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Rapport intérimaire - Rapport No. 343, Novembre 2006

Cas no 2355 (Colombie) - Date de la plainte: 07-JUIN -04 - Clos

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  1. 428. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois lors de sa session de mai-juin 2005. [Voir 337e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 596 à 636.]
  2. 429. L’Union syndicale ouvrière de l’industrie du pétrole (USO) a présenté de nouvelles allégations dans des communications datées du 26 octobre et du 1er novembre 2005 et du 10 mai 2006. Par une communication en date du 1er mars 2006, la Fédération syndicale mondiale s’est associée à la présente plainte. Le Syndicat national des travailleurs des entreprises opératrices, contractantes et sous-traitantes de services et d’activités de l’industrie pétrolière et pétrochimique et autres entreprises apparentées (SINDISPETROL) a transmis ses allégations dans une communication datée du 14 février 2006.
  3. 430. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications en date du 14 septembre 2005 et des 4 mai et 4 octobre 2006.
  4. 431. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 432. Lors de l’examen antérieur du cas, le comité a formulé les recommandations suivantes: [voir 337e rapport, paragr. 636]:
  2. a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour apporter les modifications nécessaires à la législation (en particulier l’article 430, point h), du Code du travail), de telle manière qu’il soit possible de faire grève dans le secteur pétrolier, un service minimal négocié assurant le fonctionnement pouvant être prévu avec la participation des syndicats, des employeurs et des autorités publiques concernées. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure adoptée à cet égard.
  3. b) Rappelant que la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 451 du Code du travail en conformité avec ce principe.
  4. c) S’agissant du licenciement de 248 travailleurs après la déclaration d’illégalité de la grève au sein de l’entreprise ECOPETROL SA, le comité demande au gouvernement de veiller au respect des clauses de l’accord conclu le 26 mai 2004 pour mettre fin au conflit, en particulier en ce qui concerne l’engagement de l’entreprise de ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail engagées contre les travailleurs qui n’auraient pas été notifiées. De même, étant donné que les sanctions de licenciement appliquées aux travailleurs découlent d’une législation présentant des problèmes de conformité avec les principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, lorsque sera réexaminée la situation des travailleurs licenciés – après la réintégration en vertu de la sentence rendue par le tribunal arbitral volontaire –, il soit tenu compte des principes mentionnés dans le présent cas et que lesdits travailleurs ne soient pas sanctionnés pour le seul fait d’avoir participé à la grève.
  5. d) Le comité demande également au gouvernement et aux organisations plaignantes de l’informer de l’existence d’autres procédures judiciaires en cours à l’encontre des 11 autres dirigeants syndicaux (d’après le gouvernement, il n’y en avait que sept).
  6. e) S’agissant des allégations relatives aux procédures pénales qui auraient été engagées à l’encontre de sept dirigeants syndicaux de l’USO (dont le nom est mentionné dans la plainte) du fait qu’ils ont participé à la grève, le comité demande au gouvernement de lui communiquer des informations sur les faits précis et les accusations portées à leur encontre, sur l’état de la procédure les concernant et d’indiquer s’ils sont détenus. De même, le comité demande au gouvernement de l’informer sur l’état de la procédure engagée contre MM. Hermes Suárez et Edwin Palma (arrêtés, selon les plaignants, les 3 et 11 juin 2004, pour complot en vue de délit et terrorisme).
  7. B. Nouvelles allégations
  8. 433. Dans ses communications datées du 26 octobre et du 1er novembre 2005 et du 10 mai 2006, l’Union syndicale ouvrière (USO) rappelle que, pour mettre fin au conflit collectif opposant l’organisation syndicale et ECOPETROL SA, un accord a été conclu le 26 mai 2004 en vue de l’établissement d’un tribunal arbitral volontaire chargé d’examiner la situation des travailleurs licenciés. Ledit tribunal a rendu une sentence définitive en janvier 2005 ordonnant la réintégration de 106 travailleurs, l’indemnisation sans réintégration de 22 travailleurs, l’octroi d’une pension de retraite à 87 travailleurs et le licenciement de 33 autres.
  9. 434. Le 4 février 2005, l’entreprise a présenté une action en nullité du jugement arbitral alors que les parties étaient expressément convenues qu’il ne pourrait être fait appel de la décision rendue et qu’il serait mis fin aux procédures disciplinaires en matière de travail engagées contre les grévistes. Cependant, l’entreprise a indiqué dans un courrier que, selon elle, ledit jugement «implique uniquement le paiement de l’indemnisation et la réintégration à seule fin de respecter le droit à une procédure régulière en vue de déterminer si les circonstances justifient la résiliation par l’entreprise des contrats de travail (…), à savoir si les travailleurs ont participé à la suspension collective de travail déclarée illégale, à la suite de quoi l’employeur pourra persister dans sa décision de mettre fin à la relation de travail». Par cette déclaration, le président d’ECOPETROL indique clairement qu’il a l’intention de réintégrer lesdits travailleurs pour ensuite engager de nouvelles procédures disciplinaires contre eux et les licencier.
  10. 435. L’organisation syndicale ajoute que, bien qu’il existe un Code disciplinaire (loi no 734 de 2002) qui s’applique de manière contraignante à tous les employés du service public, dont les travailleurs de l’entreprise pétrolière colombienne, le président de l’entreprise a engagé une procédure disciplinaire infondée et contraire au droit pour licencier rapidement les travailleurs, en méconnaissance du droit à une procédure équitable. En l’espèce, alors que le tribunal a reconnu que le droit des travailleurs à une procédure équitable avait été enfreint, les salariés qui ont été licenciés sont de nouveau poursuivis pour les mêmes faits (participation à la grève), en dépit des clauses de l’accord du 26 mai, et risquent un nouveau licenciement, ce qui, pour l’organisation plaignante, constitue une aberration. Ce licenciement est assorti d’une sanction supplémentaire d’interdiction d’exercer dans le secteur public pendant dix ans, sanction qui signe leur arrêt de mort professionnel. La seconde et dernière instance que les travailleurs pourraient saisir pour que la décision les concernant soit révisée est précisément le président de l’entreprise, lequel a déjà décidé de leur sort.
