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Rapport définitif - Rapport No. 335, Novembre 2004

Cas no 2311 (Nicaragua) - Date de la plainte: 21-NOV. -03 - Clos

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  1. 1127. La présente plainte a été communiquée le 21 novembre 2003 par la Confédération syndicale des travailleurs José Benito Escobar (CST-JBE). Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 15 mars 2004.
  2. 1128. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et la négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 1129. Dans sa communication du 21 novembre 2003, la Confédération syndicale des travailleurs José Benito Escobar (CST-JBE) indique que le Syndicat des travailleurs de la municipalité de León (SITRADEL), constatant que cette municipalité n’observait pas la convention collective en vigueur depuis 2001, a présenté le 9 juin 2003 un cahier de revendications à l’Inspection départementale du travail du département de León en vue d’obtenir la révision de la convention.
  2. 1130. L’organisation plaignante précise que l’autorité administrative a reconnu le SITRADEL comme le représentant des travailleurs et nommé un avocat pour faire office de conciliateur. Par la suite, les parties ont été convoquées à une audience de conciliation pour le 11 août 2003. Le 2 septembre 2003, après six séances de conciliation, le SITRADEL a demandé au ministre du Travail de nommer un nouveau conciliateur, estimant que celui qui avait été nommé auparavant avait fait preuve de partialité et de complaisance à l’égard de l’employeur. Un nouveau conciliateur ayant été nommé, neuf sessions de conciliation ont eu lieu. L’organisation plaignante informe que la partie employeur ne s’est pas présentée aux dernières réunions, de sorte que, à la demande du SITRADEL, le nouveau conciliateur a déclaré la municipalité de León en défaut faute de comparaître aux réunions de négociation nos 7, 8 et 9 concernant le cahier de revendications.
  3. 1131. L’organisation plaignante indique que, ayant pris connaissance de la déclaration de non-comparution, la municipalité de León a présenté le 17 septembre 2003 une requête à la Direction de négociation collective et de conciliation individuelle, l’invitant à nommer un nouveau conciliateur et à transférer la procédure de négociation vers la ville de Managua. L’inspecteur départemental du travail de la ville de León a rejeté cette requête, et le SITRADEL a demandé au ministre du Travail que, conformément aux dispositions légales en vigueur, il soit procédé à la nomination du président du «tribunal de grève» (tribunal de huelga).
  4. 1132. L’organisation plaignante allègue que la Direction de négociation collective et de conciliation individuelle, de manière unilatérale et en s’arrogeant des attributions qui ne sont pas de sa compétence, a pris l’initiative de démettre l’avocate assumant la fonction de conciliatrice. Selon l’organisation plaignante, seul le ministre du Travail qui avait désigné l’avocate pour assumer la charge de conciliatrice était habilité à la révoquer.
  5. 1133. L’organisation plaignante affirme que le processus de négociation en question s’est étendu sur cinq mois, c’est-à-dire au-delà du délai fixé par la législation (quinze jours plus une prorogation de huit jours). Elle impute ce retard aux manœuvres dilatoires de la partie employeur ainsi qu’à la complaisance du ministère du Travail. Selon l’organisation plaignante, la partie employeur ne s’est pas présentée à trois réunions et n’a pas manifesté, au cours des quatre autres, la volonté de poursuivre les négociations. Enfin, l’organisation plaignante indique que les autorités du ministère du Travail n’ont pas réservé au processus de négociation le traitement requis, dans le but manifeste d’éluder la responsabilité d’avoir à nommer le président du tribunal de grève; cette nomination a été demandée en sept occasions, mais l’autorité administrative ne s’est pas prononcée à cet égard.
