elles n’ont pas déterminé clairement leurs responsabilités respectives. A cet égard, le gouvernement souligne que la CITA n’a pas soumis une proposition pour obtenir une autorisation préalable; les autorités n’ont toutefois pris aucune décision au sujet de la réunion et elles n’ont édicté aucune directive.
- 185. Le gouvernement soumet les procès-verbaux de deux réunions, qui ont eu lieu l’une et l’autre le 13 janvier 2004. La première réunion a eu lieu entre le groupe de travail interministériel et les représentants des autorités locales. (Il convient de noter en passant que, durant cette réunion, des informations ont été fournies non seulement sur les événements du 10 décembre 2002 mais également sur ceux du 6 avril 2003, étant donné que ces réunions concernaient la même province et par conséquent les mêmes autorités. La traduction du procès-verbal ne permet toutefois pas toujours de comprendre exactement à quel événement les informations correspondent. Les déclarations qui sont le plus susceptibles de concerner les événements du 6 avril seront résumées ci-après.) Quant aux événements du 10 décembre 2002, les informations suivantes ont été fournies par le second gouverneur du cabinet de la province, M. Kong Bouthon, l’adjoint du responsable de la Direction de l’éducation, de la jeunesse et des sports, M. Kem Visoth, et le chef de la police, district de Stoeung Sen, M. Srey Puthi:
- - le second gouverneur de la province a déclaré qu’il a ordonné à la police d’engager un processus de médiation au sujet de la réunion tenue dans les locaux de l’école secondaire de Sroyov; le second gouverneur a indiqué que la police avait agi correctement envers les responsables syndicaux et que la tenue de la réunion a été autorisée;
- - l’adjoint du responsable de la Direction de l’éducation, de la jeunesse et des sports a confirmé que sa direction n’avait pas autorisé la CITA à tenir une réunion dans les locaux de l’école afin de préserver la neutralité de l’institution; il semble qu’il ait aussi fait référence à un désaccord de la CITA au sujet d’une politique du MOEYS et que, pour cette raison, la direction ait donné au directeur de l’école secondaire de Sroyov l’instruction de n’autoriser aucune «activité dans l’école»;
- - le chef de la police a déclaré que la réunion à l’école secondaire de Sroyov avait eu lieu de 14 à 16 heures et qu’environ 20 enseignants y avaient pris part; sept agents de police étaient présents pour des raisons de sécurité.
- 186. Au cours de la seconde réunion, le groupe de travail a décidé d’avoir un entretien avec trois membres de la CITA travaillant à l’école secondaire de Sroyov, M. Khout Sokhoeun, M. Cheam Leng et M. Sreng Dara. Le groupe est arrivé aux conclusions suivantes:
- - la CITA n’a pas obtenu l’autorisation d’organiser la réunion, premièrement parce que les autorités publiques n’ont pas été en mesure de s’assurer que la réunion ne présenterait pas de risques pour la sécurité et la stabilité dans la zone;
- - la réunion du 10 décembre n’a pas eu lieu comme initialement prévu, mais elle a été organisée devant la grille de l’école de 13 h 30 à 15 h 30 sans aucune ingérence des autorités; quelques agents de la police ont été «invités par la CITA» à assister à la réunion;
- - après la première réunion, la CITA a pu organiser sept autres réunions en divers lieux sans aucune ingérence des autorités, et elle peut encore le faire.
- Cas du 22 décembre 2002 - ville de Phnom Penh
- 187. Le gouvernement réfute les allégations et déclare que le directeur de l’école n’a jamais menacé la CITA, mais qu’il a simplement conseillé aux enseignants d’observer le règlement intérieur. En revanche, le président de la CITA est entré, sans autorisation, dans les locaux de l’école et a causé des problèmes à l’administration de l’école durant les heures de travail.
- 188. Le gouvernement a joint des procès-verbaux des deux réunions organisées par le groupe interministériel le 23 janvier 2004. Le premier procès-verbal rend compte de l’entretien que le groupe a eu avec cinq enseignants de «la 2e école primaire de Chak Enre»: Mme Yim Mich, Mme Chan Nary, Mme Rey Sochenda, Mme Ek Sophea et Mme Loeung Bophan. Une des enseignantes a fourni les informations suivantes:
- - elle a confirmé qu’elle avait pris part à une manifestation le 16 décembre 2002 pour obtenir une amélioration de ses conditions de vie; elle n’avait pas cherché à obtenir une autorisation du directeur de l’école car elle était convaincue que ce dernier refuserait de la lui donner;
- - après la manifestation, les enseignants et le directeur ont parlé de ce fait et des tâches et obligations des enseignants; l’absence des enseignants n’a pas eu d’autres conséquences.