  11. 436. L’USO ajoute que le 15 septembre 2005, en vertu du droit de recours, il s’est adressé au ministre de la Protection sociale, au ministre des Mines et de l’Energie et au Président de la République pour demander l’application des recommandations du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration.
  12. 437. Le 7 octobre 2005, dans un courrier adressé à l’USO, le ministre de la Protection sociale a indiqué que «les recommandations du Comité de la liberté syndicale concernant le cas no 2355 figurant dans le 337e rapport de juin 2005 sont intérimaires, comme précisé expressément par ledit rapport. Il s’ensuit que, conformément à l’arrêt T-979/04 de la Cour constitutionnelle: «les recommandations intérimaires du Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du Travail n’ont pas de caractère contraignant pour l’Etat colombien attendu qu’elles n’ont pas été approuvées par le Conseil d’administration, comme prévu par la Constitution de l’OIT (…). En vertu de ce qui précède, n’ayant pas de caractère contraignant, ces recommandations n’ont pas de force obligatoire pour l’Etat colombien.»
  13. 438. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement de la Colombie refuse d’appliquer les recommandations du Comité de la liberté syndicale au motif que celles-ci n’ont pas été approuvées par le Conseil d’administration alors qu’un représentant du gouvernement colombien était présent lors de la session de juin 2005 durant laquelle les recommandations du comité ont été révisées et approuvées sans aucun amendement.
  14. 439. Le gouvernement ajoute dans sa communication que les actes administratifs (en l’occurrence la déclaration d’illégalité de la grève, décision no 01116 du 22 avril 2004) sont soumis à un contrôle de légalité par l’instance de contentieux administratif qui a compétence pour déclarer la nullité d’un acte administratif si elle considère que l’acte visé n’est pas conforme aux normes légales et constitutionnelles colombiennes.
  15. 440. En ce qui concerne l’exception d’inconstitutionnalité, le gouvernement indique, dans la communication adressée à l’organisation syndicale, que cette exception ne s’applique pas en l’espèce étant donné que la décision no 01116 du 22 avril 2004, qui est conforme à la législation en vigueur et à la Constitution colombienne, est fondée sur l’article 430, point h), du Code du travail qui a été déclaré exécutoire dans l’arrêt C-450 du 4 octobre 1995 de la Cour par lequel cette instance a reconnu que les activités d’exploitation, de raffinage et de transport du pétrole constituent un service public essentiel.
  16. 441. En conséquence, l’organisation plaignante allègue que, conformément au jugement du tribunal arbitral, ECOPETROL SA a procédé à la réintégration des 104 travailleurs et travailleuses licenciés, mais qu’elle a engagé des procédures disciplinaires contre ces mêmes personnes en vue de les licencier à nouveau du fait de leur participation à la grève. A ce jour, l’entreprise a licencié 11 travailleurs et leur a infligé une sanction supplémentaire d’interdiction d’exercer dans le secteur public pendant une durée comprise entre dix et quinze ans. Cette sanction porte non seulement gravement atteinte aux conditions individuelles de travail des travailleuses et des travailleurs mais porte également un coup dur à la structure de l’organisation syndicale, car ces actes ouvertement antisyndicaux sont exercés en représailles de l’exercice légitime du droit fondamental de grève.
  17. 442. L’organisation craint le licenciement imminent des 104 travailleurs réintégrés, en particulier en raison du fait que la décision en la matière revient à nouveau, en dernier ressort, au président de l’entreprise publique.
  18. 443. Par ailleurs, l’organisation syndicale indique que, le 1er décembre 2005, elle a présenté un cahier de revendications afin d’entamer des négociations sur les conditions d’emploi. L’entreprise a pris acte du cahier des revendications du syndicat et a contacté celui-ci pour lui remettre son cahier de contre-revendications. Cependant, le 9 décembre 2005, ECOPETROL SA a notifié par écrit au syndicat son refus de discuter ledit cahier de revendications sur la base d’une interprétation élargie de la loi et en méconnaissance de la convention collective établie par les parties en vue de la présentation du cahier de revendications, ce qui constitue une violation du droit fondamental de négociation collective.
  19. 444. Dans sa communication datée du 14 février 2006, le Syndicat national des travailleurs des entreprises opératrices, contractantes et sous-traitantes de services et d’activités de l’industrie pétrolière et pétrochimique et autres entreprises apparentées (SINDISPETROL) indique que, en vertu des dispositions de l’article 34 du décret no 1469 de 1978, il a été demandé aux autorités administratives du travail colombiennes d’aviser immédiatement le Procureur général de la section de Barrancabermeja afin d’engager des poursuites pénales contre les personnes représentant ou agissant à titre d’agents des entreprises employeurs qui ont soutenu et commis les actes attentatoires à la liberté du travail et au droit d’association syndicale incriminés, que les sanctions ou les amendes prévues par la législation soient imposées aux contrevenants et qu’il soit ordonné aux employeurs de réintégrer sans délai à leurs emplois et postes respectifs les fondateurs ou membres du syndicat SINDISPETROL. Le syndicat rappelle que, le 8 décembre 2005, les membres fondateurs du syndicat de l’entreprise ECOPETROL SA et de plusieurs de ses entreprises contractantes jouissant du privilège de l’immunité syndicale ont été licenciés alors que l’entreprise a été informée le 6 décembre 2005 par le syndicat SINDISPETROL de la qualité de membres fondateurs des personnes licenciées et que, le même jour, le 6 décembre 2005, l’acte de fondation du syndicat a été inscrit et déposé auprès de la Direction territoriale spéciale de Barrancabermeja du ministère de la Protection sociale.
