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Rapport intérimaire - Rapport No. 334, Juin 2004

Cas no 2279 (Pérou) - Date de la plainte: 02-JUIN -03 - Clos

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  1. 681. La plainte figure dans des communications des 2 et 6 juin 2003 envoyées par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP).
  2. 682. Le gouvernement a fait part de ses observations par des communications des 4 août et 2 décembre 2003 et du 12 janvier 2004.
  3. 683. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 684. Dans sa communication du 2 juin 2003, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) allègue que, le 28 mai 2003, le gouvernement a pris le décret suprême no 055-2003 PCM par lequel il a proclamé l’état d’urgence sur tout le territoire national pendant une période de trente jours, ce qui a entraîné la suspension des droits constitutionnels énoncés aux paragraphes 9 (droit à l’inviolabilité du domicile), 11 (droit de choisir son lieu de résidence, de circuler sur le territoire national, de le quitter et d’y entrer), 12 (droit de se réunir pacifiquement et sans armes) et 24 f) (droit à la liberté et à la sécurité de la personne) de l’article 2 de la Constitution du Pérou. Le gouvernement a justifié l’adoption de ce décret suprême dans la mesure où des actes de violence troublaient la tranquillité et la paix des citoyens et portaient atteinte à leurs droits fondamentaux.
  2. 685. D’après l’organisation plaignante, à la suite de la proclamation de l’état d’urgence, on a suspendu la garantie constitutionnelle protégeant le droit de réunion des travailleurs et des dirigeants syndicaux et on a réprimé brutalement, par l’usage de la force, d’armes à feu et de bombes lacrymogènes, des mouvements de protestation organisés par le Syndicat unique des travailleurs de l’éducation du Pérou (SUTEP), le Syndicat des instituts de professeurs de l’enseignement supérieur du Pérou (SIDESP), le Syndicat unitaire du personnel administratif des centres éducatifs (SUTACE), la Fédération nationale du personnel administratif du secteur de l’éducation (FENTASE), la Fédération des travailleurs du pouvoir judiciaire, la Centrale unitaire des travailleurs d’ESSALUD et l’Association nationale des usagers des systèmes d’irrigation, tous membres de la CGTP. Ces mouvements de protestation ont été organisés en conformité avec le droit de grève prévu dans la Constitution et pour faire droit à de justes réclamations concernant une amélioration des conditions économiques et de travail dans chacun des secteurs.
  3. 686. L’organisation plaignante allègue en outre que, en vertu de l’état d’urgence, les dirigeants et les travailleurs se sont vu interdire l’entrée des sièges syndicaux alors que des enquêtes et des perquisitions y avaient été effectuées sans l’autorisation des dirigeants ni mandat judiciaire. D’autre part, le droit de circuler sur le territoire national a été suspendu et les marches sur la ville de Lima ont été brutalement réprimées.
  4. 687. L’organisation plaignante affirme que l’on a arrêté plus de 150 dirigeants et travailleurs du SUTEP, du SIDESP, du SUTACE, de la FENTASE, de l’Association nationale des usagers des systèmes d’irrigation et de la Fédération des étudiants du Pérou (FEP), dont l’un d’eux a été mortellement blessé par une unité des forces armées.
  5. 688. Dans sa communication du 6 juin 2003, l’organisation plaignante affirme en outre que 1 117 travailleurs du Congrès ont été licenciés massivement après le 5 avril 1992, dont 257 ont présenté divers recours qui n’ont pas abouti. En dernière instance, l’organisation plaignante s’est adressée à la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des Etats américains, qui s’est mise à la disposition des parties afin de trouver une solution à l’amiable.
  6. 689. L’organisation plaignante allègue que le licenciement massif des travailleurs du Congrès a entraîné l’élimination du syndicat représentatif et, par conséquent, la disparition de la négociation collective et des garanties conférées par l’immunité syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 690. En ce qui concerne les allégations relatives à l’adoption du décret suprême no 055-2003-PCEM, qui prévoyait la suspension des droits constitutionnels et par lequel l’état d’urgence a été proclamé, le gouvernement indique que, compte tenu de la nécessité de veiller au bon fonctionnement de l’Etat et de garantir la sécurité de la société, il a été reconnu dans la Constitution que le chef de l’Etat a le pouvoir de proclamer l’état d’urgence ou l’état de siège sur la totalité ou une partie du territoire de la République. Il s’agit, selon le gouvernement, de situations exceptionnelles caractérisées par la suspension temporaire de l’exercice de certains droits constitutionnels. Ainsi, l’article 137 de la Constitution péruvienne dispose que le Président doit indiquer la durée de la mesure décidée de même que les droits visés. Le gouvernement souligne que, pour respecter le principe de proportionnalité, pendant un état d’urgence ou un état de siège, les garanties d’habeas corpus et d’amparo ne peuvent être suspendues.
