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Rapport intérimaire - Rapport No. 331, Juin 2003

Cas no 2236 (Indonésie) - Date de la plainte: 25-NOV. -02 - Clos

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  1. 473. La plainte figure dans une communication datée du 25 novembre 2002 et telle que complétée par 30 annexes. A l’appui de cette plainte, le Syndicat des travailleurs de la chimie, de l’énergie et des mines a envoyé deux séries d’informations complémentaires dans des communications datées des 25 janvier et 28 février 2003. Une troisième série d’informations complémentaires, datée également du 28 février 2003, a été reçue le 1er avril.
  2. 474. Le gouvernement a répondu à la plainte dans une communication datée du 25 février 2003 et a été invité à faire part de ses observations sur les trois communications comportant les informations complémentaires fournies par le plaignant. Le plaignant comme le gouvernement ont envoyé une version en anglais de la convention collective en vigueur au sein de l’entreprise indonésienne de pneumatiques Bridgestone pour la période 2001-2003.
  3. 475. L’Indonésie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 476. Le plaignant allègue que l’entreprise indonésienne de pneumatiques Bridgestone a violé les droits syndicaux, notamment par le non-respect des dispositions des conventions nos 87 et 98 et de l’article 28 de la loi no 21 relative aux syndicats, en suspendant («schorsing» dans la terminologie juridique nationale) quatre dirigeants syndicaux et en demandant aux autorités compétentes l’autorisation de les licencier. Les quatre dirigeants syndicaux concernés sont:
    • – M. Sarno H., président de la section syndicale de l’usine de l’entreprise à Bekasi;
    • – M. Hazrial Nazar, président de la section syndicale de l’usine de l’entreprise à Karawang;
    • – M. Juli Setio Raharjo, président de la section syndicale du siège social de l’entreprise à Jakarta;
    • – M. Machmud Permana, secrétaire de la section syndicale de l’usine de l’entreprise à Bekasi.
  2. 477. Le plaignant soutient qu’il devrait être ordonné à l’entreprise d’annuler ses décisions de suspension. En outre, il devrait être demandé au gouvernement de prendre l’affaire en main afin de remédier à des déficiences dans l’application de la législation du travail, à la durée et la complexité du processus de règlement juridique des conflits du travail ainsi qu’à la partialité des autorités compétentes à l’égard des travailleurs.
  3. 478. Les pièces du dossier et les arguments présentés par le plaignant peuvent être résumés de la manière suivante.
    • Antécédents
  4. 479. Aux termes de l’article 27.1) de la convention collective en vigueur dans l’entreprise indonésienne de pneumatiques Bridgestone, les négociations sur la révision du salaire de base ont démarré au début du mois de mars 2002. Aucun accord n’ayant été conclu à la fin du mois, les deux parties ont décidé d’avoir recours à la médiation du chef du département de la main-d’œuvre de la municipalité de Bekasi.
  5. 480. Dans le même temps, un dirigeant syndical (travaillant très probablement à l’usine de Bekasi, même si le plaignant n’a pas explicité ce point), pressé par les travailleurs de donner des explications sur les négociations, a demandé à l’entreprise l’autorisation de tenir une réunion. Au cours de cette réunion, les travailleurs ont proposé d’appeler à la grève. Le représentant du syndicat a répondu qu’une telle initiative serait contraire notamment à l’accord conclu entre le syndicat local et l’entreprise, désigné par le plaignant comme étant un accord concernant les efforts déployés pour empêcher la grève.
  6. 481. Le 27 mars 2002, les trois présidents des sections syndicales des usines de Bekasi et de Karawang et du siège social à Jakarta, ainsi que le secrétaire de la section syndicale de l’usine de Bekasi, ont diffusé une communication sur papier à en-tête du syndicat. Cette communication comprenait trois séries d’instructions (pour utiliser la terminologie du plaignant) adressées aux travailleurs: 1) le refus de faire des heures supplémentaires au 28 mars jusqu’à l’augmentation de salaire prévue pour le mois d’avril; 2) la poursuite normale du travail; 3) pendant les jours fériés, notamment le 29 mars, la poursuite du travail conformément aux horaires de travail applicables. Le plaignant précise que la rémunération des heures supplémentaires représente 40 à 50 pour cent de la totalité du salaire. La communication avait par conséquent pour objectif de permettre à l’entreprise de faire des économies et, de ce fait, d’accorder aux travailleurs une augmentation du salaire de base de plus de 25 pour cent.
