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Rapport intérimaire - Rapport No. 351, Novembre 2008

Cas no 2318 (Cambodge) - Date de la plainte: 22-JANV.-04 - Actif

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  1. 242. Le comité a déjà examiné le présent cas quand au fond à trois occasions, la dernière fois lors de sa session de mai-juin 2007 à l’issue de laquelle il a établi un rapport intérimaire, approuvé par le Conseil d’administration à sa 299e session. [Voir 346e rapport, paragr. 356 à 395.]
  2. 243. Le gouvernement n’ayant fourni aucune réponse, le comité lui a adressé un appel pressant lors de sa session de mai-juin 2008 [voir 350e rapport, paragr. 10], attirant son attention sur le fait que, en vertu des règles de procédures énoncées au paragraphe 17 du 127e rapport approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire, même si les observations ou informations qu’il lui avait demandées n’avaient pas été reçues en temps voulu.
  3. 244. Le Cambodge a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 245. Lors de son précédent examen du cas, le comité a formulé les recommandations ci-après [voir 346e rapport, paragr. 395]:
    • a) Le comité souligne une fois de plus la gravité des allégations en instance relatives, entre autres, au meurtre des dirigeants syndicaux Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy. Le comité déplore profondément ces événements et attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’un tel climat de violence, qui mène à la mort de dirigeants syndicaux, est un sérieux obstacle à l’exercice des droits syndicaux.
    • b) Le comité, une fois de plus, exhorte le gouvernement à prendre des mesures en vue de rouvrir l’enquête sur le meurtre de Chea Vichea et de s’assurer que Born Samnang et Sok Sam Oeun pourront exercer le plus tôt possible leur droit de faire appel devant une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
    • c) Le comité exhorte le gouvernement à ouvrir sans tarder des enquêtes indépendantes sur les meurtres de Ros Sovannareth et Hy Vuthy, et à le tenir informé des résultats de ces enquêtes.
    • d) Le comité exhorte le gouvernement à ouvrir de toute urgence une enquête judiciaire indépendante sur les agressions contre les syndicalistes Lay Sophead, Pul Sopheak, Lay Chamroeun, Chi Samon, Yeng Vann Nuth, Out Nun, Top Savy, Lem Samrith, Chey Rithy, Choy Chin, Lach Sambo, Yeom Khun et Sal Koem San, et à le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’inscription sur une liste noire de syndicalistes, et en particulier celle des 17 syndicalistes mentionnés par l’organisation plaignante.
    • f) Le comité prie le gouvernement de lui transmettre de toute urgence ses observations au sujet du licenciement de Lach Sambo, Yeom Khun et Sal Koem San à la suite du mouvement de grève lancé dans l’usine de vêtements Genuine, ainsi que tout jugement pertinent rendu par un tribunal.
    • g) Le comité prie une nouvelle fois le gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour veiller à ce que les droits syndicaux des travailleurs du Cambodge soient entièrement respectés et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un climat exempt d’intimidation et de risques pour leur sécurité personnelle et leur vie.
    • h) Le comité se dit une nouvelle fois très préoccupé par l’extrême gravité du cas et, en l’absence d’efforts significatifs de la part du gouvernement afin de mener une enquête approfondie concernant les sujets susmentionnés – et ce de façon transparente, indépendante et impartiale –, invite fermement le gouvernement à accepter la venue d’une mission d’experts de l’OIT afin d’effectuer des recherches concernant ces allégations et d’aider le gouvernement à mettre fin aux violations des droits syndicaux et au climat d’impunité émergent. Le comité invite le Conseil d’administration à accorder une attention particulière à la situation.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 246. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis l’introduction de cette plainte, il n’a toujours pas reçu les observations du gouvernement, bien que ce dernier ait été invité à plusieurs reprises, notamment par la voie d’un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité exhorte le gouvernement à se montrer plus coopératif à l’avenir.
  2. 247. Dans ces conditions, et conformément aux règles de procédure applicables [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire, sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 248. Le comité rappelle que le but de l’ensemble de la procédure établie par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations de violations de la liberté syndicale est d’assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité continue de croire que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre.
  4. 249. Le comité se félicite de ce que le gouvernement ait accepté d’accueillir une mission de contacts directs à Phnom Penh, qui s’est déroulée du 21 au 25 avril 2008. Cette mission, dont la tenue avait été demandée par le comité et la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail en juin 2007, était dirigée par le juge Rama Pal et a permis d’examiner les graves problèmes soulevés dans le présent cas et les questions ayant fait l’objet d’observations de la part de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. Cependant, le comité observe avec préoccupation, selon le rapport de la mission, que cette dernière a, à une occasion, subi des actes d’intimidations verbales.
  5. 250. Le comité prend dûment note des conclusions de la mission de contacts directs et observe que l’une des principales conclusions de cette dernière concerne le manque d’efficacité et d’impartialité des instances judiciaires. A cet égard, le rapport de mission conclut tout d’abord qu’il est très difficile aux autorités judiciaires de s’acquitter de leur mandat en raison d’un manque de capacité, comme le prouve par exemple le fait que fréquemment les décisions des tribunaux et les comptes rendus d’audience ne sont ni enregistrés ni publiés. Le rapport conclut ensuite que, d’après des informations obtenues dans le cadre de la mission, les instances judiciaires n’ont pas été en mesure de s’acquitter de leurs fonctions d’une manière impartiale et indépendante en raison des ingérences dont elles font l’objet de la part des autorités politiques. Le comité prend note de ces informations avec une profonde préoccupation. Prenant note en outre de la conclusion selon laquelle on ne saurait lutter efficacement contre l’assassinat de dirigeants syndicaux et l’émergence d’un climat d’impunité dans le pays si l’on ne s’attache pas au préalable à résoudre ce problème de fond, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance et l’efficacité des instances judiciaires, notamment par le biais de mesures de renforcement de leur capacité et la mise en place de garanties contre la corruption. Il suggère que le gouvernement se prévale des possibilités de coopération technique qu’offre le Bureau à cet effet, notamment dans le domaine du renforcement des capacités institutionnelles et lui demande de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
  6. 251. Le comité rappelle qu’il a déjà demandé instamment au gouvernement de rouvrir l’enquête sur l’assassinat de Chea Vichea, de veiller à ce que Born Samnang et Sok Sam Oeun puissent exercer, dès que possible, leur droit de faire appel devant une instance judiciaire impartiale et indépendante. Le comité avait également prié instamment le gouvernement de diligenter des enquêtes judiciaires indépendantes sur les assassinats des leaders syndicaux Ros Sovannareth et Hy Vuthy. A cet égard, tout en prenant dûment note des efforts déployés par le gouvernement pour faire en sorte que les membres de la mission rencontrent les personnes concernées dans ces cas, notamment les deux personnes incarcérées pour le meurtre de Chea Vichea, le comité relève avec une profonde préoccupation la conclusion du rapport de mission selon laquelle le gouvernement ne s’est cependant pas montré désireux d’engager des discussions franches sur ces graves questions et n’a fourni aucune indication concrète qu’il donnerait effet à ces recommandations ou aux recommandations antérieures du comité. Le rapport de mission signale que la date d’audition devant la Cour suprême de Born Samnang et Sok Sam Oeun n’a toujours pas été fixée et qu’une personne, Thach Saveth, a été condamnée à quinze ans de prison pour le meurtre de Ros Sovannareth à l’issue d’un procès ayant duré une heure, qui était entaché de vices de procédure et au cours duquel les droits de la défense n’ont pas été respectés. Thach Saveth purge à l’heure actuelle sa peine de prison.
  7. 252. A la lumière des informations qui précèdent, et rappelant en outre qu’il a déjà exprimé sa profonde préoccupation devant l’absence d’efforts notables de la part du gouvernement en vue de diligenter une enquête approfondie sur toutes les questions évoquées ci-dessus d’une manière transparente, indépendante et impartiale, le comité ne peut que déplorer le fait que le gouvernement n’a pas donné effet à ses recommandations précédentes concernant l’assassinat de Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy. Il déplore en outre le fait que Thach Saveth ait été condamné à une peine d’emprisonnement pour le meurtre de Ros Sovannareth, à l’issue d’un procès qui ressemble beaucoup à celui de Born Samnang et de Sok Sam Oeun en ce que les droits de la défense n’ont là non plus pas été respectés. Dans ces conditions, le comité doit une nouvelle fois souligner l’importance qu’il convient d’accorder au plein respect du droit de tout individu à la liberté et à la sûreté, de ne pas être arbitrairement arrêté ou détenu et d’être entendu équitablement par un tribunal indépendant et impartial, conformément aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le comité souligne une fois de plus, avec la plus grande fermeté, que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. L’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 48 et 52.] Le comité exhorte une fois de plus le gouvernement à rouvrir l’enquête sur les meurtres de Chea Vichea et Ros Sovannareth et à veiller à ce que Born Samnang, Sok Sam Oeun et Thach Saveth puissent exercer, dès que possible, leur droit de faire appel devant une instance judiciaire impartiale et indépendante. Le comité prie également instamment le gouvernement de diligenter immédiatement une enquête indépendante sur l’assassinat de Hy Vuthy.