  2. 691. Pour ce qui est des allégations relatives au licenciement massif de 1 117 travailleurs du Congrès de la République, celui-ci a entrepris, au moyen des décrets-lois nos 25438, 25640 et 25759, une réorganisation interne qui a abouti au licenciement de ces personnes, dont 257 ont présenté un recours en amparo pour protester contre cette mesure. Les intéressés ont déposé une plainte en violation de leurs droits auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des Etats américains, qui s’est déclarée compétente pour traiter le cas en juin 2000. En juillet de la même année, la commission a invité les parties à rechercher une solution amiable au problème, mais cette procédure n’a pas encore abouti.
  3. 692. Le gouvernement fait savoir qu’une commission multisectorielle a été créée afin d’élaborer une proposition finale pour les 257 travailleurs et ainsi résoudre le conflit. Cette commission a présenté une proposition de solution finale aux intéressés qui consistait à les réintégrer et à leur offrir une compensation financière, moyennant une évaluation effectuée au préalable par une entreprise spécialisée et la conclusion de nouveaux contrats sans que soient reconnues leurs années de service ni les rémunérations perçues. Cette proposition a été rejetée par les représentants des travailleurs qui ont fait une contre-proposition, laquelle a été jugée inacceptable par la commission. Dans ces conditions, il a été mis un terme à la phase de recherche d’une solution amiable, et la Commission des droits de l’homme a été chargée d’élaborer un rapport final.
  4. 693. Le gouvernement signale d’autre part que les lois nos 27452 et 27487 ont été adoptées afin de réviser les procédures appliquées pour effectuer les licenciements des travailleurs qui, selon eux, auraient été inconstitutionnels. Il relève que de nombreuses plaintes ont donné lieu à des décisions défavorables ou sont devenues caduques. De toute façon, la loi no 27803 adoptée par la suite prévoyait la création d’une commission exécutive composée de représentants des trois confédérations syndicales les plus représentatives, afin de trouver une solution de rechange aux licenciements collectifs arbitraires ou abusifs effectués entre 1990 et 2000.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 694. Le comité note que le présent cas porte sur: 1) le licenciement massif de 1 117 travailleurs du Congrès de la République à la suite d’une réorganisation et la plainte déposée par 257 d’entre eux auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des Etats américains, et 2) la proclamation de l’état d’urgence le 28 mai 2003, qui a entraîné la suspension du droit de réunion, la répression brutale des marches et autres formes de mobilisation, la réalisation d’enquêtes et de perquisitions au siège de syndicats sans l’autorisation de leurs dirigeants ni mandat judiciaire et l’arrestation de plus de 150 dirigeants et travailleurs du SUTEP, du SIDESP, du SUTASE, de la FENTASE, de l’Association nationale des usagers des systèmes d’irrigation et de la Fédération des étudiants du Pérou (FEP), dont l’un d’eux a été mortellement blessé par une unité des forces armées.
  2. 695. En ce qui concerne le licenciement massif de 1 117 travailleurs du Congrès de la République, dont 257 ont déposé un recours devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le comité prend note de l’information du gouvernement selon laquelle les licenciements ont été décrétés en 1992 en vertu des lois nos 25438, 25640 et 25759. Deux cent cinquante-sept travailleurs ont déposé divers recours internes qui ont été rejetés en dernière instance. Finalement, ces personnes ont décidé de s’adresser à la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui s’est mise à la disposition des parties pour trouver une solution amiable. Le comité relève qu’à cet effet une commission multisectorielle a été créée, qu’elle n’a donné aucun résultat positif et que, en conséquence, la commission interaméricaine devrait élaborer un rapport final, mais cette décision est encore en suspens. Le comité note également qu’en vertu de la loi no 27803 a été créée au niveau national une commission exécutive composée de représentants des trois confédérations syndicales les plus représentatives, afin de trouver une solution de rechange aux licenciements collectifs arbitraires ou abusifs effectués entre 1990 et 2000. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la suite donnée au rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et des décisions adoptées par la commission exécutive créée en vertu de la loi no 27803.
