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Rapport intérimaire - Rapport No. 334, Juin 2004

Cas no 2239 (Colombie) - Date de la plainte: 21-NOV. -02 - Clos

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  1. 381. Le Syndicat national des travailleurs du secteur de la filature, du tissage, du textile et de la confection (SINALTRADIHITEXCO) a présenté sa plainte dans une communication datée du 21 novembre 2002 et le Syndicat des travailleurs de l’industrie du verre et des produits connexes de Colombie (SINTRAVIDRICOL) dans une communication datée du 25 avril 2003. Ces deux organisations ont présenté des informations complémentaires dans des communications datées des 15 janvier et 5 août 2003 respectivement. Enfin, la Fédération syndicale mondiale, Bureau régional pour l’Amérique, a formulé de nouvelles allégations dans des communications datées des 14 mai et 30 juin 2003.
  2. 382. Le gouvernement a formulé ses observations dans des communications datées des 16 juillet, 13 août et 24 septembre 2003 et du 30 janvier 2004.
  3. 383. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 384. Dans ses communications du 21 novembre 2002 et du 15 janvier 2003, le Syndicat national des travailleurs du secteur de la filature, du tissage, du textile et de la confection (SINALTRADIHITEXCO) indique que le 3 août 1998, alors qu’une grève était en cours depuis le 17 juillet de la même année au sein de l’usine Tejidos El Cóndor S.A (Tejicondor), une convention collective a été signée. Cette convention devait rester en vigueur jusqu’au 31 juillet 2000. Cependant, entre le 22 janvier et le 20 juin 1999, l’entreprise a licencié plus de 100 travailleurs membres du syndicat, dont trois dirigeants syndicaux. L’organisation plaignante ajoute que l’entreprise a remplacé le personnel en question par des travailleurs membres des coopératives COOTEXCON et Gente Activa, qui ne jouissent pas du droit syndical ni du droit de négociation collective. L’organisation plaignante aurait présenté un recours en protection des droits fondamentaux (acción de tutela) qui aurait abouti dans un premier temps, en mars 2001, à la réintégration dans leur poste des travailleurs intéressés. Cependant, en août 2001, la Cour constitutionnelle aurait infirmé les décisions rendues précédemment, estimant que la décision de licencier des travailleurs et de faire appel par la suite aux services de coopératives avait été prise uniquement dans le but de réduire les coûts. Enfin, l’organisation plaignante indique que certains des travailleurs licenciés ont été réembauchés par l’entreprise par la suite, mais par l’intermédiaire des coopératives, et que les intéressés ne peuvent donc plus adhérer au syndicat ni participer à des négociations collectives.
  2. 385. Dans ses communications des 25 avril et 5 août 2003, le Syndicat des travailleurs de l’industrie du verre et des produits connexes de Colombie (SINTRAVIDRICOL) allègue que l’entreprise Cristalería Peldar a licencié M. Carlos Mario Cadavid, membre du syndicat, au motif que celui-ci avait participé à un cours de formation syndicale, et qu’elle a en outre suspendu le contrat de travail de M. José Angel López, dirigeant syndical, qui avait dénoncé, en sa qualité de dirigeant, l’organisation d’une journée de formation en dehors de l’horaire de travail et s’était refusé à communiquer la liste de présence des participants.
  3. 386. Dans des communications des 14 mai et 30 juin 2003, la Fédération syndicale mondiale (FSM) affirme que l’entreprise GM Colmotores a signé un accord collectif avec chacun des travailleurs n’étant pas affilié au Syndicat national des travailleurs du secteur de la mécanique métallique, de l’industrie métallique, de la métallurgie, de la sidérurgie, de l’électrométallurgie et des entreprises de commercialisation du secteur (SINTRAIME). Selon les allégations, la signature de l’accord collectif était ouverte à l’ensemble des travailleurs mais impliquait pour les signataires le renoncement à toute affiliation au syndicat. La FSM indique que la signature de cet accord a eu lieu alors même que la convention collective signée avec le syndicat SINTRAIME, dont le texte prévoyait qu’elle serait applicable à l’ensemble des travailleurs, était toujours en vigueur. Pour procéder à la signature de l’accord collectif, l’entreprise aurait invité tous les travailleurs n’étant pas affiliés au syndicat à une journée de formation au cours de laquelle il aurait été enjoint aux intéressés de signer l’accord collectif, faute de quoi leur contrat de travail ne serait pas renouvelé. A la demande de l’organisation syndicale, une inspectrice du travail se serait présentée dans les locaux de l’entreprise et aurait demandé, mais en vain, à assister à la manifestation. L’accord collectif aurait été signé par la suite par 75 pour cent des employés de l’entreprise, et les membres du syndicat parmi eux auraient renoncé par là même à leur affiliation.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 387. Dans ses communications des 16 juillet et 13 août 2003, le gouvernement indique, en ce qui concerne les allégations présentées par SINALTRADIHITEXCO au sujet du licenciement de plus de 100 travailleurs employés par l’entreprise Tejidos El Cóndor et de l’embauche de nouveaux travailleurs par l’intermédiaire des coopératives Gente Activa et COOTEXCON, que la question centrale de la plainte est le droit des entreprises à embaucher leur personnel en toute liberté. Selon le gouvernement, le fait d’avoir recours aux services de coopératives ne constitue pas une violation des conventions nos 87 et 98. L’article 333 de la Constitution politique de Colombie consacre le principe de la liberté économique, à savoir le droit des individus de réaliser des activités de type économique en vue de maintenir ou faire prospérer leur patrimoine pour autant qu’ils restent raisonnables et mesurés et permettent ainsi l’exercice équilibré des différents droits. Aux fins de l’exercice du droit susmentionné, les entreprises peuvent suspendre des équipes, avancer les dates de congé, faire appel aux services de travailleurs associés en coopératives d’emploi ou fusionner avec d’autres entreprises, et le cas de l’usine Tejidos El Cóndor S.A. (Tejicondor) entre dans ce cadre. Le gouvernement ajoute que la loi et la Constitution reconnaissent la même protection aux travailleurs salariés et aux travailleurs associés en coopératives d’emploi, notamment lorsque celles-ci sont fondées sur le principe de la solidarité (quel que soit le contrat de travail). Les membres des coopératives sont leurs propres patrons et ils sont rétribués en application d’un système tout aussi légitime que ceux que le Code du travail prévoit dans le cas du travail salarié. En ce qui concerne le droit de grève et de négociation collective ainsi que la liberté syndicale, le gouvernement affirme avoir respecté les conventions mentionnées.