  20. 445. En effet, le syndicat SINDISPETROL a été créé le 3 décembre 2005, en tant que syndicat de premier degré et de branche, lors d’une assemblée convoquée à cet effet, au cours de laquelle ses statuts ont été approuvés et son comité directeur central élu. Le 6 décembre, l’acte de fondation de SINDISPETROL a été déposé auprès de la Direction territoriale du travail du bureau spécial du ministère de la Protection sociale aux fins de l’inscription du syndicat au registre syndical, et les noms des membres du comité directeur et des membres fondateurs du syndicat ont été communiqués à l’entreprise.
  21. 446. Le 8 décembre 2005, l’entreprise ECOPETROL SA et ses entreprises contractantes ont ordonné le licenciement des fondateurs de SINDISPETROL après avoir exercé des pressions sur certains travailleurs pour qu’ils renoncent à leur affiliation.
  22. 447. L’organisation syndicale affirme parallèlement que des pressions ont été exercées par l’USO sur des dirigeants et des membres du syndicat pour qu’ils cessent d’y appartenir ou n’y adhèrent pas. L’organisation affirme également que des dirigeants et membres du syndicat ont été calomniés.
  23. 448. SINDISPETROL ajoute que, en raison des pressions, des menaces et de l’ingérence de l’entreprise et de l’USO, le 3 décembre 2005, deux membres du comité directeur du syndicat SINDISPETROL ont renoncé à leur mandat syndical, non pas devant les autres membres du comité directeur, comme l’exige la loi, mais devant l’employeur ECOPETROL SA. L’autorité administrative du travail a émis la directive no 0001, le 23 décembre 2005, après réception de l’acte de fondation de SINDISPETROL et de tous les documents requis par la loi, tels que les statuts du syndicat, le nom des membres fondateurs du comité directeur élus et leurs pièces d’identité aux fins de l’inscription de l’organisation au registre syndical. L’entreprise a interjeté appel en invoquant la démission de membres du comité directeur.
  24. 449. L’organisation syndicale affirme également que l’entreprise a refusé de négocier collectivement bien que toutes les organisations syndicales présentes dans l’entreprise aient opté pour la convention collective et qu’un cahier de revendications ait été présenté en décembre 2005. Face au refus d’ECOPETROL SA de négocier le cahier de revendications, chaque syndicat de l’entreprise a engagé une procédure administrative.
  25. C. Réponse du gouvernement
  26. 450. Par des communications datées du 14 septembre 2005 et des 4 mai et 4 octobre 2006, le gouvernement a transmis les observations suivantes.
  27. 451. S’agissant de l’alinéa a) des recommandations du comité, le gouvernement considère qu’il importe de souligner qu’en vertu de la jurisprudence colombienne les activités d’exploitation, de raffinage et de transport du pétrole et de ses produits dérivés constituent un service public essentiel d’intérêt général, attendu que les droits des citoyens doivent être protégés, en particulier ceux des utilisateurs de services publics essentiels pouvant être affectés par l’interruption de ces services. L’Etat est tenu de garantir la continuité de la prestation des services publics essentiels et d’éviter les conséquences graves que leur interruption pourrait avoir sur les droits des citoyens, droits qui sont considérés comme fondamentaux. En outre, le gouvernement considère que la définition des services essentiels adoptée par les organes de contrôle de l’OIT ne tient pas compte de l’esprit de la Constitution de l’OIT dont l’article 19.3 dispose qu’il convient de tenir compte, en matière de conditions de l’industrie, des «conditions propres aux pays». Le gouvernement considère qu’il devrait être tenu compte du fait que ECOPETROL SA est l’unique entreprise colombienne chargée de raffiner le pétrole et que sa paralysie mettrait en danger la sécurité et la santé de la population en raison des conséquences qui pourraient découler d’une privation du pays de combustibles. Par ailleurs, selon le gouvernement, les organes de contrôle n’ont pas précisé la portée du terme «sécurité» figurant dans la définition des services essentiels. Le gouvernement considère qu’il n’existe aucune raison valable de ne pas inclure dans ce concept la situation dans laquelle se trouveraient tous ceux qui seraient privés des moyens de locomotion et de subsistance que le pétrole permet d’assurer dans tous les pays du monde si une grève paralysait cette industrie.
  28. 452. S’agissant de l’alinéa b), le gouvernement estime, à l’instar du comité, qu’il est important de veiller à l’impartialité et à l’indépendance de l’organe chargé de déclarer une grève illégale et que cela est fondamental pour l’exercice de la liberté syndicale. Le gouvernement observe toutefois que les conventions nos 87 et 98 ne stipulent pas que la détermination de la légalité d’une cessation d’activités ne relève pas de la compétence de l’instance gouvernementale appropriée. Le gouvernement estime que, s’il est tenu de répondre de l’application des conventions, nul ne peut prétendre qu’il n’est pas habilité à décider de la légalité ou de l’illégalité d’une grève. En outre, il convient de souligner que les décisions ministérielles peuvent faire l’objet d’un appel devant la juridiction de contentieux administratif, qui a compétence pour déterminer la légalité des décisions administratives.
  29. 453. Pour ce qui est de l’alinéa c) des recommandations du comité, qui porte sur le respect des clauses de l’accord conclu le 26 mai 2004, le gouvernement indique que, selon l’entreprise ECOPETROL SA, les engagements pris aux termes de l’accord ont été pleinement respectés, y compris l’engagement de l’entreprise de ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail engagées contre les travailleurs qui n’auraient pas été notifiées à la date de la signature dudit accord. Plus encore, afin de trouver une solution au conflit du travail, l’entreprise a décidé de suspendre les procédures administratives conventionnelles qui avaient été engagées, raison pour laquelle il n’a pas été mis fin aux contrats individuels de travail de ceux qui n’ont pas été notifiés à la date de la signature de l’accord. L’entreprise ne s’est pas engagée dans des procédures disciplinaires, car il est question d’employés publics qui doivent respecter les règlements et la Constitution. L’Etat exerce un pouvoir disciplinaire qui se manifeste sur les employés publics. Dans cet ordre d’idées, les travailleurs de l’Etat liés par un contrat de travail se trouvent en position de subordination par rapport à l’Etat. Ces travailleurs sont les destinataires d’un régime disciplinaire imposé par l’Etat de manière unilatérale qui ne tient pas compte de l’affiliation syndicale du travailleur et tient compte uniquement de sa qualité d’employé public, comme cela est démontré dans le présent cas.