  7. 482. Aux termes de l’article 10 de la convention collective, la distribution de la communication du syndicat aux travailleurs devait recevoir l’aval du directeur des affaires générales. Le 28 mars 2002, celui-ci a refusé de donner son accord à la diffusion de la communication et l’a renvoyée au syndicat. Il semblerait que les instructions qui ont été données oralement sur le contenu de la communication au cours de la réunion organisée par le syndicat aient été jugées suffisantes. La communication a finalement été distribuée (un exemplaire de la communication rédigé dans la langue nationale est annexé à la plainte; il est signé par les quatre dirigeants syndicaux et le nom du directeur des affaires générales y est inscrit même si sa signature n’y figure pas).
  8. 483. Le 1er avril 2002, la direction de l’entreprise a demandé au syndicat de lui retourner la communication pour la signer mais, selon le plaignant, celle-ci n’aurait jamais été renvoyée. Le même jour, le président de la section syndicale de l’usine de Bekasi, M. Sarno, a été convoqué par le directeur de l’usine en présence du directeur des affaires générales. Le directeur de l’usine a mis en question le fait que la communication du syndicat n’avait pas été distribuée au président directeur général de l’entreprise et a demandé des explications sur son contenu. Il a ajouté que le niveau de la production diminuait parce que les travailleurs ne faisaient plus d’heures supplémentaires.
  9. 484. Le 5 avril 2002, le syndicat local et l’entreprise ont rejeté une proposition relative à l’augmentation du salaire de base qui leur était faite par le département de la main-d’œuvre de la municipalité de Bekasi. Les parties ont porté l’affaire devant la Commission régionale de règlement des conflits du travail. Le 26 avril 2002, la commission a décidé d’augmenter le salaire de base de 26,59 pour cent. Le même jour, le président directeur général a convoqué une réunion comprenant les trois présidents des sections syndicales et le secrétaire du syndicat local de l’usine de Bekasi. Au cours de la réunion, la décision de la Commission régionale de règlement des conflits du travail a été acceptée par toutes les parties. Le président directeur général a indiqué que les travailleurs devraient être disposés à faire des heures supplémentaires afin d’accroître la production. Le secrétaire du syndicat local de l’usine de Bekasi l’a avisé qu’une lettre annulant la précédente communication du syndicat concernant les heures supplémentaires avait été rédigée. Le directeur des affaires générales a apposé sa signature sur la nouvelle lettre du syndicat (dont une copie formulée dans la langue nationale est annexée à la plainte). Cette lettre informait les travailleurs de l’accord conclu sur l’augmentation du salaire de base et de l’annulation des précédentes instructions concernant les heures supplémentaires. La lettre a été distribuée le jour même et contenait la signature des trois présidents des syndicats locaux ainsi que celle du secrétaire du syndicat local de l’usine de Bekasi. A nouveau le 26 avril 2002, un accord relatif à l’augmentation du salaire de base (annexé à la plainte dans la langue nationale) a également été signé entre le syndicat, représenté par M. Sarno, et l’entreprise.
    • Décisions de l’entreprise de suspendre
    • les quatre dirigeants syndicaux
  10. 485. Le plaignant indique que, le 21 mai 2002, l’entreprise a convoqué une réunion bipartite sans préciser l’ordre du jour. Le 22 mai 2002, la réunion s’est tenue en présence de MM. Sarno H., Machmud Permana, Hazrial Nazar et Juli Setio Raharjo. Chacun d’eux a été invité à participer à la réunion en leur qualité personnelle et non en tant que représentants syndicaux. Les quatre dirigeants syndicaux ont été informés que, suite à l’envoi de la communication du 27 mars par le syndicat au cours des négociations engagées au sujet de l’augmentation du salaire de base, et en particulier de l’instruction concernant les heures supplémentaires, les objectifs de production avaient diminué. En conséquence, l’entreprise a décidé de suspendre les dirigeants syndicaux en attendant leur licenciement. Ces sanctions ont été communiquées par écrit aux quatre employés sous la forme de quatre décisions du président directeur général. Le même jour, le président directeur général a aussi demandé aux autorités compétentes l’autorisation d’engager des procédures de licenciement.
