ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 333, Mars 2004

Cas no 2264 (Nicaragua) - Date de la plainte: 25-AVR. -03 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 771. La plainte figure dans une communication de l’Association des travailleurs agricoles (ATC) datée du 24 avril 2003. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires par communication du 26 mai 2003. Le gouvernement a transmis ses observations par communication du 12 septembre 2003.
  2. 772. Le Nicaragua a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 773. Dans ses communications des 24 avril et 26 mai 2003, l’Association des travailleurs agricoles (ATC) allègue que l’entreprise textile Presitex Corp. SA de la zone franche, qui emploie 2 045 travailleurs, a commis diverses violations des droits syndicaux à l’encontre des dirigeants du Syndicat Lidia Madariaga.
  2. 774. L’organisation plaignante déclare qu’après plusieurs licenciements antisyndicaux, conflits, entraves à la négociation collective et violations de la convention collective survenus au cours des années précédentes, le 15 janvier 2003, l’entreprise a informé le syndicat de l’introduction, à partir du 23 janvier 2003, de nouvelles formes du travail de production et du système de paiement des salaires et elle a présenté un ensemble de décisions qui modifient unilatéralement le système de rémunération. Le 24 janvier 2003, Mmes Evelin Moreno et Lilian Moreno ont été licenciées aux motifs de leur appartenance au syndicat et de leur opposition à la modification unilatérale du système de paiement. Le 27 janvier 2003, l’entreprise a empêché les membres du comité exécutif du syndicat de se rendre sur leur lieu de travail. Le lendemain, Miguel Angel Laguna, secrétaire général du syndicat, a été agressé par un gardien de sécurité; les travailleuses ont protesté et paralysé les activités pour soutenir ce dirigeant. Le 29 janvier, les représentants de l’entreprise ont fermé l’entreprise, et le 30 janvier l’entreprise a déclaré officiellement qu’elle envisageait de retirer ses investissements au Nicaragua et a demandé une prolongation afin de pouvoir communiquer sa décision définitive le 5 février. L’organisation plaignante se réfère également aux pressions exercées de manière agressive et irrespectueuse par l’ambassade de Taiwan et sa représentation diplomatique sur le ministère du Travail. Lors de réunions organisées entre les autorités et les parties au conflit, l’entreprise a demandé l’autorisation de licencier les membres du comité exécutif du syndicat et la police a commencé à protéger les installations de l’entreprise. Enfin, le 3 mars 2003, l’inspection du travail a autorisé la résiliation des contrats de travail de quatre dirigeants syndicaux, décision qui a été confirmée le 14 mars par l’instance chargée d’examiner le recours administratif interjeté.
  3. 775. Selon l’organisation plaignante, il est clair que dans ce cas les travailleurs et leurs syndicats se sont vus dans l’obligation d’organiser des actions apparentées à la pratique des arrêts de travail partiels et des débrayages momentanés comme ultimes moyens de recours pour faire face aux offensives de représailles de leur employeur. Ces situations de fait, qui ne répondent peut-être pas à la légalité formelle mais qui sont parfaitement légitimes étant donné l’absence d’une protection par l’Etat des droits des citoyens travailleurs, ont déjà été examinées par les organes du BIT dans d’autres contextes.
  4. 776. L’organisation plaignante signale enfin qu’elle a engagé une procédure judiciaire.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 777. Dans sa communication du 12 septembre 2003, le gouvernement déclare au sujet du licenciement des quatre membres du comité exécutif du Syndicat Lidia Madariaga, que l’entreprise Presitex Corp. SA a demandé au ministère du Travail l’autorisation de procéder à des licenciements, conformément aux dispositions légales. Les travailleurs ont demandé par écrit une audience collective pour présenter les faits. L’instance compétente a décidé d’accorder une deuxième et dernière audience aux travailleurs. Les travailleurs ont alors déclaré que, si on ne leur accordait pas une audience leur permettant d’être entendus collectivement, ils ne comparaîtraient pas. Une décision préparatoire a alors été prise en vertu de laquelle un processus commun de présentation des preuves a été ouvert pour les parties au conflit; cette décision prolongeait les échéances pour la présentation des preuves que l’autorité n’était pas parvenue, par sa propre faute, à examiner à temps. L’inspection départementale du travail de Matagalpa a accepté toutes les preuves présentées par les deux parties et a essayé de les amener à transiger dans l’espoir qu’un accord pourrait être trouvé; cela n’a toutefois pas été possible car les travailleurs demandaient une audience collective et l’employeur demandait que chaque travailleur soit entendu séparément. Les deux parties ont présenté des photographies en tant que preuves, mais il n’a pas été possible de déterminer ce qui s’était vraiment passé par simple appréciation visuelle. Les travailleurs ont présenté 784 signatures en leur faveur; ces signatures n’étaient accompagnées d’aucune date, pas plus que de précisions relatives aux trois points de la plainte ou à l’autorisation de licenciement. En revanche, l’employeur a présenté 873 signatures précisant ce qui s’était passé et soutenant l’entreprise.