  30. 454. Le gouvernement indique parallèlement que, du point de vue de l’entreprise ECOPETROL SA, la deuxième partie de l’alinéa c) des recommandations du comité, qui porte sur les sanctions éventuelles exercées contre les travailleurs après leur réintégration, pourrait être en contradiction avec les normes colombiennes constitutionnelles et légales, et notamment avec les articles 6 et 123 de la Constitution et la loi no 734 de 2002 dont la méconnaissance entraînerait pour les services publics chargés d’exercer le pouvoir disciplinaire de l’Etat au sein d’ECOPETROL SA l’omission des obligations et responsabilités de l’Etat, avec les conséquences juridiques que cela impliquerait. Le gouvernement souligne qu’ECOPETROL SA ne peut méconnaître les normes et les décisions juridictionnelles applicables qui ont servi de fondement non seulement au licenciement desdits travailleurs mais aussi à l’exécution de la décision du tribunal arbitral ad hoc. En effet, l’activité exercée par ECOPETROL SA est considérée, en vertu de la législation et de la jurisprudence nationales, comme un service public essentiel, conformément à l’arrêt C-450 de 1995 de la Cour constitutionnelle, raison pour laquelle la grève est interdite dans cette industrie.
  31. 455. Selon le gouvernement, et d’après ce qu’a indiqué ECOPETROL SA, les procédures engagées par l’entreprise sont pleinement conformes à la législation interne et aux principes établis en la matière par les hautes juridictions colombiennes.
  32. 456. Selon le gouvernement, deux obligations lui incombent en vertu de l’accord conclu le 26 mai 2006:
  33. - constitution d’un tribunal arbitral volontaire chargé de rendre une décision en droit conformément à la législation en vigueur (notamment toutes les dispositions de celle-ci relatives au fond et à la procédure) après avoir examiné les réclamations formulées par les travailleurs licenciés;
  34. - cessation des citations à décharge et cessation de la résiliation de contrats de travail pour un juste motif en raison des faits survenus le 22 avril 2004 et engagement à ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail qui auraient été engagées et qui, à la date de la signature du présent accord, n’auraient pas été notifiées.
  35. 457. En ce qui concerne la constitution d’un tribunal arbitral volontaire chargé de rendre une décision en droit, cette instance a été créée le 12 août 2004. Le tribunal a rendu son jugement le 21 janvier 2005, comme prévu aux termes dudit accord. Le tribunal a conclu que: 1) les travailleurs officiels d’ECOPETROL SA sont considérés comme appartenant à la catégorie des «employés de service public» et sont, en tant que tels, assujettis au Code disciplinaire qui réglemente la conduite des fonctionnaires; 2) l’article 86 de la convention collective de travail en vigueur signée par ECOPETROL SA et l’organisation syndicale USO prévoit que l’entreprise doit notifier, personnellement et par écrit, chaque travailleur de son droit à être entendu à décharge, cette disposition pouvant être entendue comme équivalant matériellement à la notification de l’ouverture de l’enquête dont il est question à l’article 101 du Code disciplinaire; 3) les travailleurs disposant d’un contrat de travail à durée indéterminée qui ont été notifiés par écrit (personnellement ou par personne interposée) de la citation à décharge et qui n’ont pas confirmé leur participation à la cessation illégale d’activités ou qui ont revendiqué l’application des dispositions du Code disciplinaire et ceux qui n’ont pas été notifiés de la citation à décharge, ou s’il a été impossible de le faire, devraient être réintégrés à leurs postes de travail et assujettis au Code disciplinaire.
  36. 458. Le gouvernement souligne que le tribunal arbitral a ordonné la réintégration d’un certain nombre de travailleurs en application du Code disciplinaire ainsi que le respect du droit à une procédure régulière. Etant donné que la réintégration a été effectuée, il est évident qu’il reste à appliquer la seconde partie de la décision en droit, à savoir «appliquer le Code disciplinaire et respecter le droit à une procédure régulière», ce qui, du point de vue du gouvernement, ne viole pas le principe de «l’autorité de chose jugée» (non bis in idem), étant donné que cela reviendrait à indiquer que le tribunal a ordonné l’application d’une double peine pour le même fait.
  37. 459. En ce qui concerne le respect de l’accord concernant la cessation des citations à décharge et la cessation de la résiliation des contrats de travail pour un juste motif en raison des faits survenus le 22 avril 2004 et l’engagement à ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail qui auraient été engagées et qui, à la date de la signature de l’accord, n’auraient pas été notifiées, le gouvernement indique que les clauses dudit accord ont été dûment respectées, comme stipulé dans le rapport ECP du 17 septembre 2004 du président de l’entreprise ECOPETROL SA, enregistré le 23 septembre 2004 au ministère sous le no 17723. En ce sens, l’entreprise a effectivement respecté la sentence du tribunal arbitral obligatoire.
  38. 460. Pour ce qui est de la deuxième partie de la recommandation du comité figurant à l’alinéa c) relative à l’adoption de mesures pour que, après la réintégration des travailleurs, lorsque sera réexaminée la situation des travailleurs licenciés, lesdits travailleurs ne soient pas sanctionnés pour le seul fait d’avoir participé à la grève, le gouvernement indique que, étant donné que l’article 450 du Code du travail permet à un employeur de licencier les travailleurs ayant participé à une cessation d’activités déclarée illégale, l’employeur peut mettre fin à leur contrat de travail sans qu’il en résulte une violation de la loi. Cette décision ne peut être abrogée que si le Conseil d’Etat déclare la nullité de la décision par laquelle le ministère de la Protection sociale a déclaré illégale la cessation d’activités, attendu que, conformément à l’article 62 du Code de contentieux administratif, les actes administratifs jouissent d’une présomption de légalité.