  11. 486. Le plaignant signale que, pour justifier les suspensions et les demandes de licenciement, le président directeur général a invoqué des erreurs de la part des quatre dirigeants syndicaux, équivalant à des délits d’ordre pénal, en vertu de l’article 67 de la convention collective, qui porte sur «un acte de violation majeur». Ils ont ainsi été accusés, entre autres, d’avoir incité les employés et les travailleurs à mener une action «contraire à la loi et aux bonnes mœurs» et de nature à porter délibérément atteinte aux actifs de l’entreprise et à sa réputation et à divulguer des informations. Dans une lettre ultérieure adressée au syndicat (annexée à la plainte), le président directeur général a précisé que les quatre employés étaient licenciés en leur qualité de travailleurs et non en raison de leurs activités de dirigeants syndicaux. Dans une déclaration faite devant des travailleurs de l’entreprise ainsi que le ministère de la Main-d’œuvre et des Migrations, le président directeur général a expliqué que l’action conduite par M. Sarno et ses collègues pendant une période de trois ans avait occasionné des problèmes pour l’entreprise, d’où la décision du siège de l’entreprise au Japon d’entreprendre des procédures de licenciement.
  12. 487. Le plaignant ajoute que les décisions de suspension ont été complétées par les mesures suivantes. En premier lieu, les quatre dirigeants syndicaux se sont vu refuser l’entrée dans les locaux de l’entreprise même si, en principe, ils étaient toujours considérés comme des dirigeants syndicaux; l’exercice de leurs activités syndicales a donc été entravé étant donné que les locaux du syndicat étaient situés dans l’enceinte de l’entreprise. La suspension a ensuite été décidée, tout d’abord avec traitement partiel (soit 25 pour cent de réduction de leur salaire) pour la période entre le 23 mai et le 22 novembre 2002, puis sans aucun traitement (salaire et avantages sociaux).
    • Violations des droits syndicaux
  13. 488. Les arguments présentés dans la présente plainte sont les suivants. Premièrement, les décisions de suspension adoptées comme mesures préalables aux licenciements enfreignent la convention collective, plusieurs dispositions de la législation nationale sur les droits syndicaux et notamment l’article 28 de la loi no 21 de 2000 qui protège les travailleurs des actes de discrimination antisyndicale dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi que les conventions nos 87 et 98. Le plaignant précise que les accusations de l’entreprise ont été proférées en dehors de tout cadre juridique et surtout sans enquête rigoureuse établissant les fondements de ces allégations. De telles accusations portent atteinte à la réputation des quatre employés. Le plaignant a également souligné que, durant les trois années où les dirigeants syndicaux ont exercé leurs fonctions, un certain nombre d’accords ont été conclu avec le président directeur général, notamment la convention collective et l’accord en matière de salaires. Dans l’ensemble, le bien-être des travailleurs a augmenté durant cette période, ce dont l’entreprise a pu finalement tirer parti. Le plaignant signale aussi que les quatre employés suspendus étaient les représentants d’un syndicat reconnu par l’entreprise avec laquelle il venait de parvenir à un accord concernant l’augmentation du salaire de base. Enfin, le plaignant soutient que la suspension sans traitement des quatre dirigeants syndicaux est contraire à l’article 6.4) du décret du ministère de la Main-d’œuvre no 150/2000.
    • Evénements faisant suite aux décisions de suspension
  14. 489. Le 22 mai 2002, les quatre dirigeants syndicaux ont organisé une réunion visant à informer le syndicat des décisions de l’entreprise. Le même jour, la production de marchandises a été interrompue par un mouvement des travailleurs souhaitant exprimer leur solidarité avec les quatre dirigeants syndicaux. Le jour suivant, les quatre dirigeants syndicaux ont demandé au ministre de la Main-d’œuvre et des Migrations de régler leur affaire. Le ministre s’est engagé à s’y employer mais leur a demandé en échange d’exhorter les travailleurs à reprendre le travail. Cela a été fait par les dirigeants syndicaux mais sans effet. Ces derniers ont écrit au président directeur général pour lui demander d’annuler ses décisions. Ils ont aussi exprimé leur inquiétude au sujet de l’arrêt de travail des employés et ont proposé de régler l’affaire en mettant en place un mécanisme bipartite. Le 25 mai 2002, le ministre a fait savoir aux quatre dirigeants syndicaux qu’il exigeait que le travail reprenne au plus tard le 27 mai et que, si cette échéance n’était pas respectée, il n’interviendrait pas dans le cas des quatre dirigeants syndicaux. Le 25 mai 2002, les travailleurs ont été sommés de reprendre le travail dans un appel conjoint signé par le président et le secrétaire de la section syndicale de l’usine de Bekasi ainsi que par le président directeur général, ce qui eut pour effet le retour des travailleurs à leurs tâches le jour même.