  2. 388. Le gouvernement ajoute que la Cour constitutionnelle n’a pas conclu au licenciement des quelque 100 travailleurs concernés mais simplement au non-renouvellement des contrats à durée déterminée qui étaient les leurs. L’entreprise n’aurait pas eu la moindre intention, ce faisant, de réduire le nombre des membres actifs du syndicat, d’inciter les travailleurs à renoncer à leur affiliation syndicale ou, enfin, d’exercer des représailles contre des travailleurs ayant participé à une grève. Le gouvernement ajoute que la majorité des 103 travailleurs ont présenté un recours devant les instances ordinaires compétentes en matière professionnelle qui ont dans tous les cas donné raison à l’entreprise.
  3. 389. De son côté, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, représenté en l’espèce par la Direction territoriale pour la province d’Antioquia, a rendu la décision no 02816 du 18 novembre 2002, dans laquelle il est décidé de ne prendre aucune mesure de police administrative à l’encontre de Tejicondor. Il a été en effet estimé qu’aucun acte de persécution syndicale n’a été attesté compte tenu que le nombre des adhérents au syndicat qui auraient été licenciés n’a pas été établi et que l’embauche de personnel par l’intermédiaire de coopératives n’est pas en soi signe de discrimination syndicale. L’organisation plaignante a présenté un recours en révision puis une demande d’appel ayant débouché sur les décisions no 00144 du 27 janvier 2003 et no 01326 du 13 juin 2003 respectivement, qui auraient confirmé l’une comme l’autre la décision administrative de novembre 2002.
  4. 390. Dans sa communication du 30 janvier 2004, le gouvernement se réfère aux allégations présentées par le Syndicat des travailleurs de l’industrie du verre et des produits connexes de Colombie (SINTRAVIDRICOL) au sujet du licenciement de M. Carlos Mario Cadavid et de la suspension du contrat de travail de M. Angel López, employés l’un et l’autre par l’entreprise Cristalería Peldar, et indique qu’en application des articles 111, 112, 114, 115 et 413 du Code du travail l’employeur est habilité par la loi à prononcer des sanctions disciplinaires et à licencier des travailleurs sans juste cause pour autant qu’il leur verse l’indemnité prescrite. L’employeur peut licencier des travailleurs ayant failli aux devoirs généraux ou aux obligations et interdictions particulières qui leur sont applicables en vertu de la loi, du règlement intérieur de l’entreprise ou du contrat de travail ou convention ou accord collectif les concernant. Le gouvernement indique pour finir qu’aucun des deux travailleurs intéressés n’a fait usage des possibilités de recours judiciaire à sa disposition.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 391. En ce qui concerne le licenciement, entre janvier et juin 1999, de plus de 100 employés de l’entreprise Tejicondor affiliés au syndicat SINALTRADIHITEXCO et l’embauche par la suite de nouveaux travailleurs associés en coopératives d’emploi qui ne jouissent pas du droit syndical et de négociation collective, le comité observe que, selon le gouvernement, les entreprises peuvent embaucher leur personnel en toute liberté et que le fait d’avoir recours aux services de coopératives ne constitue pas une violation des conventions nos 87 et 98, textes qui auraient été respectés en tout temps. Le comité prend note également de l’affirmation du gouvernement selon laquelle la Cour constitutionnelle a infirmé les décisions ordonnant la réintégration des travailleurs rendues à l’issue des recours en protection des droits fondamentaux présentés par les intéressés. La Cour constitutionnelle aurait considéré que les mesures incriminées n’étaient pas à visée antisyndicale et que la décision de ne pas renouveler certains contrats à durée déterminée parvenus à échéance avait été prise dans le but de réduire les coûts. Selon le gouvernement, ce jugement confirme la résolution no 02816 du 18 novembre 2002 rendue par la Direction territoriale pour la province d’Antioquia.
  2. 392. Le comité considère qu’il ne dispose pas de suffisamment d’éléments d’information pour pouvoir formuler des conclusions en pleine connaissance de cause. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement: 1) de lui communiquer copie de l’arrêt de la Cour constitutionnelle; 2) de lui faire savoir si les travailleurs des coopératives en général et ceux de COOTEXCON et Gente Activa en particulier peuvent constituer des organisations en vue de défendre leurs intérêts ou adhérer à un syndicat d’industrie; et 3) de lui faire parvenir copie des statuts des deux coopératives COOTEXCON et Gente Activa ainsi que de l’ensemble des dispositions législatives relatives aux coopératives.
  3. 393. En ce qui concerne les allégations présentées par SINTRAVIDRICOL au sujet de M. Carlos Mario Cadavid, qui aurait été licencié parce qu’il aurait participé à un cours de formation syndicale, et M. José Angel López, dirigeant syndical dont le contrat de travail aurait été suspendu parce qu’il aurait refusé de communiquer la liste de présence des travailleurs ayant participé à une journée de formation organisée en dehors des jours ouvrables, le comité prend note des affirmations du gouvernement selon lesquelles les travailleurs en question n’ont pas fait usage des possibilités de recours judiciaire à leur disposition et que l’employeur est, en outre, habilité par la loi à prononcer des sanctions disciplinaires et à licencier des salariés sans juste cause pour autant qu’il leur verse l’indemnité prescrite.
  4. 394. En premier lieu, le comité rappelle que l’épuisement des voies de recours internes ne figure pas parmi les critères de recevabilité des plaintes. Par ailleurs, le comité convient que les employeurs ont des pouvoirs en matière disciplinaire mais rappelle que «nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 696.] A cet égard, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures afin qu’une enquête indépendante soit menée pour déterminer si le licenciement de M. Cadavid et la suspension du contrat de travail de M. López ont été décidés du fait des activités syndicales des intéressés et, si tel était le cas, de prendre des mesures pour procéder sans retard à la réintégration dans son poste de M. Cadavid, avec paiement des salaires échus et des avantages, et à l’annulation de la suspension du contrat de travail de M. López, avec paiement des salaires et des avantages éventuellement non perçus. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de rendre conformes aux conventions nos 87 et 98 sa législation et ses procédures judiciaires. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  5. 395. Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas communiqué ses observations au sujet des graves allégations présentées par la Fédération syndicale mondiale, qui affirme que les travailleurs de l’entreprise GM Colmotores, dont certains étaient membres du syndicat, ont signé un accord collectif sous la contrainte et qu’une bonne part des travailleurs du Syndicat national des travailleurs du secteur de la mécanique métallique, de l’industrie métallique, de la métallurgie, de la sidérurgie, de l’électrométallurgie et des entreprises de commercialisation du secteur (SINTRAIME) ont renoncé par là même à leur affiliation. Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir ses observations sans retard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 396. Compte tenu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne le licenciement de plus de 100 employés de l’entreprise Tejicondor affiliés au syndicat SINALTRADIHITEXCO et l’embauche par la suite de travailleurs associés en coopératives d’emploi qui, selon les allégations, ne jouissent pas du droit syndical et de négociation collective, le comité demande au gouvernement: 1) de lui communiquer copie de l’arrêt de la Cour constitutionnelle; 2) de lui faire savoir si les travailleurs des coopératives en général et ceux de COOTEXCON et Gente Activa en particulier peuvent constituer des organisations en vue de défendre leurs intérêts ou adhérer à un syndicat d’industrie; et 3) de lui faire parvenir copie des statuts des deux coopératives COOTEXCON et Gente Activa ainsi que de l’ensemble des dispositions législatives relatives aux coopératives.
    • b) En ce qui concerne les allégations présentées par SINTRAVIDRICOL au sujet du licenciement de M. Carlos Mario Cadavid et de la suspension du contrat de travail de M. José Angel López, dirigeant syndical, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures afin qu’une enquête indépendante soit menée afin de déterminer si le licenciement et la suspension en question ont été décidés du fait des activités syndicales des intéressés et, si tel était le cas, de prendre des mesures pour procéder sans retard à la réintégration dans son poste de M. Cadavid, avec paiement des salaires échus et des avantages, et à l’annulation de la suspension du contrat de travail de M. López, avec paiement des salaires et des avantages éventuellement non perçus. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de rendre conformes aux conventions nos 87 et 98 sa législation et ses procédures judiciaires. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Au sujet des graves allégations présentées par la FSM au sujet de la signature d’un accord collectif, sous la contrainte, par les travailleurs de l’entreprise GM Colmotores, syndiqués y compris, signature qui aurait débouché sur le renoncement automatique à leur affiliation pour une bonne part des travailleurs membres du Syndicat national des travailleurs du secteur de la mécanique métallique, de l’industrie métallique, de la métallurgie, de la sidérurgie, de l’électrométallurgie et des entreprises de commercialisation du secteur (SINTRAIME), le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir ses observations sans retard.
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