  39. 461. Pour ce qui est de l’alinéa d) relatif au licenciement présumé de 11 autres dirigeants syndicaux au début du conflit en novembre 2002, le gouvernement indique que, le 29 novembre 2002, le contrat de travail de 11 travailleurs de l’entreprise au sein de la gérance de la raffinerie de Cartagena a été résilié unilatéralement et pour un juste motif à l’issue de la procédure conventionnelle établie à cet effet. Sept seulement d’entre eux étaient membres du comité directeur de la sous-direction de l’organisation syndicale USO dans cette ville, et non la totalité, comme il est indiqué à tort dans la recommandation du comité. Le gouvernement indique que les dirigeants syndicaux ont engagé des actions judiciaires dont: 1) trois se trouvent en instance; 2) dans un cas, l’autorité judiciaire a confirmé le licenciement prononcé en raison de la participation du travailleur à la cessation illégale d’activités (cas de M. Nelson Enrique Quijano); 3) dans un cas, le privilège de l’immunité syndicale a été prescrit; 4) dans un cas, le travailleur a accepté l’octroi d’une pension de retraite; 5) dans un cas, compte tenu de l’impossibilité de prouver la participation du travailleur à la cessation illégale d’activités, sa réintégration a été ordonnée et la mesure exécutée.
  40. 462. S’agissant de la recommandation du comité figurant à l’alinéa e) concernant les procédures pénales qui auraient été engagées à l’encontre de sept dirigeants syndicaux de l’USO du fait qu’ils ont participé à la grève et la demande faite par le comité au gouvernement de lui communiquer des informations sur les faits précis et les accusations portées à leur encontre sur l’état de la procédure les concernant et d’indiquer s’ils sont détenus, le gouvernement indique que le système pénal colombien ne qualifie pas en tant que délits la protestation syndicale ou la participation à une grève. Le gouvernement précise également que M. Hermes Suárez n’est apparemment pas un salarié de l’entreprise et qu’il n’existe qu’un rapport du Procureur général adressé à la gérance générale de la raffinerie de Barrancabermeja concernant la détention de M. Jamer Suárez Sierra, actuellement emprisonné dans cette ville. Le Procureur général a également transmis des informations concernant la détention de M. Edwin Palma. S’agissant de l’état de la procédure concernant MM. Suárez et Palma, le gouvernement indique qu’il a demandé un supplément d’informations au Procureur général qui sera communiqué au comité dès sa réception.
  41. 463. En ce qui concerne les nouvelles allégations présentées par l’USO concernant le droit de recours formé auprès du Président de la République, du ministre des Mines et de l’Energie et du ministre de la Protection sociale, le gouvernement réitère les arguments mentionnés ci-dessus concernant le caractère essentiel des activités menées par l’entreprise ECOPETROL SA.
  42. 464. S’agissant de l’application du Code disciplinaire, le gouvernement indique que, en vertu de celui-ci et conformément aux articles 6 et 123 de la Constitution, l’autorité administrative chargée d’exercer le pouvoir disciplinaire en vertu de la loi déterminera si des fautes disciplinaires éventuelles peuvent être retenues contre les employés de service public, conformément aux normes consacrées par ledit statut. Le gouvernement considère que l’exercice du pouvoir disciplinaire n’entre pas dans le champ d’action de la convention no 87 et que cet exercice ne doit pas être considéré comme un acte de discrimination antisyndicale du moment que les personnes assujetties au Code disciplinaire jouissent des garanties du droit à une procédure régulière, comme cela a été le cas en l’espèce.
  43. 465. En ce qui concerne la réponse du ministère de la Protection sociale à la demande exercée en vertu du droit de recours, le gouvernement précise qu’une fois exercé par la Cour constitutionnelle le pouvoir de décider de la constitutionnalité d’une loi les fonctionnaires sont habilités à refuser d’appliquer la décision rendue par la Cour. Attendu que la décision no 01116 du 22 avril 2004, qui est fondée sur l’article 430, point h), du Code du travail, a été déclarée exécutoire par la Cour constitutionnelle dans son arrêt C-450 du 4 octobre 1995, comme expliqué ci-dessus, il s’ensuit que le ministère ne peut se soustraire au respect dudit article en abrogeant la décision en question, comme l’a prétendu l’organisation syndicale. Le gouvernement rejette la demande d’application de l’exception d’inconstitutionnalité de la décision no 01116 qui a déclaré l’illégalité de la grève en raison du fait que cette décision a un fondement légal et constitutionnel.
  44. 466. Finalement, le gouvernement informe que, grâce aux efforts et à la large participation du ministère de la Protection sociale par l’entremise du vice-ministre des Relations de travail et de l’Unité d’inspection, de vigilance et de contrôle, le 10 juillet 2006, l’USO et ECOPETROL ont conclu une convention collective après dix-neuf jours de négociations. La validité de la nouvelle convention est de trois (3) ans, comptés à partir du 19 juin 2006 jusqu’au 8 juin 2009.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 467. Le comité prend note des nouvelles allégations présentées par l’Union syndicale ouvrière (USO) et le Syndicat national des travailleurs des entreprises opératrices, contractantes et sous-traitantes de services et d’activités de l’industrie pétrolière, pétrochimique et autres entreprises apparentées. Le comité prend note également des observations du gouvernement relatives aux recommandations formulées par le comité lors de l’examen antérieur de ce cas et, en partie, des nouvelles allégations présentées par les organisations syndicales.