- 189. Le deuxième procès-verbal rend compte de l’entretien avec le directeur de l’école, M. Suy Saroeun, qui a fourni les informations suivantes:
- - le 16 décembre 2002, 16 enseignants étaient absents de leur travail et cela a créé des difficultés pour le fonctionnement de l’école;
- - les règles en vigueur dans l’école ont été rappelées aux enseignants, mais il n’y a pas eu d’autre incident.
- Cas du 1er mars 2003 - province de Kandal
- 190. Le gouvernement n’est pas d’accord avec les points de vue exprimés par la CITA au sujet de ce cas. Le directeur de l’école n’a pas menacé le président de la CITA et ne l’a pas démis de son poste à l’école. Il a tout simplement fait respecter les règles internes, d’autant plus qu’à ce moment des examens avaient lieu dans cette école.
- 191. Le gouvernement a joint des procès-verbaux de deux réunions tenues par le groupe de travail interministériel, toutes deux le 20 janvier 2004. Au cours de la première réunion, le directeur de l’école secondaire de Hun Sen Sa Ang, M. Chhi Kong, a été entendu et il a fourni les informations suivantes:
- - le 1er mars 2003, l’école était un centre d’examens et toute personne dont la présence n’était pas requise dans ces circonstances n’a pas été autorisée à entrer dans l’école; le directeur avait été informé que des documents avaient été distribués et que cela avait eu un effet négatif sur la discipline devant être respectée durant les examens; c’est pourquoi il a ordonné au garde de mettre un terme à la distribution de documents et a invité les personnes qui avaient organisé cette distribution de quitter l’école; ce n’est qu’à ce moment qu’il a appris que son interlocuteur était le président de la CITA;
- - le directeur avait souvent conseillé au président de la CITA de ne pas organiser des activités syndicales durant les heures de travail.
- 192. Deux membres de la CITA, Mme Heng You et M. Koun Nhoum, qui travaillaient à l’école secondaire de Hun Sen Sa Ang, ont été interrogés au cours de la deuxième réunion et ils ont fourni les informations suivantes:
- - le 1er mars 2003, le président de la CITA est entré dans les locaux de l’école sans autorisation, étant donné qu’il avait travaillé dans cette école par le passé et était ainsi habitué à avoir libre accès à l’école; juste ce jour-là, l’école était un centre d’examens et l’accès à l’école était strictement limité aux personnes chargées de l’organisation des examens; le directeur de l’école a demandé au garde de sécurité d’inviter le président de la CITA à quitter l’école;
- - après ces événements, le président de la CITA a pu accéder librement aux locaux de l’école, comme en temps normal.
- 193. Le groupe de travail et les deux enseignants sont finalement convenus que le comportement du directeur de l’école n’avait rien d’exceptionnel, qu’aucune erreur n’avait été commise et que l’incident était dû à un malentendu.
- Cas du 6 avril 2003 - province de Kompong Thom
- 194. Le gouvernement indique que l’autorité provinciale a écrit une lettre aux termes de laquelle la CITA n’était pas autorisée à organiser la réunion pour des raisons de sécurité. Cette décision a été prise parce que la CITA n’avait pas fourni suffisamment de détails aux autorités compétentes, et s’était contentée de les informer qu’elle avait l’intention de tenir une réunion. Depuis, la CITA a organisé ses réunions sans aucun problème.
- 195. Le groupe de travail a examiné les allégations avec les autorités susmentionnées et, à la lumière du procès-verbal de la réunion du 13 janvier 2004, il semble que les informations ci-après ont trait aux événements du 6 avril 2003:
- - le second gouverneur de la province a déclaré qu’en refusant d’autoriser la CITA à tenir sa réunion il avait seulement appliqué la loi sur les manifestations; en effet, la CITA n’avait pas demandé l’autorisation requise; de plus, le ministère de l’Intérieur n’avait pas autorisé la création de la section de la CITA;
- - le Chef de cabinet de la province a souligné que les autorités provinciales avaient spécifiquement invité la CITA à demander l’autorisation dont elle avait besoin pour organiser l’assemblée, et non à se contenter de les informer qu’elle allait tenir une réunion; par ailleurs, la CITA a rendu public le nom de sa section avant de demander une autorisation; la CITA doit respecter la loi quand elle décide de créer une section locale.