  3. 696. S’agissant de la proclamation de l’état d’urgence le 28 mai 2003 qui, selon les allégations, a entraîné la suspension du droit de réunion, la répression brutale des marches et autres formes de mobilisation, la réalisation d’enquêtes et de perquisitions au siège de syndicats sans l’autorisation de leurs dirigeants ni de mandat judiciaire et l’arrestation de plus de 150 dirigeants et travailleurs du SUTEP, du SIDESP, du SUTASE, de la FENTASE, de l’Association nationale des usagers des systèmes d’irrigation et de la Fédération des étudiants du Pérou (FEP), dont l’un d’eux a été mortellement blessé par une unité des forces armées, le comité note que, d’après le gouvernement, le pouvoir de proclamer l’état d’urgence - qui a pour effet de suspendre certaines garanties constitutionnelles - est prévu à l’article 137 de la Constitution péruvienne, qui dispose que la décision en question doit mentionner la durée de la mesure (dans le présent cas, le décret a prévu une durée de trente jours) ainsi que les droits visés.
  4. 697. Si le comité a considéré que la promulgation de règlements d’exception autorisant le gouvernement à soumettre l’organisation de réunions publiques à des restrictions applicables non seulement aux réunions publiques syndicales, mais à toutes les réunions publiques, et suscitée par des événements que le gouvernement a considérés comme étant à ce point sérieux qu’ils justifiaient la proclamation d’un état d’exception, ne constitue pas en elle-même une violation de la liberté syndicale [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 190], il observe toutefois qu’il ressort des allégations et de la lecture des coupures de journaux fournies par l’organisation plaignante que ladite promulgation a été motivée par un mouvement de grève généralisé qui s’est étendu à tout le pays pendant une longue période, au cours de laquelle de nombreuses routes ont été coupées.
  5. 698. Le comité note que, d’après les allégations, les mobilisations organisées par divers syndicats affiliés à la CGTP ont donné lieu à une répression brutale de la part des forces armées, à l’arrestation de 150 dirigeants syndicaux et à la perquisition de plusieurs sièges syndicaux. Le comité relève que le gouvernement ne dément pas ces allégations. Dans ces conditions, il demande au gouvernement: 1) de prendre des mesures pour qu’une enquête indépendante soit faite concernant la répression exercée par les forces de sécurité au cours des mobilisations et de lui faire parvenir ses observations en la matière; et 2) de lui indiquer si les dirigeants syndicaux détenus ont retrouvé la liberté et, s’ils sont encore détenus, de veiller à ce qu’ils bénéficient des garanties d’une procédure régulière et de l’informer de l’état des procès en cours.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 699. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne le licenciement massif de 1 117 travailleurs du Congrès de la République, dont 257 ont déposé un recours devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la suite donnée au rapport de ladite commission et des décisions adoptées par la commission exécutive créée en vertu de la loi no 27803.
    • b) S’agissant de la proclamation de l’état d’urgence le 28 mai 2003 qui, selon les allégations, a entraîné la suspension du droit de réunion, la répression brutale des marches et autres formes de mobilisation, la réalisation d’enquêtes et de perquisitions au siège de syndicats sans l’autorisation de leurs dirigeants ni de mandat judiciaire et l’arrestation de plus de 150 dirigeants et travailleurs du SUTEP, du SIDESP, du SUTASE, de la FENTASE, et de l’Association nationale des usagers des systèmes d’irrigation, le comité demande au gouvernement: 1) de prendre des mesures pour qu’une enquête indépendante soit faite concernant la répression exercée par les forces de sécurité au cours des mobilisations et de lui faire parvenir ses observations en la matière; et 2) de lui indiquer si les dirigeants syndicaux détenus ont retrouvé la liberté et, s’ils sont encore détenus, de veiller à ce qu’ils bénéficient des garanties d’une procédure régulière et de l’informer de l’état des procès en cours.
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