  2. 468. En ce qui concerne l’alinéa a) des recommandations du comité par lequel ce dernier demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour apporter les modifications nécessaires à la législation (en particulier l’article 430, point h) du Code du travail), de manière qu’il soit possible de faire grève dans le secteur pétrolier, un service minimal négocié assurant le fonctionnement pouvant être prévu avec la participation des syndicats, des employeurs et des autorités publiques concernées, le comité prend note de l’information transmise par le gouvernement selon laquelle, en vertu de la jurisprudence nationale, les activités d’exploitation, de raffinage et de transport du pétrole et de ses produits dérivés sont un service public essentiel considéré comme étant d’intérêt général. Le comité note également que le gouvernement considère que le fait d’exclure le secteur pétrolier des services considérés comme essentiels revient à ne pas tenir compte «des conditions propres des pays» prévues à l’article 19 de la Constitution de l’OIT alors que la paralysie d’ ECOPETROL SA, qui est la seule entreprise du pays chargée du raffinage du pétrole, mettrait en danger la sécurité et la santé des personnes en raison des conséquences qui pourraient découler d’une privation du pays de combustibles. Le comité note que, selon le gouvernement, le concept de «sécurité» inclus dans la définition des services essentiels vise également la situation dans laquelle se trouverait la population si celle-ci était privée des moyens de locomotion et de subsistance que le pétrole permet d’assurer dans tous les pays du monde si une grève était déclarée dans cette industrie.
  3. 469. A cet égard, le comité rappelle que, conformément aux principes qu’il a déjà énoncés à de nombreuses occasions, une grève ne peut être interdite que dans les cas où il existe «une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population», c’est-à-dire dans les services considérés comme essentiels au sens strict du terme. Parallèlement, le comité a considéré, à maintes reprises, que le secteur pétrolier ne réunit pas les conditions nécessaires pour être considéré comme un service essentiel au sens strict du terme. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 540 et 544.] Mais, compte tenu du fait qu’il s’agit d’un secteur stratégique qui revêt une importance fondamentale pour le développement économique du pays, rien n’empêche d’imposer un service minimal dans ce secteur. A cet égard, le comité rappelle que «le maintien de services minima en cas de grève ne devrait être possible que: 1) dans les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l’ensemble de la population (services essentiels au sens strict du terme); 2) dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme mais où les grèves d’une certaine ampleur et durée pourraient provoquer une crise nationale aiguë menaçant les conditions normales d’existence de la population; et 3) dans les services publics d’importance primordiale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 556.] Le comité estime que le secteur pétrolier pourrait relever d’un de ces deux cas de figure. Dans ces conditions, le comité demande une fois encore au gouvernement de prendre des mesures pour apporter les modifications nécessaires à la législation (en particulier à l’article 430, point h), du Code du travail) de telle manière qu’il soit possible de faire grève dans le secteur pétrolier, un service minimal négocié assurant le fonctionnement pouvant être prévu avec la participation des syndicats des employeurs et des autorités publiques concernées. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure adoptée à cet égard.
  4. 470. Pour ce qui est de la recommandation figurant au paragraphe 636, alinéa b), par laquelle le comité a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 451 du Code du travail en tenant compte du fait que la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties jouissant de leur confiance, le comité prend note de ce que, selon le gouvernement, les conventions nos 87 et 98 ne stipulent pas que la détermination de la légalité d’une cessation d’activités ne relève pas de la compétence de l’instance gouvernementale appropriée. Le comité note également que le gouvernement estime que, s’il est tenu de répondre de l’application des conventions, nul ne peut prétendre qu’il n’est pas habilité à décider de la légalité ou de l’illégalité d’une grève. En outre, le gouvernement souligne que les décisions ministérielles peuvent faire l’objet d’un appel devant la juridiction de contentieux administratif, qui a compétence pour déterminer la légalité des décisions administratives.
  5. 471. A cet égard, le comité rappelle, comme il l’a déjà fait en d’autres occasions, que la décision de déclarer une grève ou une cessation d’activités illégales ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance, notamment dans les cas où le gouvernement est partie au conflit [voir Recueil, op. cit., paragr. 522 et 523], l’autorité judiciaire étant l’autorité indépendante par excellence. Le comité rappelle en ce sens que l’article 451 du Code du travail n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. Dans ces circonstances, le comité demande une fois encore au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier cet article afin que la décision de déclarer la grève ou la cessation d’activités illégales appartienne à un organe indépendant des parties jouissant de leur confiance. S’agissant de la référence faite par le gouvernement à la possibilité de faire appel des décisions du gouvernement déclarant les grèves illégales, le comité suggère au gouvernement d’envisager la possibilité que cette même autorité administrative saisisse un organe indépendant, tel que l’autorité judiciaire, chaque fois qu’elle estime qu’une grève est illégale.
  6. 472. S’agissant de l’alinéa c) des recommandations relatif au licenciement de 248 travailleurs prononcé à la suite de la déclaration d’illégalité de la grève au sein de l’entreprise ECOPETROL SA, le comité rappelle qu’il avait demandé au gouvernement de: 1) veiller au respect des clauses de l’accord conclu le 26 mai 2004 pour mettre fin au conflit, en particulier en ce qui concerne l’engagement de l’entreprise de ne pas donner suite aux actions administratives en matière de travail engagées contre les travailleurs qui n’auraient pas été notifiées; et 2) prendre les mesures nécessaires pour que, lorsque sera réexaminée la situation des travailleurs licenciés – après la réintégration en vertu de la sentence rendue par le tribunal arbitral volontaire –, il soit tenu compte du fait que les sanctions de licenciement appliquées aux travailleurs découlent d’une législation présentant des problèmes de conformité avec les principes de la liberté syndicale, et que lesdits travailleurs ne soient pas sanctionnés pour le seul fait d’avoir participé à la grève.