- Cas du 26 juin 2003 - province de Pursat
- 196. Le gouvernement affirme que les autorités n’ont pas violé les droits de la CITA. Elles ont seulement examiné les tâches qui leur incombent en matière de protection et de maintien de l’ordre social. La CITA ne s’était pas acquittée correctement de ses propres responsabilités et aurait dû respecter les décisions prises par les autorités pour protéger l’ordre social.
- 197. Le groupe de travail interministériel a tenu trois réunions. La première a eu lieu le 14 janvier 2004 afin d’avoir un entretien avec le responsable de la Direction de l’éducation, de la jeunesse et des sports, M. Theam Lim Eng, qui a fourni les informations suivantes:
- - il n’a jamais empêché des membres de la CITA de déployer leurs activités;
- - la lettre no 1061, datée du 24 juin 2003, a été adressée par la direction au responsable de la section de l’association; elle mettait l’accent sur le fait que l’autorité provinciale n’avait pas autorisé le séminaire;
- - après les événements qui ont eu lieu pendant la tenue du séminaire, la section locale de l’association a déployé ses activités sans faire l’objet d’une ingérence quelconque;
- - d’une façon générale, il convient de rappeler à la CITA qu’elle ne doit pas entreprendre des activités de quelque nature pendant les heures de travail des écoles mais en dehors de ces heures.
- 198. Une réunion a eu lieu le 15 janvier 2004 pour avoir un entretien avec le Chef de cabinet de la province, M. Vong Sam Ol, qui a fourni les informations suivantes:
- - la CITA a informé le Cabinet, par une lettre datée du 14 juin 2003, qu’elle allait organiser un séminaire du 26 au 28 juin 2003, mais elle n’a pas fourni suffisamment d’informations; c’est pourquoi le Cabinet a demandé à l’association de compléter le dossier; étant donné qu’il n’avait pas reçu les informations complémentaires en date du 24 juin 2003, le Cabinet a écrit une lettre dans laquelle il déclarait que le séminaire n’avait pas été autorisé pour des raisons de sécurité liées apparemment au fait que des élections devaient avoir lieu à l’échelon national;
- - quand une association ou une organisation souhaite organiser une réunion ou un séminaire, elle doit tout d’abord demander une autorisation en soumettant tous les documents requis.
- 199. Une autre réunion a eu lieu le 15 janvier 2004 avec le responsable et le responsable adjoint de la représentation locale de la CITA, M. Yeap Seng et Mme Kim Darani. Les deux dirigeants syndicalistes et le groupe de travail sont convenus des points suivants:
- - le séminaire du 26 juin 2003 n’a pas eu lieu parce que les autorités locales et la CITA ne sont pas parvenues à bien s’entendre; les autorités locales n’ont pas compris la prise de position de l’association, et cette dernière n’a pas fourni les informations nécessaires pour obtenir l’autorisation d’organiser le séminaire;
- - les autorités locales et l’association n’ont pas cherché à s’ingérer dans leurs responsabilités et tâches réciproques; en revanche, les tâches de la CITA doivent être définies plus clairement et il ne doit pas y avoir d’ingérence dans les activités de l’association basées sur le principe de la liberté syndicale et déployées en dehors des heures de travail;
- - l’association a estimé que ses activités ne devraient pas être menacées ou entravées quand elles sont déployées en dehors des heures de travail et que les obligations des enseignants devraient être définies clairement.
- 200. Le gouvernement conclut en mettant l’accent sur le fait que les allégations de la plaignante ne sont pas fondées. Il y a certes eu un malentendu entre la CITA et les autorités locales mais seulement durant peu de temps quand l’association a commencé à déployer ses activités. Le gouvernement ajoute que les nouveaux représentants de la CITA avaient peu d’expérience quant ils ont commencé à assumer leurs tâches et qu’ils n’ont pas observé les règles nationales à l’application desquelles les autorités nationales doivent veiller.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 201. Le comité note que ce cas a trait à la reconnaissance et au respect des droits syndicaux des enseignants par les autorités publiques, tant en droit que dans la pratique.