  15. 490. Le 27 mai 2002, le syndicat, le président directeur général et le directeur des affaires générales ont été convoqués par le ministre de la Main-d’œuvre et des Migrations pour régler l’affaire des quatre dirigeants syndicaux. Au cours de la réunion, le président directeur général a indiqué que les décisions avaient été adoptées par la haute direction au Japon compte tenu du fait que les problèmes provoqués par les quatre dirigeants syndicaux étaient préjudiciables à l’entreprise et à ses travailleurs. Le directeur des affaires générales a souligné que la communication du syndicat encourageant les travailleurs à refuser de faire des heures supplémentaires avait provoqué une baisse du niveau de la production et avait été perçue comme une menace parmi les travailleurs. Pour sa part, le syndicat a insisté pour que les quatre dirigeants syndicaux réintègrent leurs fonctions et s’est engagé à rester ouvert à toute proposition et à tout conseil de l’entreprise concernant la conduite des activités du syndicat. Le ministre a proposé que l’affaire soit réglée par la tenue d’une réunion bipartite. Le président directeur général a refusé cette proposition en objectant que l’affaire devait être traitée conformément à la législation applicable. Le ministre a maintenu sa position et désigné le directeur de la main-d’œuvre de la municipalité de Bekasi pour encadrer la réunion. Les deux parties ont donné leur accord à cette désignation. Par la suite, une réunion a été tenue le 10 juin 2002, mais les parties ne sont pas parvenues à un accord. Compte tenu des circonstances, le 26 juin 2002, le ministre de la Main-d’œuvre et des Migrations a demandé au département de la main-d’œuvre et des migrations de traiter les demandes de licenciement concernant les quatre dirigeants syndicaux conformément à la loi no 21 de 2000.
  16. 491. Par ailleurs, le plaignant a soumis aux autorités compétentes des allégations de violations des droits syndicaux à l’encontre de l’entreprise. Le 16 juillet 2002, le directeur «chargé du contrôle et de la supervision des règles de travail» au département de la main-d’œuvre a entrepris de mener une enquête.
    • Mise en œuvre des procédures nationales
  17. 492. Les informations complémentaires présentées par le plaignant donnent des indications générales mais aussi des détails précis sur les procédures mises en œuvre dans chaque cas individuel.
  18. 493. Le plaignant indique que le directeur «chargé du contrôle et de la supervision des règles de travail» au département de la main-d’œuvre et des migrations a mené l’enquête sur les allégations de violations des droits syndicaux par l’entreprise conformément à l’article 28 de la loi no 21. Néanmoins, à la date où la plainte a été déposée, l’enquête n’avait donné aucun résultat et la procédure suivie n’était pas claire. En outre, dans une lettre datée du 20 janvier 2003 et adressée à l’«Inspecteur général» du département de la main-d’œuvre du ministère de la Main-d’œuvre et des Migrations, le plaignant a demandé que la procédure de licenciement soit interrompue étant donné que l’enquête menée sur la violation des droits syndicaux était en cours. Le plaignant signale également que le directeur général «du contrôle et de la supervision de la main-d’œuvre» du département de la main-d’œuvre et des migrations a proposé au bureau municipal de la main-d’œuvre de reporter la procédure de licenciement et que la proposition inverse a été faite par un autre fonctionnaire du même département.
  19. 494. Dans la troisième série d’informations complémentaires, le plaignant précise qu’il a été demandé aux autorités chargées d’examiner les demandes de licenciement présentées par l’entreprise d’interrompre les procédures. La raison évoquée était que la véritable question en cause était un problème de discrimination antisyndicale et que, par conséquent, elle devait être portée devant une juridiction civile une fois l’enquête achevée. Le plaignant fait remarquer que le déroulement de l’enquête est très lent.
  20. 495. Les procédures nationales mises en œuvre à l’égard des quatre dirigeants syndicaux concernés sont décrites ci-après.