  7. 473. Le comité prend note de ce que, dans ses nouvelles allégations, l’USO indique que: 1) l’entreprise considère que la sentence du tribunal arbitral volontaire ordonne la réintégration des travailleurs mais que ladite entreprise a l’intention d’engager de nouvelles procédures disciplinaires à leur encontre et, s’il est démontré qu’ils ont participé à la suspension collective de travail considérée illégale, qu’elle pourra les licencier à nouveau; 2) le 15 septembre, exerçant son droit de recours, l’organisation syndicale a demandé au ministre de la Protection sociale et au ministre des Mines et de l’Energie d’appliquer les recommandations du Comité de la liberté syndicale; 3) le 7 octobre 2005, le gouvernement a rejeté cette demande au motif que: a) les recommandations du comité sont « intérimaires» et n’ont pas été approuvées par le Conseil d’administration du Bureau international du Travail; b) la décision no 01116 du 22 avril 2004 qui a déclaré l’illégalité de la grève peut être abrogée par l’autorité judiciaire mais ne peut pas faire l’objet d’un recours en inconstitutionnalité car ladite décision se fonde sur une disposition législative dont la constitutionnalité a déjà été établie par l’autorité judiciaire.
  8. 474. Le comité prend note que, selon l’organisation plaignante, une fois rendue la sentence du tribunal arbitral volontaire, l’entreprise a réintégré 104 travailleurs mais a engagé des procédures disciplinaires contre la totalité d’entre eux en vue de les licencier à nouveau du fait de leur participation à la grève. De fait, le comité relève que 11 travailleurs ont déjà été licenciés et que l’organisation syndicale craint le licenciement imminent des autres travailleurs.
  9. 475. Le comité note que le gouvernement indique, pour sa part, que les obligations découlant de l’accord conclu le 26 mai 2006 ont été pleinement respectées et que les clauses de cet accord étaient: 1) la cessation des citations à décharge, la cessation de la résiliation des contrats de travail pour juste motif en raison des faits survenus le 22 avril 2004 et l’engagement à ne pas donner suite aux actions administratives engagées (éléments consignés par le président d’ECOPETROL SA dans le rapport ECP du 17 septembre 2004, enregistré au ministère le 23 septembre 2004 sous le no 17723); et 2) la constitution d’un tribunal arbitral volontaire qui, dans sa sentence du 21 janvier 2005, a ordonné la réintégration de 104 travailleurs en vertu du Code disciplinaire.
  10. 476. Le comité note que, selon le gouvernement, conformément au Code disciplinaire et à l’article 450 du Code du travail, un employeur est habilité à licencier toute personne ayant participé à une cessation d’activités déclarée illégale. Une telle décision n’est susceptible d’être modifiée, selon le gouvernement, que si le Conseil d’Etat déclare la nullité de la décision du ministère de la Protection sociale qui a déclaré l’illégalité de la grève.
  11. 477. Le comité rappelle cependant, comme il l’a fait lors de l’examen antérieur de ce cas et comme indiqué dans plusieurs paragraphes ci-dessus, que le licenciement a été prononcé sur la base d’une législation qui pose des problèmes de conformité avec les principes de la liberté syndicale, et ce pour deux motifs: 1) parce que la grève déclarée illégale ne s’est pas produite dans un service essentiel, comme le prétend le gouvernement, et 2) parce que la déclaration d’illégalité de la grève n’a pas été prononcée par un organe indépendant des parties. A cet égard, le comité regrette de constater que les travailleurs réintégrés font l’objet d’une nouvelle mesure de licenciement pour les mêmes motifs, au titre de l’application du Code disciplinaire et de l’article 450 du Code du travail, comme cela a été le cas pour 11 travailleurs qui ont en outre été frappés d’une interdiction d’exercer dans le secteur public pendant une durée comprise entre dix et quinze ans. Le comité estime que cette sanction constitue une nouvelle violation des principes de la liberté syndicale et rappelle que la pratique consistant à établir des listes noires de dirigeants et militants syndicaux met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux et, d’une manière générale, les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l’égard de telles pratiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 709.] En outre, le comité a estimé à maintes reprises que «le recours à des mesures extrêmement graves comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève et le refus de les réembaucher impliquent de graves risques d’abus et constituent une violation de la liberté syndicale». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 597.] Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient annulés le licenciement des 104 travailleurs réintégrés à leurs postes de travail au sein de l’entreprise ECOPETROL SA, conformément à la décision du tribunal arbitral volontaire, du fait qu’ils ont participé à la grève, le 22 avril 2004, ainsi que les 11 licenciements déjà prononcés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  12. 478. S’agissant du refus du gouvernement de faire droit à la demande de l’USO concernant l’application des recommandations du comité au motif que celles-ci sont de nature intérimaire et n’ont pas été approuvées par le Conseil d’administration du BIT, le comité se voit dans l’obligation de préciser, en premier lieu, que, si certains cas font l’objet d’un rapport intérimaire, c’est parce que le comité demande au gouvernement ou aux plaignants de lui communiquer davantage d’informations concernant plusieurs aspects du cas à l’examen en vue de lui permettre de se prononcer quant au fond sur lesdits aspects. Il se peut cependant que d’autres points du même cas ne nécessitent pas de renseignements supplémentaires, auquel cas le comité se prononce quant au fond sur les points en question. Ces recommandations peuvent alors être appliquées par le gouvernement. En second lieu, le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait que le 337e rapport du Comité de la liberté syndicale, qui contient des conclusions tant intérimaires que définitives, a été approuvé par le Conseil d’administration à sa 293e session, en juin 2005.
  13. 479. Pour ce qui est de l’alinéa d) des recommandations par lequel le comité a demandé au gouvernement et aux organisations plaignantes de l’informer de l’existence d’autres procédures judiciaires en cours à l’encontre des 11 autres dirigeants syndicaux (d’après le gouvernement il n’y en avait que sept) en 2002 au début du conflit collectif, le comité prend note de ce que, selon le gouvernement, il a été mis fin le 29 novembre 2002 aux contrats de travail de 11 salariés de l’entreprise, dont sept seulement étaient des dirigeants syndicaux. Le comité prend note de l’information transmise par le gouvernement selon laquelle les dirigeants syndicaux ont engagé des procédures judiciaires, dont trois sont toujours en instance. Dans un cas, la réintégration a été ordonnée, dans un autre, l’immunité syndicale a été prescrite, un travailleur a accepté de recevoir une pension de retraite et, dans le dernier cas, le licenciement du travailleur (M. Nelson Enrique Quijano) a été confirmé en raison de sa participation à la cessation illégale d’activités. Le comité observe que, dans ce dernier cas, le licenciement se fonde sur la déclaration d’illégalité de la cessation d’activités. Le comité rappelle les principes énoncés dans les paragraphes ci-dessus concernant la grève et la cessation illégale d’activités et, en ce sens, demande au gouvernement d’assurer la réintégration immédiate de M. Quijano et, dans le cas où une réintégration serait impossible, de lui assurer une indemnisation complète. Le comité demande également au gouvernement de le tenir informé des recours encore en instance concernant les trois autres dirigeants syndicaux licenciés.