- Compatibilité du Statut commun des fonctionnaires publics avec les conventions nos 87 et 98
- 202. L’organisation plaignante indique que les enseignants sont soumis au Statut commun des fonctionnaires publics et affirme que ce règlement est incompatible avec les conventions nos 87 et 98. En particulier, il n’y a pas de protection des membres et des dirigeants syndicaux contre les actes de discrimination antisyndicale et il n’y a pas de reconnaissance du droit des fonctionnaires publics à la négociation collective. Notant que le gouvernement n’a pas répondu aux questions d’ordre législatif soulevées dans la plainte, le comité examinera les dispositions du Statut commun des fonctionnaires publics, afin de déterminer s’il garantit les droits des fonctionnaires publics à la liberté syndicale et au droit de négociation collective, conformément aux engagements découlant de la ratification par le Cambodge des conventions nos 87 et 98.
- 203. Le comité note que c’est la première fois qu’il est saisi de la question de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective dans la fonction publique du Cambodge. Il note également que le Statut commun des fonctionnaires publics a été adopté avant le Code du travail de 1997 et avant la ratification par le pays des conventions nos 87 et 98.
- 204. Le comité note que l’article 1 du Code du travail exclut de son champ d’application certaines catégories de fonctionnaires publics, y compris ceux qui sont soumis au Statut commun des fonctionnaires publics. Dans le présent cas, le comité n’est appelé qu’à examiner les dispositions du statut. Il rappelle cependant que les fonctionnaires doivent bénéficier, comme tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, du droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, sans autorisation préalable, afin de promouvoir et de défendre leurs intérêts. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 213.] Le comité renvoie également le gouvernement aux commentaires faits par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, à sa session de novembre-décembre 2003, sur la nécessité de garantir le droit syndical des employés du secteur public autres que ceux tombant sous l’empire du Statut commun des fonctionnaires publics (voir rapport de la commission d’experts qui sera soumis à la Commission de l’application des normes lors de la 92e session de la Conférence internationale du Travail).
- 205. Le comité observe que le Statut commun des fonctionnaires publics ne contient qu’une seule disposition, l’article 36, qui porte sur le droit syndical des fonctionnaires publics. En vertu de cette disposition, «tout fonctionnaire public peut s’affilier à une association autorisée par la loi et prendre part à la gestion de cette association». Cette disposition pourrait bien être la base légale en vertu de laquelle les autorités publiques ont reconnu la CITA comme une organisation professionnelle. Les parties n’ont pas précisé si un texte quelconque a été adopté en vertu de l’article 36 pour régir plus en détail les associations de fonctionnaires publics. Alors que le Code du travail reconnaît explicitement aux travailleurs le droit syndical et le droit à la négociation collective, le comité note que, en revanche, le Statut commun des fonctionnaires publics: i) ne mentionne pas explicitement les associations dont le but est de promouvoir et défendre les intérêts professionnels des fonctionnaires publics, et encore moins les syndicats; ii) ne précise pas l’organisation, le fonctionnement et les activités des associations visées par l’article 36; et iii) ne comporte aucune mention relative à la négociation collective et à la protection contre la discrimination antisyndicale.
- 206. Le comité attire par conséquent l’attention du gouvernement sur ce qui suit. Les normes contenues dans la convention no 87 s’appliquent à tous les travailleurs «sans distinction d’aucune sorte» et couvrent donc le personnel de l’Etat. Il a semblé en effet inéquitable d’établir une discrimination dans le domaine syndical entre les travailleurs du secteur privé et les agents de la fonction publique qui doivent, les uns comme les autres, être en mesure de s’organiser pour la défense de leurs intérêts. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 212.] La différence de traitement résultant de la législation nationale entre les travailleurs soumis au Code du travail et les fonctionnaires publics, alliée à l’absence de toute mention explicite du droit de ces derniers de constituer des organisations professionnelles et de s’y affilier, place la liberté syndicale des fonctionnaires publics dans une situation précaire. Une telle situation ne peut qu’engendrer des difficultés pratiques du genre de celles mentionnées dans la plainte, voire de l’arbitraire au détriment des organisations professionnelles de fonctionnaires publics, de leurs dirigeants et de leurs membres.
- 207. Le comité examinera maintenant les questions spécifiques soulevées dans la plainte.
- 208. En ce qui concerne la première question de l’autorisation préalable devant être obtenue avant la création d’un syndicat, le comité note que, au sujet de l’assemblée prévue pour le 6 avril 2003, les autorités provinciales ont mentionné l’absence d’une autorisation du ministère de l’Intérieur pour la création d’une section locale. En vertu de l’article 2 de la convention no 87, les travailleurs et les employeurs ont le droit, «sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations». Le principe de la liberté syndicale risquerait très souvent de rester lettre morte si les travailleurs et les employeurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 244.] S’il est vrai que les fondateurs d’un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, ces formalités, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la libre création des organisations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 248.] De plus, il devrait exister un droit de recours auprès des tribunaux contre toute décision administrative en matière d’enregistrement d’une organisation syndicale. Ce recours constitue une garantie nécessaire contre les décisions illégales ou mal fondées des autorités chargées d’enregistrer les statuts. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 264.] Ces dispositions et principes s’appliquent également à la constitution d’une section syndicale.
- 209. Pour ce qui est des droits de négociation collective des fonctionnaires publics et de leur droit à être protégés contre la discrimination antisyndicale, le comité se référera aux commentaires de la commission d’experts selon lesquels, en vertu de la convention no 98, les fonctionnaires publics autres que ceux qui sont commis à l’administration de l’Etat doivent bénéficier des garanties prévues par la convention. Le comité souhaite rappeler à cet égard qu’il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l’administration de l’Etat - fonctionnaires des ministères et autres organismes gouvernementaux comparables - et les fonctionnaires agissant en tant qu’auxiliaires des précédents et, d’autre part, les autres personnes employées par le gouvernement, par les entreprises publiques ou par des institutions publiques autonomes. Seule la première catégorie de ces travailleurs peut être exclue du champ d’application de la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 794.]
- 210. Pour les fonctionnaires publics tombant dans le champ d’application de la convention no 98, le comité souligne que, en vertu de l’article 1 de la convention, le gouvernement doit prendre des mesures explicites pour s’assurer que les fonctionnaires publics bénéficient d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi. Premièrement, une telle protection doit couvrir non seulement l’embauchage et le licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire, qui interviendrait en cours d’emploi et, en particulier, les transferts, les rétrogradations et autres actes préjudiciables. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 695.] Deuxièmement, cette protection serait particulièrement souhaitable dans le cas des responsables syndicaux afin qu’ils puissent assumer leurs tâches syndicales en toute indépendance; ils devraient avoir la garantie qu’ils ne subiront aucun préjudice à cause du mandat que leur a conféré leur syndicat. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.] Troisièmement, il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions contre les actes de discrimination antisyndicale, afin d’assurer l’efficacité pratique de l’article 1 de la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 697.] Enfin, le comité doit souligner que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes; les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 739 et 741.]
- 211. En ce qui concerne la négociation collective, le comité rappelle qu’en vertu de l’article 4 de la convention des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 781.] La convention no 98, notamment son article 4 relatif à l’encouragement et à la promotion des négociations collectives, est applicable au secteur privé comme aux entreprises nationalisées et aux organismes publics. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 792.]
- 212. Pour ce qui est du cas spécifique des enseignants, le comité a rappelé en de nombreuses occasions qu’ils devraient bénéficier pleinement des droits syndicaux. En particulier, le comité a attiré l’attention sur l’importance de promouvoir la négociation collective, dans le secteur de l’éducation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 804; 310e rapport, cas no 1928 (Canada/Manitoba), paragr. 175; 311e rapport, cas no 1951 (Canada/Ontario), paragr. 220.]
- 213. A la lumière de ce qui précède, le comité estime que le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour amender le Statut commun des fonctionnaires publics de manière à garantir pleinement le droit syndical et le droit de négociation collective des fonctionnaires publics, conformément aux conventions nos 87 et 98 et aux principes de la liberté syndicale rappelés ci-dessus. Le comité estime qu’il convient de soumettre les aspects législatifs de ce cas à la commission d’experts et rappelle au gouvernement que l’assistance technique du Bureau est à sa disposition s’il souhaite tirer profit de cette possibilité.
- 214. Le comité note que la CITA allègue que les autorités publiques locales et la police se sont ingérées dans ses activités. Plus précisément, la CITA allègue qu’on l’a empêchée d’exercer son droit de réunion et d’avoir accès aux lieux de travail pour rencontrer des enseignants. La CITA affirme que dans tous les cas elle a informé en bonne et due forme les autorités compétentes une semaine à l’avance. Des allégations de discrimination antisyndicale sont également soumises. Le comité note que le gouvernement a constitué un groupe de travail interministériel pour examiner les allégations et que ses observations peuvent être résumées comme suit: i) il n’y a eu aucun conflit entre la CITA et les autorités locales, mais il y a eu malentendu au début de ses activités quand ses représentants n’avaient pas assez d’expérience; ii) ces malentendus étaient dus en majorité au fait que la CITA n’a pas respecté la législation nationale et les règles internes des écoles, et plus spécifiquement l’obligation de demander une autorisation pour organiser des réunions, créer des sections locales ou accéder aux lieux de travail durant les heures de travail; iii) dans certains cas cités par la CITA, les réunions ont finalement eu lieu soit aux dates mentionnées par la plaignante soit à une date ultérieure; et iv) en général, les autorités publiques se sont contentées d’exercer leurs responsabilités dans l’intérêt de l’ordre public ou du respect des règles internes des écoles.
- 215. Le comité doit faire les remarques préliminaires suivantes avant de passer à l’examen des allégations relatives à l’intervention de la police dans les questions syndicales, au non-respect du droit de réunion des organisations de travailleurs, à leur droit de se rendre sur les lieux de travail ainsi qu’à des actes de discrimination antisyndicale. Le comité note que la CITA signale que, de décembre 2002 à juin 2003, elle s’est heurtée à différentes difficultés avec plusieurs autorités locales, et que ces difficultés ont surgi à cause de l’organisation de réunions ou de l’accès aux lieux de travail par la CITA. Le comité note que les informations fournies par le gouvernement confirment que les réunions ou que les cas d’accès aux lieux de travail correspondaient à des objectifs syndicaux et ont toujours impliqué l’intervention des autorités locales et de la police. Le comité a également à l’esprit ses conclusions quant à l’insuffisance des dispositions législatives relatives aux droits syndicaux des fonctionnaires publics et que cet état de choses peut avoir des conséquences dans la pratique.
- 216. Passant aux allégations spécifiques contenues dans la plainte, le comité souhaite rappeler qu’en général le recours à la force publique dans les manifestations syndicales devrait être limité aux cas réellement nécessaires. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 146.] Le comité demande par conséquent au gouvernement de porter ce principe à l’attention de la police, des autorités chargées d’autoriser les réunions publiques, et des directeurs des écoles.
- 217. En ce qui concerne les questions du droit de réunion et d’accès aux lieux de travail, le comité note que la CITA semble avoir seulement «informé» une semaine à l’avance les autorités locales de son intention d’organiser des réunions, alors que le gouvernement exige qu’une «proposition» lui soit soumise pour obtenir une autorisation des autorités compétentes. Dans ce contexte, le comité commencera son examen en clarifiant les droits et obligations des syndicats dans de tels cas.
- 218. Premièrement, au sujet du droit de réunion d’une organisation de travailleurs, le comité se réfère aux assemblées du 1er décembre 2002 et du 6 avril 2003 tenues en vue de créer des sections locales, à la réunion du 10 décembre 2002 pour expliquer le rôle du syndicat (qui implique aussi un droit d’accès aux lieux de travail) et au séminaire du 26 juin 2003. A l’exception de la réunion du 10 décembre 2002, qui devait être organisée dans les locaux d’une école publique, le comité n’a pas été informé du lieu exact des autres réunions.
- 219. Il faut faire une distinction entre les réunions que les syndicats tiennent dans leurs propres locaux et celles en des lieux publics: alors que le premier genre de réunion ne peut pas dépendre d’une autorisation préalable des autorités, l’exigence d’une permission pour le second genre de réunion est acceptable. Plus précisément, le droit des organisations professionnelles de tenir des réunions dans leurs locaux pour y examiner des questions professionnelles, sans autorisation préalable ni ingérence des autorités, constitue un élément essentiel de la liberté d’association, et les autorités devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice, à moins que cet exercice ne trouble l’ordre public ou ne le menace de manière grave ou imminente. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 130.] Au sujet des réunions publiques, le comité voudrait rappeler les principes suivants: premièrement, le droit d’organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 133.] Deuxièmement, l’autorisation administrative de tenir des réunions et manifestations publiques n’est pas en soi une exigence abusive du point de vue des principes de la liberté syndicale. Le maintien de l’ordre public n’est pas incompatible avec le droit de manifestation dès lors que les autorités qui l’exercent peuvent s’entendre avec les organisations de la manifestation sur les lieux de celle-ci et les conditions dans lesquelles elle est appelée à se dérouler. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 138.] Troisièmement, il ne faut pas que l’autorisation de tenir des réunions et des manifestations publiques, ce qui constitue un droit syndical important, soit arbitrairement refusée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 139.] Enfin, les organisations sont tenues de respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques. Ce principe est énoncé également à l’article 8 de la convention no 87, d’après lequel les travailleurs et leurs organisations sont tenus, comme les autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 140.]