    • M. Hazrial Nazar (président du syndicat local
    • de l’usine de Karawang)
  21. 496. Dans la première phase de la procédure, le chef de la main-d’œuvre dans la municipalité de Karawang a joué le rôle de médiateur en proposant dans une lettre d’avertissement la réintégration de M. Nazar dans ses fonctions. L’entreprise a rejeté cette proposition et l’affaire a été portée devant la Commission régionale de règlement des conflits du travail. La commission a rendu une décision de licenciement le 8 janvier 2003. La version traduite des extraits de la décision figure dans la documentation fournie par le plaignant.
  22. 497. D’après ces extraits, l’entreprise a indiqué que le licenciement était justifié par l’instruction contenue dans la communication datée du 27 mars et signée par M. Nazar et par les perturbations occasionnées par cette instruction. L’entreprise a estimé que la conduite de M. Nazar contrevenait à plusieurs dispositions de la convention collective, qu’il avait commis une grave violation de la convention et que son licenciement était justifié aux termes de l’article 67. M. Nazar, quant à lui, a rejeté les arguments de l’entreprise selon lesquels il aurait enfreint ces dispositions. Il a soutenu que l’instruction était compatible avec l’article 20 de la convention et a affirmé que la décision de suspension et la demande de licenciement étaient contraires à un certain nombre de dispositions de la législation nationale et aux conventions nos 87 et 98. La commission a jugé qu’en diffusant l’instruction sans l’autorisation de l’entreprise, en sa qualité de dirigeant syndical, M. Nazar a enfreint plusieurs dispositions de la convention collective. Considérant qu’une lettre d’avertissement a été envoyée à M. Nazar – fait que le plaignant a remis en
    • question – et que ce dernier n’a manifesté aucun changement dans son attitude, la commission en a conclu que ce licenciement était inévitable et qu’il devait lui être versé les paiements finaux.
  23. 498. La commission a finalement annulé sa décision en adoptant une décision datée du 4 février 2003 – notamment parce que sa première décision se fondait sur une lettre d’avertissement qui n’existait pas; à cet égard, une lettre d’excuses a été adressée à M. Nazar. La commission a rendu publique sa décision le 11 février 2003 en renvoyant l’affaire à la Commission nationale de règlement des conflits du travail.
    • MM. Sarno H. et Machmud Permana,
    • respectivement président et secrétaire
    • du syndicat local de l’usine de Bekasi
  24. 499. Le 22 janvier 2003, les cas de MM. Sarno et Permana ont été confiés à l’arbitrage du chef de la main-d’œuvre de la municipalité de Bekasi. Celui-ci a soumis une recommandation aux parties le 18 février 2003. Le texte de cette recommandation a été traduit et communiqué par le plaignant. Il peut se résumer de la manière suivante. Pour appuyer ses décisions, l’entreprise a donné des explications similaires à celles données pour l’affaire de M. Nazar et a ajouté que la communication du 27 mars avait été distribuée sans son autorisation. Les deux dirigeants syndicaux concernés ont souligné qu’ils avaient diffusé et distribué l’instruction du 27 mars en leur qualité de représentants syndicaux. Ils ont rappelé quel était l’objectif de l’instruction et qu’ils avaient demandé l’autorisation de l’entreprise pour la distribuer mais que la direction avait refusé d’apposer sa signature sur l’instruction.
  25. 500. Le médiateur a considéré que la distribution de l’instruction sans le consentement préalable de l’entreprise violait l’article 10 de la convention collective. A cet égard, les décisions de l’entreprise de suspendre les deux dirigeants syndicaux et de demander leur licenciement étaient compréhensibles. D’un autre coté, le médiateur a pris note que la lettre d’avertissement, prévue par la législation nationale, n’avait pas été envoyée aux deux dirigeants syndicaux. Dans ces circonstances, le médiateur a proposé que l’entreprise réintègre MM. Sarno et Permana dans leurs fonctions, avec une lettre d’avertissement.
    • M. Julio Setio Raharjo, président
    • du syndicat local du siège social à Jakarta
  26. 501. Dans les informations complémentaires qu’il a soumises le 25 janvier 2003, le plaignant précise uniquement que le processus de médiation n’a pas encore été accompli dans cette affaire. Dans sa troisième série d’informations complémentaires, le plaignant indique que le bureau municipal de la main-d’œuvre de Jakarta a organisé une dernière réunion entre les parties le 21 février 2003.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 502. Dans sa réponse du 25 février 2003, le gouvernement a principalement communiqué des informations sur la mise en œuvre des procédures nationales tout en évoquant l’importance et la gravité de l’affaire.
  2. 503. En guise de préliminaires, le gouvernement souligne que, conformément à la législation nationale, les autorités locales sont habilitées à régler les conflits relatifs au travail mais que, compte tenu de l’importance de l’affaire, le gouvernement a pris des mesures qui découlent directement de son autorité.
  3. 504. En ce qui concerne les faits survenus dans cette affaire, le gouvernement confirme que ce sont les négociations difficiles engagées au sujet de l’augmentation de salaire qui ont déclenché toute l’histoire. Il déclare également que l’entreprise et le syndicat avaient conclu un accord engageant chacune des parties à ne prendre aucune mesure susceptible d’influencer le processus de négociation. Constatant l’absence d’accord, le syndicat a diffusé son instruction du 27 mars demandant aux travailleurs de ne pas faire d’heures supplémentaires. Certains travailleurs ont refusé de suivre l’instruction et ont fait l’objet d’actes d’intimidation, ce qui a créé un certain climat d’anarchie. Le 26 avril 2002, l’entreprise a accepté d’augmenter les salaires et le syndicat a retiré son instruction.
  4. 505. Le 23 mai 2002, l’entreprise a décidé de suspendre les quatre travailleurs, qui étaient aussi dirigeants syndicaux, pour avoir commis des actes incompatibles avec les termes de la convention collective. L’entreprise a également interdit aux travailleurs en question l’entrée dans ses locaux, les empêchant ainsi d’exercer leurs activités syndicales étant donné que les locaux du syndicat étaient situés dans l’enceinte de l’entreprise.
  5. 506. Concernant la mise en œuvre de la procédure, le gouvernement considère qu’il peut être conclu que l’article 28 de la loi no 21 relative à la protection des travailleurs contre des actes de discrimination antisyndicale a été appliqué. Le gouvernement souligne, en particulier, que les quatre travailleurs ont présenté une plainte à la «Direction de l’inspection des règles de travail» du département de la main-d’œuvre. Sur cette base, des enquêtes ont été menées au cours desquelles des travailleurs et des témoins ont été entendus. Le gouvernement indique qu’«il est considéré» que les décisions de suspension enfreignent les dispositions des articles 28a) et 42 de la loi no 21 de 2000. Néanmoins, le gouvernement précise que le rapport d’enquête a été remis le 7 septembre 2002 au siège de la police, conformément à la procédure nationale applicable. Le gouvernement ajoute que les régions de Bekasi, Karawang et Jakarta ont estimé que la demande de licenciement émanant de l’entreprise ne devrait être examinée qu’une fois l’enquête du gouvernement central achevée. Le chef du bureau local de la main-d’œuvre et des migrations à Bekasi a demandé à être informé de l’état d’avancement de l’enquête. Dans sa réponse du 26 novembre 2002, le directeur général des «Relations professionnelles et règles de travail» du département de la main-d’œuvre et des migrations a précisé que l’enquête et le licenciement devaient s’effectuer conformément à la législation nationale. Selon le gouvernement, ces deux problèmes devraient être réglés sans l’intervention d’autres parties. Concernant la procédure applicable, à titre général, le gouvernement fait remarquer que la loi no 21 de 2000 est une nouvelle loi et que l’enquête portant sur les violations des droits syndicaux est examinée selon les procédures existantes. Il ajoute que le département de la main-d’œuvre et des migrations a collaboré récemment avec la police pour soumettre les résultats de l’enquête au bureau du procureur et que l’affaire pourrait être renvoyée ultérieurement devant la Haute Cour d’Etat.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 507. Le comité note que la présente affaire porte sur le déclenchement de procédures de licenciement par l’entreprise indonésienne de pneumatiques Bridgestone à l’encontre de quatre travailleurs, qui sont les dirigeants du syndicat reconnu par l’entreprise et qui sont actuellement suspendus sans traitement de leur travail.
  2. 508. Le comité note que le plaignant a remis des informations détaillées concernant les aspects factuels et procéduraux de l’affaire tandis que la réponse du gouvernement à ce stade fait état de quelques éclaircissements sur les faits et décrit les procédures nationales qui sont en cours. Le comité demande au gouvernement de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées afin de pouvoir disposer de leurs vues et de celles de l’entreprise en cause sur les questions en instance.
  3. 509. D’après les informations dont il dispose, le comité estime qu’il est utile de mettre en exergue les éléments suivants. Tout d’abord, l’affaire découle de négociations difficiles relatives à une augmentation de salaire entre le syndicat local et l’entreprise. Dans ce contexte, les quatre dirigeants syndicaux, qui représentaient le syndicat local dans les négociations salariales, ont diffusé une communication le 27 mars 2002 invitant les travailleurs à refuser de faire des heures supplémentaires et à poursuivre leur travail selon l’horaire normal; le recours aux heures supplémentaires au sein de l’entreprise semble être d’une certaine importance au maintien de la production à un certain niveau. D’après les informations fournies tant par le plaignant que par le gouvernement, même si elles étaient exprimées en des termes différents, la communication a eu un impact certain. Le 26 avril 2002, un accord sur l’augmentation des salaires a finalement été conclu et le syndicat a retiré la communication qu’il avait faite aux travailleurs au sujet des heures supplémentaires. Par quatre décisions, datées du 22 mai 2002 et émanant du président de l’entreprise, les dirigeants syndicaux qui avaient signé la communication du 27 mars ont été suspendus pour violation de la convention collective; le même jour, l’entreprise a sollicité l’autorisation des autorités compétentes de les licencier.
  4. 510. Le comité note que les décisions de l’entreprise ont déclenché deux procédures différentes. La première a été engagée par l’entreprise afin d’obtenir l’autorisation de licencier les quatre dirigeants syndicaux. Le comité note que cette question est du ressort de l’autorité de l’administration locale. La deuxième procédure a été engagée par le plaignant, au nom des quatre dirigeants syndicaux, à l’encontre de l’entreprise, pour violation des droits syndicaux. Le comité note que cette procédure trouve ses fondements juridiques notamment dans l’article 28 de la loi no 21 de 2000 concernant les syndicats et la protection des travailleurs contre des actes de discrimination antisyndicale de la part des employeurs. A cet égard, le comité note, d’une part, les remarques du gouvernement selon lesquelles les allégations présentées en vertu de l’article 28 sont traitées conformément à la procédure existante à l’époque de l’entrée en vigueur de la loi et, d’autre part, les commentaires du plaignant sur le manque de clarté de la procédure suivie. Le comité note que l’administration centrale a été désignée pour traiter des allégations de discrimination antisyndicale. Le comité a pris note à cet égard de la déclaration du gouvernement selon laquelle, compte tenu de la gravité et de l’importance de l’affaire, il a pris des mesures relevant directement de l’exercice de son pouvoir. En outre, le comité note que le lien entre les deux procédures a fait l’objet de questions de la part des autorités locales. Le gouvernement semble être favorable à la poursuite des deux procédures conformément à la législation applicable.
  5. 511. D’après les informations complémentaires communiquées par le plaignant, le comité note que les procédures de licenciement ont évolué différemment dans chaque cas individuel mais qu’aucun licenciement n’a été autorisé jusqu’à présent. Concernant les allégations de violation des droits syndicaux, une enquête a été réalisée et un rapport rédigé; toutefois, aucune décision définitive n’a été prise pour l’instant. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle il aurait effectué une démarche pour transmettre le rapport d’enquête au bureau du procureur en vue de sa possible transmission à la Haute Cour d’Etat. Le comité prend également note de la lettre de l’«Inspecteur général» du 4 mars 2003 annexée à la troisième série d’informations complémentaires remises par le plaignant; selon cette lettre, qui a été traduite par le plaignant, les allégations de violation des droits syndicaux ont été transmises au président de la cour civile.
  6. 512. Le comité note que, pour justifier ses décisions, l’entreprise a soutenu que les quatre dirigeants syndicaux ont enfreint la convention collective et que, selon les informations complémentaires fournies par le plaignant, l’entreprise estimait que cela représentait une grave violation de la convention aux termes de l’article 67. D’après la plainte, le comité note que l’entreprise a invoqué plusieurs violations de la convention collective qui semblent être sans rapport avec les activités syndicales des quatre travailleurs. D’un autre côté, d’après les informations complémentaires fournies par le plaignant, le comité observe que, dans leurs conclusions, les autorités compétentes qui ont traité les procédures de licenciement semblent s’être référées uniquement à la communication du 27 mars signée, diffusée et retirée par les quatre travailleurs en leur qualité de dirigeants syndicaux. Par conséquent, afin de se prononcer sur l’affaire en toute connaissance des faits, le comité demande au gouvernement de soumettre ses observations sur les trois séries d’informations complémentaires fournies par le plaignant et en particulier la description qui y est donnée des procédures de licenciement.
  7. 513. Sans préjudice de ce qui précède, le comité observe que la réponse du gouvernement montre que l’affaire soulève – au moins en partie – une question de discrimination antisyndicale en signalant que la procédure employée par le gouvernement central a pour fondement juridique la loi no 21 de 2000 concernant les syndicats et notamment son article 28. Le comité a dûment pris note de la remarque du gouvernement selon laquelle «il est considéré» que la suspension est contraire aux articles 28a) et 42 de la loi no 21 de 2000, bien qu’il ne soit pas possible à ce stade de déterminer quand et par qui cette conclusion a été tirée. Dans ces circonstances, le comité souhaiterait rappeler les principes suivants de la liberté syndicale. Nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 690.] En outre, le respect des principes de la liberté syndicale exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 741.]
  8. 514. Le comité note que, dix mois après le dépôt des allégations de violation des droits syndicaux, la procédure n’a pas été conclue et devra passer par d’autres étapes qui, visiblement, n’ont pas été encore totalement établies. Par ailleurs, le comité note que les travailleurs concernés n’ont reçu aucun salaire depuis un peu plus de six mois et ont très probablement des difficultés pour trouver un autre emploi étant donné qu’ils n’ont pas été licenciés. Le comité note les commentaires du gouvernement selon lesquels il n’existe pas de procédure spécifique pour l’examen des allégations de discrimination antisyndicale et attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à ce sujet. Par ailleurs, à la lumière des principes rappelés plus haut, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que la procédure appliquée à cet égard aboutisse sans tarder et de manière tout à fait impartiale et de remettre ses observations à ce sujet. Le résultat de la procédure, notamment si les allégations de discrimination antisyndicale s’avéraient être justifiées, aura une incidence considérable sur les procédures de licenciement; de fait, à un certain moment, les autorités locales ont estimé apparemment qu’elles ne pouvaient traiter les procédures de licenciement qu’une fois l’enquête sur les allégations de discrimination antisyndicale achevée. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que la procédure concernant les allégations de discrimination antisyndicale aient la préséance sur les quatre procédures de licenciement. Le comité demande également que le gouvernement examine les façons de procurer une assistance adéquate aux quatre travailleurs concernés jusqu’à ce qu’un jugement final soit rendu et d’assurer que toutes les procédures nationales initiées en rapport avec le présent cas soient rapidement conclues. Enfin, le comité demande au gouvernement d’envoyer ses observations au sujet de l’affirmation du plaignant selon laquelle la suspension sans traitement enfreint l’article 6.4) du décret de la main-d’œuvre no 150/2000.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 515. Compte tenu des conclusions intérimaires qui précédent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées, afin de pouvoir disposer de leurs vues et de celles de l’entreprise en cause sur les questions en instance.
    • b) Afin de se prononcer sur l’affaire en toute connaissance des faits, le comité demande au gouvernement de remettre ses observations sur les trois séries d’informations complémentaires fournies par le plaignant et en particulier la description qui y est donnée des procédures de licenciement.
    • c) Notant les commentaires du gouvernement au sujet de l’absence de procédure spécifique pour l’examen des allégations de discrimination antisyndicale, le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à ce sujet.
    • d) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que la procédure suivie dans le cadre des allégations de discrimination antisyndicale aboutisse sans tarder et de manière tout à fait impartiale et d’envoyer ses observations à ce sujet.
    • e) Le comité demande au gouvernement: i) de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que la procédure concernant les allégations de discrimination antisyndicale ait la préséance sur les quatre procédures de licenciement; ii) d’examiner les façons de procurer une assistance adéquate aux quatre travailleurs concernés jusqu’à ce qu’un jugement final soit rendu et d’assurer que toutes les procédures nationales initiées en rapport avec le présent cas soient rapidement conclues.
    • f) Le comité demande au gouvernement d’envoyer ses observations au sujet de l’affirmation du plaignant selon laquelle la suspension sans traitement enfreint l’article 6.4) du décret de la main-d’œuvre no 150/2000.
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