  2. 778. Quant aux témoignages soumis par les travailleurs, le gouvernement déclare qu’ils se sont contentés d’exposer leur version des faits sans contredire les faits principaux, qui ont donc dû être considérés comme recevables en faveur de l’employeur. Les témoignages soumis par l’employeur comportent des déclarations faites sous serment, démontrant que les dirigeants syndicaux avaient adopté une attitude irrespectueuse envers l’employeur et que des travailleurs en sont venus à des voies de fait, mettant la sécurité du personnel et l’entreprise en péril et causant ainsi des pertes économiques à l’entreprise. Un des éléments de preuves déterminants dans ce cas est une vidéo qui fait partie du dossier et qui a été visualisée par les deux parties; on peut constater clairement que les dirigeants syndicaux qui y apparaissent sont ceux qui ont organisé les débrayages le 28 janvier 2003.
  3. 779. Le gouvernement précise que l’autorisation de licenciement donnée par l’inspection du travail était basée sur les dispositions légales et le règlement interne de l’entreprise Presitex Corp. SA Les travailleurs se sont pourvus contre la décision administrative de l’inspecteur afin qu’il autorise les travailleurs M. Miguel Antonio Laguna Laguna, Mmes Dulce Lila Osejo Roque, Luisa Ortega Jarquin et M. Hector Casimiro Centeno Rizo, à formuler leurs griefs et à contester la décision précitée. Ultérieurement, le 14 mars 2003, l’inspecteur général du travail de Managua, du ministère du Travail, a estimé qu’il y avait suffisamment d’éléments prouvant que les personnes mentionnées étaient effectivement directement responsables des actes d’indiscipline au sein de l’entreprise Presitex Corp. SA, et que ce sont ces mêmes personnes qui ont incité les autres travailleurs à abandonner leur poste de travail et à persister dans une attitude de désobéissance en ne reprenant pas leurs activités de travail; cette attitude a eu pour conséquence directe de causer un climat de violence et d’instabilité du travail, ces travailleurs n’ayant pas assumé les obligations découlant de leur contrat de travail, ce qui apparaît clairement au dossier.
  4. 780. De même, l’inspecteur général du travail a estimé que la Constitution politique du Nicaragua et le Code du travail confèrent certes aux travailleurs le droit de se syndiquer et de présenter des revendications de tout genre relatives au respect de leurs droits, qu’il s’agisse de droits individuels ou collectifs; il n’en reste pas moins que la loi stipule que les procédures préalables qu’elle prévoit doivent toujours être respectées. Par leurs actes d’indiscipline, les personnes susmentionnées ont causé des pertes économiques à l’entreprise, ce qui constitue un non-respect manifeste des obligations incombant aux travailleurs. En se basant sur tous les arguments exposés ci-dessus, l’inspecteur a confirmé intégralement la décision attaquée en appel et a autorisé la résiliation des contrats de travail individuels des quatre dirigeants en question.
  5. 781. Par ailleurs, le gouvernement relève que, selon la plainte même de l’organisation plaignante: «il est clair que dans ce cas les travailleurs et leurs syndicats se sont vus dans l’obligation d’organiser des actions apparentées à la pratique des arrêts de travail partiels et des débrayages momentanés comme ultimes moyens de recours pour faire face aux offensives de représailles de leur employeur. Ces situations de fait, qui ne répondent peut-être pas à la légalité formelle, sont parfaitement légitimes étant donné l’absence d’une protection par l’Etat». Le gouvernement ajoute que la protection de la liberté syndicale par l’Etat est notamment assurée pour éviter tout acte dont le but est de licencier un travailleur ou de lui porter préjudice sous une forme quelconque en raison de son affiliation syndicale, mais que dans le présent cas les plaignants reconnaissent ouvertement des faits «apparentés à la pratique des arrêts de travail partiels et des débrayages momentanés». Il s’agit donc de situations de fait qui vont à l’encontre des dispositions légales formelles et qui ne peuvent en aucun cas être considérées comme légales ou licites. L’organisation plaignante reconnaît que la pratique utilisée par son comité exécutif a été totalement inadéquate et illégale et qu’elle a dénaturé le droit syndical de présenter des revendications conformément à la loi.