- 220. En ce qui concerne l’accès aux lieux de travail, le comité note que la CITA a signalé trois cas dans lesquels un tel accès a été refusé; la réunion du 10 décembre 2002 pour expliquer le rôle du syndicat, les événements du 22 décembre 2002 quand le président de la CITA a essayé de venir en aide à des enseignants, et les événements du 1er mars 2003 qui ont marqué une autre de ses visites dans une école. Lors de l’examen d’un autre cas, le comité a mis l’accent sur le fait que, pour que le droit syndical ait vraiment un sens, les organisations de travailleurs concernées doivent être en mesure de promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres en bénéficiant des facilités nécessaires au libre exercice des activités liées à la représentation des travailleurs, incluant l’accès aux lieux de travail des membres du syndicat. [Voir 329e rapport, cas no 2198 (Kazakhstan), paragr. 681; voir également Recueil, op. cit., paragr. 954.] Cet accès ne doit bien entendu pas être utilisé au détriment du fonctionnement efficace de l’administration ou des institutions publiques concernées. C’est pourquoi le comité a souvent indiqué que les organisations de travailleurs concernées et l’employeur doivent chercher à conclure des accords de manière à ce que l’accès aux lieux de travail, durant les heures de travail et en dehors de celles-ci, soit reconnu aux organisations de travailleurs sans porter préjudice au fonctionnement efficace de l’administration ou de l’institution publique concernée.
- 221. A la lumière de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de prendre toutes mesures appropriées pour que les autorités locales, la police, ainsi que les administrations et les institutions d’éducation locales soient bien mises au courant des principes susmentionnés en matière de tenue de réunions syndicales et d’accès par les syndicats aux lieux de travail. Le comité demande également à la CITA de garder ces principes à l’esprit dans l’exercice de ses activités futures. Enfin, le comité demande au gouvernement d’inviter les autorités locales compétentes, y compris les autorités d’éducation, et la CITA à négocier des accords futurs sur le lieu où les réunions syndicales publiques auront lieu et sur la manière dont elles se dérouleront, ainsi que sur les facilités dont la CITA pourra bénéficier, y compris l’accès aux lieux de travail, pour promouvoir et défendre les intérêts professionnels de ses membres.
- 222. Pour ce qui est des allégations de discrimination antisyndicale, le comité note l’allégation selon laquelle une lettre a été envoyée par un fonctionnaire supérieur de l’administration locale du ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports (MOEYS) afin de donner pour instructions aux enseignants de ne pas s’affilier à l’organisation plaignante. Le comité note aussi que, dans le contexte des événements du 22 décembre 2002, la plaignante a affirmé que des enseignants ont été intimidés et menacés parce qu’ils avaient participé à une manifestation non violente le 16 décembre 2002. Le comité note que dans sa réponse le gouvernement indique que le fonctionnaire supérieur nie avoir envoyé la lettre dont fait état l’allégation. Il note également que selon les procès-verbaux soumis par le gouvernement les participants à la manifestation du 16 décembre 2002 ont déclaré qu’on leur avait seulement rappelé leur obligation légale, car ils avaient participé à la manifestation sans l’autorisation du directeur de l’école et que leur absence n’avait pas eu d’autres conséquences. Le comité note que les informations qui lui ont été fournies n’établissent pas clairement si la manifestation en question avait des objectifs syndicaux.
- 223. En raison des informations contradictoires et incomplètes susmentionnées, le comité ne peut que rappeler que nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées [voir Recueil, op. cit., paragr. 690] et attirer à nouveau l’attention du gouvernement sur ses conclusions précédentes, à savoir qu’il est nécessaire d’adopter des mesures explicites pour protéger efficacement les fonctionnaires contre tout acte de discrimination antisyndicale.