  14. 480. S’agissant de l’alinéa e) des recommandations du comité concernant les allégations relatives aux procédures pénales qui auraient été engagées à l’encontre de sept dirigeants syndicaux de l’USO (dont le nom est mentionné dans la plainte) du fait qu’ils ont participé à la grève, le comité rappelle qu’il a demandé au gouvernement de lui communiquer des informations sur les faits précis et les accusations portées à leur encontre, sur l’état de la procédure les concernant et d’indiquer s’ils sont détenus. Parallèlement, le comité a demandé au gouvernement de l’informer sur l’état de la procédure engagée contre MM. Hermes Suárez et Edwin Palma (arrêtés, selon les plaignants, les 3 et 11 juin 2004, pour complot en vue de délit et terrorisme). A cet égard, le comité prend note du fait que le gouvernement a indiqué qu’aucune procédure pénale n’a été engagée à l’encontre de sept dirigeants syndicaux du fait de leur participation à la grève. S’agissant de MM. Suárez (dont le prénom exact est Jamer et non Hermes) et Palma, accusés selon l’organisation plaignante de complot en vue de délit et terrorisme, le comité note que le gouvernement indique que ces personnes sont incarcérées dans la ville de Barrancabermeja et qu’il a été demandé au Procureur général de transmettre des informations les concernant. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer des informations sur les accusations portées à l’encontre de MM. Suárez et Palma et sur l’état de la procédure engagée contre eux.
  15. 481. S’agissant des nouvelles allégations présentées par le Syndicat national des travailleurs des entreprises opératrices, contractantes et sous-traitantes de services et d’activités de l’industrie pétrolière et pétrochimique et autres entreprises apparentées (SINDISPETROL) au sujet du licenciement des membres fondateurs du syndicat cinq jours après la constitution de celui-ci et deux jours après le début de la procédure d’inscription de l’organisation au registre syndical et la notification de sa constitution à l’entreprise ECOPETROL SA et à ses entreprises contractantes, et des pressions exercées sur d’autres membres du comité directeur qui les ont contraints à renoncer à leurs mandats syndicaux, le comité observe que le gouvernement n’a pas transmis d’observations à cet égard et lui demande de le faire sans délai.
  16. 482. S’agissant des allégations présentées par l’USO et SINDISPETROL concernant le refus de l’entreprise ECOPETROL SA de négocier collectivement, le comité observe que le gouvernement n’a pas transmis d’observations à cet égard et lui demande de le faire sans délai.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 483. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité compte que ses recommandations intérimaires formulées dans son 337e rapport et approuvées par le Conseil d’administration à sa 293e session (juin 2005) seront appliquées.
    • b) Le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour apporter les modifications nécessaires à la législation (en particulier à l’article 430, point h), du Code du travail), de manière qu’il soit possible de faire grève dans le secteur pétrolier, un service minimal négocié assurant le fonctionnement pouvant être prévu avec la participation des syndicats, des employeurs et des autorités publiques concernées. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure adoptée à cet égard.
    • c) Le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 451 du Code du travail afin que la décision de déclarer une grève et une cessation d’activités illégales soit prise par un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance. A cet égard, le comité suggère au gouvernement d’envisager la possibilité que cette même autorité administrative saisisse un organe indépendant, tel que l’autorité judiciaire, chaque fois qu’elle estime qu’une grève est illégale. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient annulés le licenciement des 104 travailleurs, prononcé du fait qu’ils ont participé à la grève le 22 avril 2004, qui ont été réintégrés dans leurs postes de travail au sein de l’entreprise ECOPETROL SA, conformément à la sentence du tribunal arbitral volontaire, et les 11 licenciements déjà prononcés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • e) S’agissant des procédures judiciaires en cours à l’encontre des 11 autres dirigeants syndicaux (d’après le gouvernement, il n’y en avait que sept) et des informations transmises par le gouvernement à cet égard, à savoir que trois procédures sont en instance et que, dans un cas (celui de M. Nelson Enrique Quijano), le licenciement a été confirmé en raison de la participation du travailleur à la cessation illégale d’activités, le comité demande au gouvernement de le tenir informé des recours encore en instance relatifs aux trois dirigeants syndicaux licenciés. Dans le cas de M. Quijano, compte tenu du fait que le licenciement a été effectué sur la base d’une législation qui pose des problèmes de conformité avec les principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de la réintégration dudit travailleur.
    • f) S’agissant de MM. Suárez et Palma, détenus selon les plaignants pour complot en vue de délit et terrorisme depuis les 3 et 11 juin 2004, le comité demande au gouvernement de lui transmettre des informations sur les accusations portées à leur encontre et sur l’état de la procédure engagée contre eux.
    • g) S’agissant des nouvelles allégations présentées par SINDISPETROL concernant le licenciement des membres fondateurs du syndicat cinq jours après la constitution de celui-ci et les pressions exercées sur d’autres membres du comité directeur qui les ont contraints à renoncer à leurs mandats syndicaux, le comité demande au gouvernement de lui transmettre ses observations à cet égard.
    • h) S’agissant des allégations présentées par l’USO et SINDISPETROL concernant le refus de l’entreprise ECOPETROL SA de négocier collectivement, le comité demande au gouvernement de lui transmettre ses observations à cet égard sans délai.
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