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- 686. La plainte a été présentée par le Syndicat des travailleurs du bâtiment (BUDOWLANI) dans une lettre en date du 23 mars 2004. L’organisation plaignante a fait parvenir des informations supplémentaires dans une lettre en date du 4 mai 2004.
- 687. Le gouvernement a envoyé son observation dans une lettre en date du 25 octobre 2004.
- 688. La Pologne a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante - 689. Dans une communication en date du 23 mars 2004, l’organisation plaignante se réfère à la loi du 26 juillet 2002 «sur la modification du Code du travail et d’un certain nombre d’autres lois», qui met en place un nouvel article 25/1 dans la loi sur les syndicats. Selon une traduction officieuse, cet article prévoit les dispositions suivantes: «Les droits des syndicats d’établissement sont exercés par les organisations réunissant au moins dix membres qui sont:
- 1) des employés travaillant pour un employeur auprès duquel l’organisation est active, ou des personnes accomplissant un travail sur la base d’un contrat de travail à domicile conclu avec ledit employeur;
- 2) des fonctionnaires de la police, des gardes frontière et des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire servant dans des unités couvertes par l’activité de cette organisation.
- Une telle organisation syndicale est tenue de fournir à l’employeur ou au commandant d’unité (dans le cas de fonctionnaires), sur une base trimestrielle – et le dernier jour du trimestre – avant le dixième jour du mois suivant un trimestre donné, des informations sur le nombre total de membres de cette organisation. En application de l’article 34 de la loi sur les syndicats, cette disposition est également applicable aux organisations syndicales multi-établissements.»
- 690. L’organisation plaignante fait valoir que l’article 25/1 prive les organisations de moins de dix membres, travaillant pour un employeur donné, des droits reconnus aux syndicats d’établissement. Selon l’organisation plaignante, du fait de cette disposition, les organisations syndicales ne seront pas à même d’accomplir leurs activités si elles regroupent moins de dix membres, ou sont rattachées à certaines entreprises qui emploient moins de dix travailleurs. Cet article offre également aux employeurs l’opportunité d’éliminer certaines organisations syndicales en réorganisant tout simplement leurs entreprises de manière à créer des divisions réduites. L’organisation plaignante estime que l’article 25/1 constitue une discrimination à l’encontre des plus petites organisations syndicales car il définit le champ des droits des syndicats en fonction du nombre de leurs membres.
- 691. L’organisation plaignante indique également qu’elle a présenté des réclamations auprès des autorités nationales sur la question de la compatibilité de l’article 25/1 avec la Constitution et avec les conventions de l’OIT ratifiées par la Pologne. Elle a reçu des réponses qui sont résumées dans sa communication. En particulier, l’organisation plaignante indique que, le 23 mai 2003, le «Bureau de recherche de la Chancellerie du Parlement de la République de Pologne» a répondu que le fait de priver les organisations réunissant moins de dix membres des droits syndicaux devait être considéré comme l’introduction d’un autre niveau dans la structure organisationnelle du mouvement syndical. Aucun droit particulier n’est reconnu aux syndicats réunissant moins de dix membres, et les droits découlant de l’interprétation de la loi sur les syndicats ne peuvent être que très généraux. La nouvelle «structure syndicale» établit une distinction entre les organisations regroupant moins de dix membres, qui n’ont pas la capacité d’ester en justice, et les plus grandes organisations. Le bureau conclut finalement que cette distinction ne limite pas la liberté d’association des travailleurs, mais qu’elle marginalise les organisations de moins de dix membres.
- 692. L’organisation plaignante indique en outre que l’organisation syndicale NSZZ Solidarnosc (ci-après NSZZ Solidarnosc) a présenté une plainte devant le Tribunal constitutionnel de la République de Pologne en vue de vérifier la conformité de l’article 25/1 de la loi syndicale avec l’article 12 de la Constitution de la République de Pologne [1]. Dans sa communication en date du 4 mai 2004, l’organisation plaignante indique que le Tribunal constitutionnel a statué le 12 mars 2004 que l’article 25/1 de la loi syndicale n’était pas incompatible avec l’article 12 de la Constitution de la Pologne.
- 693. L’organisation plaignante ajoute que, en fait, le Tribunal constitutionnel a estimé qu’en soulevant uniquement la question de la compatibilité de l’article 25/1 avec l’article 12 de la Constitution NSZZ Solidarnosc n’a pas choisi le bon article de la Constitution dans sa plainte. L’article 12 est une règle générale qui n’accorde aucun droit collectif ou individuel et ne saurait se substituer à d’autres articles plus détaillés de la Constitution. Selon l’organisation plaignante, le Tribunal constitutionnel a souligné que NSZZ Solidarnosc a omis d’invoquer les articles 59 (concernant la liberté de s’associer en syndicats en tant que droit des personnes et des citoyens) et 31 (concernant l’admissibilité de limitations aux libertés et droits constitutionnels) de la Constitution, et qu’en raison de cette omission il n’a pas pu répondre à la question de savoir si l’article 25/1 de la loi sur les syndicats était compatible avec ces deux articles.
- 694. L’organisation plaignante indique également que le Tribunal constitutionnel a déclaré que la plainte de NSZZ Solidarnosc soulevait aussi la question de la compatibilité de l’article 25/1 avec les conventions de l’OIT, et que ce problème ne pouvait être résolu que par le Comité de la liberté syndicale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 695. Dans sa communication en date du 25 octobre 2004, le gouvernement indique que les allégations de l’organisation plaignante sont dénuées de fondement et ne constituent pas une violation des conventions nos 87 et 98.