- 224. Le comité conclut son examen en attirant l’attention du gouvernement sur les deux aspects suivants. Premièrement, étant donné que les droits syndicaux des enseignants sont en jeu dans le présent cas, le comité ne peut pas ignorer qu’il y a eu une certaine incompréhension de la part des fonctionnaires de l’administration d’éducation locale dans leurs rapports avec la CITA, incompréhension qui par moments semble avoir revêtu la forme d’une attitude obstructive envers les syndicats. Ceci se reflète dans les difficultés auxquelles la CITA s’est heurtée, difficultés qui non seulement ont été récurrentes, mais ont aussi surgi dans plus d’une province. En outre, le comité note que le procès-verbal du gouvernement, relatant l’audition d’un fonctionnaire supérieur de l’administration de l’éducation locale sur les événements du 10 décembre 2002, se réfère au désaccord de la CITA avec une politique du MOEYS, désaccord qui aurait été une des raisons pour lesquelles toutes ses activités, plus spécialement dans une école, ont été interdites. Le comité demande par conséquent au gouvernement de prendre des mesures spécifiques, y compris des activités de formation, afin que de tels fonctionnaires, ainsi que les directeurs d’écoles, soient mis parfaitement au courant des dispositions des conventions nos 87 et 98 et des principes sur lesquels l’accent a été mis dans ce rapport en ce qui concerne les droits des enseignants en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Une attention toute particulière devrait être accordée au paragraphe 2 de l’article 3 de la convention no 87, aux termes duquel «les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit [le droit des organisations de travailleurs à organiser leurs activités] ou à en entraver l’exercice légal». Par ailleurs, le gouvernement devrait veiller à ce que les amendements futurs du Statut commun des fonctionnaires publics, demandés plus haut dans ce rapport, soient largement diffusés.
- 225. Enfin, le comité voudrait faire l’observation suivante sur la méthode utilisée par le gouvernement pour examiner les allégations factuelles soumises au comité. Le comité note que le gouvernement a mis en place un processus pour enquêter sur ces allégations de manière approfondie. Afin d’éviter tout soupçon, un tel processus devrait cependant toujours être conçu dans le but de garantir l’indépendance et l’impartialité. Il s’ensuit que les personnes désignées pour mener une enquête ne devraient avoir aucun lien avec les allégations et les personnes susceptibles d’être appelées à fournir des informations. Un groupe de travail interministériel composé de fonctionnaires du ministère de l’Education, qui sont en ligne hiérarchique directe avec les enseignants entendus comme témoins, place les personnes concernées dans l’inconfortable situation de devoir discuter de questions syndicales avec leur hiérarchie. Eu égard aux circonstances particulières de ce cas, un organisme d’enquête constitué de cette manière peut être considéré par les travailleurs intéressés comme ne présentant pas des garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité. Le comité veut croire que le gouvernement respectera ce principe à l’avenir.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 226. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité estime que le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour amender le Statut commun des fonctionnaires publics de manière à garantir pleinement le droit syndical et le droit à la négociation collective des fonctionnaires publics, conformément aux conventions nos 87 et 98, et les principes de la liberté syndicale rappelés aux paragraphes 206-212 ci-dessus; une fois qu’ils auront été adoptés, le gouvernement doit diffuser largement ces amendements, tout particulièrement parmi les autorités publiques locales, y compris l’administration d’éducation locale.
- b) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du cas et rappelle au gouvernement que l’assistance technique du Bureau sera à sa disposition s’il souhaite tirer profit de cette possibilité.
- c) Le comité demande au gouvernement de porter les principes de la liberté syndicale relatifs à l’intervention de la police dans les affaires syndicales (paragraphe 216 ci-dessus) ainsi que les principes relatifs à la tenue de réunions syndicales (paragraphe 219 ci-dessus) et ceux concernant l’accès des syndicats aux lieux de travail (paragraphe 220 ci-dessus) à l’attention de la police et des autorités chargées d’autoriser des réunions publiques.
- d) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures spécifiques, y compris des activités de formation, afin que les fonctionnaires de l’administration d’éducation locale, ainsi que les directeurs des écoles, soient bien mis au courant des dispositions des conventions nos 87 et 98, et des principes de la liberté syndicale, en ce qui concerne le droit syndical et le droit à la négociation collective des enseignants.
- e) Le comité demande à la CITA de garder à l’esprit, dans ses activités futures, les principes de la liberté syndicale relatifs à la tenue de réunions syndicales (paragraphe 219 ci-dessus) et à l’accès par les syndicats aux lieux de travail (paragraphe 220 ci-dessus).
- f) Le comité demande au gouvernement d’inviter les autorités locales compétentes (y compris l’administration d’éducation locale) et la CITA à négocier des accords futurs sur le lieu où les réunions syndicales publiques auront lieu et sur la manière dont elles se dérouleront, ainsi que sur les facilités dont la CITA devra bénéficier, y compris l’accès aux lieux de travail, pour promouvoir et défendre les intérêts professionnels de ses membres.
- g) Notant que le gouvernement a mis en place un processus pour enquêter de manière approfondie sur les allégations factuelles, le comité veut croire que le gouvernement fait en sorte qu’un tel processus offre toutes les garanties d’indépendance et d’impartialité.