  6. B. Réponse du gouvernement
  7. 1134. Dans sa communication du 15 mars 2004, le gouvernement indique que le processus de négociation entre le Syndicat des travailleurs de la municipalité de León (SITRADEL) et la municipalité elle-même a été menée conformément aux lois du travail en vigueur. Il informe que le Syndicat des travailleurs de la municipalité de León a présenté le 9 juillet 2003 un cahier de revendications à l’Inspection départementale de la ville de León et Chinandega, demandant que soit révisée la convention collective signée le 12 juillet 2001. Ce cahier de revendications faisait état du non-respect des normes du travail énoncées dans la convention collective susmentionnée, notamment des dispositions relatives aux modalités de rétribution de la journée de travail ordinaire et des heures supplémentaires ainsi qu’au paiement des prestations sociales et des salaires. A cet égard, l’article 240 du Code du travail dispose que: «La convention collective du travail pourra, à la demande de l’une des parties, être révisée avant l’expiration de sa durée de validité si, dans une entreprise ou un pays, les conditions socio-économiques ont changé à un point tel qu’une révision est recommandée.»
  8. 1135. Le gouvernement indique que l’Inspection départementale du travail de León a adopté une résolution dans laquelle elle déclare recevable le cahier de revendications et nomme l’avocat conciliateur, à qui elle remet le dossier en vue d’engager des négociations. Le 12 juin 2003, la Direction de conciliation et des associations syndicales pour León et Chinandega a ordonné que la mairie de León en soit informée, et exigé la nomination d’une commission de négociation dans un délai de 72 heures, conformément aux dispositions de l’article 238 du Code du travail. Au même moment, le Syndicat des travailleurs de la municipalité de León (SITRADEL) a présenté un acte de nomination de sa commission de négociation. Le 7 août 2003, l’avocat conciliateur, ayant estimé que la commission de négociation convenait aux deux parties, a fixé la première audience au lundi 11 août 2003, ce qui fut notifié aux parties.
  9. 1136. Le gouvernement déclare qu’au cours de la première audience il n’a pas été rappelé aux parties, d’une part, que même si des divergences de vues apparaissent au cours de la procédure, il convient que celles-ci soient constatées dans un climat de concorde et de bonne entente et, d’autre part, que le ministère du Travail veille à ce que les accords conclus entre les parties ne restreignent en aucune façon les garanties minimales établies dans le Code du travail. Les deux parties ont établi les critères de convergence sur l’esprit de la négociation et porté au procès verbal qu’ils examineraient dans leur intégralité les points évoqués dans le cahier de revendications et fixeraient d’un commun accord le calendrier des réunions. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement signale qu’il n’y avait pas de situation de conflit, puisque aucune des éventualités envisagées dans l’article 243 du Code du travail n’était matérialisée.
  10. 1137. Le gouvernement indique que 12 réunions ont eu lieu au total et que, par la suite, les parties ont tenu une réunion avec le ministre du Travail.
  11. 1138. En ce qui concerne la nomination des conciliateurs dans le processus de négociation, le gouvernement indique que, le 22 septembre 2003, la Direction de négociation collective et de conciliation individuelle de Managua a ordonné à l’avocate Irella Esther García Guillén, en sa qualité de conciliatrice ad hoc au sujet du cahier de revendications présenté par le Syndicat des travailleurs de la municipalité de León (SITRADEL), de lui remettre toutes les pièces du dossier. Les parties ont été convoquées pour le mercredi 1er octobre 2003, et à cette occasion a été nommée comme nouvelle conciliatrice l’avocate Liduvina Molinares Canelo.
  12. 1139. Le gouvernement indique que les modalités selon lesquelles le ministère du Travail a nommé les fonctionnaires pour le processus de négociation en vue de la révision de la convention collective de la mairie de León étaient, en tous points, conformes aux instruments normatifs en vigueur. Le gouvernement ajoute que, même si, à l’évidence, le ministre se situe au plus haut niveau de décision et a le pouvoir d’exercer son autorité sur les services et les fonctionnaires relevant de son portefeuille, il n’en est pas moins vrai que la même législation définit clairement les attributions entrant dans son champ de compétence; en d’autres termes, lorsque sont en présence deux directions générales de même niveau hiérarchique, aucune des deux ne pouvant ni ne devant s’immiscer dans le champ de compétence de l’autre, c’est le ministre investi de l’autorité recouvrant leurs fonctions et leurs services qui est, par conséquent, habilité à statuer dans les conflits de cette nature. Néanmoins, même s’il a l’autorité requise pour nommer comme conciliateur ad hoc un inspecteur du travail, ce conciliateur ad hoc est automatiquement subordonné directement au champ de compétences de la Direction de négociation collective de conciliation, l’unique autorité ayant compétence en matière de signature et de révision de conventions collectives. Si on avait procédé autrement, on aurait porté atteinte au droit consigné dans le Code du travail en tant que «droit de constituer le tribunal de grève».
  13. 1140. Le gouvernement précise que, le 1er octobre 2003, le Syndicat des travailleurs «Salvador Espinoza» de la municipalité de León (SITRALSE) a présenté une requête pour faire partie de la commission de négociation. Le 7 octobre 2003, la Direction de négociation collective et de conciliation individuelle de Managua a décidé ce qui suit: «Veuillez accepter comme participant aux négociations sur le cahier de revendications concernant la mairie de León le Syndicat des travailleurs «Salvador Espinoza» de la municipalité de León (SITRALSE).» Cette action a déclenché un conflit intersyndical à propos de la participation du syndicat SITRALSE à la table de négociation. Le syndicat SITRADEL refuse de négocier conjointement avec le SITRALSE. Le 16 octobre 2003, le SITRALSE a présenté à la Direction de négociation collective et de conciliation individuelle une requête l’invitant à se prononcer dans les plus brefs délais au sujet des parties admises à siéger à la table de négociation.
  14. 1141. Le gouvernement indique qu’on ne peut ni ne doit en aucune manière dénier le droit de négociation collective à une organisation syndicale constituée et jouissant de la personnalité juridique. En tout cas, la qualité de l’organisation syndicale est évaluée une fois que la situation a progressé, c’est-à-dire que le cahier de revendications consolidé n’oppose pas les organisations syndicales ayant engagé un processus de négociation et, pour ne pas retarder cette négociation, on associe à ce processus l’organisation syndicale qui s’intègre a posteriori en qualité de partie signataire, ce qui n’était pas le cas de l’organisation syndicale SITRALSE. La municipalité de León a manifesté sa volonté de poursuivre les négociations avec les syndicats existant en son sein, en indiquant néanmoins que les syndicats ne peuvent continuer de se présenter à la table de négociation tant qu’ils n’auront pas réglé leur problème.
  15. 1142. Le gouvernement ajoute que, le 22 août 2003, le maire a sollicité une prorogation du fait qu’il lui était impossible de comparaître aux audiences suivantes, vu qu’à la date prévue pour cette réunion il était convoqué par le ministre du Travail. Le 17 septembre 2003, le maire de León a indiqué que, le 12 septembre de la même année, il avait adressé une requête au ministre du Travail, dans laquelle il demandait que les négociations sur le cahier de revendications concernant la municipalité de León soit transférées au niveau central et menées par un conciliateur du ministère du Travail de Managua. Le 25 septembre 2003, l’employeur a été déclaré en défaut faute de comparaître. Le 26 septembre 2003, compte tenu de cette déclaration de non-comparution, le SITRADEL a demandé que le dossier soit confié au ministère du Travail de Managua pour garantir le strict respect de la procédure et pour procéder à la nomination du président du tribunal de grève.
  16. 1143. Le gouvernement fait savoir que la décision de la conciliatrice ad hoc de déclarer en non-comparution la municipalité de León a été révoquée comme étant dénuée de fondement. Il trouve regrettable que, avant épuisement des possibilités de la négociation, le processus soit interrompu à cause d’une attitude négative concernant l’incorporation d’une autre organisation affiliée à la même centrale syndicale. Le ministère du Travail estime que les parties à la négociation doivent faire preuve du meilleur esprit et de la meilleure volonté, que c’est là le véritable sens de la négociation. Aussi demande-t-il instamment aux parties engagées dans cette procédure d’aplanir leurs divergences et de poursuivre la négociation.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1144. Le comité observe que l’organisation plaignante allègue ce qui suit: 1) constatant que la municipalité de León ne respectait pas la convention collective en vigueur depuis 2001, le Syndicat des travailleurs de la municipalité de León a présenté le 9 juin 2000 un cahier de revendications à l’Inspection départementale du travail du département de León en vue d’obtenir la révision de la convention; 2) cette procédure de négociation s’est prolongée pendant cinq mois, au mépris des délais établis dans la législation (quinze jours, plus une prorogation de huit jours); 3) les retards sont dus à l’attitude de l’employeur qui n’a pas assisté à diverses réunions et qui a été déclaré en défaut faute de comparaître par un avocat conciliateur ou qui a assisté aux réunions sans manifester la volonté de négocier, et 4) le ministère du Travail n’a pas réservé au processus de négociation le traitement requis ni donné suite à la requête de l’organisation plaignante, l’invitant à nommer le président du tribunal de grève.
  2. 1145. A cet égard, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles: i) le processus de négociation entre le Syndicat des travailleurs de la municipalité de León a été mené conformément aux lois du travail en vigueur; ii) en ce qui concerne les conciliateurs nommés au cours du processus de révision de la convention collective, l’autorité administrative a agi dans le strict respect des instruments normatifs en vigueur; iii) le 1er octobre 2003, le Syndicat des travailleurs «Salvador Espinoza» de la municipalité de León (SITRALSE) a demandé à participer au processus de négociation, provoquant un conflit avec l’organisation syndicale SITRADEL, qui refuse de négocier conjointement avec cet organisme syndical; iv) la municipalité de León a manifesté sa volonté de poursuivre les négociations, en indiquant cependant ne pas vouloir se présenter à la table de négociations aussi longtemps que les syndicats n’auront pas réglé leur problème; v) la déclaration en défaut faute de comparaître a été révoquée, et vi) il est regrettable que le processus de négociation soit interrompu à cause d’une attitude négative concernant l’incorporation d’une autre organisation syndicale.
  3. 1146. Dans ce contexte, le comité observe que, pour des motifs différents, le processus de révision de la convention collective conclue entre l’organisation syndicale SITRADEL et la municipalité de León s’est étendu sur une période trop longue et que, effectivement, les délais prévus par la législation n’ont pas été respectés. A cet égard, le comité souligne «l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles» et «le principe selon lequel les employeurs comme les syndicats doivent négocier de bonne foi et s’efforcer de parvenir à un accord suppose que soit évité tout retard injustifié dans le déroulement des négociations». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 814 et 816.]
  4. 1147. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement que, compte tenu des dispositions de l’article 4 de la convention no 98, ratifiée par le Nicaragua, il encourage les parties à conclure dans les meilleurs délais une nouvelle convention collective régissant les conditions d’emploi des travailleurs de la municipalité de León.
  5. 1148. Enfin, à propos de la déclaration du gouvernement concernant le retard provoqué dans le processus de négociation par le conflit entre le SITRADEL et l’autre organisation syndicale (le SITRALSE) qui souhaite participer à la négociation concernant la convention, le comité observe que le Code du travail du Nicaragua permet la participation de plus d’une organisation de travailleurs et ne reconnaît pas de droit exclusif de négociation à l’organisation la plus représentative. Dans ces conditions, le comité considère que tout conflit entre les organisations de travailleurs au sujet de la participation à un processus de négociation devrait être réglé par l’entremise d’un arbitre impartial désigné par les parties ou par une action en justice.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1149. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement que, compte tenu des dispositions de l’article 4 de la convention no 98, ratifiée par le Nicaragua, il encourage les parties à conclure dans les meilleurs délais une nouvelle convention collective régissant les conditions d’emploi des travailleurs de la municipalité de León.
    • b) Le comité considère que tout conflit entre les organisations de travailleurs au sujet de leur participation à un processus de négociation devrait être réglé par l’entremise d’un arbitre impartial désigné par les parties ou par une action en justice.
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