  8. 253. Enfin, le comité demande une fois de plus instamment au gouvernement de mettre en œuvre les autres recommandations qu’il lui a déjà adressées et qui sont résumées ci-après.
    • – Le comité exhorte le gouvernement à diligenter sans délai des enquêtes judiciaires indépendantes sur les agressions physiques dont ont été victimes les syndicalistes Lay Sophead, Pul Sopheak, Lay Chhamroeun, Chi Samon, Yeng Vann Nuth, Out Nun, Top Savy, Lem Samrith, Chey Rithy, Choy Chin, Lach Sambo, Yeon Khum et Sal Koem San et de le tenir informé des résultats de ces enquêtes.
    • – Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’inscription de syndicalistes sur des listes noires.
    • – Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations sur le licenciement de Lach Sambo, Yeon Khun et Sal Koem San à la suite des mouvements de grève qui ont eu lieu dans l’usine de confection de vêtements «Genuine».
    • – Le comité prie une nouvelle fois instamment le gouvernement de prendre des mesures de nature à garantir que les droits syndicaux des travailleurs cambodgiens soient pleinement respectés et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un environnement où ils ne font pas l’objet de mesures d’intimidation et où leur sécurité personnelle et leur existence ne sont pas mises en danger.
    • – Le comité exprime une fois de plus sa profonde préoccupation devant l’extrême gravité de ce cas et l’absence d’efforts notables de la part du gouvernement pour mener d’une manière transparente, indépendante et impartiale des enquêtes approfondies sur toutes les questions susmentionnées. Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur cette situation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 254. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité souligne une fois de plus la gravité des allégations formulées qui portent notamment sur l’assassinat des dirigeants syndicaux Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy. Le comité déplore profondément ces faits et appelle de nouveau l’attention du gouvernement sur le fait qu’un tel climat de violence conduisant à la mort de dirigeants syndicaux est un obstacle sérieux à l’exercice des droits syndicaux.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, notamment par le biais de mesures de renforcement des capacités et l’institution de garanties contre la corruption. Il suggère au gouvernement de se prévaloir des possibilités de coopération technique offertes par le Bureau à cet effet, notamment pour renforcer ses capacités institutionnelles, et lui demande de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • c) Le comité exhorte une fois de plus le gouvernement à rouvrir les enquêtes sur l’assassinat de Chea Vichea et de Ros Sovannareth et à veiller à ce que Born Samnang, Sok Sam Oeun et Thach Saveth puissent exercer, dès que possible, leur droit de faire appel devant une instance judiciaire impartiale et indépendante. Le comité prie également instamment le gouvernement de diligenter immédiatement une enquête indépendante sur l’assassinat de Hy Vuthy.
    • d) Le comité exhorte le gouvernement à ouvrir sans tarder des enquêtes judiciaires indépendantes sur les attaques physiques dont ont été victimes les syndicalistes Lay Sophead, Pul Sopheak, Lay Chhamroeun, Chi Samon, Yeng Vann Nuth, Out Nun, Top Savy, Lem Samrith, Chey Rithy, Choy Chin, Lach Sambo, Yeon Khum et Sal Koem San et de le tenir informé des résultats de ces enquêtes.
    • e) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’inscription de syndicalistes sur des listes noires.
    • f) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations concernant le licenciement de Lach Sambo, Yeon Khun et Sal Koem San à l’issue des mouvements de grève ayant eu lieu dans l’usine de confection de vêtements «Genuine».
    • g) Le comité demande de nouveau instamment au gouvernement de prendre des mesures pour veiller à ce que les droits syndicaux des travailleurs du Cambodge soient pleinement respectés et que les syndicalistes puissent exercer leurs activités dans un environnement exempt de mesures d’intimidation et où leur sûreté personnelle et leur existence ne sont pas menacées.
    • h) Le comité exprime une fois de plus sa profonde préoccupation devant la gravité extrême de ce cas et l’absence de tout effort notable de la part du gouvernement pour diligenter des enquêtes approfondies sur toutes les questions susmentionnées d’une manière transparente, indépendante et impartiale. Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur cette situation.
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