- 696. Le gouvernement indique que le principe de la liberté syndicale pour la création et le fonctionnement des syndicats en Pologne est inscrit dans la Constitution de la Pologne (article 12) et que ce principe est conforme aux normes énoncées dans les conventions nos 87 et 98.
- 697. Le gouvernement indique que la question de la conformité de l’article 25/1 de la loi sur les syndicats avec la Constitution de la Pologne a été examinée par le Tribunal constitutionnel qui a statué, le 24 février 2004, que les dispositions de cet article n’étaient pas incompatibles avec la Constitution.
- 698. Le gouvernement fait valoir que le fondement principal du jugement du Tribunal constitutionnel était le suivant: le Tribunal constitutionnel a déclaré que le principe général contenu dans l’article 12 de la Constitution est spécifié dans les dispositions de l’article 59 de la Constitution qui dispose que la liberté de s’associer en syndicats et en organisations d’employeurs ne pourra faire l’objet de restrictions statutaires que si ces restrictions ne violent pas les accords internationaux auxquels la République de Pologne est partie. Selon la décision du Tribunal constitutionnel, subordonner les droits des syndicats d’établissement au nombre de leurs membres ne constitue pas en soi une limitation de leur droit fondamental à la liberté syndicale.
- 699. Le gouvernement explique en outre que les dispositions de l’article 25/1 de la loi sur les syndicats prennent en compte la protection des droits et de la liberté d’association des employeurs découlant de l’article 20 de la Constitution qui dispose que l’économie sociale de marché fondée sur la liberté de l’activité économique, sur la propriété privée et la solidarité, le dialogue et la coopération entre les partenaires sociaux, constitue le fondement du système économique de la République de Pologne. Selon le gouvernement, l’absence d’une seule de ces conditions aboutirait en pratique à entraver la liberté d’activité économique, ce qui serait incompatible avec le rôle d’un syndicat.
- 700. Le gouvernement indique en revanche qu’il a remarqué que l’article 34 de la loi sur les syndicats lu de pair avec l’article 25/1 pouvait donner lieu à des incertitudes. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a proposé un amendement à la loi sur les syndicats, qui a été adopté par le Parlement le 8 octobre 2004 et envoyé le même jour au Président pour signature. L’amendement doit entrer en vigueur en novembre 2004. Selon la loi modifiée, le processus de détermination du nombre de membres d’une organisation syndicale multi-établissements tiendra compte du nombre total de membres employés dans l’ensemble des établissements couverts par le syndicat en question. Le gouvernement précise que cet amendement accorde une meilleure protection aux membres des syndicats multi-établissements regroupés dans les petites et moyennes entreprises.
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- Note [1] : L’article 12 de la Constitution stipule que: «la République de Pologne garantit la liberté de création et de fonctionnement des syndicats».
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 701. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98 en imposant, par l’adoption de l’article 25/1 de la loi sur les syndicats, qu’une organisation soit constituée d’au moins dix travailleurs pour pouvoir exercer les droits reconnus aux syndicats d’établissement, ce qui fournit aux employeurs l’opportunité d’éliminer certaines organisations syndicales en réorganisant tout simplement leurs entreprises de manière à créer des divisions réduites.
- 702. Le comité comprend, en particulier à la lumière de la réponse fournie à l’organisation plaignante par le «Bureau de recherche de la Chancellerie du Parlement de la République de Pologne» le 23 mai 2003, que l’exigence concernant les effectifs minimums s’applique à la reconnaissance de certains droits et non pas à la création des syndicats au niveau de l’entreprise; une organisation possédant moins de dix membres pourra être reconnue en tant que syndicat mais ne pourra pas exercer les droits reconnus par la loi sur les syndicats aux syndicats d’établissement. En outre, le comité note que, selon le gouvernement, un amendement à la loi sur les syndicats a été adopté par le Parlement le 8 octobre 2004, clarifiant l’article 25/1 afin que le processus de détermination du nombre de membres d’une organisation syndicale multi-établissements prenne en considération le nombre total de membres employés dans l’ensemble des établissements couverts par le syndicat en question. Le comité note donc que la présente plainte soulève la question de savoir si le minimum de dix membres requis pour qu’un syndicat puisse exercer les droits reconnus aux syndicats d’établissement en vertu de la loi sur les syndicats constitue une violation du droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, tel que protégé par l’article 2 de la convention no 87.
- 703. A cet égard, le comité rappelle que le minimum de membres requis au niveau de l’entreprise n’est pas en soi incompatible avec la convention mais que le seuil devrait être fixé à un niveau raisonnable, de façon à ne pas entraver la constitution des organisations, ce chiffre pouvant varier selon les conditions particulières dans lesquelles la restriction a été imposée. [Voir 324e rapport du Comité de la liberté syndicale, cas no 2090, paragr. 198.]
- 704. Dans le présent cas, le comité considère que le minimum de dix membres requis pour exercer les droits reconnus aux syndicats d’établissement ne semble pas être excessif puisque, selon les explications du gouvernement sur l’amendement à la loi sur les syndicats adopté le 8 octobre 2004, les travailleurs d’une entreprise de moins de dix travailleurs peuvent constituer un syndicat multi-établissements avec d’autres travailleurs de diverses entreprises, et un tel syndicat sera considéré comme ayant répondu à l’exigence minimale de dix membres en prenant en compte le nombre total de membres employés dans l’ensemble des établissements couverts par le syndicat. Le comité peut donc conclure que le minimum de dix membres requis par l’article 25/1 de la loi sur les syndicats ne met pas en péril le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 705. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.