  6. 782. Le gouvernement conclut en indiquant que le 24 juin 2003, une convention collective a été signée entre l’entreprise Presitex Corp. SA et le Syndicat des travailleurs démocratiques de l’entreprise Presitex Corp. SA pour une durée de deux ans à partir de la date de signature.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 783. Le comité observe que, dans le présent cas, les allégations ont trait principalement au licenciement de quatre membres du comité exécutif du Syndicat Lidia Madariaga à la suite d’un conflit collectif lié à la modification unilatérale par l’entreprise Presitex Corp. SA des systèmes de production et de paiement des salaires. Le comité observe que le gouvernement justifie l’autorisation administrative donnée pour le licenciement des quatre dirigeants par le fait qu’ils ont incité les autres travailleurs à abandonner leur poste de travail et à adopter une attitude de désobéissance en ne reprenant pas leur travail, ce qui a eu pour conséquence immédiate d’engendrer un climat de violence et d’instabilité étant donné que ces travailleurs n’ont pas assumé les obligations que leur impose leur contrat de travail; le gouvernement indique également que ces actes d’indiscipline ont causé des pertes économiques à l’entreprise, et que les plaignants reconnaissent dans leur plainte qu’ils ont organisé des arrêts du travail partiels et des débrayages momentanés qui ne répondaient pas aux exigences légales formelles. Selon la réponse du gouvernement, certains dirigeants syndicaux ont adopté une attitude irrespectueuse envers l’employeur et des collègues de travail et en sont venus à des voies de fait.
  2. 784. Le comité observe néanmoins que, bien qu’il s’agisse d’un conflit collectif, le gouvernement reconnaît que, dans le cadre de la procédure engagée par l’inspection du travail, les travailleurs ont sollicité une audience collective et que l’employeur a demandé que chaque travailleur soit entendu séparément; c’est pourquoi il n’a pas été possible de résoudre le conflit par la conciliation et un accord. De même, l’organisation plaignante a mis l’accent sur le fait que l’ambassade de Taiwan et sa représentation diplomatique ont exercé des pressions sur le ministère du Travail; de plus, elles ont menacé de retirer leurs investissements du Nicaragua. En revanche, le gouvernement n’a pas précisé si, comme l’affirme la plaignante, le conflit résultait de l’imposition unilatérale par l’employeur de nouvelles formes de production et de rémunération des travailleurs, et il n’a pas fourni d’observations sur le licenciement préalable de deux travailleuses affiliées au syndicat, Mmes Evelin Moreno et Lilian Moreno, au motif de leur opposition à la modification unilatérale des formes de rémunération, ni sur le fait que le secrétaire général du syndicat aurait été agressé par un gardien de sécurité de l’entreprise.
  3. 785. Le comité demande au gouvernement de lui envoyer des informations sur: i) la décision unilatérale alléguée de l’entreprise Presitex de modifier les formes de production et le système de paiement des salaires sans consulter le syndicat; ii) les raisons pour lesquelles l’entreprise et le ministère ont refusé d’accepter l’audience collective demandée par les travailleurs afin d’obtenir la conclusion d’une convention collective; iii) les pressions prétendument exercées par les représentants diplomatiques d’un pays étranger sur le ministère du Travail. Le comité demande au gouvernement de promouvoir une procédure appropriée de négociation collective au sein de l’entreprise et de garantir qu’aucune pression extérieure n’intervienne dans le processus de négociation collective en violation de la convention no 98.
  4. 786. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de lui communiquer la décision que rendra l’autorité judiciaire au sujet du licenciement des quatre membres du comité exécutif du syndicat, ainsi que des informations sur les faits concrets qui ont motivé le licenciement des syndiquées Mmes Evelin Moreno et Lilian Moreno. Le comité demande également au gouvernement de veiller à ce que les intéressés soient réintégrés à leurs postes de travail sans perte de salaire, s’il est démontré que leurs licenciements revêtent des motifs antisyndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 787. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • a) Le comité demande au gouvernement de lui envoyer des informations sur: i) la décision unilatérale alléguée de l’entreprise Presitex de modifier les formes de production et le système de paiement des salaires sans consulter le syndicat; ii) les raisons pour lesquelles l’entreprise et le ministère ont refusé d’accepter l’audience collective demandée par les travailleurs afin d’obtenir la conclusion d’une convention collective; iii) sur les pressions prétendument exercées par les représentants diplomatiques d’un pays étranger sur le ministère du Travail. Le comité demande au gouvernement de promouvoir une procédure appropriée de négociation collective au sein de l’entreprise et de garantir qu’aucune pression extérieure n’intervienne dans le processus de négociation collective en violation de la convention no 98.
    • b) Le comité prie le gouvernement de lui communiquer la décision que rendra l’autorité judiciaire au sujet du licenciement des quatre membres du comité exécutif du syndicat, ainsi que des informations sur les faits concrets qui ont motivé le licenciement des syndiquées Mmes Evelin Moreno et Lilian Moreno. Le comité demande également au gouvernement de veiller à ce que les intéressés soient réintégrés à leurs postes de travail sans perte de salaire, s’il est démontré que leurs licenciements revêtent des motifs antisyndicaux.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer